Ch. civile A
ARRET No
du 28 OCTOBRE 2015
R. G : 14/ 00427 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 05 Novembre 2013, enregistrée sous le no 11/ 02134
X... Y...
C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTS :
M. Luiggi X... né le 25 Mai 1939 à Teggiano (Italie) ...47828 RIMINI (ITALIE)
assisté de Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
Mme Filomena Y...épouse X...née le 15 Janvier 1949 à Teggiano (Italie) (47828) ...RIMINI (ITALIE)
ayant pour avocat Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
INTIME :
M. Ricardo José Z...né le 23 Novembre 1969 à Clermont Ferrand (Puy de Dome) (63100) ...20260 LUMIO
ayant pour avocat Me Marie rose CITOLLEUX, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 septembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2015
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Ricardo José Z...est propriétaire d'un immeuble cadastré section numéro 490 sis à Lumio (Haute Corse) dans le lotissement dénommé « ...». Reprochant à M. Luigi X... et à son épouse Mme Filomena Y..., propriétaires de la parcelle portant le numéro 493 sise dans le même lotissement, d'avoir édifié une clôture en violation des règles du lotissement, il les a assignés devant le tribunal de grande instance de Bastia en vue d'obtenir la démolition du mur.
Par jugement du 5 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Bastia a :
- déclaré recevable la demande de M. Ricardo José Z...,
- ordonné la démolition du mur de clôture édifié par M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y..., dans les deux mois de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- débouté M. Ricardo José Z...de sa demande en dommages et intérêts,
- condamné M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...à payer à M. Ricardo José Z...la somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. Luigi X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...aux dépens y compris le coût du procès-verbal établi le 10 mars 2011.
Le tribunal s'est fondé sur l'article 18 du règlement qui permet à tout propriétaire de demander la démolition des ouvrages contraires aux dispositions de ce règlement pour déclarer M. Ricardo José Z...recevable en son action.
Il a considéré que le mur avait été construit par les époux X... en violation des règles du lotissement qui sont opposables à tout coloti et sans autorisation administrative pouvant y déroger.
M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...ont relevé appel du jugement du 5 novembre 2013 par déclaration déposée au greffe le 15 mai 2014.
En leurs dernières conclusions déposées par la voie électronique le 25 novembre 2014 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...demandent à la cour de :
- déclarer irrecevable la prétention nouvelle développée au C) des conclusions de l'intimé et le débouter de sa demande d'allocation de 5 000 euros en réparation du préjudice allégué,
- réformer en tous points le jugement,
- condamner M. Ricardo José Z...à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. Ricardo José Z...aux entiers dépens.
Ils font valoir que l'intimé a développé une demande nouvelle en cause d'appel qui est irrecevable.
Ils font observer que leur acte d'acquisition ne fait nulle référence de respecter le règlement du lotissement et ils précisent que certains articles y sont mentionnés mais pas l'article 15 prévoyant la réalisation des clôtures.
Ils ajoutent que l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme prévoit que la reproduction du règlement dans le contrat ne suffit pas à lui en faire épouser la volonté délibérée et en déduisent que les colotis ont toujours la possibilité de décider de contractualiser la règle d'urbanisme mais ce qui n'a pas été fait en l'espèce.
Quant au défaut d'autorisation administrative préalable, ils critiquent le jugement se fondant sur la responsabilité quasi délictuelle pour un mur ne dépassant pas 1, 40 mètre alors que l'article R421- 2f du code de l'urbanisme ne prescrit d'autorisation préalable que pour les murs de plus de 2 mètres.
En ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 28 juillet 2014 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Ricardo José Z...demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
ordonné la démolition du mur de clôture édifié par M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y..., dans les deux mois de la signification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
condamné M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...à lui payer la somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté M. Luigi X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement,
condamné M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...aux dépens y compris le coût du procès-verbal établi le 10 mars 2011,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts,
- condamner M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...à lui payer la somme de 9 882, 50 euros au titre des préjudices subis,
- condamner M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...à lui payer la somme de 4 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile comprenant le procès-verbal de constat du 7 juillet 2014.
Il expose que l'ouvrage a été édifié par les époux X...illégalement et qu'il obstrue la visibilité de la voie de circulation dans le lotissement en empêchant de surcroît le passage de véhicules longs. Il explique avoir vainement mis en demeure les époux X...de démolir l'ouvrage.
Il affirme que les époux X...sont liés contractuellement par le cahier des charges et le règlement compte tenu des différentes mentions figurant dans leur acte d'acquisition et de leur possession de ces documents. Il ajoute que les appelants ont convenu dans leur acte de vente qu'ils se soumettaient auxdits documents et que leur adhésion au règlement est la conséquence de leur adhésion au cahier des charges qui y renvoie en ses articles 1, 2 et 8. Il en déduit que les époux X...ont violé ces dispositions qui leur sont opposables en application de l'article 1134 du code civil. Il précise que la prétendue disparition de la valeur réglementaire du lotissement est inopérante, la commune de Lumio étant dépourvue d'un PLU.
Il conteste avoir saisi la cour d'un élément nouveau en produisant un constat d'huissier afin d'attester que les époux X...se sont abstenus de démolir le mur mais aussi qu'ils violent une nouvelle fois le règlement du lotissement en parquant des animaux dans l'enceinte qu'ils ont dressée avec le mur objet du litige. A ce titre, il demande l'indemnisation pour le préjudice qu'il subit notamment pour les nuisances olfactives.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2015 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 7 septembre 2015.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'article L 111-5 du code de l'urbanisme prévoit une présomption d'absence de contractualisation lorsque le cahier des charges se borne à reproduire le règlement du lotissement mais cette simple présomption peut être combattue par les éléments d'espèce.
Il ressort des pièces produites que le règlement du lotissement a été déposé au rang des minutes de Me A..., notaire à l'Ile Rouse le 30 octobre 1986 et que les dispositions visées à la demande concernent des règles d'urbanisme, les articles 15 et 16 prévoyant une dérogation aux préconisations relatives aux clôtures limitant les lots.
Ce règlement est opposable aux époux X...qui ont accepté de s'y soumettre ainsi qu'il ressort de leur acte d'acquisition aux termes duquel ils déclarent être en possession des pièces du lotissement (cahier des charges, règlement, arrêtés et plan) et ils conviennent que la vente a lieu sous certaines conditions, à savoir (...) de respecter les stipulations de l'arrêté de lotir, cahier des charges, règlement du lotissement (...).
Il en résulte que contrairement à ce qu'ils prétendent, les époux X...sont obligés de respecter le règlement du lotissement.
M. Ricardo José Z...justifie que les appelants n'ont pas respecté les articles 15 et 16 dudit règlement en produisant le procès-verbal dressé le 10 mars 2011 par Me Muriel B..., huissier de justice lequel a constaté la construction d'un mur clôturant leur lot. Les époux X...ne produisent de leur côté aucune dérogation à leur obligation de clôturer leur lot par des haies arbustives.
C'est donc à juste titre que le premier juge a ordonné la démolition sous astreinte de l'ouvrage litigieux.
Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.
Devant la cour, M. Ricardo José Z...ne démontre pas plus que devant le tribunal l'existence d'un préjudice lié à l'empêchement de pouvoir accéder à sa propriété avec son véhicule remorquant son bateau. En effet, le procès-verbal de constat dressé le 7 juillet 2014 donne les dimensions du sentier d'accès à la propriété de l'intimé mais ne permet pas de s'assurer de l'impossibilité invoquée pour manoeuvrer afin d'entreposer son bateau. C'est donc à juste titre que le premier juge l'a débouté de ce chef.
Le jugement querellé sera également confirmé sur ce point.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
M. Ricardo José Z...soutient que des animaux notamment des sangliers ont été introduits par les époux X...dans leur terrain.
Cependant, Me Patricia C... dans son procès-verbal en date du 7 juillet 2014 n'a pas constaté elle-même la présence d'animaux. En effet, elle indique (en page 8 de son rapport), " qu'à l'intérieur du terrain clos, il existe deux gros bacs remplis d'eau (...) ; qu'aux endroits les moins envahis de végétation, la terre a été grattée et qu'il existe des bourres de poils accrochés aux ronces ; qu'il règne une forte odeur de bêtes ". Elle joint à son procès-verbal des photographies prises par M. Z...lors de la mise en parc des bêtes.
Les photographies produites par M. Z...sont insuffisantes à étayer ses affirmations en ce que rien ne permet ni de les dater ni de les situer dans l'espace. Ces pièces ne sont donc pas constitutives d'un fait nouveau lui permettant de soumettre à la cour de nouvelles prétentions. Il sera déclaré irrecevable en sa demande.
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. Ricardo José Z...les frais non compris dans les dépens. M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...seront condamnés à payer la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à leur charge une indemnité sur le même fondement. Le jugement querellé sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. Luigi X... de sa demande sur ce fondement.
Succombant, M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...seront tenus aux dépens d'appel lesquels incluront le coût du procès-verbal du 7 juillet 2014 nécessaire pour démontrer l'absence d'exécution de la décision pourtant assortie de l'exécution provisoire. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de M. Luigi X... et de son épouse Mme Filomena Y...les dépens d'instance incluant le coût du procès-verbal du 10 mars 2011.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia le 5 novembre 2013 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare M. Ricardo José Z...irrecevable en sa demande en dommages et intérêts présentée devant la cour,
Condamne M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...à payer à M. Ricardo José Z...la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Luigi X... et son épouse Mme Filomena Y...aux dépens d'appel lesquels comprendront le coût du procès-verbal du constat du 7 juillet 2014.
LE GREFFIER LE PRESIDENT