Ch. civile A
ARRET No
du 28 OCTOBRE 2015
R. G : 14/ 00755 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, décision attaquée en date du 15 Septembre 2008, enregistrée sous le no
SERVICE DU DOMAINE
C/
X...Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ACHITECTES FRANCAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANT :
SERVICE DU DOMAINE représenté par le directeur régional de la direction nationale des interventions domaniales ès-qualités de curateur de M. A... 3 Avenue du Chemin de Presles 94417 Saint Maurice Cedex
Assigné en intervention
INTIMES :
M. Jean Pierre X......20166 Porticcio
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, et Me Marie Laétizia CLADA de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO,
Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ACHITECTES FRANCAIS représentée par son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège 9 Rue Hamelin 75783 Paris
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, et Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 septembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de
président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2015
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
M. Jean A..., promoteur immobilier, a conçu un projet immobilier dénommé domaine de l'Ondella à Serra Di Ferro et confié à M. Jean Pierre X..., architecte une mission de maîtrise d'oeuvre.
Par ordonnance de référé du 15 mars 2005, sur assignation du 10 septembre 2004, à l'initiative de M. Jean Pierre X..., M. Y...a été désigné comme expert.
Par jugement du 15 septembre 2008, le tribunal de grande instance d'Ajaccio, statuant sur l'assignation délivrée le 29 septembre 2006 par M. Jean A..., en présence de la Mutuelle des Architectes Français, appelée en intervention forcée par acte du 22 novembre 2006, par M. Jean-Pierre X..., a :
- condamné solidairement M. Jean-Pierre X...et la Mutuelle des Architectes Français à payer à M. Jean A... la somme de 46 177, 20 euros,
- condamné M. Jean A... à payer à M. Jean-Pierre X...la somme de 88 157, 87 euros en règlement de ses honoraires,
- dit que cette somme sera indexée en fonction de l'indice de la construction en vigueur au mois de mai 2006 à compter du 22 mai 2006,
- dit n'y avoir lieu à compensation entre ces sommes,
- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations prononcées,
- rejeté toute autre demande,
- laissé les dépens y compris les frais d'expertise par moitié à M. Jean A... et par moitié à M. Jean Pierre X...et la Mutuelle des Architectes Français.
M. Jean A... a interjeté appel le 23 septembre 2008.
Le 18 novembre 2008, la radiation de l'affaire a été ordonnée suite au décès de M. A....
Sur assignation en reprise d'instance du 21 janvier 2011, Mme Claire Z...a indiqué avoir renoncé avec ses trois enfants à la succession de M. A....
Par arrêt avant dire droit, du 12 octobre 2011, la cour a ordonné le renvoi à la mise en état pour permettre à M. Jean Pierre X...de tirer toutes conséquences de cette renonciation.
La radiation a été ordonnée, à défaut de régularisation de la procédure, le 11 janvier 2012. La succession a été déclarée vacante par ordonnance du 22 mai 2013 et le service des domaines, en la personne du directeur régional de la Direction nationale des interventions domaniales a été désigné pour administrer la succession.
Par dernières conclusions communiquées le 24 avril 2014, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. Jean Pierre X...sollicite de :
- déclarer l'appel recevable mais non fondé,
- débouter le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner, au visa des articles 1134 et 1146 du code civil, le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... à lui payer la somme de 88 157, 87 euros en règlement des honoraires d'architecte,
- confirmer sur ce point le jugement,
- dire que cette somme sera indexée sur l'indice de la construction en vigueur au mois de septembre 2004 à compter du 10 septembre 2004, date de l'assignation référé,
- constater sur ce point son appel incident,
subsidiairement et confirmant le jugement entrepris, de
-dire que cette indexation s'effectuera à compter de la date du rapport d'expertise soit le 22 mai 2006 avec l'indice en vigueur à cette date,
- condamner le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... à lui payer la somme complémentaire de 30 000 euros de dommages et intérêts au titre d'une résistance particulièrement abusive et du retard dans l'accomplissement des obligations contractuelles,
- constater sur ce point son appel incident,
très subsidiairement, à supposer que des condamnations puissent être mises à sa charge, confirmant en ce sens le jugement entrepris, de
-dire n'y avoir lieu à procéder à une compensation avec celles prononcées à l'encontre de M. Jean A...,
- constater qu'il bénéficie de la garantie de la Mutuelle des Architectes Français et de la condamner in solidum avec lui, au paiement des éventuelles sommes portées à son encontre en condamnation,
- condamner le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... à lui payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance,
- constater sur ce point son appel incident,
- condamner le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... à lui payer la somme de 5 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d'appel,
- condamner le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... au paiement des dépens, y compris ceux de l'instance de référé et les frais d'expertise judiciaire,
- constater sur ce point son appel incident,
- condamner le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... au paiement des dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Jobin.
Par dernières conclusions communiquées le 14 avril 2014, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la Mutuelle des Architectes Français demande statuant sur la demande de garantie formée par M. Jean-Pierre X...et sur la demande principale de M. A..., de
-constater que le plafond de garantie est fixé à la somme de 118 415, 45 euros et que la franchise est opposable au demandeur,
concernant le surcoût des travaux,
à titre principal,
- de déclarer M. Jean A... mal fondé en ses réclamations,
- de le débouter de sa demande de paiement de la somme de 150 180, 10 euros,
subsidiairement,
- de fixer le montant du préjudice à la somme de 22 907, 20 euros proposée par l'expert,
concernant les pertes financières,
à titre principal,
- de débouter M. A... de sa demande en paiement de la somme de 186 064 euros,
subsidiairement,
- de fixer le montant de ce préjudice à la somme de 23 270 euros proposée par l'expert,
concernant le préjudice lié à l'abandon de la mission par la faute de l'architecte, constatant qu'aucune faute imputable à l'architecte dans la rupture du contrat de maîtrise d'oeuvre n'est justifiée ni démontrée par M. A..., que l'expert a clairement relevé que le préjudice qui pourrait résulter de la rupture du contrat de mission de l'architecte fait double emploi avec la demande au titre du préjudice,
- de débouter M. A... de cette demande,
c'est-à-dire,
à titre principal,
- de débouter M. A... ou le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant des préjudices subis par M. A... à la somme de 46 177, 20 euros,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec M. X...à payer le montant des préjudices subis par M. A..., étant précisé qu'elle ne conteste pas sa garantie mais peut seulement être condamnée à garantir son assuré, M. X..., des condamnations prononcées à son égard,
- de dire que la franchise est opposable aux tiers, conformément aux conditions générales,
- statuer sur les dépens.
Par dernières conclusions communiquées le 9 mai 2014, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... indique qu'il s'en remet sur la fixation des sommes dues entre elles par les parties au titre du contrat de maîtrise d'oeuvre litigieux, et de
-rejeter la demande incidente de dommages et intérêts formée contre la succession,
- rejeter toute demande au titre des frais et dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... ne peut être tenu du passif de la succession qu'à hauteur de l'actif recueilli.
L'affaire a été renvoyée pour plaidoiries à l'audience du 17 septembre 2015, où elle a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la procédure
La cour saisie par l'appel général interjeté par M. A...
Beauregard, n'est saisie d'aucun moyen d'appel de sa part, puisque le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... ne développe aucun moyen d'appel et ne conclut qu'en défense sur les demandes adverses.
Sur l'appel principal
Suite au décès de M. A..., qui a pris des conclusions d'appel, le Service des Domaines désigné comme curateur de la succession vacante, s'en rapporte sur la fixation des sommes dues. Le montant des condamnations mis à la charge du maître de l'ouvrage résulte de l'analyse non contestée du rapport d'expertise.
Le jugement doit être confirmé s'agissant de la condamnation prononcée contre M. A... et donc contre le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... à payer à M. Jean Pierre X...la somme de 88 157, 87 euros au titre du solde dû sur les honoraires. L'indexation ne peut être due à compter de l'ordonnance de référé désignant l'expert, qui ne peut valoir mise en demeure de payer. Le jugement sera confirmée en ce qu'il a dit qu'elle était due en fonction de l'indice de la construction en vigueur au mois de mai 2006 à compter du 22 mai 2006. M. Jean Pierre X...sera débouté de ses prétentions contraires.
Sur l'appel incident
M. Jean Pierre X...ne conteste pas les sommes mises à sa charge par le premier juge, qui résultent de l'analyse des conclusions de l'expert, il s'oppose seulement à la compensation et requiert la garantie de la Mutuelle des Architectes Français. La Mutuelle des Architectes Français quant à elle demande la confirmation du jugement.
Par suite du décès de M. A... et au vu des conclusions du Service des Domaines venant à ses droits, il n'existe plus aucune contestation sur le surcoût des travaux tel qu'il a été fixé à 22 907, 20 euros par le premier juge, se fondant sur les demandes des parties et les conclusions non contestables de l'expertise. De même, il n'existe plus aucune contestation au titre du préjudice financier résultant des omissions ou impossibilités de réalisations, fixé par le premier juge sur la base des conclusions non contestées de l'expert à 23 270 euros, l'assureur ne pouvant contester une faute ayant causé un préjudice que son assuré ne conteste pas. S'agissant de la demande au titre du préjudice financier résultant de la rupture du contrat d'architecte, elle n'est plus soutenue, à défaut d'avoir été reprise par le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A.... Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fixé à 46 177, 20 euros le préjudice subi par M. A....
M. X...soutient sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive contre le Service des Domaines alors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Le rejet de la demande en ce qu'elle est articulée contre le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... doit être confirmé. En effet, le premier juge en a débouté M. X...par des motifs pertinents que la cour adopte.
Sur les demandes de la Mutuelle des Architectes Français
L'assureur ne conteste pas devoir sa garantie, il conteste seulement la condamnation solidaire. Effectivement, en statuant ainsi, le premier juge n'a ni statué sur l'appel en garantie formé par M. X...à l'égard de son assureur, ni statué sur la contribution à la dette des co-obligés. La solidarité ne se présume pas et l'assureur ne conteste pas ici devoir sa garantie, cependant celle-ci n'est due que dans les termes contractuels, de sorte que la Mutuelle des Architectes Français sera condamnée à garantir M. X...des condamnations prononcées à son encontre, qui constituent des dommages immatériels non consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis.
Par application des articles L241-1 et A 243-1 du code des assurances, l'inopposabilité de la franchise contractuelle ne joue que pour l'assurance décennale qu'encourt le constructeur et non pour les assurances facultatives, telles que celle mise en oeuvre.
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
Sur les autres demandes
Les condamnations contre le Service des Domaines sont prononcées en sa qualité de curateur à la succession vacante de M. Jean A..., en vertu des articles 802 et 814 du Code civil, le curateur n'est tenu au paiement que jusqu'à concurrence de la valeur des biens qu'il a recueillis.
Sans contestation de ce chef, la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de compensation.
L'équilibre et l'économie de la décision étant parfaitement conservés et justifiés, il y a lieu de confirmer la décision sur des dépens de première instance ainsi que le rejet des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'économie de la décision justifie de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens, de dire en conséquence n'y avoir lieu à distraction et à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, publiquement par mise à disposition au greffe, par dispositions confirmatives, infirmatives et nouvelles,
Condamne M. Jean-Pierre X...à payer au Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... la somme de QUARANTE SIX MILLE CENT SOIXANTE DIX SEPT EUROS VINGT CENTIMES (46 177, 20 euros),
Dit que la Mutuelle des Architectes Français devra garantir M. Jean Pierre X...des condamnations prononcées à son encontre et que le montant de la franchise est opposable aux tiers,
Condamne le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A... à payer à M. Jean-Pierre X...la somme de QUATRE VINGT HUIT MILLE CENT CINQUANTE SEPT EUROS ET QUATRE VINGT SEPT CENTIMES (88 157, 87 euros) en règlement de ses honoraires, avec indexation sur l'indice de la construction en vigueur au mois de mai 2006 à compter du 22 mai 2006,
Rejette toutes autres demandes, y compris celles de compensation, de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fait masse des frais et dépens, y compris les frais d'expertise et les répartit par moitié entre les parties, le Service des Domaines venant aux droits de M. Jean A..., d'une part et M. Jean-Pierre X...et la Mutuelle des Architectes Français, d'autre part.
LE GREFFIER LE PRESIDENT