Ch. civile A
ARRET No
du 13 AVRIL 2016
R. G : 14/ 00365 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge aux affaires familiales de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Mars 2014, enregistrée sous le no
X...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
Mme Rabia X... née le 10 Janvier 1964 à CASABLANCA (MAROC) ......20290 BORGO
ayant pour avocat Me Caroline GOEURY-GIAMARCHI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 1128 du 17/ 04/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIME :
M. Marzouk X... né le 10 Janvier 1955 à GUEZNANIA (MAROC) ......20290 BORGO
ayant pour avocat Me Jean Pierre SEFFAR, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 1682 du 19/ 06/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 08 février 2016, devant la Cour composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Melle Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 avril 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Marzouk X...et Mme Rabia Y..., tous deux de nationalité marocaine, se sont mariés le 22 août 1991 à Casablanca au Maroc, sans contrat de mariage préalable.
Quatre enfants sont issus de leur union :
- Oussama né le 14 juillet 1992 à Casablanca-Imad né le 31 juillet 1994 à Bastia-Nada née le 24 août 1999 à Bastia-Lina née le 25 décembre 2000 à Bastia
Le 8 juin 2010, Mme Rabia Y... épouse X... a déposé une requête en divorce auprès du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia.
Par ordonnance de non-conciliation du 8 juillet 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia a :
- constaté l'acceptation par les époux du principe de la rupture du mariage sur le fondement de l'article 233 trois du code civil aux termes d'un procès-verbal signé à l'audience,
- constaté la résidence séparée des époux,
- attribué à Mme Rabia Y... la jouissance provisoire du domicile familial et des meubles meublants étant précisé qu'il s'agissait d'un bien loué,
- rejeté la demande de pension alimentaire sollicitée par l'épouse,
- attribué à Mme Rabia Y... la jouissance du véhicule Chrysler bien commun du couple, M. Marzouk X...devant payer l'assurance,
- constaté que l'autorité parentale sur les enfants était exercée en commun par les deux parents, les enfants résidant habituellement chez la mère,
- réglementé de façon usuelle droit de visite et d'hébergement du père,
- fixé à 400 euros par mois la part contributive du père à l'entretien et à l'éducation des enfants (100 euros par mois et par enfant).
Appel a été interjeté par Mme Rabia Y... épouse X... de l'ordonnance de non-conciliation du 8 juillet 2010.
Par arrêt du 25 janvier 2012, la cour d'appel de Bastia a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance de non-conciliation du 8 juillet 2010.
Par acte d'huissier du 14 mars 2012, Mme Rabia Y... épouse X... a assigné son époux en divorce afin de voir prononcer le divorce sur le fondement des dispositions des articles 242 et suivants du code civil, le voir condamner à lui payer une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 80 000 euros, une contribution à l'éducation l'entretien des enfants de 800 euros soit 200 euros par enfant, voir désigner un notaire pour organiser la vente de l'immeuble commun au Maroc et pour déterminer le patrimoine des époux et les sommes indûment prélevées sur la communauté par M. X....
A titre reconventionnel, M. Marzouk X..., après avoir fait valoir l'article 9 de la convention franco marocaine du 10 août 1980 et l'application de la loi marocaine, a demandé que le divorce soit prononcé sans considération des faits à l'origine de la rupture, que la résidence des enfants soit fixée chez leur mère avec un droit de visite et d'hébergement habituel, que la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants soit fixée à 70 euros par enfant soit 280 euros par mois, que la demande relative au don de consolation soit rejetée et que les parties soient renvoyées devant un notaire marocain pour un éventuel partage.
Par jugement du 21 mars 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia a :
- prononcé le divorce des époux X...-Y...,
- ordonné la liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- dit que l'autorité parentale sur les enfants mineurs était exercée conjointement par les père et mère, fixé la résidence habituelle des enfants chez leur mère, ordonné l'inscription sur le passeport des parents de l'interdiction de sortie des enfants mineurs du territoire français sans l'autorisation des deux parents, accordé à M. Marzouk X...un droit de
visite et d'hébergement selon les modalités habituelles, fixé la contribution due par M. Marzouk X...à Mme Rabia Y... pour l'entretien l'éducation des enfants à la somme de 400 euros soit 100 euros par mois et par enfant, débouté les parties du surplus de leurs demandes et partagés les dépens par moitié entre les parties.
Mme Rabia Y... épouse X... a interjeté appel par déclaration reçue le 25 avril 2014.
Par ordonnance du 12 mai 2015, le conseiller de la mise en état a :
- ordonné la communication par M. Marzouk X...de ses bulletins de salaire 2013 et 2014, de ses déclarations de revenus des années 2010 à 2013 sous astreinte provisoire de 15 euros par jour de retard dans les huit jours suivant la notification de la décision,
- débouté Mme Rabia Y... du surplus de ses demandes.
Selon ses dernières écritures reçues par voie électronique le 03 octobre 2014 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens, Mme Rabia Y... demande à la cour de :
- enjoindre à l'intimé de verser aux débats la copie de son passeport, des bulletins de salaire des années 2013 et 2014, des déclarations de revenus des années 2010 à 2013 et des justificatifs récents de ses charges,
- condamner l'intimé à payer à la concluante la somme de 200 euros par mois et par enfant soit la somme globale de 800 euros au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants,
- condamner l'intimé à payer à la concluante la somme de 80 000 euros réglable en huit annuités au titre de la prestation compensatoire,
- concernant le partage des biens des époux, désigner un notaire pour procéder à la liquidation des droits respectifs des parties avec mission notamment de :
. reconstituer le patrimoine de la communauté,. établir une vérification des comptes bancaires de M. X... au cours des quatre dernières années,. déterminer le montant des sommes indûment prélevées sur le compte bancaire commun par M. X... au détriment de la communauté,
- condamner M. X... aux entiers dépens,
- confirmer le jugement pour le surplus.
Sur la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants, Mme Rabia Y... fait valoir que la base de calcul pris en compte par le
premier juge est inexacte, celui-ci s'étant référé à un montant net à payer figurant sur les bulletins de salaire de M. X... alors que le salaire moyen de ce dernier est de 2 100 euros par mois. Elle ajoute que M. X... assume ses seuls frais personnels et qu'il ne participe pas à la prise en charge des enfants ni même exerce son droit de visite et d'hébergement. Sur sa situation, Mme Rabia Y... indique qu'elle ne perçoit que des allocations provenant de l'État pour 931, 36 euros alors qu'elle assure seule l'entretien de ses enfants pour 900 euros environ par mois.
Concernant la prestation compensatoire, elle rappelle qu'elle a signé sans comprendre la portée un procès verbal d'acceptation de la Mout'a selon le droit marocain soit " un don de consolation " et qu'elle ne peut plus faire état de violences dont elle a été victime en avril 2010. Elle souligne la disparité importante existante entre les époux sachant que, si elle vit dans la précarité, M. X..., outre un revenu disponible confortable, dispose de la jouissance privative d'un bien commun situé au Maroc dont le financement a été assuré par un prélèvement automatique sur un compte joint.
Selon ses dernières écritures reçues le 22 août 2014 par voie électronique auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens, M. Marzouk X...demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf quant à la contribution du père à l'entretien l'éducation des enfants et de fixer celle-ci à la somme de 70 euros par enfant soit au total 280 euros par mois.
A l'appui et après avoir rappelé l'application de la loi marocaine, il conteste les violences dont Mme Y... fait état et indique qu'elle a accepté le principe d'une rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci et qu'elle ne peut revenir sur son acceptation. Sur le don de consolation prévu à l'article 84 de la loi marocaine, il rappelle qu'en en qualité de mécanicien ses revenus s'élèvent à 15 000 euros (année 2011) et qu'outre ses charges courantes, il subvient aux dépenses de santé et d'éducation de ses deux enfants. Concernant les comptes bancaires, il précise que les soldes seront partagés au moment de la liquidation du fait du caractère indivis des comptes joints et fait état d'un virement permanent de 400 euros au bénéfice de Mme Y... sur un compte personnel de celle-ci vers le 12 juillet 2010. Il ajoute, sur les plans épargne-logement, que les sommes ont été utilisées par le couple notamment pour payer le crédit souscrit par les époux pour l'achat d'une boutique et d'un appartement au Maroc ainsi que de vêtements et d'une bague. Sur son patrimoine, il fait état de l'appartement acquis au Maroc au moyen d'un crédit qu'il a payé personnellement sachant qu'une procédure est en cours au Maroc et d'une boutique acquise au nom de Mme Y... après la vente par lui d'un terrain lui appartenant. Il estime que les revenus de chacune des parties sont sensiblement égaux.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2015 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée le 8 février 2016.
SUR CE
Tout d'abord, sur la demande de Mme Rabia Y... visant à verser aux débats la copie de différents documents, il y a lieu de relever que, par ordonnance du 12 mai 2015, le conseiller de la mise en état a statué en ordonnant la communication par M. Marzouk X...de certaines des pièces réclamées.
Cette ordonnance n'a pas fait l'objet d'un déféré.
En conséquence, il n'y a pas lieu de statuer à nouveau.
Sur la part contributive due pour l'entretien et l'éducation des enfants
Aux termes de l'article 189 du code de la famille marocain, « pour l'évaluation des charges inhérentes aux besoins précités il est tenu compte, par référence à une moyenne des revenus de la personne astreinte à la pension alimentaire et de la situation de celle qui y a droit, du coût de la vie et des us et coutumes dans le milieu social de la personne ayant droit à la pension alimentaire ».
Mme Rabia Y... demande à voir fixer la part contributive due par M. Marzouk X...à la somme de 200 euros par enfant soit 800 euros par mois au total alors que ce dernier sollicite la réduction de ladite contribution à la somme de 70 euros par mois soit au total 280 euros par mois. En l'espèce, au vu des pièces versées, il y a lieu de prendre en compte les éléments suivants :
. Situation de M. Marzouk X...
Il est ouvrier mécanicien et perçoit à ce titre environ 1 300 euros par mois (avis d'impôt 2014) et doit faire face à des charges courantes et un loyer de 452, 48 euros.
. Situation de Mme Rabia Y...
Elle est sans profession et perçoit des allocations familiales s'élevant au total à 600 euros. Elle doit faire face à des charges pour un montant à 900 euros environ.
Dès lors, il y a lieu de fixer le montant de la contribution à l'éducation l'entretien des quatre enfants à la somme de 100 euros par enfant par mois soit au total 400 euros par mois et en conséquence de confirmer le jugement du 21 mars 2014.
Sur le don de consolation
Selon l'article 83 du code de la famille marocain, le don de consolation est évalué notamment en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de l'époux, des motifs du divorce.
En l'espèce, les époux ont accepté le principe d'une rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci, selon procès-verbal du 29 juin 2010 et dès lors Mme Rabia Y... ne saurait exposer qu'elle a subi des violences et qu'elle a signé un procès-verbal d'acceptation sans en comprendre la portée.
Pour autant, le mariage a duré 23 ans et quatre enfants sont issus de cette union. M. Marzouk X...est âgé de 59ans et exerce une activité professionnelle alors que l'épouse est âgée de 50 ans, est sans profession et reçoit des allocations de l'État. Un patrimoine commun, situé au Maroc a été constitué. Dès lors, le don de consolation est justifié au vu des situations ainsi décrites et il convient de réformer le jugement déféré et de condamner en conséquence M. Marzouk X...à payer à Mme Rabia Y... la somme de 10 000 euros à ce titre selon les modalités définies au dispositif du présent arrêt.
Sur la désignation d'un notaire
Mme Rabia Y... sollicite à nouveau la désignation d'un notaire pour procéder à la liquidation des droits respectifs des parties. Toutefois, comme l'a relevé à juste titre le premier juge, en l'état et en l'absence de motivation particulière, il n'apparaît pas nécessaire de faire droit à la demande sachant qu'il appartiendra aux parties au moment de la liquidation de s'adresser à un notaire ou à défaut de réclamer un partage judiciaire. Il convient en conséquence de confirmer le jugement critiqué sur ce point.
Sur les autres dispositions
Elles ne sont pas contestées. Il convient de confirmer pour le surplus le jugement du 21 mars 2014 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia. Au vu de la nature de l'affaire, les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le versement aux débats de la copie du passeport, des bulletins de salaire, des déclarations de revenus et des justificatifs de charges de M. Marzouk X...,
Confirme le jugement du 21 mars 2014 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme Rabbia Y... de sa demande au titre de la prestation compensatoire,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Condamne M. Marzouk X...à payer à Mme Rabia Y... la somme de dix mille euros (10 000 euros) au titre du don de consolation, payable en huit anuitées de mille deux cent cinquante euros (1 250 euros) chacune le 5 janvier de chaque année et pour la première fois le 5 janvier 2017,
Dit que les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties.
LE GREFFIERLE PRESIDENT