Ch. civile A
ARRET No
du 11 MAI 2016
R. G : 14/ 00828 JD-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de première instance de BASTIA, décision attaquée en date du 18 Septembre 2014, enregistrée sous le no 12/ 01669
X... Y...
C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE MAI DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
M. Augustin, Jean-Claude X... né le 18 Juillet 1953 à Bastia (20200) ......20620 BIGUGLIA
assisté de Me Anne Christine LECCIA, avocat au barreau de BASTIA
Mme Sivorn Y... épouse X... née le 29 Novembre 1967 à BATTAMBANG (CAMBODGE) ..., ...20620 BIGUGLIA
assistée de Me Anne Christine LECCIA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Mme Ugolina Z...épouse X...née le 08 Août 1926 à Sambuca Pistoiese (Italie) ......20620 BIGUGLIA
assistée de Me Alexandra BALESI-ROMANACCE de la SCP CABINET RETALI et ASSOCIES, avocat au barreau de BASTIA, substituée par Me Cécile CANDAU, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 2815 du 30/ 10/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre,
Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Mme Ugolina Z...et Feu Pierre X..., son époux, décédé en 1984, étaient propriétaires d'une maison sise à Biguglia ..., ..., édifiée sur deux parcelles cadastrées B 1016 et B 1056. Le 11 août 2006, un état descriptif de division a été établi par Me A..., notaire à Bastia, avec deux lots constitués chacun par un appartement et une quote-part des parties communes. Suivant acte de donation-partage du même jour, Mme Ugolina Z...veuve X...a, notamment, fait donation à son fils, M. Augustin X... de la nue-propriété du lot 2.
Par acte du 3 septembre 2012, Mme Ugolina Z...veuve X...a fait assigner M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse, devant le Tribunal de grande instance de Bastia pour obtenir leur condamnation solidaire, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 14 085, 61 euros correspondant à leur part de consommation d'électricité, gaz et eau et à leur participation au paiement de l'assurance habitation du logement qu'ils occupent, les consommations de gaz étant arrêtés à la facture du 6 mars 2012, acte de ce qu'elle se réservait le droit d'engager toute action ultérieure pour les consommations de gaz postérieures, leur condamnation solidaire au paiement des intérêts de droit à compter du 8 juin 2012, de 2 500 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et une injonction d'avoir à produire une attestation d'assurance habitation en cours de validité.
Par jugement du 18 septembre 2014, le Tribunal de grande instance de Bastia a, en substance :
- déclaré irrecevables l'exception d'incompétence au profit du tribunal d'instance de la demande de résolution du contrat et d'expulsion, l'exception d'incompétence portant sur la demande d'indemnité d'occupation,
- condamné M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse à payer à Mme Ugolina X...la somme totale de 14 820, 68 euros au titre de leur participation aux frais d'électricité de janvier 2006 à janvier 2008, d'eau pour les années 2000 à 2007, de gaz de l'année 2000 arrêtée au 6 mars 2012, d'assurances habitation pour les années 2002 à 2012,
- dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal du 8 juin 2012, date de la première mise en demeure,
- débouté Mme Ugolina X...de sa demande de production d'une attestation d'assurance habitation en cours de validité relative à l'appartement occupé,
- dit que le contrat de prêt à usage entre Mme Ugolina X...et M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse portant sur l'appartement litigieux est résolu,
- dit que M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse sont occupants sans droit ni titre de ce logement depuis le 1er décembre 2012,
- condamné M. Augustin X... et Mme Sivorn Y... épouse X... à payer à Mme Ugolina X...une indemnité d'occupation de 800 euros par mois à compter du 1er décembre 2012, jusqu'à libération complète des lieux,
- ordonné leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef,
- débouté Mme Ugolina X...de sa demande à être autorisée à faire transporter les meubles des défendeurs dans tout garde meubles de son choix à leurs frais, risques et périls,
- débouté Mme Ugolina X...de sa demande de donner acte s'agissant des consommations de gaz postérieures à la facture,
- débouté Mme Ugolina X...de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...son épouse de leur demande reconventionnelle de remboursement des travaux de réalisation d'une sortie de cheminée pour installer un poêle à bois et de pose d'un compteur d'eau,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire pour le paiement des sommes mises à la charge des défendeurs,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus, notamment la mesure d'expulsion,
- condamné M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse au paiement des dépens.
M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...son épouse ont interjeté appel le 14 octobre 2014.
Par dernières conclusions communiquées le 16 juin 2015, M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...ont demandé, au visa des articles 605, 606, 1235 alinéa 2, 1371, 1875, 1876, 1880, 1888, 1889, 578, 852, 931 et suivants, 2222 et 2224 du code civil :
- de les dire recevables et fondés en leur appel,
- d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Bastia du 18 septembre 2014,
- de dire l'action en paiement exercée par Mme Z...veuve X...contre eux non fondée en fait et en droit,
- de dire qu'il ne peut être fait application de la notion juridique de " prêt à usage " en absence de toute convention expresse entre les parties,
- de constater que Mme Z...veuve X...a volontairement et spontanément procédé au paiement des factures de consommation des deux appartements (lot No1 et 2) issus de la division de la maison de famille après donation-partage à ses fils, Antoine et Augustin X..., suivants actes notariés du 11 août 2006,
- de constater que Mme Z...veuve X...n'a jamais réclamé aucune somme au titre des factures de consommation ou d'une indemnité d'occupation avant 2012 et depuis 1987,
- de constater qu'ils ont réalisé des travaux dans l'appartement du 1er étage de la maison familiale, sans que Mme Z...ne s'y oppose,
- de dire que Mme Z...n'a jamais joui de l'appartement situé au 1er étage de la maison familiale tel qu'il l'a amélioré, ce qui n'a jamais été contesté,
- de constater que Mme Z...a fait preuve d'une réelle et tangible " intention libérale " au profit de son fils,
- de constater que M. Augustin X..., donataire suivant acte de donation-partage du 11 août 2006 du lot No2 situé au sein de la maison familiale, occupait déjà le bien dont s'agit d'une manière paisible et continue depuis 1987,
- de débouter Mme Ugolina Z...veuve X...de l'ensemble de ses demandes,
- de débouter Mme Ugolina Z...veuve X...de ses demandes de dommages et intérêts pour réticence abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire que Mme Z...veuve X..., donatrice à l'acte de donation-partage du 11 août 2006, a manifestement renoncé son droit réel d'usufruit à l'occasion des travaux qu'ils ont réalisés, travaux qu'elle ne pouvait ignorer et qu'elle n'a jamais contesté, conformément à l'article 578 du code civil,
- de dire que cette renonciation à son droit réel d'usufruit est irrévocable,
- de dire Mme Z...veuve X...mal fondée à leur réclamer le paiement d'une indemnité d'occupation, jusqu'à libération des lieux et à solliciter leur expulsion,
- de constater qu'en absence de ventilation des consommations réelles et effectives de chaque occupation (lot No1 occupé par Mme Z...et son fils Antoine, lot No2 qu'ils occupent), les sommes acquittées par Mme Z...sont des " paiement pour autrui " prévu par l'article 852 du code civil,
- de rappeler que le paiement pour autrui n'emporte pas d'obligation de remboursement,
- de constater que Mme Z...ne rapporte pas la preuve de l'obligation de remboursement, en application de l'article 9 du code de procédure civile, fondant la " créance " au titre des factures de consommation,
- de dire n'y avoir lieu à remboursement de la moitié des factures de consommation au visa des règles de la prescription extinctive de 1'article 2224 du code civil et du droit transitoire de l'article 2222 du code civil,
- de condamner Mme Ugolina Z...veuve X...à leur payer la somme de 32 697, 98 euros, injustement saisie en exécution de la décision de première instance légitimement querellée, comprenant la moitié des factures de consommation mise à leur charge et le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 18 décembre 2012 jusqu'à l'arrêt portant réformation,
- de dire que cette somme portera intérêts aux taux légaux à compter de l'arrêt à intervenir,
- de condamner Mme Z...veuve X...à leur payer la somme de 2 405, 54 euros au titre des travaux qu'ils ont effectués dans l'appartement du premier étage de la résidence de Ficabruna à Biguglia, au sein de la maison familiale, dans l'hypothèse où Augustin X... ne serait pas reconnu plein propriétaire de son bien,
- de condamner Mme Ugolina Z...veuve X...à payer à M. Augustin X... la somme de 4 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens de première instance et d'appel, avec distraction.
Ils font valoir que Mme Z...s'est volontairement acquittée des factures sans rien leur réclamer, qu'elle est de mauvaise foi, que le prêt a usage est gratuit et que les dépenses correspondent à des consommations et non à des factures d'entretien, qu'ils ont bénéficié de son intention libérale, démontrée par l'existence de la donation en 2006 qui leur permet d'occuper le bien depuis 1987 et qui exclut qu'ils soient redevables d'une quelconque somme. Ils ajoutent qu'elle a tacitement mais irrévocablement renoncé à son droit réel d'usufruit, qu'en retenant le prêt à usage, le tribunal ne pouvait prononcer leur expulsion, en considération des dispositions de l'article 1888 du Code civil et de la nécessité de démontrer un besoin pressant. Ils estiment que les circonstances démontrent soit une réserve d'usufruit fictive, soit une renonciation au droit réel d'usufruit, d'autant qu'ils ont réalisé des travaux, qui excèdent ceux de l'usufruitier.
Par dernières conclusions communiquées le 8 janvier 2015, Mme Ugolina Z...veuve X...a demandé :
- de confirmer la décision du Tribunal de grande instance de Bastia du 18 septembre 2014 en ce qu'il a :
condamné solidairement M. Augustin X... et Mme Sivorn Y... épouse X... à lui payer la somme totale de 14 820, 68 euros au titre de leur participation aux frais d'électricité de janvier 2006 à janvier 2008, d'eau pour les années 2000 à 2007, de gaz de l'année 2000 au 6 mars 2012, d'assurances habitation pour les années 2002 à 2012, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2012, date de la première mise en demeure,
dit que le contrat de prêt à usage entre elle et M. Augustin X... et Mme Sivorn Y... épouse X... portant sur l'appartement litigieux était résolu,
dit que les appelants étaient occupants sans droit ni titre depuis le 1er décembre 2012,
ordonné leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef,
débouté les appelants de leur demande reconventionnelle de remboursement des travaux de réalisation d'une sortie de cheminée pour installer un poêle à bois et de pose d'un compteur d'eau,
- d'infirmer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et sur le montant de l'indemnité d'occupation,
statuant à nouveau, de
-condamner solidairement les époux Augustin et Sivorm X... à lui payer la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts,
- condamner solidairement les époux Augustin et Sivorm X... à lui payer une indemnité d'occupation de 2 000 euros par mois à compter du 1er décembre 2012, jusqu'à libération des lieux,
- les condamner au paiement des entiers dépens et de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en application des articles 700 et suivants du code de procédure civile.
Elle expose que le partage du montant des factures qu'elle a payées sans intention libérale, s'impose, l'absence d'un compteur individuel n'étant pas un obstacle, d'autant que l'appartement du premier est occupé par deux adultes et un enfant et qu'elle est hébergée par son autre fils Augustin, nu-propriétaire de l'appartement du rez-de-chaussée, que le bénéficiaire d'un prêt doit rembourser sa part des taxes et consommations et qu'elle a toujours eu l'intention d'exercer son usufruit. Elle ajoute que le contrat de prêt à usage est résolu, qu'elle a délivré congé à son fils par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mai 2012 pour le 30 novembre 2012, qu'une indemnité d'occupation est due depuis le 1er décembre 2012, qu'elle veut augmenter ses ressources en offrant l'appartement à la location, que la résistance abusive des occupants justifie le paiement de dommages et intérêts et qu'elle doit supporter les tracas de la procédure. Elle soutient que la demande de remboursement des travaux est non fondée, en ce que soit ils ne sont pas prouvés, soit ils ne constituaient pas des dépenses urgentes et nécessaires prévues par l'article 1890 du code civil, soit ils ont été réalisés en contravention des dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 septembre 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 17 mars 2016, L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les dispositions non contestées du jugement sont nécessairement confirmées.
Les époux Augustin X... et Sivorn Y...demandent à la cour de procéder à des constats qui, s'ils sont conformes à leurs intérêts, ne sont justifiés ni en fait ni en droit.
S'agissant de l'occupation de l'immeuble, ils ne démontrent nullement l'occuper depuis 1987, en revanche, Mme Z...fait état, avec eux, d'une occupation depuis 2000, étant relevé que le contrat de mariage préalable des époux date du 5 novembre 2005.
Vu les dispositions des articles 1875 et suivants du code civil, s'agissant de la situation antérieure à la donation, M. Augustin X..., majeur, ne pouvait, en absence de toute convention et en absence de paiement d'un loyer, occuper l'immeuble appartenant à sa mère, qu'en vertu d'un prêt à usage, essentiellement gratuit mais qui impose au bénéficiaire d'en supporter les charges. Il résulte des écritures des parties et il est établi par les pièces, notamment le courrier de M. Augustin X... que Mme Z...a réclamé le paiement d'une participation aux charges courantes en 2012. L'existence d'une créance à ce titre est prouvée par ce courrier, toutes prétentions contraires seront rejetées.
Les appelants revendiquent un paiement pour autrui qui exclurait tout remboursement. Or, en l'espèce, l'intention libérale est exclue, d'une part en présence d'une demande de remboursement, d'autre part, en considération des circonstances de fait, desquelles il ressort qu'elle devait payer ces factures pour éviter d'être personnellement pénalisée. En effet, en présence d'un seul compteur au nom de Mme Z...ou de son époux décédé, à défaut de paiement, elle aurait subi coupure du service et poursuites, de même à défaut de division du contrat d'assurance, à défaut paiement, elle aurait perdu toute garantie pour l'immeuble, qui lui appartenait puis dont elle était usufruitière.
En application combinées des articles 2224 et 2222 du code civil, en présence d'une réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure et les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En l'espèce, Mme Z...qui a réclamé en 2012 le paiement de sa créance, peut revendiquer le remboursement de créances depuis le 18 juin 2003, sur la base des factures qu'elle justifie avoir payé et non sur la base de ses relevés de compte. Les sommes réclamées pour des périodes antérieures sont prescrites.
En absence de compteurs individualisés, le partage par deux est conforme à l'état des lieux (deux appartements) à l'état de fait (occupés chacun par deux personnes), les appelants ne contestant pas n'acquitter aucune somme au titre des consommations de fluides et des assurances.
Les époux M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., qui ne contestent pas la solidarité doivent donc à Mme Z...de juin 2003 au mois d'août 2006 :
- au titre de l'assurance 247, 80 + 306, 16 + 320, 82 + 333, 20/ 2 soit 603, 99 euros,
- au titre des consommations,
- de gaz 796, 89 + 472, 95 + 661, 64 + 809, 27 + 866, 85/ 2 soit 1 803, 80 euros,
- d'eau 262, 22 + 158, 08 + 141, 68 + 177, 47 + 93, 42/ 2 soit 416, 44 euros.
Le jugement sera confirmé mais par substitution de motifs en ce qu'il a fait droit à la demande de paiement formulée par Mme Z..., et réformé s'agissant des montants, la condamnation portant avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2012, date de la mise en demeure.
Par acte du 11 août 2006, un état descriptif de division a été établi par Me A..., notaire à Bastia, avec deux lots constitués chacun par un appartement et une quote-part des parties communes. Par acte de donation-partage du 11 août 2006, Mme Ugolina Z...veuve X...a fait donation à son fils, M. Augustin X... de la nue-propriété du lot 2, elle en a conservé l'usufruit.
Il résulte des écritures concordantes des parties et des pièces, que Mme Z..., malgré cet acte a laissé M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...occuper le logement dont elle avait conservé l'usufruit. L'existence d'une convention entre les parties, fixant le statut de chacune des parties à l'égard de l'immeuble, exclut de faire application des dispositions relatives au prêt à usage. M. Augustin X..., qui a la qualité de nu-propriétaire est également occupant de l'immeuble. Pour autant les conditions d'extinction de l'usufruit ne sont pas réunies. Si M. X... prétend avoir bénéficié d'une libéralité, il s'agit nécessairement d'une donation déguisée rapportable dont il ne peut solliciter la reconnaissance par la présente procédure. Pour les mêmes raisons, il ne peut prétendre rattacher ce paiement à un présent d'usage de l'article 852 du code civil. En l'espèce, l'acte prévoyait expressément que les donataires devaient faire leur affaire des assurances contre l'incendie et des abonnements et à l'eau à l'électricité et au gaz et qu'ils supporteraient le coût des consommations du jour de leur entrée en jouissance. M. X... a la qualité de donataire, sans qu'il soit besoin de suivre les parties dans leurs raisonnements respectifs, Mme Z...est donc fondée à lui réclamer le paiement des factures visées, peu important qu'il soit à la fois nu-propriétaire et occupant. Elle limite sa réclamation à la moitié.
Les époux M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., qui ne contestent pas la solidarité, doivent donc à Mme Z...à compter d'août 2006 :
- au titre de l'assurance 362, 72 + 381, 23 + 348, 21 + 61, 35 + 380, 67 + 76, 96 + 356, 84 + 76, 96/ 2 soit 1 022, 47 euros,
- au titre des consommations,
- d'électricité : 1 141, 46/ 2 soit 570, 73 euros,
- de gaz : 956, 49 + 711, 41 + 1 097, 08 + 978, 75 + 830, 71 + 707, 69 + 596, 54 + 353, 94 + 1 145, 82/ 2 soit 4 189, 22 euros
-d'eau : 320, 73 + 194, 96 + 105, 15/ 2 soit 310, 42 euros.
Le jugement sera confirmé mais par substitution de motifs en ce qu'il a fait droit à la demande de paiement formulée par Mme Z..., et réformé s'agissant des montants, M. X... et Mme Y... seront solidairement condamnés à payer à Mme Ugolina Z..., la somme de 8 917, 07 euros. La somme de 318 euros versée le 12 avril 2012 est postérieure à l'arrêté des factures. La condamnation portera intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2012, date de la mise en demeure.
M. X..., nu-propriétaire occupant, invoque avoir réalisé et financé, une sortie de cheminée pour installer un poêle à bois, un compteur d'eau. L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien, ces dépenses n'en relèvent pas, elles ne peuvent donc être imputées à Mme Z.... De surcroît, le bien a été organisé en copropriété et les travaux qui affectent les parties communes doivent être autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires. Etre occupant du bien litigieux ne confère à M. X... ni la qualité de locataire ni celle d'usufruitier. Il ne peut donc qu'être débouté de sa demande à ce titre.
Suivant l'article 578 du code civil, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à charge d'en conserver la substance. En l'espèce, au terme de l'acte notarié du 11 août 2006, Mme Ungolina Z...est usufruitière de l'appartement litigieux dont M. X... est nu-propriétaire. Etant dans les lieux et s'y maintenant en dépit d'un commandement de quitter les lieux et en absence de toute convention l'y autorisant, M. X... prive Mme Z...de son droit d'usufruitière.
M. X... ne peut prétendre rattacher cette occupation sans titre à un présent d'usage de l'article 852 du code civil, puisque l'abandon de l'occupation du bien soumis à usufruit constitue une libéralité, donc une donation rapportable au décès de l'usufruitier d'autant qu'en l'espèce, le donateur supposé non seulement s'y oppose, mais encore revendique d'être ré-intégré dans son droit d'usufruitier. En absence de convention fixant le régime de cette occupation, l'état des ressources de Mme Z...et même celles M. X... sont étrangers au débat. Mme Z...peut revendiquer son droit d'usufruit y compris pour donner le bien en location. M. Augustin X... et les occupants de son chef sont occupants sans droit ni titre, de sorte Mme Z...peut réclamer leur expulsion et leur condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation.
Le montant de cette indemnité d'occupation a été fixée sur la base d'un rapport de M. C...du 10 août 2006, établi en vue du calcul des parts de la donation partage. Il apparaît sous évalué en ce qu'il n'a pas tenu compte de l'évolution des loyers dans la zone et du marché local et en ce que la valeur de l'acte de donation était de 130 000 euros également en 2006. L'indemnité d'occupation doit être fixée à 1 000 euros par mois à compter du 1er décembre 2012. Le jugement sera confirmé mais par substitution de motifs sur l'expulsion et la fixation de l'indemnité d'occupation mais réformé sur le montant de cette indemnité d'occupation.
En application de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, la résistance de M. X... et de son épouse à la légitime demande de Mme Z...de pouvoir exercer son droit d'usufruit sur le bien litigieux est abusive, en ce que chacune des parties connaît d'étendue de ses droits par l'acte notarié, que M. X... ne peut ignorer qu'en occupant le bien, il prive sa mère de son droit d'usufruit. Leur résistance à s'acquitter de leur part des consommations de fluides et l'assurance est également abusive, dès lors que l'acte notarié fixait les obligations du donateur et des donataires et que l'obligation de payer les fluides s'impose à l'usager. Cette résistance, qui impose une procédure judiciaire, justifie la condamnation solidaire des appelants au paiement de 2 000 euros de dommages et intérêts à Mme Ugolina Z.... Le jugement sera réformé en ce qu'il a rejeté cette demande.
M. X... et Mme Y... qui succombent, seront déboutés de leurs demandes contraires et supplémentaires, notamment de constats, celles formulées aux titres des restitutions et de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants qui succombent seront condamnés au paiement des dépens et de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris, par substitution de motifs, en ce qu'il a :
- fait droit à la demande de paiement présentée par Mme Ugolina X...au titre de leur participation aux frais d'électricité de janvier 2006 à janvier 2008, d'eau de juin 2003 à 2007, de gaz de juin 2003 arrêtée au 6 mars 2012, d'assurances habitation de juin 2003 à 2012,
- dit que la condamnation cette somme serait assortie des intérêts au taux légal du 8 juin 2012,
- dit que M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse sont occupants sans droit ni titre de ce logement depuis le 1er décembre 2012, condamné M. Augustin X... et Mme Sivorn Y... épouse X... à payer à Mme Ugolina X...une indemnité d'occupation à compter du 1er décembre 2012, jusqu'à libération complète des lieux,
- ordonné leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef,
- débouté M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...son épouse de leur demande reconventionnelle de remboursement des travaux de réalisation d'une sortie de cheminée pour installer un poêle à bois et de pose d'un compteur d'eau,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Augustin X... et Mme Sivorn Y..., son épouse au paiement des dépens,
Réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne solidairement M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...à payer à Mme Ugolina Z...veuve X...une somme de HUIT MILLE NEUF CENT DIX SEPT EUROS ET SEPT CENTIMES (8 917, 07 euros) au titre de leur participation au paiement des factures d'eau, d'électricité, de gaz et d'assurance,
Constate la prescription des sommes réclamées antérieures au 18 juin 2003,
Condamne solidairement M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...à payer à Mme Ugolina Z...veuve X...une indemnité d'occupation de MILLE EUROS (1 000 euros) par mois,
Condamne solidairement M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...à payer à Mme Ugolina Z...veuve X...une somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) de dommages et intérêts au titre de leur résistance abusive,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne solidairement M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...à payer à Mme Ugolina Z...veuve X...une somme de MILLE EUROS (1 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement M. Augustin X... et Mme Sivorn Y...au paiement des dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT