Ch. civile A
ARRET No
du 11 MAI 2016
R. G : 14/ 00913 JD-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 04 Novembre 2014, enregistrée sous le no 13/ 01174
SARL AF2B INGENIERIE
C/
SARL BH CONSTRUCTIONS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE MAI DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SARL AF2B INGENIERIE agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant ès-qualités audit siège. Village 20290 LUCCIANA
assistée de Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Pascal FOURNIER de la SCP FOURNIER, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMEE :
SARL BH CONSTRUCTIONS prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège. P. A. de Purettone 20290 BORGO
ayant pour avocat Me Jacques VACCAREZZA de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Suivant marché de travaux du 2 mai 2011, la S. C. I. Biguglia Promotion II, représentée par M. X..., confiait à l'entreprise BH Constructions S. A. R. L. représentée par M. Christophe Z..., le lot gros-oeuvre-charpente-couverture dans le cadre du chantier de construction d'un immeuble en R + 3 comprenant vingt logements sur la commune de Ficabruna-20260 Biguglia, moyennant un prix forfaitaire et ferme de 576 000 euros HT soit 622 080 euros TTC. Le contrat mentionnait que les travaux supplémentaires ou modificatifs feraient l'objet d'avenants chiffrés et signés des deux parties. Il précisait que l'architecte chargé de la maîtrise d'oeuvre était la S. A. R. L. AF2B Ingénierie, suivant acte d'engagement du 5 octobre 2010.
Alléguant l'existence de travaux supplémentaires et modificatifs, par acte du 8 juillet 2013, la S. A. R. L. BH Constructions assignait la S. A. R. L. AF2B Ingénierie devant le tribunal de grande instance de Bastia pour obtenir, outre l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement de 19 656 euros au titre des travaux supplémentaires, de 2 246, 40 euros au titre de la modification des seuils de portes, de 1 296 euros au titre de la modification de la trémie de désenfumage de cage d'escalier, des dépens avec distraction et de 2 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Bastia, au visa de l'article 1382 du code civil :
- condamnait la S. A. R. L. AF2B Ingénierie à payer à la S. A. R. L. BH Constructions les sommes de 19 656 euros au titre des travaux supplémentaires du 19 mai 2011, de 2 246, 40 euros au titre de la modification des seuils de portes, de 1 296 euros au titre de la modification de la trémie de désenfumage de cage d'escalier,
- disait n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamnait la S. A. R. L. AF2B Ingénierie à payer à la S. A. R. L. BH Constructions la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboutait la S. A. R. L. AB2B Ingénierie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamnait la S. A. R. L. AF2B Ingénierie aux dépens.
La S. A. R. L. AF2B Ingénierie interjetait appel de la décision par déclaration reçue le 17 novembre 2014.
Par dernières conclusions communiquées le 18 mai 2015, la S. A. R. L. AF2B Ingénierie demandait, au visa de l'article 1382 du code civil, de :
- débouter la S. A. R. L. BH Constructions de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société BH Constructions au paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de Procédure Civile,
- condamner la société BH Constructions aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Jean-Pierre Poletti sur son affirmation de droit.
Elle exposait qu'elle n'avait pas manqué à ses obligations s'agissant de la nécessité de travaux d'approfondissement des fondations, qu'elle n'avait pas mandat de représenter le maître d'ouvrage, qu'il s'agissait d'un marché à forfait, que son avis ne dispensait pas de l'accord du maître d'ouvrage, d'autant que le contrat prévoyait le sort des travaux supplémentaires ou modificatifs et que l'avis de l'architecte était nécessaire mais insuffisant. Elle ajoutait qu'aucun ordre de service n'avait été adressé à l'entreprise, qu'il n'y avait pas eu d'avenant chiffré et signé des parties autorisant les travaux supplémentaires et qu'elle n'était pas comptable du refus du maître d'ouvrage de payer les travaux réalisés en dehors du marché. Elle estimait que la modification des seuils, ne relevait pas des travaux supplémentaires mais des travaux de reprise et que la modification de la trémie relevait d'une d'adaptation du chantier, qu'elle n'avait commis aucune faute, causant un préjudice à l'entreprise.
Par conclusions communiquées le 23 mars 2015, la S. A. R. L. BH Constructions demandait, au visa de l'article 1382 du code civil, de :
- déclarer l'appel interjeté mal fondé,
en conséquence, de
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant, de
-condamner la Société AF2B Ingénierie à payer la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, en application de l'article 696 du même code,
- dire que conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Me Jacques Vaccarezza pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Elle exposait qu'elle avait travaillé en collaboration avec le maître d'oeuvre, que l'autorisation écrite de l'architecte ne l'oblige que s'il a reçu mandat du maître d'ouvrage, qu'en l'espèce, l'architecte avait une mission de direction de l'exécution des travaux, portant vérification des factures et demandes d'acomptes de l'entrepreneur, que les travaux non prévus devaient faire l'objet d'ordres de service émis par le maître d'oeuvre et contresignés par le maître d'ouvrage et qu'en l'espèce, l'architecte a formulé son accord pour les travaux supplémentaires de fouilles, qu'il n'a pas informé le maître d'ouvrage. Elle ajoutait qu'elle aurait commis une faute si elle n'avait pas réalisé les travaux et que le maître d'oeuvre avait également donné son accord sur les travaux modificatifs des seuils de porte et de la trémie de désenfumage et les plus values consécutives, qu'elle n'avait jamais été mise en demeure de reprendre les seuils de porte.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 septembre 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 17 mars 2016. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La lecture du contrat signé entre la S. C. I. Biguglia Promotion II et la S. A. R. L. BH Constructions met en évidence qu'il s'agit d'un marché de travaux privés conclu pour un prix ferme et forfaitaire. Il précisait que les travaux en supplément ou en modification du marché initial feraient l'objet d'avenants chiffrés et signés par les deux parties (prix et délais), c'est-à-dire que seuls l'entreprise et le maître d'ouvrage, parties au contrat pouvaient trouver un accord sur les travaux supplémentaires ou modificatifs.
Or, en application de l'article 1793 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.
Pour obtenir paiement de travaux supplémentaires, la S. A. R. L. BH Constructions agit contre l'architecte, tiers au contrat sur le fondement de l'article 1382 du code civil qui impose la démonstration, d'un fait dommageable, d'un préjudice et d'un lien de causalité. Les travaux dont le paiement est réclamé n'étaient pas prévus au devis. Le maître d'oeuvre a effectivement indiqué dans un courrier du 19 mai 2011, indiqué " acceptation du fond de fouille contrôlé ce jour (...) accord sur la plus value pour les gros bétons " et signé " bon pour accord " deux devis descriptifs et estimatifs de 2 246, 40 euros pour la modification des seuils le 6 mars 2012 et de 1 296 euros le 19 janvier 2012 pour la modification de la trémie de désenfumage. Ce faisant il a agi conformément à ses obligations contractuelles, notamment les missions " visa des plans d'entreprise " et " direction de l'exécution des travaux ", il n'a commis aucune faute. Cette mission consistant à l'inverse de ce qui est soutenu à vérifier les factures ou demandes d'acomptes et non à signer des bons de commande. Le maître d'oeuvre n'était pas de mandataire du maître d'ouvrage, il n'avait, en l'espèce, même pas été chargé du dossier de consultation des entreprises.
La croyance légitime alléguée de l'entrepreneur, retenue par le premier juge se heurte à la lettre du contrat portant marché de travaux puisque les dispositions contractuelles imposaient la signature d'avenants chiffrés par le constructeur et le maître d'ouvrage, et non par le maître d'oeuvre sur proposition de l'entrepreneur. Le maître d'oeuvre devait effectivement donner son accord sur les travaux et le prix mais à charge pour le constructeur de demander et d'obtenir la signature d'un avenant du maître d'ouvrage. Il n'est pas tenu d'un devoir de conseil à l'égard de l'entreprise, qui, disposant du contrat qu'elle avait signé, connaissait ses obligations et celles du maître d'ouvrage et notamment l'existence d'un forfait et la nécessité d'un avenant pour les travaux supplémentaires. A l'inverse de ce qui est soutenu également, c'est à l'entreprise qu'il incombait de recueillir l'accord du maître d'ouvrage pour ces travaux supplémentaires, ce dernier pouvant se fonder sur la position du maître d'oeuvre pour donner ou non une suite favorable. Le maître d'oeuvre a effectivement commis une faute, celle d'ajouter sur les deux devis des 19 janvier 2012 et 6 mars 2012 " bon pour paiement ", puisque ces devis à défaut d'avoir fait l'objet d'un avenant, s'agissant de travaux supplémentaires ou modificatifs, ne pouvaient donner lieu à paiement, dans le cadre du marché à forfait initial. Mais cette faute n'a causé aucun préjudice à l'entreprise, qui avait déjà réalisé les travaux, sans prendre la précaution de faire signer un avenant au maître d'ouvrage. A titre superfétatoire, il sera relevé que les dispositions du marché à forfait et du contrat en particulier supposaient d'avertir le maître d'ouvrage et de signer un avenant avant la réalisation des travaux supplémentaires ou modificatifs et non d'en obtenir paiement après leur réalisation.
Sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant les travaux, qui étaient supplémentaires ou modificatifs du marché à forfait, ce qui est établi et non contesté, il y a lieu d'infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de débouter la S. A. R. L. BH Constructions de ses demandes ainsi fondées contre la S. A. R. L. AF2B Ingénierie.
La S. A. R. L. BH Constructions qui succombe sera condamnée au paiement des frais et dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ceux des frais dont avance aurait été faire sans avoir reçu provision au profit de Me Poletti. La S. A. R. L. BH Constructions sera également condamnée à payer à la S. A. R. L. AF2B Ingénierie une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement critiqué en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la S. A. R. L. BH Constructions de ses demandes ainsi fondées contre la S. A. R. L. AF2B Ingénierie,
Y ajoutant,
Condamne la S. A. R. L. BH Constructions au paiement des frais et dépens de première instance et d'appel, avec distraction pour ceux des frais dont avance aurait été faire sans avoir reçu provision au profit de Me Jean Pierre Poletti,
Condamne la S. A. R. L. BH Constructions à payer à la S. A. R. L. AF2B Ingénierie une somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT