Ch. civile A
ARRET No
du 08 FEVRIER 2017
R. G : 12/ 00614 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge aux affaires familiales d'AJACCIO, décision attaquée en date du 12 Juillet 2012, enregistrée sous le no 03/ 01161
Y...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX SEPT
APPELANT :
M. Jean-Rémi Bernard Y...né le 29 Avril 1944 à PARIS 8ème ...45320 SAINT HILAIRE LES ANDRESIS
assisté de Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Pierre-Olivier LEVI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
Mme Christine X... épouse Y...née le 11 Juin 1944 à FLOGNY (Yonne) ...20118 SAGONE
ayant pour avocat Me Claudine LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Pascale MELONI, avocat au barreau de BASTIA substituée par Me Stella LEONI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 07 novembre 2016, devant la Cour composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2017, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 08 février 2017.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Jean Rémi Y...et Mme Christine X... se sont mariés le 20 septembre 1965 à Paris (16ème) sans contrat de mariage préalable.
Selon acte authentique du 7 avril 1986, les époux ont adopté le régime de séparation des biens.
Deux enfants, actuellement majeurs, sont nés de cette union.
Le 22 octobre 2003, Mme Christine X... a déposé une requête devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Ajaccio.
L'ordonnance de non conciliation a été rendue le 22 juillet 2004 fixant notamment le montant de la pension au titre du devoir de secours à la somme de 1 000 euros.
Appel a été interjeté.
Par arrêt du 26 octobre 2005, la cour d'appel de Bastia a confirmé l'ordonnance attaquée.
Mme Christine X... a assigné son époux en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Ajaccio le 10 août 2004, sur le fondement des articles 242 et suivants du code civil.
Par ordonnance du 14 avril 2005, le juge aux affaires familiales ès-qualités de juge de la mise en état :
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de suppression de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, appel de l'ordonnance de non-conciliation ayant été interjeté,
- a rejeté la demande de fixation de pension alimentaire au bénéfice de M. Y....
Par ordonnance du 21 mai 2007, le juge aux affaires familiales ès-qualités de juge de la mise en état, a ordonné la production par M. Y...des relevés des comptes bancaires et le bilan de SCI Villaca et ordonné une expertise comptable, Mme A...étant commis.
Par ordonnance du 30 octobre 2009, le juge chargé du service des expertise a étendu la mission de l'expert.
L'expert a déposé son rapport le 27 juin 2011.
Par jugement en date du 12 juillet 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Ajaccio a notamment :
débouté M. Y...de sa demande reconventionnelle visant à voir prononcer le divorce pour altération de la vie conjugale,
prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux,
fixé la date des effets du divorce entre les anciens époux au 22 juillet 2004, date du prononcé de l'ordonnance de non conciliation,
condamné M. Jean Rémi Y...à payer à Mme Christine X... la somme mensuelle de 1 200 euros avec indexation habituelle au titre de la prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère, outre indexation,
condamné M. Jean Rémi Y...à payer à Mme Christine X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil,
ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
condamné M. Jean Rémi Y...à payer à Mme Christine X... la somme de 1 250 euros au titre des frais irrépétibles,
condamné M. Jean Rémi Y...aux dépens.
M. Jean Rémi Y...a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 25 juillet 2012.
Selon ses conclusions communiquées par voie électronique le 26 février 2016 et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M. Jean Rémi Y...demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. Jean Rémi Y...à payer à Mme Christine X... une prestation compensatoire sous forme de rente viagère,
statuant à nouveau,
- débouter Mme Christine X... de sa demande de prestation compensatoire et de l'ensemble de ses demandes,
subsidiairement,
- accorder à Mme Christine X... une prestation compensatoire sous forme de capital versé en huit années, en application de l'article 275 du code civil,
- limiter le montant de la prestation à de justes proportions eu égard aux ressources et patrimoines respectifs,
en tout état de cause,
- condamner Mme Christine X... à payer à M. Jean Rémi Y...la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
M. Jean Rémi Y...souligne notamment que le juge aux affaires familiales a retenu sa situation financière en 2001 alors que la disparité dans les conditions de vie respective des époux doit s'apprécier au moment du prononcé du divorce ou à la date à laquelle la cour d'appel statue, en application de l'article 271 du code civil ; qu'actuellement il perçoit uniquement sa retraite de 2 588, 05 euros et plus aucun revenu sous forme de dividende car il ne possède plus aucune société depuis des années ; qu'il n'a plus aucun bien immobilier, plus aucun compte titre, aucun compte épargne, contrairement aux allégations de Mme Christine X... ; que s'agissant de son train de vie, il lui reste 85 euros une fois payé ses charges et remboursé le crédit qu'il a dû prendre pour faire face aux frais de la présente instance.
Concernant Mme Christine X... il fait valoir que le tribunal a passé sous silence l'importance de son patrimoine, notamment une villa de 280 m2 à quelques mètres de la plage, avec piscine, estimée par l'expert judiciaire à 1 042 000 euros et susceptible de générer un loyer brut de 60 000 euros par an ; que Mme Christine X... a perçu de sa société Agimo, dont elle était gérante et seule salariée, la somme de 481 666 euros depuis 2002 et en 2016 la somme de 120 000 euros ; qu'elle vit avec un concubin qui a des revenus élevés ; qu'elle héberge aussi sa fille, son gendre et leur fille, qui ont installé un atelier de menuiserie d'art dans la maison, ainsi que le fils de son concubin.
Selon ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 15 octobre 2015 et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme Christine X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,
- condamner M. Jean Rémi Y...à payer à Mme Christine X... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
Mme Christine X... expose que ses revenus suivant avis d'imposition 2011 étaient des pensions de retraite pour un montant total annuel de 9729 euros, et que son patrimoine consiste en le produit de la vente d'un studio route des Sanguinaires à Ajaccio pour la somme de 120 000 euros en 2011, une villa à Sagone construite par le couple sur un terrain qui était son bien propre et évaluée à 500 000 euros, le produit de la vente d'un appartement sur la route des Sanguinaires, " ce qui rend possible une utilisation des fonds au bénéfice de la famille ".
Sur les revenus de M. Jean Rémi Y..., elle fait état des nombreuses sociétés dans lesquelles il était associé entre 2003 et 2008, et du revenu mensuel de 8 352 euros dont disposait le couple en 2001. Elle souligne que les bilans de liquidation des sociétés déposés au greffe ne sont pas des bilans définitifs et que M. Jean Rémi Y...demeure propriétaire de parts dans la SARL EGD, et les sci Vallica, Les Horizons, et Residenza. Selon elle il a perçu des sommes des opérations de liquidation et bénéficie actuellement d'un revenu mensuel minimal de 4 777 euros.
Sur le bien fondé de sa demande, elle explique qu'elle n'a aucun diplôme et a participé depuis l'âge de 21 ans à la réussite professionnelle de son époux ; qu'elle a même exploité une agence immobilière-dont la trésorerie et les bénéfices étaient nuls-afin de permettre à son époux promoteur la commercialisation de ses programmes ; qu'elle a financé des travaux importants dans sa maison par la vente d'un petit appartement route des Crêtes à Ajaccio. Elle conteste les estimations de sa villa produites par M. Jean Rémi Y..., ainsi que celle de l'expertise ordonnée par le conseiller de la mise en état, et dément vivre en concubinage.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2016 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 7 novembre 2016.
SUR QUOI LA COUR
Sur la prestation compensatoire :
L'article 270 du code civil dispose :
" Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. "
L'article 271 du code civil dispose :
" La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;- l'âge et l'état de santé des époux ;- leur qualification et leur situation professionnelles ;- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;- leurs droits existants et prévisibles ;- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. "
Aux termes de l'article 259-3 du code civil, les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts et autres personnes désignées par lui en application des 9o et 10o de l'article 255 tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial. (...)
La clôture de la mise en état a été prononcée le 30 mars 2016.
M. Jean Rémi Y...demande lui-même, et à bon droit, que sa situation patrimoniale soit examinée à la date du prononcé du présent arrêt. Pour autant, le dernier avis d'imposition qu'il produit porte sur les revenus de 2013, (2 661 euros par mois) et sa déclaration sur l'honneur porte sur l'année 2011 (2 652 euros par mois). Dans l'avis d'imposition ne figurent aucun revenu autre que sa pension de retraite. M. Jean Rémi Y...déclare ne posséder aucun bien immobilier, ce qui n'est pas contesté par Mme Christine X.... Il ne verse aux débats aucun relevé bancaire.
Il n'est établi ni par le rapport d'expertise comptable judiciaire ni par aucun document récent que M. Jean Rémi Y...détienne encore à ce jour des parts de sociétés et perçoive d'autres revenus que sa pension de retraite.
Mme Christine X... produit un seul avis d'impôt, celui sur les revenus de 2011 (786 euros par mois). Le relevé bancaire le plus récent est celui d'octobre 2012 et n'a aucune utilité pour l'estimation de ses revenus ou de son patrimoine. Les versements, dont M. Jean Rémi Y...justifie, sur le compte personnel de Mme Christine X... de sommes importantes provenant des différentes sociétés dans lequelles M. Jean Rémi Y...détenait des parts, totalisent 2 581 965 euros entre 1996 et 2002. Ils sont postérieurs à l'abandon du régime de la
communauté légale au profit de la séparation de biens et antérieurs à la rupture du couple. Mme Christine X... ne fournit aucune explication sur le devenir de ces capitaux.
Selon l'expertise immobilière ordonnée par le conseiller de la mise en état, Mme Christine X... est propriétaire d'une villa, édifiée par le couple, avec piscine, composée de 9 pièces, une salle de bains, trois salles de douches, d'une surface pondérée de 228 m2, outre garage et buanderies sur un terrain de 2 260 mètres carrés. Le terrain était un bien propre de la propriétaire. La villa est située à 20 minutes d'Ajaccio. Elle a vue sur le golfe de Sagone et est proche de la plage. Compte tenu de sa vétusté l'expert estime sa valeur vénale à 1 042 000 euros et son revenu locatif potentiel à la somme de 60 000 euros par an sur la base de vingt semaines de location saisonnière.
Compte tenu des éléments ci-dessus existant au moment du divorce, il n'apparaît pas que le divorce ait créé au détriment de Mme Christine X... une disparité dans les conditions de vie respectives.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné M. Jean Rémi Y...à payer à Mme Christine X... une prestation compensatoire.
Sur les dommages et intérêts :
Aux termes de l'article 266 du code civil, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage notamment lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
Le certificat médical produit par Mme Christine X... est celui de son médecin traitant, acupuncteur, qui déclare avoir dû en raison de l'état dépressif majeur de sa patiente, lié à la connaissance brutale de la relation extra-conjugale de son mari, la confier à un confrère spécialisé en psychiatrie.
Comme l'a relevé le juge aux affaires familiales, la preuve de l'existence de conséquences d'une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage est rapportée.
La décision doit être confirmée, la somme de 3 000 euros étant justifiée au titre de la réparation du préjudice moral.
Sur les frais irrépétibles :
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens :
Chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du 12 juillet 2012 sauf en ce qui concerne la prestation compensatoire,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déboute Mme Christine X... de sa demande de prestation compensatoire,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT