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20/02/2019 | FRANCE | N°17/003114

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 20 février 2019, 17/003114


ARRET No
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20 Février 2019
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R No RG 17/00311 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXKT
-----------------------
SARL Sud Corse Airport Landing and Assistance
C/
R... J...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
19 octobre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AJACCIO
16/00255
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SARL Sud Corse Airport Landing and Assistance pris en la personn

e de son représentant légal
No SIRET : 447 625 690
[...]
[...]
Représentée par Me S... POLI, avocat au barreau d'AJACCIO

I...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 17/00311 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXKT
-----------------------
SARL Sud Corse Airport Landing and Assistance
C/
R... J...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
19 octobre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AJACCIO
16/00255
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

SARL Sud Corse Airport Landing and Assistance pris en la personne de son représentant légal
No SIRET : 447 625 690
[...]
[...]
Représentée par Me S... POLI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

Monsieur R... J...
[...]
[...]
Représenté par Me Marie Line ORSETTI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur R... J... a été embauché par la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance en qualité de bagagiste, coefficient 190, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 5 septembre 2005. Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.

Monsieur R... J... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête du 11 septembre 2014, de diverses demandes, dont une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Selon courrier en date du 20 novembre 2015, la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 3 décembre 2015.

Monsieur R... J... s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 17 décembre 2015.

Selon jugement du 19 octobre 2017, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- dit et jugé que le licenciement de Monsieur R... J... est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la Société Sud Corse Airport Landing en son représentant légal à verser à Monsieur R... J... les sommes suivantes :
39 720 euros au titre des salaires dus outre 3972 euros au titre des congés payés afférents,
5 627 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
9 930 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 000 euros au titre du préjudice subi,
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le demandeur de ses autres demandes car déclarées infondées,
- ordonné la communication des bulletins de salaire ainsi que des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte de manière définitive,
- condamné la Société Sud Corse Airport Landing en son représentant légal aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux textes régissant l'aide juridictionnelle.

Par déclaration enregistrée au greffe le 17 novembre 2017, la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance a interjeté appel partiel de ce jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur R... J... est sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à verser à Monsieur R... J... les sommes suivantes : 39 720 euros au titre des salaires dus outre 3 972 euros au titre des congés payés afférents, 5 627 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 9 930 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 000 euros au titre du préjudice subi, 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné la communication des bulletins de salaire ainsi que des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte de manière définitive, condamné la Société Sud Corse Airport Landing en son représentant légal aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux textes régissant l'aide juridictionnelle, l'a déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur R... J... à lui verser la somme de 1500 euros au titre de frais irrépétibles.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 27 septembre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance a sollicité :
- d'infirmer le jugement en ses dispositions querellées,
- de rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur J...,
- de condamner Monsieur J... à la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

Elle a fait valoir :
- que le salarié placé en arrêt maladie de décembre 2011 au 22 avril 2012, a, par courrier du 18 juin 2012, manifesté sa volonté claire et non équivoque de prendre un congé sans soldes, pour une durée d'un an,
- que les visite et avis de la médecine du travail du 22 avril et 13 mai 2013 dont se prévalait le salarié étaient inopposables à l'employeur, puisque effectuée à la demande de la médecine du travail alors que le salarié était en congé sans solde et que l'employeur n'était pas informé de l'existence d'un arrêt de travail du 26 novembre au 26 décembre 2012,
- que les courriers de l'employeur (des 4 et 22 mars 2013) à la médecine du travail, produits par le salarié, étaient antérieurs aux deux visites médicales précitées, réalisées à l'initiative de la médecine du travail,
- que dès lors, les dispositions de l'article L 1226-10 du code du travail n'étaient pas applicables,
- qu'à la fin du congé sans solde, le salarié n'a pas fait part sa volonté de reprise de travail avant janvier 2014, et n'a en réalité jamais repris son activité, même après la proposition de l'employeur d'un poste d'agent d'escale, à laquelle le salarié n'a pas répondu,
- que le licenciement était fondé, au regard des absences injustifiées et prolongées du salarié,
- que le paiement de salaires était injustifié, le salarié étant absent et n'étant pas à la disposition de l'employeur,
- que l'indemnité spéciale de licenciement n'était pas due, l'avis d'inaptitude n'étant pas opposable à la société et que l'indemnité conventionnelle de licenciement (qui ne pouvait se cumuler avec la précédente) était de 2644 euros, déduction faite des périodes de suspension du contrat,
- que l'indemnité de préavis et documents de fin de contrat ont été remis au salarié,
- que l'employeur a respecté ses obligations et n'a pas causé de préjudice au salarié qui appellerait l'allocation de dommages et intérêts, étant relevé que les saisies sur salaire préexistaient au congé sans solde.

Aux termes des écritures, d'intimé et d'appelant incident, de son conseil transmises au greffe en date du 18 avril 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur R... J... a demandé :
- à titre principal :
* de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
* de prononcer la résiliation judiciaire du contrat à compter du mois de décembre 2015 (date du licenciement),
* de condamner l'intimée à lui verser les sommes de :
8 725 euros brut de salaires dus et 827 euros brut de congés payés afférents, pour la période de juillet 2012 à novembre 2012,
49 650 euros brut au titre des salaires dus et de 4965 euros de congés payés afférents, pour la période de juin 2013 à décembre 2015,
11 254 euros brut d'indemnité spéciale de licenciement,
5 000 euros brut de dommages et intérêts,
9 930 euros brut au titre de l'indemnité de résiliation,
5 627 euros brut d'indemnité conventionnelle de licenciement,
3 310 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis et 310 euros de congés payés afférents,

- subsidiairement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de condamner l'employeur au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la saisine du conseil,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts,
- de condamner l'intimée au paiement d'une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Il a exposé :
- que le contrat de travail était suspendu avant la période de congé sans solde, de sorte que le congé sans solde ne pouvait être pris en compte puisqu'en cas de causes multiples de suspension du contrat, devait être appliqué le régime inhérent à celle survenue la première, étant observé que le congé sans solde ne pouvait être décidé lors d'une période de suspension, ne respectait pas les formes et ne mentionnait pas de délai,
- que les salaires de juillet à novembre 2012 lui étaient dus, outre les salaires de juin 2013 à décembre 2015,
- que si le congé sans solde était pris en considération, il n'était pas justifié d'une reconduction de ce congé pour la période de décembre 2012 à juin 2013,
- que l'employeur était au fait des visites de reprise et de l'avis de la médecine du travail, ce que démontraient les courriers adressés par l'employeur à la médecine du travail et transmis en copie au salarié,
- que l'avis de la médecine du travail était opposable à l'employeur qui a par ailleurs reçu les observations de la médecine du travail,
- qu'à compter du 13 juin 2013, l'employeur avait l'obligation de reprendre le paiement des salaires jusqu'au terme du contrat,
- que l'employeur n'a pas respecté l'obligation de reclassement prévue par l'article L 1226-10 du code du travail, suite à déclaration d'inaptitude du 13 mai 2013, et n'a pas mis en place de licenciement pour inaptitude, justifiant de l'allocation de l'indemnité spéciale de licenciement de l'article L 1226-14 du code du travail,
- qu'en l'absence de rémunération et de rupture, le salarié a connu une aggravation de sa situation financière, appelant l'allocation de dommages et intérêts,
- que la résiliation judiciaire du contrat, non examinée par le Conseil de prud'hommes, était fondée, l'employeur ayant commis des manquements graves en ne procédant pas à la rupture du contrat pour inaptitude dès juin 2013, en ne payant pas les salaires, en ne proposant pas de reclassement dans un délai raisonnable, la proposition de poste ne datant que d'août 2015, soit un délai de proposition de reclassement indécent,
- que, subsidiairement, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'employeur ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude et ne pouvant reprocher au salarié une absence injustifiée, étant rappelé que le salarié s'était bien présenté en janvier 2014 pour solliciter la reprise d'un poste adapté à ses capacités.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 décembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018, où la décision a été mise en délibéré au 20 février 2019.

MOTIFS

1) Sur la demande de résiliation judiciaire

Attendu qu'il est admis qu'en cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur ; Que lorsque les manquements sont établis et sont d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvrant droit à toutes les indemnités de rupture, indemnité compensatrice de préavis y compris, peu important que le salarié ait été en arrêt de travail au moment de la rupture ; Qu'en revanche, si les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisante, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande ; Que lorsqu'un licenciement intervient en cours d'instance de résiliation, le juge doit examiner en premier lieu la résiliation et ce n'est que s'il considère cette demande injustifiée qu'il doit se prononcer sur le licenciement.

Attendu qu'en l'espèce, le licenciement est intervenu le 17 décembre 2015, soit postérieurement à la saisine par Monsieur J... de la juridiction prud'homale, intervenue le 11 septembre 2014, aux fins notamment obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail ; Qu'il convient donc d'examiner en premier lieu la demande de résiliation judiciaire ;

Attendu que Monsieur J... expose, à l'appui de sa demande de résiliation, que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations, en ne procédant pas à la rupture du contrat pour inaptitude dès juin 2013, en ne payant pas les salaires, en ne proposant pas de reclassement dans un délai raisonnable, la proposition de poste ne datant que d'août 2015, soit un délai de proposition de reclassement indécent ;

Attendu qu'il ressort des arrêts de travail (pour maladie ordinaire) produits que : Monsieur J... a été en arrêt de travail à compter du 5 décembre 2011 jusqu'au 22 avril 2012 ; qu'au vu du bulletin de salaire de juin 2012, Monsieur J... était en arrêt maladie tout au long du mois ; Que par courrier adressé à l'employeur daté du 18 juin 2012, adressé à l'employeur, le salarié a demandé à être placé en "congés sans solde pour une période de 6 mois (reconductible 6 mois) du Lundi 25 juin 2012 au 25 janvier 2012 [2013]";
Qu'il convient de rappeler que le congé sans solde n'est pas réglementé par le code du travail, aucune condition, ni procédure n'étant imposée pour en bénéficier ; que le salarié ne peut donc se prévaloir d'un défaut de formalisme ; que pas davantage, il ne peut se prévaloir d'une absence de terme du congé sans solde, au regard du courrier précité ; qu'en outre, une cause de suspension peut parfaitement se substituer à une autre cause de suspension, étant en outre relevé que pour la période postérieure à juin 2012, le salarié produit un seul arrêt de travail "initial" (qui précise toutefois l'existence d'un congé sans solde) du 26 décembre 2012 au 21 janvier 2013 ; Que l'employeur a manifestement accepté ce congé sans solde, qui a été effectif à compter du 1er juillet 2012, au vu des mentions figurant sur les bulletins de salaire délivrés à compter de cette date ;

Que par contre, l'existence d'un renouvellement du congé sans solde au-delà du terme de six mois prévu initialement n'est pas mis en évidence, au travers des éléments produits aux débats, en l'absence de justification d'un nouvel échange entre les parties à cet égard ; que dans le même temps, il y a lieu d'observer que les indications de l'employeur sur son absence de connaissance de l'intervention de la médecine du travail en 2013 et sur l'inopposabilité des avis délivrés sont en contradiction avec les pièces du dossier ; qu'en effet, le salarié verse aux débats deux courriers du 3 mars et du 23 mars 2013, adressés par l'employeur à la médecine du travail, courriers dont l'employeur ne dénie aucunement l'authenticité ; que dans le courrier du 3 mars 2013, l'employeur sollicite la médecine du travail afin de "programmer une visite médicale en vue d'une reprise de travail à l'attention de Monsieur R... J..., employé au sein de l'entreprise" et lui faire parvenir ses observations ; que dans le second courrier, daté du 23 mars 2013 (une erreur matérielle étant manifestement présente s'agissant de cette date, puisqu'il ne peut s'agir que du 23 mai 2013, et non du 23 mars 2013, où les conclusions de la médecine du travail n'étaient pas encore connues), l'employeur expose "Vous avez bien voulu me faire part de vos observations relatives à la visite médicale en vue d'une reprise du travail concernant Monsieur R... J.... Nous sommes, malheureusement, dans l'incapacité d'aménager le poste de travail d' "agent de piste", selon vos préconisations. En effet, le poids des bagages traités au sein d'un aéroport dépasse largement la limite de 15 kg. De plus, d'autres missions relatives au poste d'agent de piste qui nécessitent des opérations de manutention demandant des manipulations de charges supérieures à 15 kg telles que la mise en place et le retrait des escabeaux passagers de façon manuelle sont fréquentes et systématiques au traitement des avions que nous assistons. Par ailleurs, la mission de nettoyage de l'intérieur des avions nécessite des positions du dos semblables à celles nécessaires au chargement et au déchargement en soute. Nous tenons à vous signaler que le poste d'agent de piste revêt un caractère polyvalent qui rend son adaptabilité impossible selon vos observations" ; que ces courriers viennent conforter le fait que le contrat de travail n'était plus suspendu du fait d'un congé sans solde, l'employeur ayant lui-même sollicité la médecine du travail début mars 2013 pour une visite médicale de reprise de Monsieur J... ; que de plus, ces courriers mettent en évidence que l'employeur était informé de conclusions de la médecine du travail ;

Que les avis de la médecine du travail versés aux débats, notamment l'avis après deuxième examen médical de reprise du 13 mai 2013 - qui mentionne " 2ème examen "réglementaire" (art. R4624-31 du Code du travail)" : "Suite à l'examen de ce jour, on confirme l'inaptitude délivrée lors de la visite du 22/04/2013 : inaptitude définitive au poste d'agent de piste (bagagiste). Reclassement souhaitable à toute activité sans port de charges lourdes (pas plus de 15 kg)- et l'employeur, qui a sollicité lui-même l'avis de la médecine du travail pour une visite de reprise, ne peut prétendre avoir ignoré l'intervention de la médecine du travail et la nécessité de reclassement du salarié, les avis lui étant parfaitement opposables, étant rappelé que le contrat n'était plus suspendu pour congé sans solde ; Qu'à l'issue du délai d'un mois après le second examen de la visite de reprise, l'employeur n'a pas proposé de reclassement ou licencié le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; Qu'au vu de la lettre recommandée du 26 décembre 2013, avis de réception signé le 28 décembre 2013, le salarié a demandé à l'employeur, suite la déclaration d'inaptitude de la médecine du travail, de lui "proposer un poste compatible avec son état" ; qu'un autre salarié de l'entreprise, Monsieur R... W... Q... atteste le 11 janvier 2016 "avoir accompagné Monsieur J... R... en janvier 2014 pour un entretien avec la direction, seul le chef d'escale étant présent" ; que par courrier du 17 mars 2014, l'Inspection du travail a interpellé l'employeur sur la situation de Monsieur J..., en lui demandant de régulariser la situation, si les termes de sa saisine (avis d'inaptitude de la médecine du travail du 13 mai 2013, absence de reclassement ou de licenciement dans l'entreprise) étaient fondés ; Que pourtant, ce n'est que le 4 août 2015 que l'employeur a transmis un courrier au salarié relatif à une "proposition de reclassement", à laquelle le salarié n'a pas donné suite favorable dans le délai imparti ("réponse sous dizaine"), sans que l'employeur formule une nouvelle proposition ou procède au licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; Que parallèlement, il est constant qu'à l'issue du délai d'un mois après l'avis de la médecine du travail, l'employeur n'a pas versé à Monsieur J... ses salaires, alors qu'un tel versement est obligatoire suivant les dispositions du code du travail pour le salarié non reclassé, ni licencié à l'issue d'un mois après la visite de reprise, quelle que soit l'origine de l'inaptitude (professionnelle ou non) et le degré d'inaptitude, y compris l'inaptitude à tous postes dans l'entreprise ;

Que ces manquements persistants de l'employeur à ses obligations, non régularisés en cours de procédure, constituent des manquements suffisamment graves, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Que dès lors, il y a lieu d'ordonner, à effet du 17 décembre 2015, jour de l'envoi de la lettre de licenciement, la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, du contrat de travail liant Monsieur J... à la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance ;

Qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les demandes subsidiaires relatives au caractère réel et sérieux du licenciement du 17 décembre 2015 ; Que le jugement entrepris sera infirmé à ces égards ;

2) Sur les conséquences de la résiliation judiciaire

Attendu que cette résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Qu'au moment de la rupture du contrat de travail, Monsieur J... avait plus de deux ans d'ancienneté dans la société, qui comptait onze salariés et plus ; Qu'au regard de son ancienneté, des conditions dans lesquelles la rupture est intervenue, de l'absence de justificatifs sur sa situation postérieure, Monsieur J..., qui ne justifie pas d'un plus ample préjudice, se verra allouer des dommages et intérêts à hauteur de 9 198 euros -somme exprimée nécessairement en net et non en brut- (correspondant à six mois de salaire calculés sur la base d'un salaire de 1 533 euros brut, l'existence d'un salaire moyen de 1 655 euros brut n'étant aucunement justifiée au travers des pièces versées au dossier), avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et non à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, s'agissant d'une créance indemnitaire ; que Monsieur J... sera débouté du surplus de sa demande à cet égard ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, au regard du quantum retenu ;

Que par application de l'article L 1235-4 du Code du travail, sera ordonné d'office le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage éventuellement versées par le Pôle emploi dans la limite de six mois ;

Que le salarié a bénéficié à l'issue de la rupture du contrat du versement de l'indemnité compensatrice de préavis, à hauteur de 3066 euros brut au regard des pièces produites ; qu'il sera donc débouté de sa demande de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Que par contre, il ne ressort pas des éléments produits que le salarié ait été réglé des congés payés sur préavis ; que la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance sera donc condamnée à verser à Monsieur J... une somme de 306,60 euros brut au titre des congés payés sur préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017, date de l'audience devant le Conseil de prud'hommes, et non à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes (la résiliation étant prononcée à compter du 17 décembre 2015) ; que Monsieur J... étant débouté du surplus de sa demande à cet égard, non fondé, le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;

Que Monsieur J... sollicite également une indemnité spéciale de licenciement sur le fondement des dispositions de l'article L1226-14 du code du travail ; que toutefois, il ne démontre pas de la réunion des conditions prévues par ce texte, puisqu'il ne s'agit pas d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ; qu'il sera donc débouté de sa demande de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé à cet égard ;

Qu'en l'absence de paiement par l'employeur de l'indemnité de licenciement au vu des pièces produites et compte tenu de l'article 20 de la convention collective applicable, de l'ancienneté du salarié (déduction faite des périodes de suspension), du salaire moyen de 1 533 euros brut (l'existence d'un salaire moyen de 1 655 euros brut n'étant aucunement justifiée au travers des pièces versées au dossier), Monsieur J... se verra également octroyer une indemnité conventionnelle de licenciement de 3 985,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017, date de l'audience devant le Conseil de prud'hommes, et non à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes (la résiliation étant prononcée à compter du 17 décembre 2015) ; que Monsieur J... sera débouté du surplus de sa demande, non fondé ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, au regard du quantum retenu ;

3) Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi

Attendu que Monsieur J... sollicite la condamnation de la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance à lui verser une somme de 5 000 euros, à titre de dommages et intérêts en lien avec l'aggravation de sa situation financière, situation connue de l'employeur au regard des saisies de la Trésorerie sur salaire ;

Qu'au regard des pièces produites, le salarié justifie de l'existence d'un préjudice, en lien avec une aggravation de sa situation financière du fait de l'absence de règlement de salaires ; Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué au salarié à ce titre une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et a débouté le salarié du surplus de sa demande, Monsieur J... ne démontrant pas d'un plus ample préjudice, étant rappelé que les saisies sur salaire étaient préexistantes à cette situation ; que la somme de 1 000 euros est assortie des intérêts au taux légal, à compter de la décision prud'homale et non à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, s'agissant d'une créance indemnitaire ;

4) Sur la demande de rappel de salaires

Attendu que conformément aux développements précédents :
- Monsieur J... sera débouté de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents sur la période de juillet 2012 à novembre 2012, étant en congé sans solde à cette période ;
- s'agissant de la période courant du 13 juin 2013 au 17 décembre 2015, au regard des dispositions de l'article L1226-4 du code du travail, l'employeur devait reprendre le paiement des salaires à l'égard de Monsieur J..., salarié non reclassé, ni licencié, à l'issue du délai d'un mois (ne pouvant être prorogé ou suspendu) après la visite de reprise (intervenue le 13 mai 2013), quelle que soit l'origine de l'inaptitude (professionnelle ou non) et le degré d'inaptitude, y compris l'inaptitude à tous postes dans l'entreprise, étant précisé que l'employeur ne peut imposer au salarié un congé durant la période postérieure au délai d'un mois ; que le moyen développé par l'employeur, aux termes duquel le salarié ne s'est pas tenu à disposition de l'employeur et était absent, n'est pas opérant compte tenu des dispositions de l'article L1226-4 du code du travail, étant au surplus relevé que le salarié a postérieurement sollicité l'employeur pour reprendre un poste adapté à ses capacités ; que compte tenu des salaires normalement dus, correspondant à l'emploi occupé avec un taux de base différent en fonction des périodes, la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance sera condamnée à verser à Monsieur J... une somme de 43 447,50 euros brut au titre des salaires dus sur la période du 13 juin 2013 au 17 décembre 2015, outre une somme de 4 344,75 euros au titre des congés payés afférents, le surplus de la demande, basé sur un salaire constant de 1655 euros brut sur l'ensemble de la période n'étant pas fondé ; que la somme due au titre de rappel de salaires sera assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 39 720 euros brut à compter du 19 janvier 2017 (date de l'audience devant le Conseil de prud'hommes, où cette demande a été chiffrée, et non à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes) et sur la somme de 3 727,50 euros à compter du 18 avril 2018, date de transmission des conclusions d'appel ; que la somme due au titre des congés payés sur rappel de salaires sera assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 3 972 euros brut à compter du 19 janvier 2017 (date de l'audience devant le Conseil de prud'hommes, où cette demande a été chiffrée, et non à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes) et sur la somme de 372,75 euros à compter du 18 avril 2018, date de transmission des conclusions d'appel ; que Monsieur J... sera débouté du surplus de sa demande ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, au regard du quantum retenu ;

5) Sur les autres demandes

Attendu que les intérêts sur les sommes allouées (au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, des rappels de salaire et congés payés afférents, et des congés payés sur préavis) seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, dans sa version applicable aux données de l'espèce, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus pour au moins une année entière ; que Monsieur J... sera débouté du surplus de sa demande de ce chef ;

Attendu qu'au regard de ce qui précède, il sera ordonné à la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance d'établir et délivrer remettre à Monsieur J... les bulletins de salaire de juin 2013 à décembre 2015 et les documents sociaux (certificat de travail et attestation Pôle emploi) rectifiés, conformément au présent arrêt, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

Que le surplus de la demande de Monsieur J... tenant aux autres bulletins de salaire et au reçu pour solde de tout compte n'est pas fondé, et sera rejeté ;

Que le prononcé d'une astreinte n'est pas utile en l'espèce et la demande de Monsieur J... ce point sera également rejetée ;

Que le jugement entrepris sera infirmé à ces égards ;

Attendu que la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance , succombant principalement à l'instance, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point, hormis en sa disposition relative à l'aide juridictionnelle) et aux dépens de l'instance d'appel ;

Que la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance étant seule condamnée aux dépens ou perdant le procès au sens de l'article 700 du code de procédure civile, ne peut qu'être rejetée sa demande de condamnation de Monsieur J... au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation de la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant infirmé sur ce point) et d'appel ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 19 octobre 2017 sauf en ce qu'il a :
- condamné la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance en son représentant légal à verser à Monsieur R... J... la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,
- débouté Monsieur R... J... de ses demandes de condamnation de la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement,
- condamné la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance en son représentant légal aux dépens de première instance,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire, aux torts de l'employeur, du contrat de travail liant Monsieur R... J... à la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance à effet du 17 décembre 2015,

RAPPELLE que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur R... J... les sommes de :
9 198 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
3 985,80 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017,
306,60 euros brut au titre des congés payés sur préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2017,
43 447,50 euros brut au titre des salaires dus sur la période du 13 juin 2013 au 17 décembre 2015, avec intérêts au taux légal sur la somme de 39 720 euros brut à compter du 19 janvier 2017et sur la somme de 3 727,50 euros à compter du 18 avril 2018,
4 344,75 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires, avec intérêts au taux légal sur la somme de 3 972 euros brut à compter du 19 janvier 2017 et sur la somme de 372,75 euros à compter du 18 avril 2018,

DIT que les intérêts sur les sommes allouées (au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, des rappels de salaire et congés payés afférents, et des congés payés sur préavis) seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, dans sa version applicable aux données de l'espèce,

ORDONNE, par application de l'article L 1235-4 du Code du travail, le remboursement par l'employeur, pris en la personne de son représentant légal, des indemnités de chômage éventuellement versées par le Pôle emploi à Monsieur R... J... dans la limite de six mois,

ORDONNE à la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance prise en la personne de son représentant légal, d'établir et délivrer à Monsieur R... J... les bulletins de salaire de juin 2013 à décembre 2015 et des documents sociaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi) rectifiés, conformément aux énonciations du présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision,

DEBOUTE la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur R... J... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.R.L. Sud Corse Airport Landing and Assistance prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/003114
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-02-20;17.003114 ?
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