Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 25 MAI 2022
N° RG 20/00109
N° Portalis DBVE-V-B7E-B6BH SM - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 09 Décembre 2019, enregistrée sous le n° 19/00006
S.C.I. [Adresse 4]
C/
S.A.R.L. CG [J] TP
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
VINGT-CINQ MAI DEUX-MILLE-VINGT-DEUX
APPELANTE :
S.C.I [Adresse 4]
poursuites et diligences de son gérant en exercice
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par par Me Angelise MAINETTI, avocate au barreau d'AJACCIO, Me DURAFFOURD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A.R.L. CG [J] TP
représentée par son gérant en exercice
[Y] [I]
[Localité 2]
Représentée par Me Sandie LOTTIN, avocate au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Suivant acte d'huissier du 13 décembre 2018, la société CG [J] TP a fait citer la S.C.I. [Adresse 4] devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins de paiement de la somme de 47 785 euros au titre de factures impayées.
Par décision du 9 décembre 2019, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- fixé le montant de la rémunération due par la S.C.I. [Adresse 4] à la S.A.R.L. CG [J] TP à la somme de 62 837,50 euros au titre des travaux réalisés par cette dernière,
- condamné en conséquence la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] TP, eu égard aux sommes déjà versées, la somme de 30 332,50 euros avec intérêts à taux légal à compter du 13 décembre 2018,
- condamné la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] TP la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la S.C.I. [Adresse 4] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Suivant déclaration enregistrée le 4 février 2020, la S.C.I. [Adresse 4] a interjeté appel de la décision susvisée en ce qu'elle a :
- fixé le montant de la rémunération due par la S.C.I. [Adresse 4] à la S.A.R.L. CG [J] TP à la somme de 62 837,50 euros au titre des travaux réalisés par cette dernière,
- condamné en conséquence la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] TP, eu égard aux sommes déjà versées, la somme de 30 332,50 euros avec intérêts à taux légal à compter du 13 décembre 2018,
- condamné la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] TP la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 1er février 2022, la S.C.I. [Adresse 4], représentée par M. [K] en qualité de gérant, a demandé à la cour de :
Dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SCI [Adresse 4] ;
Réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Dire et juger que le marché conclu entre la SCI [Adresse 4] et la SARL CG [J] TP constitue un marché à forfait,
Pour le cas où la Cour considérerait qu'il s'agit d'un marché au métré,
Dire et juger que la société CG [J] T.P. a manqué à son devoir de conseil et est seule responsable, sous réserve qu'elle soit démontrée, de l'erreur d'appréciation flagrante du coût des travaux entrainant un dépassement considérable du prix.
Dire et juger en tout état de cause qu'il n'est pas démontré la réalisation, par la société CG [J] TP, de travaux supplémentaires par rapport à ceux initialement convenus avec la SCI [Adresse 4] et figurant dans le devis accepté par la SCI [Adresse 4].
Fixer en tant que de besoin la rémunération de la société CG [J] T.P. au titre des travaux effectués à 32.500 € correspondant à la somme qu'avait acquittée la SCI [Adresse 4] avant l'introduction de la procédure ayant donné lieu à la décision critiquée.
Dire par conséquent que la SCI [Adresse 4] n'est débitrice d'aucune somme envers la société CG [J] TP.
Condamner la société CG [J] TP au paiement de la somme de 32.640 € en restitution des fonds qui lui ont été acquittés par la SCI [Adresse 4] en exécution de la décision critiquée.
Sur l'appel incident de la Société CG [J],
Dire cet appel recevable mais mal fondé,
La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions
Condamner la société CG [J] T.P. à régler à la SCI [Adresse 4] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de Première Instance et d'Appel.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 28 janvier 2022, la S.A.R.L. CG [J] TP, représentée par M. [J] en qualité de gérant, a demandé à la juridiction d'appel de :
A titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 9 décembre 2019 (RG n°19/00006), sauf en ce qu'il a fixé la rémunération de la S.A.R.L. CG [J] TP à la somme de 62 837,50 euros (somme fixée après déduction de la somme de 17 352,50 euros due au titre du soi-disant manquement au devoir de conseil et d'information de la S.A.R.L. CG [J] TP) et en ce qu'il a dit que la S.A.R.L. CG [J] TP a manqué à son devoir de conseil et d'information,
- recevoir l'appel incident formé par la S.A.R.L. CG [J] TP,
Et y faisant droit,
- fixer le montant de la rémunération due par la S.C.I. [Adresse 4] à la société CG [J] TP à la somme de 80 190 euros,
- condamner, compte tenu des sommes versées avant la procédure (32 505 euros), la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] TP la somme de 47 685 euros avec intérêt légal à compter de l'assignation,
A titre subsidiaire,
- fixer le montant de la rémunération due par la S.C.I. [Adresse 4] à la société CG [J] TP au titre des travaux réalisés par cette dernière,
A titre infiniment subsidiaire et avant dire droit,
- désigner tel expert en bâtiment qu'il plaira, avec mission de :
- convoquer les parties et leurs conseils en les invitant à lui adresser à l'avance tous les documents relatifs au présent litige et à ses conséquences,
- entendre tout sachant,
- se rendre sur les lieux,
- décrire les travaux réalisés par l'entreprise CG [J],
- les chiffrer et faire les comptes entre les parties,
- se faire communiquer tous documents utiles à éclairer le tribunal,
- préconiser toutes solutions utiles,
- dresser rapport,
Dans tous les cas,
- débouter la S.C.I. [Adresse 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- condamner la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Suivant ordonnance du 7 décembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a :
- débouté la S.C.I. [Adresse 4] de ses demandes en communication de pièces,
- ordonné le renvoi au 2 février 2022 pour clôture ou radiation,
- condamné la S.C.I. [Adresse 4] au paiement des dépens de l'incident.
Par ordonnance du 2 février 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 17 mars 2022 à 8 heures 30.
Le 17 mars 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 25 mai 2022.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », « prendre ou donner acte » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la nature du contrat
La société appelante estime que le fait que les prix unitaires aient été mentionnés sur le devis ne saurait à lui seul permettre d'écarter la qualification de marché à forfait.
Elle ajoute que la quantité de mètres cubes était parfaitement précisée sur le devis.
En réponse, la S.A.R.L. CG [J] TP explique que, si un devis initial a été émis à hauteur de 45 485 euros T.T.C., M. [K], le gérant de la S.C.I. [Adresse 4] a commandé des travaux supplémentaires au fur et à mesure de l'avancement du chantier, augmentant la superficie du terrassement et, par conséquent, du volume des agrégats évacués. En outre, un brise roche hydraulique aurait finalement été utilisé.
La société ajoute que parallèlement, certains travaux ou quantités mentionnés au devis n'ont pas été facturés. Elle précise avoir modifié le premier devis émis le 1er mars 2018 suite aux remarques de M. [K], pour offrir les travaux relatifs à la création d'une aire de retournement, tout en ajoutant le coût du brise roche hydraulique, déjà utilisé une journée au moment de l'émission du devis modifié. Elle soutient que les parties sont liées par cette seconde version du devis. La facture d'acompte de 14 000 euros reprendrait d'ailleurs le libellé de la seconde version du devis et non la première.
Elle affirme que le marché liant les parties est un marché sur devis comportant un prix pour chaque élément de travaux réalisés, soit un marché à prix unitaires.
En application de l'article 1793 du code civil, le marché à forfait est le contrat par lequel l'entrepreneur s'engage à effectuer des travaux dont la nature et la consistance sont nettement définies, pour un prix fixé à l'avance et globalement.
En premier lieu, il convient de relever que la société appelante se prévaut d'un devis émis le 1er mars 2018 pour un montant total de 45 265 euros toutes taxes comprise, tandis que la société intimée soutient que les parties sont liées par un devis également daté du 1er mars 2018, émis pour un montant de 45 485 euros.
Seul le devis produit par la S.C.I. [Adresse 4] comporte la signature de M. [K] et la mention 'bon pour accord pour les travaux -le 2 mars 2018'.
La différence des devis porte sur les deux derniers postes facturés, puisque le coût de création d'une aire de retournement chez le voisin est facturé 600 euros sur le premier devis, alors qu'il est noté comme offert sur le second.
Un nouveau poste de dépense est enfin apparu sur le second devis, consistant en une journée de brise roche hydraulique pour un montant de 800 euros.
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il y a lieu de considérer que le second devis a été émis suite à une négociation entre les parties, qui a conduit la S.A.R.L. CG [J] TP à offrir une prestation jusqu'alors facturée, tout en intégrant un autre poste de dépense.
Cette analyse est confortée par la production d'un courriel du 2 mars 2018 à 14h22, au terme duquel le gérant de la S.A.R.L. CG [J] TP a indiqué 'Comme convenu, tu trouveras en pièce jointe le devis actualisé avec la facture d'acompte ainsi que mon RIB'.
Or, la facture d'acompte datée du 2 mars 2018 mentionne un coût total à hauteur de
45 485 euros, soit le montant du devis dont se prévaut la société intimée.
Aucune contestation n'a été émise par la S.C.I. [Adresse 4] suite à l'envoi de ce courriel, et il ressort au contraire du relevé bancaire versé au débat que la somme de 14 000 euros a été mise en paiement le 5 mars 2018 et réglée le 7 mars 2018, conformément à cette facture émise le 2 mars 2018.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le devis émis pour un montant total de 45 485 euros sera retenu comme liant les parties, même s'il ne comporte pas leurs signatures.
A l'instar des premiers juges, il sera relevé que le devis a quantifié les prestations et précisé leur coût unitaire. Ainsi l'évacuation des agrégats était-elle prévue pour 250 m³ à hauteur de 20 euros le m³, soit une somme totale de 5 000 euros, tandis que les quantités nécessaires au terrassement étaient évaluées à 650 m³ pour un prix unitaire de 25 euros, soit un total de 16 250 euros.
En outre, le devis comporte la mention suivante, apposée en couleur rouge : 'Pour tous travaux de terrassement ou de tranchées ce devis est sous réserve d'utilisation de BRH et/ou tirs d'explosifs. Il peut varié a la hausse comme a la baisse selon le nombre de m3 a évacué ainsi que pour des travaux supplémentaire. L'entrepreneur ne pourra etre poursuivit pour une eventuelle détérioration de la route en béton suite au passage des camions'.
Il résulte donc clairement du devis que le coût des travaux n'était pas forfaitaire, mais dépendait des prestations exactes réalisées et, notamment, des quantités évacuées et des travaux supplémentaires éventuellement effectués.
La qualification de marché à forfait ne pourra donc qu'être écartée, conformément à ce qu'ont retenu les premiers juges.
Sur le montant des sommes dues
La société appelante soutient que la S.A.R.L. CG [J] TP ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de la créance alléguée, ni la preuve de l'accord du maître d'ouvrage sur une modification substantielle du montant des travaux.
Elle fait valoir que pour un marché au métré, le paiement est conditionné à la commande expresse par le maître d'ouvrage, l'entrepreneur devant pour sa part prévoir les travaux nécessaires à l'exécution de sa mission. A défaut, l'entrepreneur ne pourrait prétendre à paiement. Elle ajoute que si le prix peut ne pas être déterminé, les éléments de calcul doivent néanmoins être précisés.
Elle estime que la S.A.R.L. CG [J] TP devait obtenir commande et acceptation expresse du maître d'ouvrage avant de solliciter, après travaux, un règlement quasiment égal au double du montant du devis initial. Elle affirme qu'au titre de son obligation de conseil, la société intimée devait s'assurer que le devis établi était en concordance avec les travaux envisagés. Elle soutient que l'erreur d'appréciation flagrante du coût des travaux entraînant un dépassement considérable du prix constitue un manquement au devoir de conseil.
D'autre part, elle relève que la S.A.R.L. CG [J] TP reconnaît que les travaux avaient débuté avant l'émission du devis modifié puisqu'un brise roche hydraulique avait déjà été utilisé. Elle en déduit que l'entrepreneur avait une parfaite connaissance des lieux et ne s'est nullement fondé sur les seules indications fournies par mail par M. [K].
La société appelante souligne par ailleurs qu'aucun travail supplémentaire n'a été commandé par M. [K], contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
Elle observe que l'intervention de Mme [V] [O] et de l'huissier de justice sont postérieurs à la fin des travaux, et témoignent de la conscience de l'entrepreneur de ce que la facturation finale allait poser des difficultés.
La S.C.I. [Adresse 4] souligne qu'elle ne conteste pas la réalité des travaux de terrassement, mais le cubage de terre finalement facturé par la société et l'utilisation d'un brise roche pendant onze jours.
Elle affirme que les travaux côté cuisine ont toujours été prévus, ainsi que cela ressortirait du courriel de commande. Elle ajoute que le courriel du 1er mai 2018 ne vise pas à solliciter des travaux supplémentaires, mais à informer de la pose des plots rouges pour l'alignement du terrassement du garage d'ores et déjà prévu.
Elle fait valoir que ce n'est pas parce que la S.C.I. [Adresse 4] a matérialisé sur le chantier, par deux piquets rouges, l'endroit où il fallait déblayer la terre -pour s'assurer que le terrassement ait lieu au bon endroit- que cela correspondrait pour autant à des travaux supplémentaires.
Elle estime, par ailleurs, que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en exigeant d'elle qu'elle démontre que la quantité de roches extraites n'était pas supérieure à celle prévue au devis, alors qu'il appartient à la S.A.R.L. CG [J] TP de rapporter la preuve de la quantité effectivement extraite.
Elle ajoute qu'il n'a jamais été question de tenir compte de l'augmentation du volume de terre due au fait qu'elle ait été remuée, la notion de coefficient de foisonnement apparaissant pour la première fois sur le devis du 18 mai 2018. Elle relève que l'entrepreneur ne produit aucune pièce susceptible de démontrer la réalité des chiffres avancés en matière de cubage. Elle souligne à ce titre que les terres évacuées sont nécessairement mises en décharge et s'étonne du refus de la société intimée de produire les bons précisant le cubage déposé. Elle observe également que la S.A.R.L. CG [J] TP a toujours refusé de produire les données enregistrées par le chronotachygraphe équipant ses véhicules, alors que ces données auraient permis de déterminer le nombre de voyages effectués. Elle s'étonne de la destruction des données alléguée, alors que dans le même temps, la société intimée a fait preuve d'une grande précaution en faisant intervenir un huissier de justice et Mme [V] [O].
Elle remet en cause l'attestation de M. [S], au motif que le terrain se situait à une heure de trajet en camion et précise que, dès lors que la société n'employait alors aucun salarié, M. [J] aurait effectué seul les 120 chargements, voyages et déchargements à cette distance, ce qui représenterait 40 à 60 jours de travail au vu du cubage allégué.
La société appelante souligne que la S.A.R.L. CG [J] TP ne démontre aucunement l'utilisation du brise roche pendant onze jours alors qu'elle n'aurait pas informé la S.C.I. [Adresse 4] de l'existence de cette roche dure.
Elle ne comprend pas comment un brise roche aurait pu être utilisé pendant onze jours alors que le devis prévoyant son utilisation date du 17 mai 2018 et la facture finale du 24 mai 2018.
La société appelante souligne qu'il n'est pas contesté que des travaux prévus dans le devis initial n'ont pas été réalisés ; ils représenteraient la somme de 12 760 euros toutes taxes comprises.
En réponse, la S.A.R.L. CG [J] TP explique en premier lieu que M. [K] a suivi lui-même la réalisation du chantier et a donné des instructions d'exécution directement aux entreprises intervenantes. La S.C.I. [Adresse 4] aurait elle-même communiqué des quantités précises le 5 janvier 2018, sur la base desquelles le devis du 1er mars 2018 aurait été établi.
La société intimée soutient que le 1er mai 2018, M. [K] a donné d'autres instructions précises quant aux travaux à réaliser, qui auraient engendré des travaux supplémentaires.
Elle relève qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé à sa demande que le terrassement a été effectué conformément aux instructions de M. [K]. Elle estime, par ailleurs, que les photographies annexées au procès-verbal de constat mettent en évidence l'importance des travaux réalisés.
Elle justifie l'intervention de Mme [V] [O] par la modification des travaux suite au courriel du 1er mai 2018, et la nécessité de faire calculer le cubage préalablement à l'émission de la facture afin que celle-ci soit conforme à la consistance des travaux réalisés.
Elle souligne que le volume d'agrégats évacués a été calculé par application d'un coefficient de foisonnement qui varie selon la nature des agrégats.
Elle explique disposer d'une aire de stockage dédiée, de sorte qu'elle n'aurait pas emmené les agrégats à la décharge. Elle ajoute que l'utilisation d'un brise roche est établie par le procès-verbal de constat.
Elle soutient que l'article 1195 du code civil ne peut trouver application en l'espèce, dès lors que l'augmentation du prix est liée aux travaux supplémentaires commandés par le maître de l'ouvrage et non à des circonstances imprévisibles.
Elle estime que la S.C.I. [Adresse 4] ne démontre aucune des trois conditions cumulatives nécessaires au jeu de la responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de conseil, et fait valoir que la société appelante ne peut se prévaloir de la qualité de non-professionnel alors qu'elle dispose de compétences notoires en matière de construction et a assuré elle-même la maîtrise d'oeuvre de son chantier.
Elle fait valoir que les calculs réalisés par Mme [V] [O] tiennent compte de la topographie des lieux avant travaux, et notamment des paliers préexistants, bien que représentant un petit volume. Elle ajoute qu'il est évident que la terre, une fois extraite du sol naturel, est plus volumineuse puisque beaucoup tassée.
La société intimée indique que la chronotachygraphie est sans intérêt dans la résolution du présent litige puisqu'elle ne permet ni de géolocaliser les véhicules, ni de savoir si ceux-ci circulaient à vide ou à plein. Elle précise qu'elle ne détient plus les disques de 2018, l'obligation de conservation n'étant que d'une année.
Elle remet en cause le calcul opéré par la société appelante sur le nombre de chargements nécessaires, au motif que les camions utilisés par ses soins auraient une capacité de chargement de 12 ou 15 m³ et non de 9 m³. Elle souligne que le chantier a duré 75 jours, pendant lesquels il a été possible d'évacuer 1 090 m³ de terre.
Elle reconnaît que certains travaux n'ont pas été réalisés, mais affirme qu'ils n'ont pas été facturés : il n'y aurait donc pas lieu de déduire la somme de 12 760 euros.
Enfin, elle souligne que le prix du brise roche hydraulique est en adéquation avec les prix du marché.
L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il appartient à la S.A.R.L. CG [J] TP, qui se prévaut de l'existence de travaux supplémentaires et de la nécessité de recourir à un brise roche hydraulique pendant onze jours, de rapporter la preuve de ses allégations.
Pour démontrer l'existence de travaux supplémentaires à la demande de la société appelante, la S.A.R.L. CG [J] TP se prévaut d'un courriel du 1er mai 2018 en ces termes :
'La marque rouge sur la petite maison Est à prendre en compte de même que l'autre marque rouge sur la grande maison pour l'alignement du garage.
Pour les niveaux rien ne change
Pour les 11 m c'est les 2 piquets doubles qui délimitent les 11 m donc on se retrouve à 5,5 m environ du bord de la petite maison
On ne touche pas le mur existant en pierre d'accès à la petite maison !
Si besoin ne pas hésiter de m'appeler demain à partir de 10 h
Bonne journée'.
La commande de nouveaux travaux par la S.C.I. [Adresse 4] ne résulte toutefois pas clairement de ce message, alors que la société appelante affirme qu'il s'agit uniquement de précisions sur l'emplacement exact du terrassement et que la partie intimée reconnaît que M. [K], en sa qualité de gérant, suivait lui-même la réalisation du chantier, ce qui accrédite les explications de la S.C.I. [Adresse 4].
Il sera, d'ailleurs, observé que la dimension de onze mètres figurait déjà sur le croquis réalisé par M. [K] avant l'émission du devis initial.
L'émission d'un nouveau devis le 17 mai 2018 à hauteur de 83 380 euros ne permet pas davantage de démontrer l'existence de travaux supplémentaires puisque ce document, non signé par les parties, ne fait pas apparaître de chef de travaux supplémentaires par rapport au devis initial.
En outre, si la quantité de matériaux prévue pour le terrassement de la piscine a augmenté par rapport au devis initial, M. [K] a contesté celle-ci dès le 18 mai 2018 en affirmant par courriel que la quantité totale nécessaire aux terrassements de la piscine/garage, de l'arrivée, et du côté cuisine à 700/750 m³.
Il a de nouveau contesté les quantités facturées le 24 mai 2018 au moyen d'un courriel du 1er juin 2018 reprenant les quantités figurant sur le devis initial.
A l'instar de la société appelante, il sera observé que dans son courriel du 18 mai 2018, M. [K] a fait état de trois chantiers de terrassement ainsi que cela figurait déjà sur son croquis initial, même si les 100 m³ étaient initialement prévus 'côté Ouest' sans précision, et que dans son courriel du 18 mai 2018, M. [K] les a affectés au 'terrassement côté cuisine', en indiquant dans ses écritures qu'il s'est toujours agi du même emplacement. Aucun nouveau chantier de terrassement n'a donc été allégué par M. [K].
Le procès-verbal de constat du 28 mai 2018 versé au débat ne permet pas davantage de démontrer l'existence de travaux supplémentaires, dès lors que l'huissier de justice se contente de reprendre les déclarations de la S.A.R.L. CG [J] TP sur ce point.
Enfin, la société intimée verse au débat une fiche de calcul réalisée par Mme [V] [O], ingénieure conseil, le 19 mai 2018, expliquant l'augmentation des quantités facturées au titre de l'évacuation des agrégats par l'application d'un coefficient de foisonnement.
Cette fiche fait état de trois sites de terrassement, soit la piscine, le parking et la cuisine ; elle vise également la station de pompage pour 50 m³.
Si les calculs sont développés, ils ne sont nullement explicités. En outre, il est établi que si Mme [V] [O] a opéré des relevés sur le terrain, celle-ci est intervenue après la fin du chantier à partir des informations données par la S.A.R.L. CG [J] TP.
Dans ces conditions, ce document ne permet pas de démontrer le bien-fondé des quantités facturées par la S.A.R.L. CG [J] TP.
Il convient de préciser à ce propos que si le devis initial prévoyait un ajustement du tarif en fonction du nombre de m³ évacué et des travaux supplémentaires, la facturation de la somme de 47 850 euros au titre des travaux de terrassement et d'évacuation, en lieu et place de la somme de 21 250 euros ne peut être regardée comme un simple ajustement, mais comme un bouleversement de l'équilibre économique du contrat imposant de recueillir le consentement préalable de la S.C.I [Adresse 4], ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
La société intimée ne saurait d'autre part se prévaloir d'une information initiale erronée de M. [K] sur les quantités, alors que pour un tel chantier il lui appartenait nécessairement de se déplacer sur les lieux pour évaluer elle-même les quantités en fonction du terrain, et qu'en tout état de cause, elle reconnaît elle-même qu'elle avait débuté les travaux avant l'émission du devis modifié.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la S.A.R.L. CG [J] TP ne démontre ni la réalité de travaux supplémentaires effectués à la demande de M. [K], ni la réalité de l'évacuation de 1 090 m³ d'agrégats alors que le devis initial en prévoyait 250 m³.
Par ailleurs, il convient de relever que si les pièces versées au débat et les constatations de l'huissier de justice établissent la réalité du recours à un brise roche hydraulique, aucun
élément ne permet de démontrer que la S.A.R.L. CG [J] l'a utilisé pendant onze jours
alors que cette situation a été contestée par la S.C.I. [Adresse 4] à réception de la facture, dès le 1er juin 2018.
Il sera souligné à ce propos que l'utilisation d'un brise roche hydraulique pendant une journée a été prise en compte dès l'émission du devis modifié daté du 1er mars 2018.
Même si la S.A.R.L. CG [J] TP avait alors débuté les travaux, elle n'a pas estimé utile de prévoir un recours à un brise roche hydraulique pour une durée supérieure à une journée.
Elle n'a pas davantage informé ou recueilli le consentement de la S.C.I. [Adresse 4] sur l'utilisation prolongée d'un tel matériel facturée 17 350 euros en lieu et place des 800 euros prévus initialement.
En l'absence de tout échange des parties à ce titre et dès lors que l'utilisation d'un brise roche hydraulique est démontrée pour une journée, la production de photographies non datées et le constat de l'huissier relatif à l'utilisation d'un tel matériel ne permet de fournir aucune information sur la durée d'utilisation.
La S.A.R.L. CG [J] TP ne démontre donc pas avoir eu recours à un brise roche hydraulique sur une durée de onze jours.
Il sera par ailleurs rappelé que l'expertise n'a pas vocation à pallier la carence des parties.
A défaut de tout élément permettant d'établir le bien-fondé des demandes de la société intimée, elle sera déboutée de sa demande d'expertise visant à décrire les travaux réalisés par ses soins.
Enfin, les parties s'accordent sur le fait que certains travaux n'ont pas été réalisés, à hauteur de 12 760 euros toutes taxes comprises.
Or, il ressort de la comparaison du devis initial et de la facture du 24 mai 2018 que les postes liés à la création d'une route d'accès au drain n°2, à l'évacuation et la pose de fosses septiques et l'ouverture de fondation pour mur en banchée n'ont pas été facturés à hauteur de 11 600 euros hors taxes au total, soit la somme de 12 760 euros toutes taxes comprise, puisque la T.V.A. est calculée au taux de 10 %.
Aucune somme n'est donc à déduire de ce chef dans le cadre de la présente instance.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera infirmé et le montant des travaux sera fixé à la somme de 32 725 euros toutes taxes comprises.
Eu égard au montant versé -soit la somme totale de 32 505 euros-, la S.C.I. [Adresse 4] sera condamnée à payer à la S.A.R.L. CG [J] TP la somme de 220 euros.
Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance
La S.C.I. [Adresse 4] explique avoir versé la somme de 32 640 euros en exécution de la décision de première instance ; elle souhaite voir ordonner la restitution du trop perçu.
Il convient de rappeler que l'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.
La demande présentée à ce titre est par conséquent sans objet.
Sur les autres demandes
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elle seront par conséquent déboutées de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, la S.C.I. [Adresse 4], qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a condamné la S.C.I. [Adresse 4] au paiement des dépens,
Statuant à nouveau,
Fixe le montant de la rémunération due par la S.C.I. [Adresse 4] à la S.A.R.L. CG [J] TP à la somme de 32 725 euros toutes taxes comprises, au titre des travaux réalisés par cette dernière,
Condamne la S.C.I. [Adresse 4] à payer à la S.A.R.L. CG [J] Tp la somme de 220 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2018,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la S.C.I. [Adresse 4] au paiement des dépens.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT