Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 1er FEVRIER 2023
N° RG 20/00476
N° Portalis DBVE-V-B7E-B7FY JJG - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA, décision attaquée en date du 19 Mars 2020, enregistrée sous le n° 18/01108
S.A.R.L. SARL [Localité 2] IMMOBILIER
C/
Consorts [C]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
PREMIER FÉVRIER
DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANT :
S.A.R.L. [Localité 2] IMMOBILIER
le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] représenté par son syndic en exercice la SARL [Localité 2] IMMOBILIER prise en la personne de son gérant en exercice
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-Benoit FILIPPINI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉS :
M. [M], [U], [K] [C]
né le 27 Septembre 1955 à [Localité 2]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Claude VOITURIEZ, avocate au barreau de BASTIA
M. [D] [C]
né le 17 Décembre 1960 à [Localité 2]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Claude VOITURIEZ, avocate au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 1er décembre 2022, devant la cour composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
[J] [Y].
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er février 2023.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Par arrêt avant-dire droit du 5 octobre 2022, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits et des prétentions des parties, la 2° section de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :
- Rouvert les débats aux fins de recueillir les observations -et non des conclusions- de parties sur les conséquences de droit résultant, en application des articles 542 et 954 du code de procédure civile, de l'absence dans les conclusions d'appel incident de MM. [M] et [D] [C] de demande d'infirmation, de réformation ou d'annulation du jugement entrepris,
- Renvoyé la présente procédure à l'audience collégiale du 1er décembre 2022 à 8 heures 30,
- Sursis à statuer sur l'ensemble des demandes présentées,
- Réservé les dépens.
Le 30 novembre 2022, par observations, MM. [M] [C] et [D] [C] ont fait valoir que si le dispositif de leurs conclusions d'appel ne comporte pas de demande de réformation, d'infirmation ou d'annulation, il est parfaitement explicite puisqu'il demande à la Cour de les recevoir en leur appel incident, que l'appel incident, eu égard à la décision querellée et à l'appel principal ne peut avoir pour but que de faire juger l'opposition non valable pour l'intégralité des sommes, puisque postérieurement à la décision du premier juge, la cour de céans a annulé les deux assemblées générales de copropriété retenues.
Mais surtout d'une part, la jurisprudence de la Cour de cassation n'est pas supérieure, dans la hiérarchie des normes, à la loi, et donc aux articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile, que cette jurisprudence est susceptible d'évoluer, aucun des textes susdits n'imposant de préciser dans le dispositif une demande d'infirmation, d'annulation ou de réformation.
D'autre part, la déclaration d'appel du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] étant du 6 octobre 2020, il n'est pas établi que la publication de l'arrêt du 17 septembre
2020 soit intervenue avant cette date ; l'instance ayant donc été introduite sans que la «règle» nouvelle, jurisprudentielle, posée par la Cour de cassation qui ajoute aux textes légaux, ait été connue de tous. Pour en déduire en conclusion que l'application de cette règle serait en l'espèce inéquitable, au sens de l'arrêt du 9 juin 2022.
Le 1er décembre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 1er février 2023
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a considéré que la créance de l'appelant était liquide certaine et exigible à hauteur de 19 300,06 euros et non de 39 050,16 euros, somme non reprise dans le dispositif des écritures du demandeur et qui pour la première correspond au solde de gestion au 25 mars 2011, et ce, alors qu'une partie de la gestion du syndic de cette période a été annulée.
* Sur l'absence de demande d'infirmation ou de réformation dans le cadre de l'appel incident
En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, les conclusions d'appel de MM. [C] ne comportent aucune demande d'infirmation ou de réformation du jugement. Elles comprennent un dispositif qui ne
conclut pas à l'infirmation, totale ou partielle, du jugement déféré mais sollicite seulement de recevoir, constater ou dire, ne déterminant pas ainsi l'objet du litige.
Or, l'appel tend à la réformation ou à l'infirmation du jugement que MM. [C] ne sollicitent pas.
Il convient donc en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile de relever qu'il n'y a pas d'appel incident soutenu par les intimés et, en conséquence, que les sommes auxquelles ils ont été condamnés à payer sont définitivement acquises, la cour ne devant examiner que l'appel du Syndicat des copropriétaires portant sur la somme restant due selon lui de 19 576,10 euros, les dommages et intérêts réclamés et le montant dû au titre des frais irrépétibles.
* Sur le prescription de l'action en recouvrement des charges de copropriété
Les intimés font valoir que l'action engagée à l'encontre des héritiers successoraux de [R] [A] est prescrite en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, modifié le 25 novembre 2018, ramenant de 10 à 5 ans le délai pour recouvrer les créances.
L'appelant s'oppose à ce raisonnement faisant valoir que son action est basée sur une opposition du 20 mars 2017 et un acte introductif d'instance du 10 mai 2017, soit dans le délai de 10 ans en vigueur à ce moment-là.
Il n'est nullement contesté que les premières sommes réclamées le sont au titre du budget 2007 dont les comptes ont été approuvés par l'assemblée générale du 19 décembre 2008, dont les résolutions ont toutes été annulées par le jugement du 27 septembre 2012, aujourd'hui définitif, le solde de la somme considérée comme due par l'appelant étant issu des charges de copropriété et des appels travaux postérieurs. Depuis lors, par assemblée générale du 30 octobre 2019, les différents comptes impactés par les annulations en cascades des assemblées générales antérieures ont été approuvés
En conséquence, au moment où la présente action a été diligentée et l'opposition sur le prix de vente du bien immobilier propriété de l'indivision successorale de [R] [A] délivrée, aucune prescription n'était encourue, toutes ces actions ayant été engagées dans le délai de 10 ans en vigueur en 2017.
* Sur la validité de l'opposition délivrée le 20 mars 2017
A la suite de la vente le 2 mars 2017 de son fonds par [R] [A], auteure des intimés, à M. [Z] [I] pour la somme de 400 000 euros, le Syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1], a fait délivrer, le 20 mars 2017, une opposition en application des dispositions de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, pour une somme de 41 607,44 euros, frais inclus, et 39 050,16 euros au titre des seules charges et travaux de copropriété, à M. [Z] [I], élisant domicile auprès de Me [X] [S], notaire associé à [Adresse 1] (Haute-Corse), en sa qualité d'acquéreur du lot de copropriété ayant appartenu à [R] [A], lui interdisant de se dessaisir de cette somme en d'autres mains que les siennes.
Les intimés ne contestent pas la régularité de cette opposition mais uniquement son fondement estimant qu'elle ne reposait pas sur une créance certaine, liquide et exigible.
Il convient donc d'examiner ce moyen, l'opposition étant parfaitement régulière en sa forme.
¿ Sur le caractère certain, exigible et liquide de la créance invoquée
L'appelant fait valoir qu'il possède une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre des intimés fondée sur des jugements de condamnations prononcés à leur encontre et valant engagement de l'ensemble des copropriétaires, dont les appelants, et sur la résolution approuvant les comptes de la copropriété pour les années antérieures votée lors de l'assemblée générale du 30 octobre 2019, il estime que celle-ci a régularisé la situation et qu'il ne peut être revendiqué la moindre prescription.
Il est réel que l'annulation de résolution d'une assemblée générale, voire de l'intégralité de l'assemblée générale elle-même, comme en l'espèce, pour défaut de qualité du syndic non valablement désigné prive le créancier de l'autorisation nécessaire de recouvrement de la dite somme, il n'en reste pas moins qu'il est constant que cela ne modifie par les qualités d'une créance qui reste certaine, liquide et exigible.
En l'espèce, le premier juge a retenu que la somme de 19 750,06 euros due au 25 mars 2011, en page n°7 du jugement querellé, est non détaillée ni expliquée «alors qu'il ressort des différentes pièces produites que la gestion du cabinet ST NICOLAS a été, pour une période au moins, annulée».
Il convient donc d'examiner les justificatifs apportés quant à l'origine de la créance invoquée et ce pour la période antérieure au 25 mars 2011, la somme réclamée pour la période postérieure ayant été reçue en première instance et non contestée par un appel incident recevable.
Or, pour se faire l'appelant ne produit que les procès-verbaux des assemblées générales des 1er décembre 2015 et 22 juin 2016, seules à reprendre les soldes débiteurs antérieurs des intimés, qui ont été annulées, comme cela ressort des conclusions concordantes des parties, sans pour autant que les jugement d'annulation des 19 décembre 2019 soient produits au débat, ne rapportant pas ainsi la preuve du caractère certain, exigible et liquide de la créance revendiquée.
Reste la somme revendiquée au titre des travaux de toitures pour un montant de 15 861,65 euros, montant de la quote part de [R] [G] [A], auteure des intimés, réclamée au titre de l'assemblée générale du 21 juillet 2009, assemblée qui n'aurait pas été annulée selon l'appelant, au contraire des intimés qui font valoir une annulation par le jugement n°374 du 27 septembre 2012 pour une procédure enregistrée sous le numéro 09-1807.
Le dispositif du dit jugement, prononcé il y a plus de 10 années, s'il annule bien une assemblée générale date celle-ci du 28 août 2009, date mentionnée à deux reprises dans le dispositif et à quatre reprises dans la motivation de cette décision, sans que la date du 21 juillet 2009 soit invoquée ou mentionnée une seule fois dans le dit jugement.
Les intimés se prévalent d'une erreur de plume et produisent pour cela tant leur acte introductif d'instance que leurs conclusions récapitulatives dans cette procédure enregistrée sous le numéro 09-1807.
Cependant, aucune requête en rectification d'erreur matérielle n'a été engagée depuis le prononcé du dit jugement pas plus d'ailleurs que depuis le prononcé du jugement querellé le 19 mars 2020, alors que le premier juge a clairement mentionné dans sa motivation qu'«il n'est pas démontré que l'assemblée générale ayant approuvé les travaux de réfection de la partie nord du toit pour un montant de 100 018,22 €, qu'il ne peut être allégué que le jugement 09/01807 du tribunal de grande instance de Bastia a annulé une assemblée générale du 21/07/2009 alors que ce jugement du 27/09/2012 précise bien dans ces motifs comme dans son dispositif qu'il annule une assemblée générale du 28/08/2009 et qu'il n'est pas établi qu'il ait obtenu, ni même sollicité, une rectification de l'erreur matérielle alléguée», et ce, alors que l'article 462 du code de procédure civile, relatif notamment à l'erreur matérielle, n'impose aucun délai pour le dépôt d'une telle requête.
En conséquence, le cour n'ayant pas compétence pour rectifier une décision de justice qu'elle n'a pas prononcée et qui ne lui est pas déférée, il y a lieu de relever que seule l'assemblée générale du 28 août 2009 a été annulée et non celle du 21 juillet 2009, qu'au titre de celle-ci l'appelant dispose d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre des intimés d'un montant, ressortant de l'analyse des pièces et décomptes produits, de
15 861,65 euros.
Il y donc lieu d'infirmer le jugement querellé sur ce point.
Pour le solde restant dû, à savoir une somme de 3 888,41 euros, au titre des exercices antérieurs au 25 mars 2011, il ne ressort aucunement des pièces et décomptes produits qu'il est exigible, les assemblées générales sur lequel il est fondé, à défaut de preuve contraire, ayant toutes été annulées et l'assemblée générale du 30 octobre 2019 ne peut valablement être retenue, la dite créance étant prescrite depuis au moins le 25 mars 2016.
En ce qui concerne un éventuel enrichissement sans cause des intimés, il résulte des dispositions de l'article 1303-3 du code civil que «L'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription».
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris sur ce chef de la demande.
* Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Il ressort de la présente procédure que les intimés ont exercé toutes les voies de recours disponibles pour contester une créance issue de la succession de leur mère et à ce titre il
n'est aucunement démontré qu'ils aient commis le moindre abus de droit, la cour ayant retenu la prescription d'une partie de la créance revendiquée.
Il y a lieu de rejeté cette demande.
* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
S'il est équitable de laisser à la charge de MM. [M] et [D] [C] les frais irrépétibles qu'ils ont engagés, il n'en va pas de même pour le Syndicat des copropriétaires de la résidence située [Adresse 1] ; en conséquence, il convient de débouter les intimées de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer, à ce titre, à l'appelant, la somme globale de 3 500 euros à l'encontre des intimés.
Il y a lieu aussi de condamner MM. [M] et [D] [C] au paiement des entiers paiement en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Vu l'arrêt avant-dire droit du 5 octobre 2022,
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions à l'exception de celle limitant en ces termes le montant da créance du Syndicat des copropriétaires de la résidence située [Adresse 1] «Dit que la créance du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] est certaine, liquide et exigible à hauteur de 19 300,06 €»,
Statuant à nouveau,
Déclare que la créance du Syndicat des copropriétaires de la résidence situé [Adresse 1], est certaine, liquide et exigible à hauteur de 19 300,06 euros +
15 861,65 euros = 35 161,71 euros, à l'encontre de MM. [M] et [D] [C], ayants droit de [R] [G] [A],
Y ajoutant,
Déboute le Syndicat des copropriétaires de la résidence situé [Adresse 1], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 2] immobilier, du surplus de ses demandes,
Déboute M. [M] [C] et M. [D] [C] du surplus de leurs demandes, y compris celle relative aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [M] [C] et M. [D] [C] au paiement des entiers dépens en cause d'appel,
Condamne in solidum M. [M] [C] et M. [D] [C] à payer au Syndicat des copropriétaires de la résidence situé [Adresse 1], représenté par son syndic la S.A.R.L. [Localité 2] immobilier, une somme globale de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT