Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 8 FÉVRIER 2023
N° RG 21/00750
N° Portalis DBVE-V-B7F-CCGS SM - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00865
SCCV LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4]
C/
S.A.R.L. SARL IMMOBILIERE GRYSELIENNE
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
HUIT FÉVRIER DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
S.C.C.V LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4]
Société civile de construction vente, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier PELLEGRI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉE :
S.A.R.L. IMMOBILIERE GRYSELIENNE
prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphanie LEONETTI, avocate au barreau de BASTIA, Me Cyril KUJAWA, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Suivant acte d'huissier du 5 juillet 2019, la S.A.R.L. M2F a fait citer la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] devant le tribunal de grande instance de Bastia aux fins de voir :
- constater que la société S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] est débitrice envers la société M2F -Immobilière Grysélienne de la somme de 350 000 € outre intérêts au taux contractuel,
- condamner la société S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F -Immobilière Grysélienne la somme de 350 000 euros au titre du remboursement du prêt consenti le 11 juillet 2012,
- condamner la société S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] au paiement des intérêts dus au titre du contrat de prêt calculés au taux de 7 % annuel à compter du 11 juillet 2012 et dont le décompte sera arrêté à la date de remboursement effectif,
- condamner la société S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F -Immobilière Grysélienne la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
Par décision du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Bastia a :
- constaté que la société S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] est débitrice envers la société M2F -immobilière grysélienne de la somme de 350 000 € outre intérêts au taux contractuel,
- condamné la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F -immobilière grysélienne la somme de 350 000 € au titre du prêt consenti le 11 juillet 2012 assortie des intérêts au taux annuel de 7 % à compter du 11 juillet 2012,
- débouté la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins de non recevoir et prétentions,
- condamné la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F -immobilière grysélienne la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] aux dépens.
Suivant déclaration enregistrée le 22 octobre 2021, la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4], représentée, a interjeté appel de la décision susvisée en ces termes :
'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués : L'infirmer en ce qu'il a : -Constate que la société SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] est débitrice envers la société M2F - immobilière grysélienne de la somme de 350 000 € outre intérêts au taux contractuel. -Condamne la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F - immobilière grysélienne la somme de 350 000 € au titre du prêt consenti le 11 juillet 2012 assortie des intérêts au taux annuel de 7 % à compter du 11 juillet 2012. -Déboute la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins de non-recevoir et prétentions. -Condamne la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F - immobilière grysélienne la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. -Condamne la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] aux dépens.'
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 19 janvier 2022, la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4], représentée, a demandé à la cour de :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de BASTIA en date du 21/09/2021, RG n°19/00865, en ce qu'il a :
- Constate que la société SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] est débitrice envers la société M2F - immobilière grysélienne de la somme de 350 000 € outre intérêts au taux contractuel - Condamne la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F - immobilière grysélienne la somme de 350 000 € au titre du prêt consenti le I 1 juillet 2012 assortie des intérêts au taux annuel de 7 % à compter du 11 juillet 2012
- Déboute la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins de non-recevoir et prétentions
- Condamne la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] à payer à la société M2F - immobilière grysélienne la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la SCCV le Domaine du Golfe de [Localité 4] aux dépens.
ET STATUANT À NOUVEAU
AU PRINCIPAL
- Juger que la convention en date du 11/07/2012 ne remplit pas les conditions légales de validité d'un prêt ;
- Déclarer la convention en date du 11/07/2012 nulle et de nul effet ;
AU SUBSIDIAIRE
Si la Cour considérait la convention en date du 11/07/2012, comme valable ;
- Constater qu'il n'y a aucun élément relatif à l'utilisation temporelle de la somme de 350.000,00 € entre le 11/07/2012 et le 10/07/2014, pas plus que sur le sort de la somme de 350.000,00 € après le 10/07/2014 ;
- Juger qu'il n'y a pas lieu à remboursement de la somme de 350.000,00 €, par la SCCV DGSF à la SARL IMMOBILIERE Grysélienne ;
- Juger que la somme de 350.000,00 € doit rester acquise à la SCCV DGSF ;
AU PLUS QUE SUBSIDIAIRE
Si la Cour considérait la convention en date du 11/07/2012, comme valable et que la somme de 350.000,00 € ne restait pas acquise à la SCCV DGSF ;
- Juger qu'aucun intérêt, de quelque taux que ce soit, n'a été convenu entre les parties concernant la somme de 350.000,00 € ;
- Juger qu'aucun intérêt, de quelque taux que ce soit, ne peut être appliqué concernant la somme de 350.000,00 € ;
- Juger qu'aucun intérêt, de quelque taux que ce soit, ne peut être appliqué concernant la rémunération de comptes courants qui n'existent pas ;
- Juger qu'aucun point de départ d'intérêt, de quelque taux que ce soit, n'a été convenu entre les parties pour quelque cause que ce soit ;
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
- Déclarer la Société à responsabilité limitée M2F, irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
- Condamner la Société à responsabilité limitée M2F à payer la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la Société à responsabilité limitée M2F aux entiers dépens ;
- Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Olivier PELLEGRI pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 2 septembre 2022, la S.A.R.L. société immobilière Grysélienne exerçant sous le nom commercial M2F, représentée, a demandé à la juridiction d'appel de :
CONFIRMER le Jugement entrepris du 21 septembre 2021 (RG N19/00865) en toutes ses dispositions ;
En conséquence :
CONSTATER que la Société SCCV LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4] est débitrice envers la Société M2F ' Immobilière Grysélienne de la somme de 350 000 € outre intérêts au taux contractuels ;
CONDAMNER la Société SCCV LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4] à payer à la Société M2F ' Immobilière Grysélienne la somme de 350 000 € (TROIS CENT CINQUANTE MILLE EUROS) au titre du remboursement du prêt consenti le 11 juillet 2012 ;
CONDAMNER la SCCV LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4] au paiement des intérêts dus au titre du contrat de prêt calculés au taux de 7% annuel à compter du 11 juillet 2012 et dont le décompte sera arrêté à la date du remboursement effectif.
DÉBOUTER Société SCCV LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, fins de non-recevoir et prétentions,
CONDAMNER la Société SCCV LE DOMAINE DU GOLFE DE [Localité 4] à payer à la Société M2F ' Immobilière Grysélienne la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;
LA CONDAMNER aux entiers dépens.
Par ordonnance du 7 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 21 novembre 2022 à 8 heures 30.
Le 21 novembre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger », « prendre ou donner acte » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la qualification de la convention du 11 juillet 2012
La société appelante soutient que la convention du 11 juillet 2012 ne remplit pas les conditions légales pour être qualifiée de prêt et ne saurait, dès lors, entraîner les conséquences d'un prêt.
Elle rappelle que le contrat doit s'interpréter d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.
A titre subsidiaire, la société appelante relève que la convention ne prévoit pas l'hypothèse de l'inutilisation ou de l'utilisation partielle de la somme au 10 juillet 2014 alors qu'il n'existerait aucun élément sur l'utilisation temporelle qui aurait pu être faite de la somme.
Elle ajoute qu'aucun élément ne vient démontrer qu'en cas d'absence de remboursement de la somme au 10 juillet 2014, cette somme serait exigible.
Elle déduit de ces éléments que la somme de 350 000 euros doit lui rester acquise.
En réponse, la société intimée souligne que l'authenticité de l'écrit litigieux n'est pas remise en cause et soutient que, par l'apposition de leur signature, les dirigeants de la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] ont reconnu avoir perçu la somme de 350 000 euros et se sont obligés à son remboursement dans les conditions prévues à l'acte.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, elle produit le relevé bancaire qui prouve le versement effectif de la somme de 350 000 euros le jour de la signature du contrat de prêt et la copie du chèque dont le débit est ainsi constaté.
Elle estime que dès lors que la cession de parts prévue à titre de garantie a été convenue à son profit exclusif, son absence de réalisation est sans incidence sur la portée de ses droits et des obligations de la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4].
Elle conclut que le prêt effectif de la somme d'argent susvisée justifie pleinement l'obligation de remboursement.
Au surplus, elle relève que la société appelante n'a jamais protesté ou formulé d'observation lors de la transmission annuelle de la facturation des intérêts.
En réponse à l'argumentation de la société appelante, elle observe que cette dernière ne précise pas les raisons pour lesquelles le contrat ne pourrait être qualifié de prêt.
En tout état de cause, elle estime que l'obligation de restitution de la somme de 350 000 euros demeurera pleinement indépendamment de la qualification qui pourrait être donnée à la convention.
Elle fait valoir que la somme a été intégralement versée et que sa restitution était due au plus tard le 10 juillet 2014.
L'article 1874 du code civil stipule que le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi.
Au terme de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au jour de la signature de la convention du 11 juillet 2012, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 1156 suivant, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose que l'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.
Au terme de l'article 1157, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun.
Enfin, l'article 1158, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoit que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière.
En l'espèce, le 11 juillet 2012, les parties ont signé un acte sous seing privé qu'elles ont intitulé 'Convention de prêt' dans les termes suivants :
'La société M2F -Immobilière Grysélienne met à la disposition de la S.C.C.V. Domaine du golfe de [Localité 4], représentée par Monsieur [S] [I] et Monsieur [T] [D], co-gérants, qui l'acceptent, la somme de 350 000,00 euros (trois cent cinquante mille euros).
La société S.C.C.V. Domaine du golfe de [Localité 4] s'engage à rembourser la somme prêtée à partir du 11 juillet 2012 jusqu'au 10 juillet 2014 au prorata de l'utilisation temporelle de la somme empruntée.
L'intérêt au taux légal en vigueur pour la rémunération des comptes courants sera calculé au taux de 7 % (sept pour cent annuel).
Ce prêt sera garanti par la participation au capital social de la S.C.C.V. Domaine du golfe de [Localité 4] par la Société M2F -Immobilière Grysélienne à concurrence de 5 %.
Cette cession de parts sera effectuée à l'encaissement de la somme de 350 000,00 euros (trois cent cinquante mille euros) et enregistrée conformément aux formalités légales juridiques.'
La société intimée verse par ailleurs au débat la copie d'un chèque de 350 000 euros n°207912 émis par ses soins au bénéfice de la S.C.C.V. Domaine du golfe de [Localité 4] le 11 juillet 2012, et le relevé bancaire montrant le débit dudit chèque le même jour.
Il n'est, au demeurant, pas contesté que cette somme a été encaissée par la société appelante.
Il résulte de ces éléments que les parties ont entendu qualifier leur relation contractuelle de prêt.
Ainsi que le souligne la S.A.R.L. société immobilière Grysélienne exerçant sous le nom commercial M2F, la société appelante ne précise aucunement les conditions qui ne seraient pas remplies pour que le contrat soit qualifié de prêt.
La société appelante sera donc déboutée de sa demande visant à prononcer la nullité de la convention, non motivée.
Il ressort, en effet, clairement des éléments mentionnés ci-dessus que la partie intimée a versé à la S.C.C.V. Domaine du golfe de [Localité 4] la somme de 350 000 euros le jour de la signature du contrat, conformément aux stipulations contractuelles, à charge pour elle de rembourser ladite somme avec intérêts.
Il n'est, à aucun moment, fait allusion à une donation ou à la possibilité pour l'emprunteur de ne pas rembourser les fonds.
L'expression 'au prorata de l'utilisation temporelle de la somme empruntée' ne peut en effet en aucun cas être interprétée comme dispensant l'emprunteur de remboursement, au surplus alors que l'alinéa suivant prévoit l'application d'intérêts.
Cette formulation tend simplement à démontrer que les parties ont envisagé que l'emprunteur puisse débloquer seulement de manière partielle les fonds mis à sa disposition par le prêteur à hauteur de la somme totale de 350 000 euros.
Ainsi, pour illustrer ce propos, en application de cette clause, les parties ont convenu que si la S.C.C.V. Domaine du golfe de [Localité 4] n'utilisait que la somme de 100 000 euros sur la somme totale de 350 000 euros mise à sa disposition, le remboursement ne devait s'opérer qu'à hauteur des 100 000 euros empruntés et non de la somme globale mise à sa disposition.
Contrairement à ce que soutient la partie appelante, les cocontractants ont donc spécifiquement prévu l'hypothèse d'une inutilisation ou d'une utilisation partielle des fonds au 10 juillet 2014.
D'autre part, il ressort du contrat que l'intégralité de la somme effectivement empruntée est exigible au 10 juillet 2014, terme du remboursement convenu entre les parties ; aucune difficulté ne peut dès lors être élevée du chef de l'absence d'exigibilité des sommes dues.
En conséquence, il résulte de ce qui précède que les obligations mises à la charge de chacune des parties -remise des fonds d'une part et remboursement de la somme ainsi mise à disposition d'autre part- coïncident avec l'intitulé que les parties ont entendu donner à l'acte sous seing privé, soit un contrat de prêt.
L'intention des parties était donc bel et bien de procéder à un prêt et non à une donation.
En réalité, la société appelante entend tirer parti d'une maladresse dans la rédaction du contrat pour échapper à son obligation de restitution des fonds, alors qu'il est démontré que la somme de 350 000 euros lui a été versée et a donc effectivement été utilisée dès le 11 juillet 2012, date de la signature du contrat.
Le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a condamné la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à payer à la S.A.R.L. immobilière Grysélienne la somme de 350 000 euros.
Sur les intérêts applicables
La société appelante observe qu'au terme de la convention litigieuse, les parties ont prévu des intérêts pour la rémunération des comptes courants, sans lien avec la somme de
350 000 euros.
Elle ajoute qu'il est fait référence au taux légal annuel qui n'est pas de 7 %, et qu'aucune date de départ du cours des intérêts n'est précisée.
Elle déduit de ces éléments qu'aucun intérêt ne peut être appliqué à la somme de 350 000 euros.
En réponse, la société intimée estime qu'il n'existe aucune ambiguïté dans le contrat de prêt relativement au taux d'intérêt de 7 %, alors que le montant des intérêts a été rappelé à de multiples reprises à la société appelante sans qu'elle ne marque son opposition.
Au terme de l'article 1162 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
En l'espèce, il convient d'observer en premier lieu que les parties n'ont pu prévoir l'application d'un taux d'intérêt pour rémunérer des comptes courants dont il n'est aucunement question dans la convention.
En réalité, elles ont entendu faire application de 'l'intérêt au taux annuel légal en vigueur pour la rémunération des comptes courants', et non de l'intérêt au taux annuel légal applicable entre les professionnels ou particuliers.
Dès lors que seul le prêt d'une somme de 350 000 euros est visé dans l'acte sous seing privé, l'intention des parties était incontestablement de faire courir les intérêts ainsi prévus sur la somme prêtée.
Il sera d'ailleurs relevé à ce titre que la société appelante n'a jamais présenté de contestation à réception des courriers des 31 juillet 2015 et 11 juillet 2017 détaillant les intérêts applicables sur la somme de 350 000 euros.
En revanche, eu égard à l'ambiguïté de la clause d'intérêt prévue au contrat et reproduite ci-dessus, et au principe édicté par l'ancien article 1162 du code civil, seul l'intérêt au taux annuel légal prévu pour la rémunération des comptes courants -dont le taux était de
1,87 % pour le mois de décembre 2022- pourra être appliqué sur la somme de 350 000 euros, à l'exclusion du taux contractuel de 7 % également prévu par les parties en contradiction avec le premier terme de la phrase.
Enfin, si les parties n'ont pas prévu le point de départ du cours des intérêts, il sera fait application de l'article 1160 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, au terme duquel on doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage, quoiqu'elles n'y soient pas exprimées.
Ainsi, il est d'usage de faire courir les intérêts à compter de la mise à disposition des fonds prêtés, soit à compter du 11 juillet 2012 dans la présente espèce.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la condamnation de la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à rembourser la somme de 350 000 euros sera assortie des intérêts au taux annuel légal prévu pour la rémunération des comptes courants à compter du 11 juillet 2012.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
La S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4], qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.
Il n'est pas équitable de laisser à la S.A.R.L. société immobilière Grysélienne ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; la société appelante sera dès lors condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes les dispositions qui lui sont soumises, sauf en ce que la condamnation a été assortie des intérêts au taux annuel de 7 % à compter du 11 juillet 2012,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Assortit la condamnation de la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à rembourser la somme de 350 000 euros à la S.A.R.L. société immobilière Grysélienne, exerçant sous le nom commercial M2F, des intérêts au taux annuel légal prévu pour la rémunération des comptes courants à compter du 11 juillet 2012,
Y ajoutant,
Condamne la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] au paiement des dépens,
Condamne la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] à payer à la S.A.R.L. société immobilière Grysélienne, exerçant sous le nom commercial M2F, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la S.C.C.V. le Domaine du golfe de [Localité 4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT