Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 8 FÉVRIER 2023
N° RG 21/00855
N° Portalis DBVE-V-B7F-CCTF SM - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de BASTIA, décision attaquée en date du 19 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 2021 000515
S.A.R.L. CORSE MACONNERIE
C/
S.A. AXA FRANCE IARD
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
HUIT FÉVRIER DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
S.A.R.L. CORSE MAÇONNERIE
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Alessandra FAIS, avocate au barreau de BASTIA
INTIMÉE :
S.A. AXA FRANCE IARD
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie PERREIMOND, avocate au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Le 24 juillet 2015, la S.A.R.L. Corse maçonnerie a acquis un véhicule BMW X6 moyennant le versement de la somme de 143 000 euros.
Par acte sous seing privé du même jour, la S.A.R.L. Corse maçonnerie a souscrit un contrat d'assurance auto auprès de la compagnie d'assurance Axa.
Le 2 juillet 2020, le véhicule appartenant à la S.A.R.L. Corse maçonnerie a été détruit par incendie.
Suivant acte d'huissier du 19 février 2021, la S.A.R.L. Corse maçonnerie a fait citer la S.A. Compagnie Axa France Iard devant le tribunal de commerce de Bastia aux fins de voir :
- condamner la compagnie d'assurance Axa à payer à la société Corse maçonnerie la somme de 143 000 euros majorée des intérêts légaux à compter de la présente assignation,
- condamner la compagnie d'assurance Axa à payer à la société Corse maçonnerie la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- dire qu'il n'a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit,
- condamner la compagnie d'assurance Axa à payer à la société Corse maçonnerie la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par décision du 19 novembre 2021, le tribunal de commerce de Bastia a :
- débouté la société Corse maçonnerie (S.A.R.L.) de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Corse maçonnerie (S.A.R.L.) aux entiers dépens,
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires à la présente décision,
- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 69,59 euros T.T.C. (dont
20 % de T.V.A.).
Suivant déclaration enregistrée le 6 décembre 2021, la S.A.R.L. Corse maçonnerie, représentée, a interjeté appel de la décision susvisée en ce qu'elle a :
'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Déclare relever appel d'un jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bastia, du 19 novembre 2021 (RG 2021 000515) et sollicite de la Cour d'Appel la réformation du jugement de première instance. Appel limité aux chefs du jugement critiqués ayant pour objet l'infirmation des dispositions du jugement qui : Déboutent la SARL CORSE MAÇONNERIE de l'ensemble de ses demandes Condamnent la SARL CORSE MAÇONNERIE aux entiers dépens Rejettent pour le surplus toutes autres demandes contraires au jugement'.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 11 juillet 2022, la S.A.R.L. Corse Maçonnerie, représentée, a demandé à la cour de :
Voir déclaré recevable l'appel de la SARL CORSE MAÇONNERIE
Infirmer le jugement en date du 19 novembre 2021 en ce qu'il a :
- Débouté la SARL CORSE MAÇONNERIE de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné la SARL CORSE MAÇONNERIE aux entiers dépens ;
- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires à la décision ;
- Laisse les dépens à la charge de la SARL CORSE MAÇONNERIE.
Statuant de nouveau
Condamner la Compagnie d'assurances AXA à payer à la Société CORSE MAÇONNERIE la somme de 143 000, 00 € majorée des intérêts légaux à compter de l'assignation du 19 février 2021.
Condamner la Compagnie d'assurances AXA à payer à la Société CORSE MAÇONNERIE la somme de 3 000, 00 € à titre de dommages-intérêts.
Condamner la Compagnie d'assurances AXA à payer à la Société CORSE MAÇONNERIE la somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Condamner la Compagnie d'assurances AXA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 5 septembre 2022, la S.A. compagnie Axa France Iard, représentée, a demandé à la juridiction d'appel de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bastia le 19 novembre 2021
- Condamner la SARL CORSE MAÇONNERIE à payer à la Compagnie AXA FRANCE IARD une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.
Par ordonnance du 7 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 21 novembre 2022 à 8 heures 30.
Le 21 novembre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Sur le montant de la garantie
La partie appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir examiné ses arguments et pièces et de ne pas avoir appliqué les dispositions et la jurisprudence relatives à l'interprétation des garanties d'assurances particulières et générales inconciliables.
Elle soutient n'avoir jamais eu connaissance des conditions générales d'assurances concernant la garantie 'valeur neuf 60 mois' qu'elle a souscrite et qui figure aux conditions particulières.
Elle observe ainsi que les conditions générales reproduites par la partie intimée dans ses écritures ne font état que de la période de 12 mois suivant la date de première mise en circulation du véhicule et ne font nullement référence à la période de 60 mois et à la date de prise d'effet de la garantie souscrite.
Elle estime dès lors que le tribunal ne pouvait déduire que les conditions générales lui étaient opposables au seul motif que les conditions particulières s'y référaient expressément.
Elle rappelle, en effet, que l'article 1119 du code civil prévoit de manière explicite la connaissance et l'acceptation des conditions générales pour leur opposabilité, ce que ne permettrait pas le renvoi à un hyperlien.
La partie appelante souligne que le seul support durable qui lui a été remis est constitué par les conditions particulières du contrat, et que la simple mention signée indiquant une remise des conditions générales est insuffisante pour conclure à leur opposabilité.
D'autre part, elle fait valoir que les conditions particulières d'un contrat d'assurance priment toujours sur les conditions générales dans la mesure où elles individualisent le risque assuré et peuvent apporter des dérogations aux clauses figurant dans les documents-types annexes.
Elle explique que dès lors que la garantie 'valeur à neuf' implique une surprime pour obtenir une indemnisation égale au montant de la valeur d'achat du véhicule à la date d'acquisition par l'assurée et non à la date de mise en circulation du véhicule, elle pouvait légitimement penser que le point de départ de la garantie était le jour de l'achat du véhicule et non la date de première mise en circulation. Elle ajoute que dans le cas contraire, la compagnie d'assurance Axa a manqué à son obligation d'information.
Elle conclut qu'en l'état de la divergence entre les conditions générales et les conditions particulières, le doute doit lui profiter.
En réponse, la partie intimée affirme que les conditions particulières renvoient aux conditions générales de manière régulière, de sorte que la S.A.R.L. Corse maçonnerie ne pourrait soutenir qu'elles lui sont inopposables.
Elle ajoute que la réglementation excipée par la partie appelante pour proscrire les hyperliens n'est applicable qu'aux contrats conclus à distance, alors que le contrat en cause aurait été conclu en agence. Elle estime dès lors que le renvoi à un hyperlien est régulier.
Elle soutient, par ailleurs, que les conditions particulières et les conditions générales sont parfaitement claires et écartent la garantie remplacement à neuf dès lors que le véhicule a été mis en circulation le 23 avril 2015 et détruit le 2 juillet 2020, soit 62 mois et 9 jours après.
En premier lieu, il sera observé que la société appelante fonde ses demandes sur l'article 1119 et 1190 du code civil, issus de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
Or, l'article 9 de ladite ordonnance prévoit que les dispositions de l'ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.
Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l'entrée en vigueur de la présente ordonnance.
Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.
En l'espèce, le contrat ayant été conclu le 24 juillet 2015, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance susvisée, les articles 1119 et 1190 tels que visés par la partie appelante dans ses écritures ne sont pas applicables.
D'autre part, il n'est pas contesté que le contrat en cause a été conclu dans les locaux de la compagnie d'assurance Axa et non à distance, de sorte que la directive 97/7 du 20 mai 1997 relative à la protection des consommateurs en matière de contrats à distance n'est pas applicable.
Il est constant que la connaissance et l'acceptation des conditions générales conditionnent leur opposabilité à l'assuré.
Le contrat signé par les parties comporte un dernier alinéa rédigé comme suit : 'Ces conditions particulières, jointes aux conditions générales Auto modèle 180209 et assistance aux personnes modèle 190200 constituent mon contrat d'assurance, et si ces conditions générales ne m'ont pas été remises par mon agent général j'accepte expressément la mise à disposition de ces conditions générales de mon contrat d'assurance sur le site www.axa.fr.'
Au terme de cette clause, la S.A.R.L. Corse maçonnerie a accepté expressément de consulter les conditions générales au moyen d'un hyperlien, de sorte qu'elle ne peut désormais arguer de la non-remise matérielle dudit document et de l'absence de connaissance des conditions générales qu'il lui appartenait de consulter.
Elle a, par ailleurs, nécessairement accepté les conditions générales en signant la clause stipulant que les conditions générales et particulières constituaient le contrat d'assurance.
Les conditions générales versées au débat sont donc opposables à la société appelante.
Au terme des conditions particulières, les parties ont convenu, en cas d'incendie, un plafond de garantie en ces termes : 'valeur à neuf 60 mois puis valeur à dire d'expert + 15%'.
Les conditions générales prévoient pour leur part en page 30, dans le paragraphe 'Valeur à neuf' que l'indemnisation interviendra sur les bases de la valeur d'achat du véhicule en cas de sinistre survenu 'dans les 12 mois suivants la date de sa première mise en circulation'.
Le paragraphe suivant, 'Valeur du véhicule + 15 %', envisage l'indemnisation du véhicule selon sa valeur déterminée par l'expert majorée de 15 % en cas de sinistre survenu 'à l'issue des 12 premiers mois suivant la date de sa première mise en circulation'.
Il est constant que les clauses des conditions particulières d'une police d'assurance prévalent sur celles des conditions générales, et les parties s'accordent d'ailleurs sur une indemnisation de la valeur à neuf du véhicule pendant la durée de 60 mois convenue au terme des conditions particulières et non celle de 12 mois prévue par les conditions générales.
En revanche, les parties s'opposent sur le point de départ de cette garantie qui n'est pas envisagé au terme des conditions particulières.
Si la partie appelante soutient qu'à défaut de mention expresse dans les conditions particulières, le point de départ est nécessairement celui de la prise d'effet du contrat
souscrit, il sera relevé que les conditions générales envisagent clairement et expressément la date de 1ère mise en circulation du véhicule comme point de départ de la garantie en cause, soit le 23 avril 2015 ainsi que cela ressort du certificat d'immatriculation du véhicule.
Il en résulte qu'à défaut de mention expresse sur ce point, les parties n'ont pas entendu déroger au point de départ prévu par les conditions générales, alors qu'elles ont souhaité déroger à la durée de ladite garantie convenue au terme des conditions générales pour l'allonger de manière expresse au terme des conditions particulières en prévoyant une durée de 60 mois.
Les premiers juges ont donc fait une exacte appréciation des pièces versées au débat, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la S.A.R.L. Corse maçonnerie de sa demande d'indemnisation à hauteur de 143 000 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts
La partie appelante sollicite la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.
Elle soutient qu'il appartenait à l'assureur de l'informer et d'attirer expressément son attention sur le point de départ de la garantie qu'elle entendait lui opposer en cas de sinistre.
En réponse, la société intimée affirme que la S.A.R.L. Corse maçonnerie était parfaitement informée du point de départ de la garantie, qui figure aux conditions générales contractuelles.
Les premiers juges n'ont pas expressément examiné cette demande, même s'ils ont débouté la S.A.R.L. Corse maçonnerie de l'ensemble de ses demandes au terme du dispositif du jugement querellé.
En premier lieu, il sera observé que l'article 1231-1 du code civil est issu de l'ordonnance n°2016-1312 du 10 février 2016 et comme tel, est inapplicable au contrat en cause souscrit antérieurement.
En application de l'article 12 du code de procédure civile au terme duquel le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, il sera néanmoins rappelé que l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, disposait que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est par ailleurs constant qu'en application du devoir d'information et de conseil de l'assureur résultant de cette disposition, si la clarté des stipulations d'une police
d'assurance définissant les garanties et en fixant le montant n'est pas exclusive des manquements de l'assureur à son devoir de conseil, il appartient à l'assuré d'établir qu'il a accepté ces stipulations sur les conseils de l'assuré.
En l'espèce, les stipulations de la police d'assurance sont claires dès lors qu'il n'existe aucune divergence entre les conditions particulières et les conditions générales relativement au point de départ de la garantie en cause.
La société appelante ne peut dès lors reprocher à l'assureur de ne pas avoir attiré son attention sur ce point rappelé expressément dans les conditions générales.
La S.A.R.L. Corse maçonnerie sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.
Sur les autres demandes
La S.A.R.L. Corse maçonnerie, qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.
D'autre part, il n'est pas équitable de laisser à la S.A. compagnie Axa France Iard ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; la société appelante sera dès lors condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, la S.A.R.L. Corse maçonnerie sera déboutée de sa demande présentée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement entrepris en toutes les dispositions soumises à son examen,
Y ajoutant,
Déboute la S.A.R.L. Corse maçonnerie de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne la S.A.R.L. Corse maçonnerie au paiement des dépens,
Condamne la S.A.R.L. Corse maçonnerie à payer à la S.A. compagnie Axa France Iard la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la S.A.R.L. Corse maçonnerie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT