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08/02/2023 | FRANCE | N°21/00877

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 08 février 2023, 21/00877


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 8 FÉVRIER 2023



N° RG 21/00877

N° Portalis DBVE-V-B7F-CCVR SM - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du

2 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00492



S.A. CAISSE EPARGNE CEPAC



C/



[Y]







Copies exécutoires délivrées aux avocats le











COUR D'A

PPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



HUIT FÉVRIER DEUX-MILLE-VINGT-TROIS





APPELANTE :



S.A. CAISSE EPARGNE CEPAC

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

[Adresse 9]

[Localité 2]



Représen...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 8 FÉVRIER 2023

N° RG 21/00877

N° Portalis DBVE-V-B7F-CCVR SM - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du

2 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00492

S.A. CAISSE EPARGNE CEPAC

C/

[Y]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

HUIT FÉVRIER DEUX-MILLE-VINGT-TROIS

APPELANTE :

S.A. CAISSE EPARGNE CEPAC

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre LORENZI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMÉ :

M. [U] [Y]

né le 3 Septembre 1945 à [Localité 6] (Maroc)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Robert DUCOS, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

[L] [G] et M. [U] [Y] se sont mariés le 30 avril 1983 devant l'officier de l'état civil de la commune de [Localité 7] (Bouches-du-Rhône), sans contrat préalable.

Le 16 janvier 2007, [L] [G] a souscrit auprès de la S.A. Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse une assurance-vie 'Nuances 3D' pour une durée de dix années en procédant à un versement de 65 000 euros et a désigné la Basilique [8], à [Localité 7], en qualité de bénéficiaire en cas de décès avant l'échéance.

[L] [G] est décédée le 18 février 2016.

Par assignation du 26 janvier 2017, M. [U] [Y] et Mme [X] [Y] ont fait citer la S.A. Caisse d'épargne Provence-Alpes-Corse devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins de remise des fonds relatifs à l'assurance-vie, au motif que la bénéficiaire désignée n'est pas une personne physique ou morale ayant une existence légale autorisée à recevoir des dons.

Suivant jugement du 28 août 2017 confirmé le 9 janvier 2019 en appel, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

- débouté M. [U] [Y] et Mme [X] [Y] de leurs demandes,

- condamné in solidum M. [U] [Y] et Mme [X] [Y] aux dépens.

Suivant acte d'huissier du 20 décembre 2017, M. [U] [Y] a fait citer la S.A. Caisse d'épargne Cepac devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins de voir :

- dire et juger que dès lors que le bénéficiaire du contrat d'assurance vie souscrit le 16/01/2007 n'est ni le conjoint ni l'héritier réservataire le requérant est donc fondé à demander la nullité de la convention,

En conséquence,

- ordonner la nullité de cette convention de placement,

- ordonner à la requise d'adresser les fonds issus de ce contrat à l'étude de Me [Z] [N], notaire à [Adresse 5] dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamner la requise au paiement d'une somme de 2 000 euros sera allouée au requérant au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Par décision du 2 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Ajaccio a :

- annulé la convention d'assurance vie dénommée 'Nuances 3D' souscrite de son vivant par Mme [L] [G] épouse [Y] dans laquelle elle avait désigné pour bénéficiaire 'la basilique [8] à [Localité 7]',

- ordonné à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Côte d'Azur Corse de verser le produit de cette assurance dont elle est dépositaire pour moitié à M. [U] [Y] et pour moitié à l'étude de Me [Z] [N], notaire à [Localité 4], chargé des opérations de liquidation et de partage de la succession de Mme [L] [G] épouse [Y],

- condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Côte d'Azur Corse à payer à M. [U] [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Caisse d'épargne et de prévoyance Alpes Côte d'Azur Corse aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Suivant déclaration enregistrée le 20 décembre 2021, la S.A. Caisse épargne C.E.P.A.C., représentée, a interjeté appel de la décision susvisée en ces termes :

'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu'il a : --ANNULE la

convention d'assurance vie dénommée "Nuances 3 D "souscrite de son vivant par Mme

[L] [G] épouse [Y] dan laquelle elle avait désigné pour bénéficiaire "la basilique [8] à [Localité 7]". --ORDONNE à la CEPAC de verser le produit de cette assurance dont elle est dépositaire pour moitié à M.G.[Y] et pour moitié à l'étude de M°[Z] [N], notaire à [Adresse 5], chargé des opérations de liquidation et de partage de la succession de Mme [L] [G] épouse [Y]. --CONDAMNE la CEPAC à payer à M.G.[Y] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC. --CONDAMNE la CEPAC aux dépens. ORDONNE l'exécution provisoire de la décision.'

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 9 mars 2022, la Caisse d'épargne C.E.P.A.C., représentée, a demandé à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter M. [U] [Y] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- le condamner à payer à la Caisse d'épargne (C.E.P.A.C.) une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 25 avril 2022, M. [U] [Y] a demandé à la juridiction d'appel de :

STATUER ce que de droit sur l'appel interjeté par CAISSE D'EPARGNE

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'AJACCIO du 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions

Y ajoutant

CONDAMNER la partie défenderesse au paiement d'une somme de 4000 € sera allouée au requérant au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La CONDAMNER aux dépens.

Par ordonnance du 7 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 21 novembre 2022 à 8 heures 30.

Le 21 novembre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

La partie appelante fait valoir que M. [Y] part du postulat que les fonds investis par son épouse sur le contrat étaient des fonds communs.

Elle estime néanmoins que M. [Y] ne rapporte pas la preuve de l'origine des fonds.

Elle se fonde sur la décision rendue le 9 janvier 2019 par la cour d'appel de Bastia pour affirmer que les fonds de l'assurance-vie ne peuvent être versés au notaire chargé de la succession d'[L] [G].

En réponse, M. [Y] observe que la décision rendue le 9 janvier 2019 par la cour d'appel de Bastia ne visait que la légalité de la clause bénéficiaire ; il en déduit qu'elle ne peut avoir d'incidence sur la présente procédure.

Il soutient que l'appelante renverse la charge de la preuve en exigeant qu'il démontre que les fonds utilisés pour constituer le placement litigieux étaient des biens communs, en dépit de la présomption de communauté édictée par l'article 1402 du code civil.

Il ajoute qu'en tout état de cause, il verse au débat les déclarations de revenus qui démontrent que les seuls revenus étaient les siens.

Il en déduit que la partie appelante est défaillante dans la démonstration qui pèse sur elle pour combattre la présomption de communauté.

L'article 12 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

En l'espèce, au terme de ses écritures, M. [Y] a visé les 'dispositions des articles 1400 et suivants du code civil' et 'les dispositions de l'article 1427 du code civil'.

Au terme de l'article 1421 du code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre.

(...) Le tout sous réserve des articles 1422 à 1425.

L'article 1422 suivant dispose que les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté.

Ils ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers.

L'article 1423 vise à proscrire le legs d'un époux excédant sa part dans la communauté, tandis que l'article 1424 concerne les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité.

L'article 1425 vise enfin les baux des fonds ruraux et des immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal, tandis que l'article 1426 concerne l'habilitation du conjoint à passer seul certains actes.

L'article 1437 suivant dispose enfin que toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.

En l'espèce, [L] [G] a souscrit une assurance sur la vie mixte le 16 janvier 2007 pour une durée de dix années, prévoyant le versement d'un capital à son profit en cas de survie, ou à la Basilique [8] à [Localité 7] en cas de décès avant l'échéance fixée au contrat.

Il ressort des pièces versées au débat qu'[L] [G] ne percevait alors aucun revenu personnel, de sorte que les seuls revenus du couple étaient constitués des pensions de retraite de M. [Y]. Elle n'a en outre apporté aucune précision sur l'origine des fonds versés lors de l'adhésion au contrat d'assurance-vie.

En application de la présomption de communauté édictée par l'article 1402 du code civil, il est donc présumé que la somme de 65 000 euros versée lors de l'adhésion au contrat d'assurance-vie provenait de la communauté.

Pour obtenir la nullité de la convention sur le fondement de l'article 1427 du code civil, il appartient toutefois à M. [Y] de démontrer que son épouse a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs en application des articles 1422 à 1425 du code civil et qu'elle n'en a pas simplement disposé conformément à l'article 1421 susvisé.

Si M. [Y] n'évoque aucune de ces situations de manière spécifique au terme de ses écritures, il est incontestable que l'assurance-vie ne relève pas des articles 1423, 1424 et 1425 susvisés, relatifs notamment aux baux ruraux et commerciaux ou au legs par testament.

D'autre part, l'aléa inhérent au contrat d'assurance souscrit exclut toute qualification de donation.

M. [Y] ne démontre donc pas qu'[L] [G] a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs en adhérant à l'assurance-vie en cause et en désignant la Basilique [8] à [Localité 7] en qualité de bénéficiaire en cas de décès avant l'échéance.

Il sera par ailleurs souligné qu'eu égard au montant de la somme versée sur le contrat d'assurance-vie au moment de l'adhésion et au montant des ressources annuelles du couple -soit 18 023 euros pour l'année 2011-, M. [Y] ne pouvait ignorer l'utilisation desdits fonds par son épouse.

Or, il n'a jamais fait valoir un excès de pouvoir de son épouse sur les biens communs pendant les neuf années qui ont séparé l'adhésion d'[L] [G] de son décès et ne se prévaut d'aucune fraude dans le cadre de la présente instance.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

M. [U] [Y], qui succombe, sera condamné au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance.

D'autre part, il n'est pas équitable de laisser à la S.A. Caisse d'épargne Provence Alpes Corse ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; M. [Y] sera dès lors condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, M. [Y] sera débouté de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement entrepris en toutes les dispositions qui lui sont soumises,

Statuant à nouveau,

Déboute M [U] [Y] de sa demande visant à voir annuler la convention d'assurance vie dénommée 'Nuances 3D' souscrite de son vivant par [L] [G], épouse [Y], dans laquelle elle avait désigné pour bénéficiaire 'la basilique [8] à [Localité 7]',

Condamne M. [U] [Y] au paiement des dépens, en ceux compris les dépens de première instance,

Condamne M. [U] [Y] à payer à la S.A. Caisse d'épargne Provence Alpes Corse la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [U] [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 21/00877
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;21.00877 ?
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