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08/02/2023 | FRANCE | N°22/00003

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile section 2, 08 février 2023, 22/00003


Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 8 FÉVRIER 2023



N° RG 22/00003

N° Portalis DBVE-V-B7G-CCYA SM - C



Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 16 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00670



Cie d'assurances PROTEC BTP



C/



[Z]

[H]







Copies exécutoires délivrées aux avocats le











CO

UR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



HUIT FÉVRIER DEUX-MILLE-VINGT-TROIS





APPELANTE :



Compagnie d'assurances PROTEC BTP

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[...

Chambre civile

Section 2

ARRÊT N°

du 8 FÉVRIER 2023

N° RG 22/00003

N° Portalis DBVE-V-B7G-CCYA SM - C

Décision déférée à la Cour :

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 16 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00670

Cie d'assurances PROTEC BTP

C/

[Z]

[H]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

HUIT FÉVRIER DEUX-MILLE-VINGT-TROIS

APPELANTE :

Compagnie d'assurances PROTEC BTP

prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Julia TIBERI, avocate au barreau d'AJACCIO

INTIMÉS :

Mme [S], [G], [F] [Z] épouse [K]

née le 6 mars 1993 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie LAURENT, avocate au barreau d'AJACCIO

M. [U] [H]

né le 21 Octobre 1963 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Dominique REMITI-LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 novembre 2022, devant Stéphanie MOLIES, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Cécile BORCKHOLZ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Suivant actes d'huissier des 31 juillet et 3 août 2020, Mme [S] [Z] a fait citer M. [U] [H] et la compagnie Protec B.T.P. devant le tribunal judiciaire d'Ajaccio à la suite de la perte de son troupeau de caprins aux fins de voir :

- condamner M. [U] [H] à lui payer la somme de 16 201,60 euros en réparation de son préjudice économique, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du jugement à intervenir,

- condamner la compagnie d'assurance Protec B.T.P. à garantir la condamnation prise à l'encontre de M. [U] [H] au titre de sa police garantissant sa responsabilité civile,

- condamner solidairement M. [H] et la compagnie d'assurance Protec B.T.P. à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par décision du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Ajaccio a :

- déclaré M. [U] [H] responsable du dommage causé par son chien,

- condamné M. [U] [H] à payer à Mme [Z] [S] la somme de

16 202,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que la compagnie Protec BTP devra garantir M. [U] [H] du montant de cette condamnation,

- condamné in solidum M. [U] [H] et la compagnie Protec BTP à payer à Mme [Z] [S] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens in solidum à la charge de M. [U] [H] et la compagnie Protec BTP.

Suivant déclaration enregistrée le 4 janvier 2022, la compagnie d'assurance Protec BTP, représentée, a interjeté appel de la décision susvisée en ces termes :

'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués Le Jugement est critiqué en ce qu'il a : - Déclaré Monsieur [U] [H] responsable du dommage causé par son chien - Condamné Monsieur [U] [H] à payer à Madame [Z] la somme de 16.202,40 Euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement

- Dit que la Compagnie PROTEC BTP devra garantir Monsieur [U] [H] du montant de cette condamnation - Condamné in solidum Monsieur [U] [H] et la Compagnie PROTEC BTP à payer à Madame [S] [Z] la somme de 2.000,00 Euros au titre de l'article 700 du CPC - Laissé les dépens in solidum à la charge de Monsieur [H] et de la Compagnie PROTEC BTP'.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 3 avril 2022, la compagnie d'assurance Protec BTP, représentée, a demandé à la cour de :

- INFIRMER le Jugement querellé en ce qu'il a :

o Déclaré Monsieur [U] [H] responsable du dommage causé par son chien

o Condamné Monsieur [U] [H] à payer à Madame [Z] [S] la somme de 16.202,40 Euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

o Dit que la compagnie PROTEC BTP devra garantir Monsieur [U] [H] du montant de cette condamnation

o Condamné in solidum Monsieur [U] [H] et la compagnie PROTEC BTP à payer à Madame [Z] [S] la somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

o Laissé les dépens in solidum à la charge de Monsieur [H] et de la Compagnie PROTEC BTP

STATUANT À NOUVEAU,

À TITRE PRINCIPAL,

- JUGER que les conditions posées par l'article 1243 du Code civil ne sont pas réunies

- DÉBOUTER Madame [Z] de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la Compagnie PROTEC BTP

- JUGER que l'infirmation du Jugement emporte de plein de droit, à la charge de Madame [Z], l'obligation de restituer les sommes perçues en exécution dudit jugement

- CONDAMNER Madame [Z] à payer à la Société PROTEC BTP la somme de 2.000,00 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

À TITRE SUBSIDIAIRE,

- JUGER que les pertes de production laitière et la perte des cabris à naître, dont le caractère est incertain, ne sauraient être indemnisées comme des préjudices certains

- RAMENER le montant réclamé au titre du préjudice économique à de plus justes proportions.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 6 mai 2022, M. [U] [H] a demandé à la juridiction d'appel de :

Sur l'appel principal de la Compagnie PROTEC BTP :

' DONNER acte à Monsieur [H] de ce qu'il adhère aux demandes de l'appelant ;

Sur l'appel incident de Monsieur [H] :

' INFIRMER le Jugement du Tribunal Judiciaire d'Ajaccio du 16 Décembre 2021 en ce qu'il a :

- Déclaré Monsieur [U] [H] responsable du dommage causé par son chien ;

- Condamné Monsieur [U] [H] à payer à Madame [Z] [S] la somme de 16.202,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du Jugement ;

- Condamné in solidum Monsieur [U] [H] et la Compagnie PROTEC BTP à payer à Madame [Z] [S] la somme de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Laissé les dépens in solidum à la charge de Monsieur [U] [H] et la Compagnie PROTEC BTP.

Statuant à nouveau :

' DÉBOUTER Madame [S] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement dans le cas où Monsieur [U] [H] serait condamné à indemniser la requérante :

' RAMENER le montant de l'indemnisation sollicitée à de plus justes proportions.

' En tout état de cause, CONFIRMANT le premier Jugement, VOIR CONDAMNER la Compagnie d'Assurances PROTEC BTP à relever et garantir Monsieur [U] [H] de toutes condamnations prononcées à son encontre.

' CONDAMNER Madame [S] [Z] au paiement d'une somme de 3.000,00 euros, au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 13 mai 2022, Mme [S] [Z] a demandé à la cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions du jugement en date du 16 décembre 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire d'AJACCIO.

En conséquence,

DÉBOUTER la Compagnie d'assurance PROTEC BTP et Monsieur [H] de l'ensemble de leurs demandes.

CONDAMNER solidairement la Compagnie d'assurance PROTEC BTP et Monsieur [H] à payer à Madame [S] [Z] la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 7 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et fixé l'affaire à plaider devant le conseiller rapporteur au 21 novembre 2022 à 8 heures 30.

Le 21 novembre 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Sur le principe de la responsabilité de M. [H]

La partie appelante reproche au premier juge de ne pas avoir caractérisé la réunion des quatre conditions nécessaires à l'application de l'article 1243 du code civil.

Elle fait valoir en premier lieu que Mme [Z] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une personne responsable. Elle estime ainsi qu'aucun des éléments versés au débat ne permet d'établir que le chien appartenant à M. [H] serait responsable des dommages subis par le troupeau appartenant à Mme [Z].

Elle souligne que M. [H] n'a jamais reconnu sa responsabilité : il aurait simplement indiqué avoir constaté la disparition de son chien lors de son retour au domicile.

Elle observe que seul le frère de la victime met en cause le chien de M. [H], alors que sa partialité ne pourrait être écartée en raison des liens unissant les parties.

Elle relève que les deux témoignages supplémentaires versés au débat ont été rédigés plus de cinq mois après les faits et s'étonne de l'absence de manifestation des témoins en cause au moment de l'expertise.

A l'instar de M. [H], la partie appelante souligne qu'aucune investigation n'a été effectuée sur le chien, retrouvé mort plusieurs jours après les faits.

Elle attire, par ailleurs, l'attention de la cour sur le fait que le vétérinaire indique que les chevrettes sont mortes à la suite d'une attaque de 'chiens', le mot étant écrit au pluriel. Mme [Z] aurait elle-aussi employé le mot au pluriel lors de sa déclaration de sinistre.

Elle rappelle que 23 chevrettes ont été tuées, 6 chevrettes et une chèvre blessées et écarte dès lors l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention supposée du chien de M. [H] et les dommages subis par le troupeau de Mme [Z].

M. [H] relève que l'article 1243 du code civil instaure un mécanisme de responsabilité sans faute supposant avant tout l'intervention d'un animal dont le propriétaire est identifié.

Il insiste sur le fait qu'il n'a jamais reconnu la participation de son chien à l'attaque présumée et n'a jamais reconnu non plus que son chien s'était échappé.

Il admet uniquement avoir constaté la disparition de son chien lorsqu'il est rentré à son domicile, ignorant tout des raisons de sa disparition.

Il souligne que lors de l'expertise amiable, seul le frère de la victime a indiqué avoir reconnu son chien. Il écarte néanmoins ce témoignage au regard du lien de parenté existant entre les parties, et s'interroge sur la véracité des deux attestations versées au débat et rédigées plus de six mois après les faits.

En tout état de cause, il estime que ces éléments sont insuffisants pour retenir l'implication de son chien, aucune investigation n'ayant été réalisée sur l'animal qui a été retrouvé sans vie quelques jours après les faits.

D'autre part, M. [H] fait valoir que le vétérinaire a visé une attaque de 'chiens' et estime qu'un troupeau d'une trentaine de chevrettes n'aurait pu être décimé par un seul chien.

Il en déduit que le lien de causalité entre l'éventuelle intervention de son chien et le dommage allégué ne peut être établi.

En réponse, Mme [Z] affirme que M. [H] a reconnu les faits ; elle ajoute que des témoins étaient présents au moment des faits et que des photographies ont été prises.

Elle rappelle que le 28 août 2018, son troupeau a été victime d'une attaque d'un chien, le constat ayant été dressé le jour même par un vétérinaire.

Elle soutient que le vétérinaire ne pouvait se prononcer sur le nombre de chiens, mais simplement relever les caractéristiques des blessures et constater la mort effective des bêtes.

Elle entend se prévaloir d'un courriel du vétérinaire du 18 mai 2021 au terme duquel ce dernier explique que l'adoption du pluriel est un simple emploi qui aurait pu être indifféremment celui du singulier, mais qu'il ne démontrerait pas que l'attaque résultait de plusieurs chiens.

La partie intimée souligne que les autres déclarations et correspondances identifient un seul chien, appartenant à M. [H], plusieurs témoins étant présents le jour des faits.

Elle fait valoir que la compagnie Protec B.T.P. n'a pas souhaité participer à l'expertise amiable.

Elle rappelle qu'une exploitation agricole n'est pas un lieu accueillant le public, de sorte que seuls ses proches étaient présents sur les lieux le jour des faits.

Quant à la date des dernières attestations produites, elle explique ne pas avoir eu la présence d'esprit de les solliciter immédiatement, étant choquée par ce qui venait de se passer.

Elle relève qu'avant l'introduction de la présente procédure, M. [H] a reconnu que son chien s'était échappé, et s'interroge sur les circonstances du décès du chien quelques jours après l'attaque.

L'article 1243 du code civil dispose que le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé.

En l'espèce, il résulte de l'ordonnance du 28 août 2018 de M. [M], vétérinaire, que le troupeau caprin de Mme [Z] a subi une attaque 'de chiens' le jour même, entraînant le décès de 23 chevrettes ainsi que les blessures de 6 chevrettes et une chèvre.

Dans une attestation de sinistre du 3 septembre 2018, le technicien d'élevage et le directeur ont chiffré les pertes subies par Mme [Z] 'suite à une attaque de chiens'.

Au terme du procès-verbal dressé par le cabinet polyexpert Méditerranée à la suite de la réunion d'expertise du 16 octobre 2018, l'expert a précisé que le chien de M. [H] avait été reconnu lors de l'attaque par le frère de Mme [Z], M. [H] ayant par ailleurs précisé que son chien s'était échappé du domicile ce jour-là.

Mme [Z] verse également au débat deux témoignages établis postérieurement.

Dans une attestation rédigée le 2 février 2019, M. [E] [B], qui précise n'être ni parent ni allié avec les parties, affirme notamment 'Le 28 août 2018 j'ai assisté à un carnage sur des chèvres et des chevrettes occasionnant des morsures importantes et des morts subites d'un chien appartenant à M. [H]'.

Dans une attestation du 6 février 2019, M. [X] [P], qui indique également n'être ni parent ni allié avec les parties, précise 'avoir vu de mes propres yeux le 28 août 2018 un chien appartenant à M. [H] s'attaquer violemment sur des chèvres, leurs portant morsures et mortalité direct appartenant à Mme [Z] [S] habitant à [Localité 8]. Impossible de séparer cette bête furieuse et sanguinaire'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le chien de M. [H] a incontestablement été reconnu lors de l'attaque du troupeau caprin de Mme [Z] par les personnes présentes.

Le seul fait qu'un des témoins soit le frère de la victime ne permet pas de priver ce témoignage de valeur probante dès lors qu'il est conforté par deux attestations et le fait que le chien de M. [H] s'était effectivement échappé du domicile ce jour-là.

En outre, ainsi que le souligne Mme [Z], l'existence d'un lien de parenté entre les parties explique la présence de son frère sur son exploitation le jour des faits, la structure n'accueillant pas de public par ailleurs.

D'autre part, le fait que deux témoins aient établi une attestation plus de cinq mois après les faits seulement ne permet pas davantage de priver leurs déclarations circonstanciées de valeur probante.

Il convient en effet de souligner à cet égard que la S.A. Protec B.T.P. a fait connaître son refus d'indemnisation à Mme [Z] pour la première fois suivant courrier du 26 décembre 2018, invitant notamment l'assurance de la victime à lui faire parvenir 'un témoignage probant corroborant la déclaration de votre assuré'.

Avant cette date, la partie intimée pouvait donc légitimement penser que le témoignage de son frère était suffisant ainsi qu'elle le soutient, la S.A. Protec B.T.P. n'ayant formulé aucune demande de pièces et ne s'étant pas présentée lors de la réunion d'expertise du 16 octobre 2018.

Aucune conséquence ne sera par conséquent attachée au fait que les attestations de M. [P] et M. [B] aient été dressées plus de cinq mois après les faits, pour faire suite à la demande de l'assureur de M. [H].

En outre, aucun élément ne permet de douter de la véracité des propos rapportés par les témoins, qui affirment avoir assisté personnellement à l'attaque.

Enfin, si M. [H] ne confirme pas que son chien est à l'origine de l'attaque du troupeau de Mme [Z], il ne peut fournir d'explication sur le lieu où celui-ci se trouvait au moment des faits.

Aucun examen du chien n'a par ailleurs été possible, l'animal étant décédé quelques jours après les faits.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la participation du chien de M. [H] à l'attaque du troupeau caprin de Mme [Z] est établie.

S'agissant de l'emploi du mot 'chiens' au pluriel par le vétérinaire et le technicien d'élevage, il sera relevé en premier lieu que M. [M] a adressé un courriel au conseil

de la partie intimée le 18 mai 2021 en ces termes : 'Par suite à notre échange téléphonique de ce jour, je vous confirme que je ne peux attester du nombre de chien(s) qui a attaqué le troupeau de Mme [Z] [S]. Je ne peux qu'attester que ce sont bien des morsures de chien(s) qui sont à l'origine de la perte subie comme précisé sur l'attestation du 28/08/2018'.

M. [M] précise donc, de manière claire, qu'il ne peut se prononcer sur le nombre de chiens ayant attaqué le troupeau de Mme [Z] ; il n'écarte pas le fait qu'un seul chien peut être à l'origine de l'ensemble des dommages constatés au regard de la formulation de son message et de l'emploi du mot 'chien(s)'.

Aucune conséquence ne peut être tirée de l'emploi du mot au pluriel sur l'ordonnance du vétérinaire du 28 août 2018.

Aucune conséquence ne sera davantage tirée de l'emploi du mot 'chiens' au pluriel sur l'attestation de sinistre de Mme [Z] du 3 septembre 2018, alors qu'il résulte des pièces versées au débat que la victime et les témoins n'ont jamais évoqué la présence de chiens autres que celui de M. [H].

En toute hypothèse, il sera rappelé que la responsabilité survenue à l'occasion de l'action commune de deux ou plusieurs animaux incombe au propriétaire de chacun d'eux.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré M. [H] responsable du dommage causé par son chien, sous la garantie de son assureur.

Sur le montant du préjudice

La S.A. Protec B.T.P. soutient que le préjudice allégué par Mme [Z] n'est pas certain.

Elle n'entend pas remettre en cause les sommes réclamées au titre de la valeur vénale du troupeau et des charges, mais affirme que les pertes de production laitière et la perte des cabris à naître, dont le caractère est incertain, ne peuvent être indemnisés comme des préjudices certains.

Elle ajoute que l'attestation rédigée par la chambre de l'agriculture est insuffisante quant au chiffrage.

M. [H] estime que le 'rendement' potentiel de chaque chevrette demeure seulement éventuel.

Surtout, il relève que Mme [Z] ne justifie pas du chiffrage de sa demande, l'attestation non détaillée de la chambre de l'agriculture étant insuffisante à son sens.

Il affirme que l'indemnisation ne saurait dépasser la somme de 3 680 euros correspondant à la valeur vénale des chevrettes décédées.

En réponse, Mme [Z] fait valoir que son préjudice a été évalué à la somme de

16 202,40 euros par la chambre de l'agriculture de Corse-du-Sud. Elle relève que le directeur de l'interprofession laitière ovine caprine Corse a confirmé que ce chiffrage correspondait aux chiffres enregistrés dans le secteur sur la région de Corse.

En l'espèce, Mme [Z] fonde sa demande sur une attestation de sinistre dressée le 3 septembre 2018 par le technicien d'élevage dans les termes suivants :

- valeur vénale des 23 chèvres : 160 x 23 = 3 680 €

- perte de production laitière : 3 € x 3 220,8 = 9 662,4 €

- perte de cabris : 26 cabris au poids moyen de 7 kg x 20 € = 3 640 €

- charges à déduire : 780,8 €

soit un total de 16 201,60 € (et non 16 202,40 € comme indiqué par erreur sur le document).

Au terme d'une attestation du 31 mai 2021, le directeur de l'interprofession laitière ovine caprine Corse (I.L.O.C.C.), a par ailleurs indiqué que les éléments chiffrés reproduits ci-dessus correspondaient au standard de la race caprine corse.

Il a également précisé que 'le prix d'une chèvre adulte au centre de sélection est bien de 160 €, la lactation moyenne de 0,8 l/jour et la valorisation du lait transformé à 3 € le litre correspondent aux moyennes des données de l'ensemble des troupeaux caprins corses.

Les chiffres utilisés pour le calcul des pertes financières due au déficit de vente des cabris sont exacts et correspondent aux pris de vente des cabris en Corse.

Les charges alimentaires correspondent à celle d'un élevage extensif caprin corse'.

D'autre part, en réponse aux arguments développés par M. [H] et son assureur, il sera observé le technicien d'élevage et le directeur de l'I.L.O.C.C. ont basé leur évaluation sur des moyennes de production laitière et de mise bas, de sorte que l'aléa a déjà été pris en compte.

Le préjudice allégué par Mme [Z] est donc certain et établi par les pièces versées au débat à hauteur de la somme de 16 201,60 euros.

M. [U] [H] doit donc être condamné à indemniser Mme [Z] [S] sur cette base, sous la garantie de la compagnie Protec B.T.P. avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé, sauf à ramener le montant de la condamnation de M. [H] à la somme de 16 201,60 euros.

Sur les autres demandes

La S.A. Protec B.T.P., qui succombe, sera condamnée au paiement des dépens.

D'autre part, il n'est pas équitable de laisser à Mme [Z] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; la S.A. Protec B.T.P. et M. [H] seront par conséquent condamnés in solidum à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la S.A. Protec B.T.P. et M. [H] seront déboutés de leur demande respective au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement entrepris en toutes les dispositions qui lui sont dévolues, sauf à ramener le montant de la condamnation de M. [U] [H] en réparation du préjudice subi par Mme [Z] à la somme de 16 201,60 euros,

Y ajoutant,

Condamne la S.A. Protec B.T.P. au paiement des dépens,

Condamne in solidum la S.A. Protec B.T.P. et M. [U] [H] à payer à Mme [S] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S.A. Protec B.T.P. et M. [U] [H] de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile section 2
Numéro d'arrêt : 22/00003
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;22.00003 ?
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