Chambre civile
Section 2
ARRÊT n°
du 28 JUIN 2023
n° RG 21/411
N° Portalis DBVE-V-
B7F-CBE3 JJG - C
Décision déférée à la cour : jugement du juge des contentieux de la protection du triubnal judiciaire de Bastia, décision attaquée du 4 mai 2021, enregistrée sous le n° 19/1439
[L]
[G]
[D]
C/
COMMUNE DE [Localité 24]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
VINGT-HUIT JUIN DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTES :
Mme [V], [U] [L], épouse [K]
née le 7 décembre 1926 à [Localité 25] (Algérie)
[Adresse 26]
[Adresse 26]
[Localité 10]
Représentée par Me Benoît BRONZINI DE CARAFFA de l'AARPI TOMASI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA TABOUREAU GENUINI LUISI BENARD-BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA
Mme [A] [K]
née le 9 juin 1953 à [Localité 25] (Algérie)
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représentée par Me Benoît BRONZINI DE CARAFFA de l'AARPI TOMASI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA TABOUREAU GENUINI LUISI BENARD-BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA
APPELANTE ET INTIMÉE :
Mme [R], [C] [D]
née le 10 octobre 1947 à [Localité 24] (Corse)
[Adresse 7]
[Localité 24]
Représentée par Me Anne-Marie GIORGI, avocate au barreau de BASTIA
INTIMÉE :
COMMUNE de [Localité 24]
prise en la personne de son maire en exercice demeurant et domicilié en cette qualité à la mairie de ladite commune
[Adresse 27]
[Localité 24]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 avril 2023, devant la cour composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Vykhanda CHENG.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
ARRÊT :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Par acte du 29 novembre 2019, Mme [V] [L], épouse [K], et Mme [A] [K] ont assigné Mme [R] [D] par-devant le tribunal de grande instance de Bastia aux fins de :
- Déclarer la demande de Madame [V] [K] et Madame [A] [K] recevable et bien fondée, et en conséquence :
- Condamner Madame [D] à libérer les parcelles BK [Cadastre 2] et [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 24] de toute occupation sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- Condamner Madame [R] [D] à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Madame [R] [D] aux entiers dépens ;
Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Benoît BRONZINI DE CARAFFA pourra recouvrer directement les frais dont il a fait avance sans en avoir reçu provision.
Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bastia a :
Dit n'y avoir lieu de rabattre l'ordonnance de clôture.
Déclaré les demandes des consorts [K] recevables.
Les a rejeté s'agissant de la parcelle [Cadastre 12].
Condamné Mesdames [K] à retirer les pots de fleurs qu'elles ont placés devant le portail de Madame [D] dans le mois de la signification du présent jugement sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant quatre mois.
Sursis à statuer sur les demandes concernant la parcelle [Cadastre 14] et la charge des dépens,
Ordonné une expertise,
Commis pour y procéder Monsieur [ZT] demeurant [Adresse 1] à [Localité 11] avec mission de :
1) se faire remettre et consulter tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission ;
2) entendre les parties ;
3) donner son avis sur le point de savoir si Madame [D] empiète sur la parcelle [Cadastre 14] ;
4) dans l'affirmative fait apparaître précisément sur un plan les limites de cet empiétement.
Dit que l'expert pourra procéder à l'audition de tout sachant à condition d'en préciser l'identité et pourra enjoindre aux parties ou à toutes personnes susceptibles de les détenir que lui soient remis les documents nécessaires à la bonne fin de sa mission.
Fixé le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert à la somme de
2 000 Euros.
Ordonné la consignation de cette provision par les consorts [K] à la Régie d'Avances et de Recettes du Tribunal Judiciaire de BASTIA dans le délai d'un mois.
Dit qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque en application de l'article 271 du Code de Procédure Civile.
Dit que lors de la première réunion ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant de sa rémunération définitive et de ses débours, il en informera les parties et le magistrat chargé de la surveillance des expertises et sollicitera le cas échéant le versement d'une consignation complémentaire conformément aux dispositions de l'article 280 du Code de Procédure Civile.
Dit que l'expertise se déroulera dans le respect des règles prescrites par les articles 263 et suivants du Code de Procédure Civile et sous le contrôle du magistrat chargé du suivi des opérations d'expertise.
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix dans une spécialité distincte de la sienne à charge pour lui de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation.
Dit que l'expert rédigera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu'il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai raisonnable. -
Dit qu'après avoir répondu aux éventuels dires, l'expert déposera son rapport définitif au greffe de ce Tribunal dans les quatre mois de sa saisine.
Dit qu'en cas d'empêchement il sera, même d'office, remplacé par ordonnance du magistrat chargé du suivi des opérations.
Par déclaration au greffe du 26 mai 2021, procédure enregistrée sous le numéro 21-411, Mme [V] [L] et Mme [A] [K] ont interjeté appel du jugement prononcé en ce qu'il a :
- Dit n'y avoir lieu de rabattre l'ordonnance de clôture
- Rejette la demande libération de la parcelle [Cadastre 12]
-Condamné Mesdames [K] à retirer les pots de fleurs qu'elles ont placés devant le portail de Madame [D] dans le mois de la signification du présent jugement sous astreinte de 100€ par jour de retard pendant quatre mois
- Sursis à statuer sur la demande de libération de la parcelle [Cadastre 14]
- Ordonné une expertise.
Par acte du 23 septembre 2021, procédure enregistrée sous le numéro 21-675, Mme [R] [D] a assigné la Commune de [Localité 24] (Haute-Corse) aux fins de :
Vu l'article 331 du Code de Procédure Civile,
Déclarer la requérante recevable et bien fondée en sa demande d'intervention forcée formée à l'encontre de la Commune de [Localité 24] dans l'instance actuellement pendante devant la Cour d'Appel de BASTIA sous le numéro de RG 21/00411 et appelée à la Mise en État du 1er décembre 2021.
Dire que la requérante sera intégralement relevée et garantie par la Commune de [Localité 24] pour le cas où une quelconque condamnation serait prononcée à son encontre.
Ordonner la jonction de la présente instance avec celle actuellement pendante devant la
Cour d'Appel de BASTIA sous le numéro de RG 21/00411 et appelée à la Mise en Etat du 1er décembre 2021.
Déclarer commune et recevable à la requise la décision à intervenir.
Statuer ce que de droit sur les dépens.
SOUS TOUTES RÉSERVES.
Par ordonnance du 1er décembre 2021, le conseiller de la mise en état de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :
- ordonné la jonction des procédures n°21-411 et 21-675 sous le n)21-411,
- ordonné le renvoi à l'audience du 2 février 2022 pour clôture,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond.
Par ordonnance du 11 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la chambre civile de la cour d'appel de Bastia a :
- débouté Mme [V] [K] [L] et Mme [A] [K] de leurs demandes en incident,
- débouté Mme [R] [D] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné le renvoi de l'affaire au 1er février 2023 pour clôture ou radiation,
- condamné Mme [V] [K] [L] et Mme [A] [K] au paiement des dépens de l'incident.
Par conclusions déposées au greffe le 20 janvier 2023, Mme [V] [L] et Mme [A] [K] ont demandé à la cour de :
Vu le jugement en date du 4 mai 2021,
Vu les articles 544 et 545 du Code civil,
Vu l'article 2227 du Code civil,
Vu les articles 5, 16 et 803 du Code de procédure civile,
Vu les pièces,
Vu la jurisprudence,
- DÉCLARER recevable et bien fondé l'appel de Mesdames [K],
- INFIRMER le jugement rendu le 4 mai 2021 en ce qu'il :
- Dit n'y avoir lieu de rabattre l'ordonnance de clôture,
- Rejette la demande de libération de la parcelle [Cadastre 12],
- Condamne Mesdames [K] à retirer les pots de fleurs qu'elles ont placés devant le portail de Madame [D] dans le mois de la signification du présent jugement sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant quatre mois,
- Sursoit à statuer sur les demandes concernant la parcelle [Cadastre 14],
- Ordonne une expertise.
- Avant dire droit, ORDONNER la production de l'intégralité des autorisations d'urbanisme obtenues par Madame [R] [D] ainsi que les déclarations d'achèvement et de conformité de l'ensemble des travaux réalisés sur la parcelle [Cadastre 22] depuis son acquisition en date du 17 décembre 2001,
- CONFIRMER le jugement rendu le 4 mai 2021 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formée par Madame [R] [D],
Et en conséquence,
- DÉBOUTER Madame [R] [D] de l'ensemble de ses demandes,
- CONDAMNER Madame [R] [D] à libérer les parcelles BK [Cadastre 2], notamment en supprimant l'accès à sa propriété donnant sur cette parcelle, et [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 24] de toute occupation sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- CONDAMNER Madame [R] [D] à payer la somme de 3.000 euros en
application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER Madame [R] [D] aux entiers dépens.
Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Benoît BRONZINI DE CARAFFA pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par ordonnance du 1er févier 2023, la clôture a été différée au 15 mars 2023 et l'affaire fixée à plaider au 6 avril 2023.
Par conclusions déposées au greffe le 24 février 2023, Mme [R] [D] a demandé à la cour de :
Vu l'appel interjeté par Madame [V] [K] [L] et par Madame [A] [K] du jugement rendu le 4 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de BASTIA ;
Vu les motifs et les pièces ;
Vu les articles 544 et 545 du Code Civil ;
Vu l'article 2265 du Code Civil ;
Vu les articles 684 et suivants du Code Civil
Vu les articles 143 et 144 du Code de Procédure Civile ;
Constater et Juger que Madame [V] [K] [L] et Madame [A] [K] n'ont aucun intérêt à agir et que leurs demandes sont mal dirigées ;
Constater que Madame [R] [D] n'a commis aucune emprise ou empiétement et n'occupe pas illégalement la propriété de Madame [V] [K] [L] et de Madame [A] [K] ;
Constater que l'élargissement de la voie d'accès, en l'occurrence la parcelle [Cadastre 23] a été effectuée du fait de l'accord des propriétaires riverains en 1974 ;
Constater que Mme [D] dispose en conséquence d'un droit indivis sur cette parcelle [Cadastre 23], droit directement issu de son acquisition de la parcelle [Cadastre 22] comme précisé dans son acte de vente du 17 décembre 2001 ;
Constater que les emprises invoquées par les requérantes ont été réalisées du fait de l'élargissement à l'est de la parcelle BK[Cadastre 5] ([Adresse 30]), sur les parcelles riveraines propriété exclusive de la S.C.I. GAMBOTTI (Leclerc) et de Mme [D], concluante, et sur la base du projet décidé et établi par la commune de [Localité 24] dans le cadre d'une expropriation amiable.
En conséquence, CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes
formées par Madame [V] [K] [L] et Madame [A] [K] concernant la parcelle [Cadastre 21] et en ce qu'il a ordonné une expertise s'agissant de la parcelle [Cadastre 23].
En conséquence Débouter purement et simplement Madame [V] [K] [L] et Madame [A] [K] de l'intégralité de leurs demandes en tant que dirigées à l'encontre de Madame [R] [D].
INFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formée par Madame [D] du fait des actes illicites réalisés par le appelantes,
En conséquence RECEVOIR la concluante en son appel incident,
En conséquence, Condamner Madame [V] [K] [L] et Madame [A] [K] à verser à Madame [R] [D] la somme de
3 000 euros au titre du trouble de jouissance subi du fait du placement des pots de fleurs devant son portail ;
À titre subsidiaire et si par extraordinaire, une condamnation devait intervenir à l'encontre de Mme [D] il conviendra de DIRE qu'elle sera intégralement relevée et garantie par la Commune de [Localité 24] compte tenu de l'intervention de la Commune dans la réalisation de l'aménagement de la voie de desserte dans un cadre d'expropriation amiable.
Condamner les dames [K] à verser à Madame [R] [D] la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.
SOUS TOUTES RÉSERVES.
Le 6 avril 2023, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.
Bien que régulièrement assignée à personne habilitée, la commune de [Localité 24] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter ; en application des dispositions des articles 474 du code de procédure civile, le présent arrêt est réputé contradictoire.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Pour statuer comme ils l'ont fait les premiers juges ont considéré que les appelantes avaient abandonné leur droit sur leur parcelle numérotée [Cadastre 12] en acceptant de reculer
leur clôture, avec pour conséquence son ajout à la parcelle indivise [Cadastre 14], parcelle dont il serait nécessaire de préciser l'importance de l'occupation par l'intimée par le biais d'une expertise judiciaire qu'ils ont ordonnée, déboutant aussi l'intimée de sa demande de dommages et intérêts pour le trouble de jouissance dont elle se prévalait à la suite de la mise en place par les intimées de pots de fleurs empêchant l'accès à son fonds estimant qu'elle bénéficiait d'autres accès, pots de fleurs dont le retrait a été prononcé sous astreinte.
* Sur la demande de production de pièces avant-dire droit
Mmes [K] et [L] sollicitent la production par Mme [D] de l'intégralité des autorisations d'urbanisme qu'elle a obtenues et les déclarations d'achèvement et de conformité de l'ensemble des travaux réalisés sur la parcelle [Cadastre 13] depuis qu'elle l'a acquise le 17 décembre 2001.
Mme [R] [D] n'a pas conclu sur ces demandes de productions de pièces.
En l'état de la procédure, il convient de relever que cette demande de production a été réalisée dans le cadre de la mise en état, puis par le dépôt de conclusions au fond sans succès aucun.
Depuis lors, l'ordonnance de clôture a été prononcée, l'affaire plaidée et il n'est pas opportun de retarder à nouveau la solution de ce litige existant depuis au moins l'année 2015, par une mesure d'instruction, alors que la cour peut valablement tenir compte de l'abstention de l'intimée à produire les documents sollicitées par les appelantes pour motiver sa décision.
Il convient de rejeter cette demande.
* Sur la parcelle [Cadastre 12] et l'abandon retenu par les premiers juges
Il résulte des pièces du dossier qu'à l'issue du démembrement de la parcelle BK n°[Cadastre 6] d'une contenance de 96 ares et 17 centiares, achetée le 1er août 1974 en indivision par les consorts [K]-[O]-[F]-[L]-[E]-[W]-[S]-[Z]-[T]- [OA]-[M], plusieurs parcelles ont été différenciées, dont celle du vendeur de Mme [D] ; avec pour accès la parcelle indivise BK [Cadastre 5], rebaptisée [Adresse 30], et une ouverture à 90°, selon les écritures des appelantes.
Cependant, l'acte produit en pièce n°1 des appelantes, daté du 1er août 1974 concerne l'achat indivis de la parcelle BK n°[Cadastre 6] appartenant préalablement à M. [I] [X], M. [Y] [X] et Mme [N] [X], comme cela est indiqué en page n°6 de cet acte après avoir énuméré les noms des acheteurs par l'indication «les acquéreurs achetant en indivision entre eux».
Cet acte, contrairement, à ce que prétend Mme [R] [D] ne peut servir de fondement à une éventuelle usucapion d'une servitude légale qui ne peut exister à l'intérieur d'une parcelle indivise.
Il n'est pas contesté que Mme [A] [D] a acquis le 17 décembre 2001, la parcelle BK n°[Cadastre 3] en pleine propriété et, en qualité de coïndivisaire, les parcelles BK n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5] pour un septième, parcelles de terre à usage de chemin, selon l'acte de vente produit établi par Me [P] [H], notaire associé à [Localité 29] (Haute-Corse)- pièce n° 14 du bordereau de l'intimée, aucune servitude n'est indiquée dans ledit acte au bénéfice de la parcelle BK n°[Cadastre 3].
De plus, l'origine de la propriété du vendeur n'est pas précisée et cela ne permet pas de faire débuter une éventuelle usucapion telle que revendiquée par l'intimée antérieurement à cet acte, la charge de la preuve reposant sur elle et celle-ci ne rapportant pas une origine antérieure à son achat pour l'indivision de la parcelle [Cadastre 14] et pour l'éventuelle servitude légale revendiquée.
Cette parcelle [Cadastre 16], à la vue des plans joints par les deux parties n'est aucunement enclavée, bénéficiant d'accès sur trois de ses côtés au moins, à l'exception de celui bordant la propriété des appelantes cadastrée [Cadastre 15], accès qui antérieurement à l'acquisition de l'intimée n'étaient pas créés, comme l'illustrent les photographies qu'elle produit en pièces n°15 et 16 de son bordereau, revendiquant par les pense-bêtes apposées une absence totale de point d'accès à sa parcelle, celle-ci étant entièrement close sans accès prévu, ce qui anéantit la tentative de démonstration d'une servitude de passage acquise par une usucapion de plus de trente ans au titre de l'article 690 du code civil.
Il n'est pas non plus contesté que la parcelle acquise en pleine propriété par l'intimée ne supportait aucune construction avant son achat par l'intimée et, par leur pièce n°15, les appelantes démontrent que le permis de construire délivré par la commune de [Localité 24] à Mme [R] [D] le 6 février 2002, dans son article n°3, a prévu que «Le mur de clôture et le portail seront de forme simple, le portail sera implanté avec un recul suffisant par rapport à l'alignement de la clôture pour éviter le stationnement sur la voie de desserte», permis auquel est annexé un plan de masse permettant de visualiser l'absence de portail disposé selon la configuration actuelle perpendiculairement à la propriété des appelantes en bout d'une partie de leur parcelle revendiquée et le projet d'un portail ouvert sur ce qui est actuellement la rue des aubépines en parallèle de la limite cadastrale avec le recul suffisant mentionné dans l'article susmentionné, ce qui démontre parfaitement que le portail actuel a bien été implanté par l'intimée dans l'irrespect le plus total des autorisations données à défaut pour elle de produire, si elles existent, les autorisations de modifications obtenues justifiant cette implantation hors autorisation du permis de construire concédé et que ce qu'elle affirme, en page n°3 de ses écritures, dans ces termes «Cette parcelle BK [Cadastre 3] bénéficiait d'un droit de passage et cet accès est d'origine (et légal), créé par les premiers propriétaires, se trouvait précisément là où il se trouve encore aujourd'hui», est totalement contredit par les pièces produites par les deux parties analysées concomitamment et se révèle totalement faux.
S'il est vrai que, depuis l'année 1986, un projet de tracé rectiligne de la rue des aubépines avait été formalisé, aucune procédure d'expropriation n'a jamais été entamée et que c'est sur ce fondement que l'ensemble des riverains de la partie Ouest de la future rue ont prévu
d'aliéner au profit de la commune de [Localité 24], dans l'intérêt commun, une partie de leur parcelle de 45 m², aliénation prévue aussi dans le cadre du permis de construire délivré à Mme [R] [D] le 6 février 2022, par son article n°2, dans lequel il est mentionné qu'«il est exigé une cession gratuite au profit de la commune d'une bande de terrain représentant 10 % de l'îlot de propriété», et ce, relativement à la création de voies nouvelles prévues au plan d'occupation des sols.
Cette bande rectiligne composée de la totalité de la parcelle [Cadastre 17] en indivision entre les cinq propriétaires riverains qui ont tous fait valoir qu'ils étaient aussi prêts à abandonner la propriété sur deux mètres de profondeur la propriété de la partie de leur fond contigu en sa partie Ouest de la parcelle indivise [Cadastre 17].
La pièce n°10 des appelantes permet de remarquer que, sur les cinq parcelles riveraines de la parcelle BK n°[Cadastre 5], seule une parcelle, la BK n°[Cadastre 3] appartenant à Mme [R] [D] n'est pas signataire du plan de division amiable proposé par la commune de [Localité 24] le 9 janvier 1989 prévoyant la création d'une voie rectiligne à partir de la parcelle BK n°[Cadastre 5] indivise entre tous les riverains et agrandi par la partie limitrophe en partie Ouest de ses différentes parcelles sur deux mètres de profondeur -pièce n°11 des appelantes matérialisant l'emprise de la route prévue par le plan d'occupation des sols de 1986.
En conséquence, le projet initial de la commune de [Localité 24] n'a pas abouti et les transferts de propriété n'ont pas été effectués, la bande à concéder par les appelantes restant toujours gelée mais aussi toujours leur propriété, tout comme celle des autres riverains dont Mme [R] [D].
Le projet a été repris en 2015, toujours sans aucune expropriation, avec une modification profitable à Mme [R] [D], propriétaires de la parcelle [Cadastre 16] mais aussi, à la suite du démembrement de la parcelle [Cadastre 18] -pièce [Cadastre 28] de son bordereau-, des parcelles [Cadastre 19] et [Cadastre 8], situées à l'Est de la parcelle [Cadastre 17] et de l'emprise initiale de la nouvelle voie d'accès rectiligne.
Le nouveau tracé après avoir porté son emprise sur environ 25 % dans la partie concédée pour la création de la nouvelle voie sur la parcelle [Cadastre 15] des appelantes, a été incurvé pour atteindre la parcelle [Cadastre 19] appartenant à l'intimée, après le démembrement de la parcelle [Cadastre 18], abandonnant le projet initial d'un tracé rectiligne arrêté depuis au moins 1986, pour un tracé en courbe qui ne profite qu'à Mme [R] [D] et à son activité de location saisonnière, au détriment de l'intérêt commun, en lui permettant de valoriser la parcelle [Cadastre 20] qui, par le tracé premier, aurait été dans l'assiette de la nouvelle voie et la parcelle [Cadastre 19] coupée du fond principal de sa propriétaire.
Il résulte de l'attestation écrite par M. [J] [B], maire de la commune de [Localité 24], du 1er juin 2021 que ce dernier confirme que l'accès à la propriété de Mme [R] [D] s'est toujours réalisé par une entrée perpendiculaire à la voie devant être tracée et que la partie de la parcelle BK n°[Cadastre 2] revendiquée par les appelantes fait partie de l'emplacement réservé dans le cadre du plan local d'urbanisme, ce qui n'a jamais fait, selon lui, l'objet de contestation.
Tout cela est vrai, mais ce qui est important dans ce courrier c'est que jamais le premier édile de cette commune ne mentionne l'existence d'une procédure d'expropriation ou de cession à l'amiable de la propriété de l'emplacement réservé revendiqué, ce dont la cour retient que ledit emplacement réservé fait toujours partie de la parcelle [Cadastre 15] ,dont les appelantes sont les uniques propriétaires indivises.
En conséquence, Mmes [V] [L] et [A] [K] sont toujours les propriétaires de l'ensemble de la parcelle BK n°[Cadastre 2], y compris de la partie constituée par l'emplacement réservé dans le cadre du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 24], cette dernière n'étant jamais devenue propriétaire de ce bout de terrain, partie de parcelle que les appelantes n'ont jamais aliénée et sur laquelle elles n'ont jamais renoncée à leur propriété.
Leurs droits sur celle-ci a été simplement gelés, avec leur accord, dans un but d'intérêt général, à savoir la création d'un voie rectiligne desservant diverses parcelles du quartier Cotone et, qui compte tenu de la retenue d'un autre tracé et de la réalisation de ce dernier, n'a plus de sens, ni d'objet et d'intérêt actuellement, libérant les appelantes de leur accord et leur rendant leur entière propriété sur cette partie de parcelle, y compris celui d'y implanter des pots de fleurs si cela leur plaît.
Mme [R] [D] de son côté, conformément à son permis de construire de 2002 et au projet d'accès à la nouvelle voie de 2015 peut bénéficier d'un accès à celle-ci, sans le moindre empiétement sur la propriété de ses voisines, en créant une sortie par le biais d'un portail en parallèle de la voie créée, tel que visualisé sur la plan de division foncière joint au débat -pièce n°12 des appelantes sur l'appellation «nouvel accès» en limite Sud-Sud Est de la parcelle [Cadastre 20].
Il convient donc de réformer le jugement entrepris sur ce point.
* Sur la parcelle [Cadastre 17] et l'expertise judiciaire organisée
Il n'est contesté par aucune des parties que la parcelle [Cadastre 17] est une indivision dont chaque coïndivisaire est propriétaire d'un septième, selon l'acte notarié établi lors de l'achat par Mme [R] [D] de la parcelle [Cadastre 16].
L'article 815-2 du code civil dispose notamment que «Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence...», donnant ainsi toute qualité aux appelantes pour défendre les droits commun face à un autre coïndivisaire comme en l'espèce.
Depuis lors, même si cette parcelle faisait partie, dans sa totalité, de l'emplacement réservé dans le cadre du plan local d'urbanisme et du projet de création d'une voie d'accès rectiligne et ce depuis 1986, ce projet a été abandonné, un nouvel tracé réalisé en partie Nord de la voie. Mais, a priori, aucun transfert de propriété n'est intervenu, la parcelle restant une propriété indivise dans tout son tracé, la preuve d'un transfert réalisé par la
commune n'étant pas rapportée, ce qui était pourtant simple, chacune des parties étant coïndivisaires de la dite parcelle et, si transfert il y avait eu, elles devraient toutes avoir été parties dans la cadre de cet acte juridique.
En conséquence, sans la moindre nécessité d'une expertise, dont on ne comprend pas bien l'utilité, en l'absence de transfert de propriété, Mme [R] [D] ne pouvait se voir reconnaître par la commune de [Localité 24] la propriété sur la partie de cette indivision comprise entre les parcelles BK n°[Cadastre 3] et [Cadastre 8] appartenant à Mme [R] [D].
Cette dernière doit, en conséquence, rendre le libre accès à cette portion de la parcelle à l'ensemble des autres coïndivisaires, dont Mme [V] [L] et Mme [A] [K].
* Sur la demande de libération de toute occupation des parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 5], sous astreinte
Il est certain que depuis 2015, le contentieux existant entre les parties n'a fait qu'augmenter et qu'il est temps que celles-ci face preuve d'intelligence en trouvant un compromis.
En ce quoi concerne la parcelle [Cadastre 15], celle-ci appartenant dans son intégralité aux appelantes, il suffit que celles-ci, exerçant leur droit de propriété, interdisent à Mme [R] [D] l'accès à leur fonds par tout moyen, y compris en le clôturant, pour que leur droit soit respecté, et ce, sans aucune nécessité de prévoir la moindre astreinte, Mme [R] [D] étant libre de laisser sur son fonds un portail inutile, personne ne pouvant lui interdire de le laisser sur sa propriété.
Il convient donc de rejeter la demande de suppression de l'accès à la parcelle [Cadastre 15] par la parcelle [Cadastre 16], les appelantes pouvant faire valoir leur droit en bloquant elles-mêmes cet accès.
Pour la parcelle [Cadastre 17] en indivision, il convient de faire droit à la demande présentée en condamnant Mme [R] [D] à rendre libre aux autres coïndivisaires l'accès à cette parcelle et en enlevant tout bien lui appartenant, et ce, selon les modalités définies dans le dispositif de la présente décision, tant pour la temporalité arrêtée que pour le montant de l'astreinte fixée à 50 euros par jour.
* Sur la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [R] [D]
En première instance, la demande de Mme [D] a été rejetée à défaut de démonstration de la réalité d'un préjudice, mais ce débouté n'a pas été repris dans le dispositif du jugement prononcé et une omission de statuer a été ainsi commise.
En appel, Mme [R] [D] succombe, les appelantes voient leur droit reconnu et en conséquence, il n'y a aucun préjudice dont Mme [R] [D] peut se prévaloir, les voisines de l'intimée en installant des pots de fleurs sur leur fonds n'ayant fait qu'y exercer leur droit de propriété.
Il convient donc de rejeter ce chef de la demande par ajout au jugement entrepris.
* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
S'il est équitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a engagés, il n'en va pas de même pour les appelantes ; en conséquence, il convient de débouter Mme [R] [D] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de
procédure civile et d'allouer à ce titre la somme de 3 000 euros à Mme [V] [L] et à Mme [A] [K].
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [R] [D] de l'ensemble de ses demandes présentées en première instance et en appel,
Condamne Mme [R] [D] à libérer de toute occupation l'intégralité de la parcelle [Cadastre 15] appartenant à Mme [V] [L] et à Mme [A] [K], en ce compris l'emplacement réservé dans le cadre du plan local d'urbanisme par lequel elle sortait de son fonds, les propriétaires pouvant, en exerçant la plénitude de leur droit de propriété, lui en interdire tout accès,
Condamne Mme [R] [D] à libérer de toute occupation et à garantir le libre accès à tous les coïndivisaires de la parcelle [Cadastre 17], sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de six mois, commençant à courir à la fin de cinquième mois suivant la signification du présent arrêt,
Condamne Mme [R] aux paiement des entiers dépens tant ceux de première instance qu'en cause d'appel, dont distraction au profit de Me Benoît Bronzini de Caraffa, avocat,
Condamne Mme [R] [D] à payer à Mme [V] [L] et à Mme [A] [K] la somme globale de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT