Chambre civile
Section 1
ARRET N°
du 26 JUIN 2024
N° RG 22/00776 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CFMG TJ-J
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AJACCIO, décision attaquée en date du 14 Novembre 2022, enregistrée sous le n° 21/00934
[I]
C/
CONSORTS [I]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT-SIX JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE
APPELANTE :
Mme [A] [L] [N] [I]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Dominique REMITI-LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Mme [G] [I]
née le [Date naissance 5] 1936 à [Localité 17]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représentée par Me Philippe GATTI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. [T] [I]
né le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 12]
[Adresse 10]
[Localité 9]
Représenté par Me Philippe GATTI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. [Z] [I]
né le [Date naissance 7] 1972 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Philippe GATTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 avril 2024, devant M. Thierry JOUVE, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Thierry JOUVE, président de chambre
Marie-Ange BETTELANI, conseillère
Emmanuelle ZAMO, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Sandrine FOURNET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Thierry JOUVE, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [M] [E] [I] est décédé à [Localité 11] le 18 septembre 2016 laissant pour lui succéder, suivant acte de notoriété dressé le 19 janvier 2017 par Maître [Y] [X], notaire à [Localité 11]:
- son épouse, Madame [G] [I],
- sa fille, Madame [T] [I],
- son fils, Monsieur [Z] [I],
- sa fille, Madame [A] [I].
Une attestation immobilière a été établie le 13 juin 2017 par Maître [W] [V] faisant état des biens suivants :
- un garage à [Localité 15], vendu ultérieurement,
- un appartement à [Localité 15], [Adresse 18], immeuble situé au col des saisies, vendu ultérieurement,
- un parking sis à [Adresse 14], vendu ultérieurement,
- une maison située sur le territoire de la commune de [Localité 13], [Adresse 2]).
Par exploit en date du 30 septembre 2021, Madame [G] [U] veuve [I] et ses deux enfants, Madame [T] [I] et Monsieur [Z] [I], ont fait assigner Madame [A] [I] devant le tribunal judiciaire d'Ajaccio aux fins principalement de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre eux et portant sur la maison d'habitation située à [Localité 6], de désigner le notaire, de fixer une indemnité d'occupation à la charge de Madame [A] [I] pour l'occupation privative du bien indivis précité.
Par jugement en date du 14 novembre 2022, la juridiction ainsi saisie a notamment :
- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Madame [I], Madame [T] [I], Monsieur [Z] [I] et Madame [A] [I] et portant sur la maison d'habitation située sur la commune de [Localité 13] [Localité 6] et cadastrée section A n°[Cadastre 4] [Adresse 16],
- désigné pour y procéder Maître [H] [D], notaire à [Localité 11],
- renvoyé d'ores et déjà les parties devant le notaire liquidateur, en lequel devra procéder à ses opérations en déterminant les droits des parties, les biens meubles et immeubles composant les masses partageables et réaliser un projet de partage,
- dit que Madame [G] [U] veuve [I], Madame [T] [I], Monsieur [Z] [I], demandeurs au partage, devront solidairement verser entre les mains du notaire liquidateur une provision de 1 500 € dans le délai d'un mois suivant sa désignation, à charge pour le notaire liquidateur d'informer immédiatement le juge commis ci-après désigné de tout retard dans le versement,
- commis le vice-président en charge des successions- partage avec mission de surveiller les opérations de partage et faire rapport en cas de difficultés conformément aux dispositions des articles 1361 et 1364 du code de procédure civile,
- rappelé que le notaire désigné doit établir un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an et qu'en cas de désaccord sur le projet d'état liquidatif, il devra dresser un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,
- rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile, le procès-verbal devra reprendre les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif, qu'à l'issue de la convocation par le juge commis et en cas de désaccord subsistant, le juge commis dressera rapport de l'ensemble des demandes des parties, toutes demandes distinctes étant irrecevables à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou révélé postérieurement l'établissement dudit rapport du juge commis,
- débouté Madame [A] [I] de sa demande d'attribution préférentielle,
- dit que Madame [A] [I] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1 100 € par mois à compter du 18 septembre 2016, date du décès de Monsieur [M] [E] [I] et ce jusqu'au partage effectif ou à la libération des lieux par l'intéressée,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
- rappelé que la décision était exécutoire par provision.
APPEL :
Madame [A] [I] a interjeté appel le 20 décembre 2022.
Elle a notifié ses dernières conclusions par voie électronique le 8 janvier 2024.
Madame [T] [I], Monsieur [Z] [I] et Madame [G] [I] avaient notifié leurs dernières écritures selon le même procédé le 6 novembre 2023.
Par ordonnance rendue le 6 mars 2024, la clôture a été fixée au jour même et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 avril 2024 où elle a été retenue. Le délibéré a été fixé au 26 juin 2024.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Madame [A] [I] sollicite :
- l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il :
l'a déboutée de sa demande d'attribution préférentielle,
a dit qu'elle est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant de 1 100 € par mois à compter du 18 septembre 2016, date du décès de Monsieur [M] [E] [I] et ce jusqu'au partage effectif ou à la libération des lieux par l'intéressée,
a rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,
et statuant à nouveau,
- qu'il soit jugé qu'elle se verra attribuer à titre préférentiel le bien indivis situé [Adresse 2], d'une valeur de 450 000 € cadastré Section A, n°[Cadastre 4] [Adresse 16],
- qu'il soit jugé que l'indemnité d'occupation qu'elle doit à l'indivision s'élève à la somme de 800 € par mois et ne sera due qu'à compter du mois de septembre 2020,
- le rejet de l'ensemble des demandes adverses,
- la condamnation in solidum de Madame [T] [I], de Monsieur [Z] [I] et de Madame [G] [I] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- qu'il soit jugé que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Madame [T] [I], Monsieur [Z] [I] et Madame [G] [I] sollicitent la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
- qu'il soit jugé que Madame [A] [I] sera condamnée à leur payer la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel principal et de l'appel incident n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur l'attribution préférentielle :
Madame [A] [I] dont il n'est pas contesté qu'elle occupe la maison concernée située à [Localité 6], critique le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'attribution préférentielle de cette habitation fondée sur les dispositions de l'article 831-2 du code civil au motif contesté par elle qu'elle n'aurait pas les moyens d'acquitter la soulte due aux autres héritiers.
À l'appui de sa prétention, l'appelante fait valoir qu'évaluant cette contribution à la somme de 300'000 €, elle dispose dès à présent d'un apport de 100'000 € et qu'en se réservant une économie de 10'000 €, elle devra emprunter la somme de 210'000 €. Arguant d'une active recherche d'emploi, elle ne doute pas de sa capacité, quand elle aura retrouvé une activité professionnelle, d'obtenir le prêt nécessaire.
Les intimés concluent à la confirmation du jugement déféré qui a justement retenu l'absence de capacité financière de leur adversaire.
Devant la cour, Madame [A] [I] produit des bulletins de salaire datant de 2022 qui ne présentent aucun intérêt dans la mesure où l'intéressée est en ce moment au chômage. Pour justifier de ses revenus, elle verse une unique attestation émanant de Pôle emploi en date du 16 février 2023 mentionnant une allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant de 1 090,58 € à laquelle elle aura encore droit pendant 156 jours. Ce délai étant pourtant largement écoulé, la demanderesse ne justifie ainsi d'aucun revenu actuel.
Alors qu'elle indique dans ses écritures produire aux débats des relevés de situation de compte permettant de constater qu'elle bénéficie d'un apport conséquent qui devrait lui permettre d'assurer l'octroi du prêt, Madame [A] [I] fournit des relevés de son compte bancaire dont le plus récent arrêté au 4 novembre 2022 fait apparaître un modeste solde positif de 2 067,86 €.
Quant aux perspectives d'évolution favorable de sa situation professionnelle, elles se limitent à leur seule vague évocation dans les écritures de son conseil.
Le jugement qui a pertinemment rejeté la demande attribution préférentielle sera donc confirmé.
Sur l'indemnité d'occupation :
L'article 815-9 du code civil dispose que :
Chaque indivisaire peut user et jouir des bien indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des faits des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. À défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use juge ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
Madame [A] [I] qui occupait déjà la maison de [Localité 6] du vivant de son père et en sa compagnie, l'occupe désormais, depuis son décès, seule et à titre privatif, s'agissant de son domicile principal.
S'il est vrai qu'elle n'en interdit pas l'accès aux autres co-indivisaires qui habitent tous sur le continent, en Savoie, leur jouissance des lieux est matériellement contrariée par l'éloignement géographique et se borne, pour certains, à quelques jours de vacances passés en Corse, en visite, dans des lieux occupés en permanence par leur parente.
S'il est vrai également que les co-indivisaires ont tardé à formaliser une demande de contribution financière à l'intéressée, la lecture des différents courriels versés aux débats, permet de comprendre qu'il s'agissait, de la part de proches membres de famille, d'une simple tolérance dans la perspective de permettre à leur fille et s'ur de trouver, dans un délai raisonnable, le financement nécessaire au rachat annoncé de leurs parts. La réalisation de ce projet s'avérant impossible, la situation qui dure depuis plusieurs années au profit exclusif de l'occupante des lieux, prive les consorts [U]/[I] d'encaisser leur part du prix conséquent de la vente qu'ils appellent pourtant de leur v'u, d'un bien immobilier avantageusement placé sur la rive sud du golfe d'[Localité 11].
Le jugement déféré qui a prévu le versement à compter du 18 décembre 2016, date de décès du de cujus, d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 1 100 € sera donc confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il ne paraît pas inéquitable de condamner Madame [A] [I] qui succombe à nouveau, de payer à ses adversaires la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il convient d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
et y ajoutant,
- condamne Madame [A] [I] à payer à Madame [G] [U], à Madame [T] [I] et à Monsieur [Z] [I], ensemble, la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de partage.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT