Chambre civile
Section 1
ARRET N°
du 26 JUIN 2024
N° RG 23/00183 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CF6Z TJ-J
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA, décision attaquée en date du 09 Février 2023, enregistrée sous le n° 22/00068
[K]
S.A. MAAF ASSURANCES
C/
[V]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-CORSE
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT-SIX JUIN DEUX-MILLE-VINGT-QUATRE
APPELANTS :
M. [E] [K]
né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 9]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 4]
Représenté par Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
S.A. MAAF ASSURANCES
immatriculée au RCS de Niort sous le n° 542 073 580
entreprise régie par le code des assurances
représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
M. [C] [V]
pris en la personne de son représentant légal
M. [G] [V] né le [Date naissance 1]1977 à [Localité 13], de nationalité française, demeuraut et domicilié [Adresse 12]
né le [Date naissance 6] 2008 à [Localité 14]
[Adresse 12]
[Localité 3]
Représenté par Me Nelly LABOURET, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-CORSE
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 avril 2024, devant M. Thierry JOUVE, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Thierry JOUVE, président de chambre
Marie-Ange BETTELANI, conseillère
Emmanuelle ZAMO, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Sandrine FOURNET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Thierry JOUVE, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Le 17 juillet 2021, [C] [V], mineur alors âgé de 12 ans, a été victime alors qu'il conduisait un engin de type motocross, KTM 85 cm3, d'un accident de la circulation sur la route départementale RD 343 sur la commune d'[Localité 3], impliquant le véhicule de marque Honda conduit par Monsieur [E] [K] assuré auprès de la MAAF.
Le jeune motocycliste a été immédiatement transporté à l'hôpital où il a subi une intervention chirurgicale du fait d'une fracture du tibia gauche.
Par exploits en date du 7 janvier 2022 et du 9 février 2022, Monsieur [G] [V] en sa qualité de représentant légal de son fils mineur a respectivement assigné la MAAF et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse puis Monsieur [E] [K] devant le tribunal judiciaire de Bastia aux fins d'obtenir réparation des préjudices résultant de l'accident.
Par jugement contradictoire rendu le 9 février 2023, la juridiction ainsi saisie a :
- dit que Monsieur [E] [K] conducteur garanti par la compagnie d'assurance MAAF ASSURANCE est entièrement responsable de l'accident de la circulation dont a été victime Monsieur [C] [V] le 17 juillet 2021,
- condamné Monsieur [E] [K] et la compagnie d'assurances MAAF à indemniser l'entier préjudice subi par Monsieur [C] [V] à la suite de l'accident de la circulation survenu le 17 juillet 2021,
- ordonné, avant dire droit une mesure d'expertise médicale confiée au Docteur [Z] [I], avec la mission d'usage,
- dit que le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu a consignation,
- fixé à la somme de 900 € le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par Monsieur [G] [V] en qualité de représentant légal de [C] [V] son fils mineur à la régie d'avances et de recettes du Tribunal de Bastia avant 15 avril 2023,
- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,
- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises de la 1ère chambre civile pour contrôler les opérations d'expertise,
- condamné solidairement Monsieur [E] [K] et la compagnie d'assurance MAAF à payer à Monsieur [C] [V] représenté par son représentant légal, Monsieur [G] [P], la somme de 5 000 € à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice,
- sursis à statuer sur les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- réservé les dépens.
APPEL :
La MAAF et Monsieur [E] [K] ont interjeté appel de cette décision le 9 mars 2023,
Il a notifié leurs dernières conclusions le 20 mars 2023.
Monsieur [G] [V] agissant en sa qualité de représentant légal de son fils mineur a notifié ses écritures par voie électronique le 20 juin 2023.
La Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse à qui la déclaration d'appel et les conclusions des appelants ont été signifiées à son siège, n'a pas conclu. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
Par ordonnance rendue le 3 avril 2024, la clôture a été fixée au jour même et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 avril 2024 où elle a été retenue. Le délibéré a été fixé au 26 juin 2024.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La MAAF et Monsieur [E] [K] qui concluent à l'infirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, sollicitent :
- qu'il soit jugé que le droit à indemnisation de [C] [V] doit être exclu,
en conséquence,
- le rejet de l'ensemble des demandes formulées à son encontre par l'intimé,
- qu'il soit jugé qu'il n'y a pas lieu à expertise médicale,
- qu'il soit jugé qu'il n'y a pas lieu à allocation d'une indemnité provisionnelle,
- qu'il soit jugé qu'il n'y a lieu à allocation d'aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- qu'il soit jugé que chaque partie conservera sa charge ses frais irrépétibles et dépens.
Monsieur [G] [V] sollicite :
- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- la condamnation solidaire de Monsieur [E] [K] et de son assureur à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de son conseil.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et les éléments du dossier ne conduisent pas la cour à le faire d'office.
Sur le droit à indemnisation :
* Concernant le contexte de l'accident :
Ainsi que l'a retenu le premier juge, le fait que le jeune [C] circulait sur un engin de motocross non homologué pour la route, est indifférent d'un point de vue causal, dans la survenance de l'accident.
Il est également vrai que la détention d'un permis n'est pas administrativement nécessaire pour la conduite d'un véhicule de ce type d'une cylindrée de 85 cm³ mais à l'impérative condition de ne rouler que sur des voies et terrains privés.
Le fait de circuler sur une voie ouverte à la circulation publique est avéré à tout le moins à l'endroit de la collision, lors de la traversée de la D 343.
Dans cette configuration, si la victime avait été au guidon d'un deux-roues homologué pour la route, elle aurait été en infraction à plusieurs titres puisque n'ayant pas l'âge requis, elle ne pouvait être titulaire du BSR (brevet de sécurité routière) qui ne peut
être obtenu qu'à partir de 14 ans et en toute hypothèse, n'aurait pas été autorisée à piloter une machine d'une cylindrée supérieure 50 cm3.
Au-delà de la simple observation fautive de la réglementation, ce manquement induit forcément un manque de maturité et surtout une absence de connaissance élémentaire des règles du code de la route.
La cour relève ensuite que la KTM 85 cm3 utilisée est, selon la déclaration de [X] [V], le modèle grandes roues (19 pouces à l'avant et 16 à l'arrière) dont les caractéristiques techniques et mécaniques rendent le maniement difficile surtout pour un enfant de 12 ans dont les compétences qu'il a acquises proviennent, selon ses dires, d'une pratique datant seulement de Noël 2020 et de l'apprentissage du passage des vitesses par son père sur le petit chemin derrière chez lui.
* Concernant les circonstances de l'accident :
Conformément à l'article R 415-9 du code de la route, tout conducteur qui comme [C] débouche sur une route à partir d'un chemin de terre, ne doit s'engager qu'après s'être assuré qu'il peut le faire sans danger et à une vitesse suffisamment réduite pour lui permettre un arrêt sur place. Il doit en outre céder le passage à tout autre véhicule.
Les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que l'intéressé a bien respecté ces règles de sécurité.
En effet, selon Monsieur [E] [K] qui dit avoir vu le groupe de jeunes dans la ligne droite et avoir commencé à freiner, mais insuffisamment puisque qu'il précise avoir été surpris par l'attitude de la victime qui lui a coupé la route pour rejoindre ses camarades et alors que, lui, pensait qu'il allait s'arrêter.
[X] [V] ne peut dire si son jeune frère a regardé à droite et à gauche. [A] [S] dit qu'il l'a fait et suppose qu'il n'a vu personne arriver. [M] [N] qui, avec son quad a, sans problème, traversé en premier n'a rien vu du choc. Sa position lors de celui-ci, à 30 m de distance et l'indication qu'il a donnée, que [C] qui le suivait, a attendu [X] pour le faire, permet de déterminer que la victime n'a pas traversé la route dans les mêmes conditions de sécurité que lui.
Un éventuel excès de vitesse sur une voie limitée à 70 km/heure n'étant pas établi, à l'encontre de l'automobiliste, l'ensemble des éléments ci-dessus développés permettent de considérer que le jeune garçon, conducteur inexpérimenté au guidon d'un deux-roues sans doute inadapté à son âge et à sa morphologie, en situation de circulation sur une voie empruntée par d'autres usagers, n'a pas respecté les prescriptions de l'article R 415-9 du code de la route et a commis un refus de priorité caractérisé. Cette analyse est d'ailleurs conforme à la perception de l'OPJ enquêteur qui indique dans la synthèse qu'il a rédigée : Il a mal jugé la distance et s'est fait renverser.
Dès lors, contrairement à ce qui a été jugé en première instance, la victime a fait preuve d'un comportement fautif à l'origine de la réalisation du préjudice dont il demande réparation.
Cependant concernant Monsieur [E] [K], si aucun élément ne permet d'objectiver un excès de vitesse sur une voie limitée à 70 km/heure, il peut cependant lui être reproché un défaut de maîtrise de sa vitesse au sens de l'article R 413-17 du code de la route qui dispose que le conducteur doit rester constamment maître de sa vitesse et de la régler en fonction des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.
En effet, malgré l'attitude du jeune motocycliste qui l'a surpris, il aurait idéalement pu éviter l'accident en anticipant la difficulté et en adaptant l'intensité de son freinage dès la perception visuelle du groupe de jeunes en phase de traversée de la route.
Selon l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages.
Il convient donc d'ordonner un partage de responsabilité, 70 % pour [C] [V] et 30 % pour [E] [K].
La décision déférée sera réformée en ce sens sur ce point, l'expertise et la provision ordonnées gardant leur intérêt.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Aucune considération d'équité n'impose qu'il soit fait application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie supportera les dépens d'appel qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,
- infirme le jugement déféré en ce qu'il a:
dit que Monsieur [E] [K] conducteur garanti par la compagnie d'assurance MAAF ASSURANCE est entièrement responsable de l'accident de la circulation dont a été victime Monsieur [C] [V] le 17 juillet 2021,
condamné Monsieur [E] [K] et la compagnie d'assurances
MAAF à indemniser l'entier préjudice subi par Monsieur [C] [V] à la suite de l'accident de la circulation survenu le 17 juillet 2021,
statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,
- dit que Monsieur [E] [K], conducteur garanti par la compagnie d'assurance MAAF ASSURANCE et Monsieur [C] [V] sont responsables de l'accident de la circulation survenu le 17 juillet 2021, respectivement à hauteur de 30 % et de 70 %,
- condamne Monsieur [E] [K] et la compagnie d'assurances MAAF à indemniser Monsieur [C] [V] de son préjudice subi à hauteur de 30 %,
- dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne in solidum Madame [J] [L] épouse [B], Monsieur [R] [B] et la GMF aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- dit que chaque partie conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés,
- déclare le présent arrêt commun à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT