ORDONNANCE N° 12
du 20 AOUT 2024
R.G : N° RG 24/00092 - N° Portalis DBVE-V-B7I-CJGK
[R]
C/
LE MINISTERE PUBLIC
AGENCE REGIONALE DE SANTE
UDAF
COUR D'APPEL DE BASTIA
ORDONNANCE EN MATIERE D'HOSPITALISATION
D'OFFICE
DU
VINGT-ET-UN AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE
Audience publique tenue par Madame Corinne RIEU, Présidente de chambre, assistée de Mme Elorri FORT, greffier lors des débats et du prononcé,
ENTRE :
Monsieur [G] [R]
né le 25 Novembre 1983 à [Localité 7]
Actuellement à la Clinique [9]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non comparant représenté par Me Jessica CARRERAS-VINCIGUERRA, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur [R] a fait savoir son refus de comparaître à l'audience par courrier reçu via le directeur de la clinique [9] en date du 20 août 2024
ET :
LE MINISTERE PUBLIC
[Adresse 8]
[Localité 3]
non comparant ayant fait connaître ses observations écrites en date du 16 août 2024 transmises aux parties
AGENCE REGIONALE DE SANTE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
non comparante
UDAF
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
comparant en la personne de Madame [E]
DEBATS :
A l'audience publique du 20 août 2024,
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 août 2024.
ORDONNANCE :
Contradictoire,
Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signée par Madame Corinne RIEU, Présidente de chambre, et par Mme Elorri FORT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCEDURE
[G] [R] a été admis en soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat le 7 septembre 2021, en présence d'une pathologie associant désorganisation idéique et comportementale et idées délirantes de persécution et mystiques avec hétéroagressivité et passage à l'acte pyromaniaque, ces troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte de façon grave à l'ordre public.
La mesure a été maintenue par décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bastia le 21 août 2023 et prolongée par décision du 16 février 2024, le juge des libertés et de la détention ayant relevé dans les certificats et avis médicaux que les troubles mentaux du patient nécessitaient des soins et compromettaient la sûreté des personnes ou portaient atteinte de façon grave à l'ordre public, que l'avis médical de saisine préconisait le maintien en hospitalisation complète pour garantir la continuité des soins, au vu de son ancienne schizophrénie résistante au traitement, le patient restant désadapté, l'empêchant d'adhérer à un projet extérieur.
Par arrêté du 7 juillet 2024, le Préfet de Haute Corse a maintenu la mesure de soins psychiatriques de [G] [R] au sein de la clinique [9] pour une durée maximale de 6 mois.
Il a retenu qu'il résultait du certificat médical du docteur [K] , dont il s'appropriait les termes, que les troubles mentaux présentés par [G] [R] nécessitaient des soins et compromettaient la sûreté ou portaient atteinte, de façon grave à l'ordre public et rendaeint nécessaire son maitien en soins psychiatriques.
Cette forme de prise en charge demeurant adaptée.
Saisi dans le cadre d'une requête aux fins d'audience de fin de semestre, le juge des libertés et de la détention a par ordonnance du 9 août 2024 :
-rejeté les moyens d'irrégularités soulevés par la défense de [G] [R]
-ordonné la poursuite des soins psychiatriques sous le régime de l'hospitalisation complète.
Il a retenu l'avis médical en date du 30 juillet 2024 du Dr [N] préconisant le maintien de la mesure pour garantir la continuité des soins au vu du risque de rechute et de nouveau passage à l'acte du patient qui a exprimé à l'audience son souhait de sortir de l'établissement.
[G] [R] a interjeté appel par l'intermédiaire de son conseil le 16 août 2024.
[G] [R] n'a pas comparu.
Après avoir rappelé les éléments du dossier puis donné lecture du dernier certificat médical préconisant la poursuite des soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète à la demande du représentant de l'état établi le 20 août 2024 par le docteur [K], ainsin que de l'avis du représentant du procureur général favorable à la confirmation de la décision querellée, le président a entendu le conseil de [G] [R] et Mme [E], représentant l'UDAF.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et n'est pas contestable.
Sur l'irrecevabilité de la requête
Le conseil de [G] [R] expose que l'acte de saisine a été signé pour le Préfet, pour le Directeur et par délégation, par [P] [D], directeur de la santé publique et que les conditions de sa délégation ne sont pas précisées, et que l'absence de qualité du signataire de la saisine la rend irrégulière, qu'elle est de nature à faire grief au patient et à entrainer son irrecevabilité.
S'il est acquis que l'article R3211-7 du code de la santé publique indique que la procédure judiciaire relative aux soins sans consentement est régie par le code de procédure civile, c'est sous réserve des dispositions spéciales du code de la santé publique.
En l'espèce, si le conseil du patient se fonde sur l'application de l'article 122 du code de procédure civile, il convient au visa de l'article précité de se fonder sur l'article L3216-1 alinéa 2 du code de la santé publique.
En vertu de cet article, l'irrégularité affectant la décision administrative n'entraine la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
Pour obtenir la mainlevée, le patient doit établir une irrégularité et le grief en résultant.
L'article 43 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004, dans sa version issue du décret n°2015-1689 du 17 décembre 2015, prévoit au 13°, que le préfet du département peut déléguer sa signature pour les matières relevant de ses attributions au code de la santé publique, au directeur général de l'agence régionale de santé et,en cas d'absence ou d'empêchement, à des agents placés sous son autorité.
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats et notamment de l'arrêté n°2022-589 du 21 octobre 2022 portant délégation de signature de la directrice de l'ARS, que cette dernière est délégataire de la signature du préfet de Haute-Corse selon arrêté préfectoral n°2B-2022-08-24-00019 du 24 août 2022 et qu'il existe un protocole organisant les relations entre le préfet de Haute-Corse et L'ARS.
Par ailleurs, il s'évince de ce même arrêté que [P] [D] directeur de la santé publique, est délégataire, en cas d'empêchement simultané de la directrice générale et de la directrice générale adjointe, de la signature pour tous actes relatifs à l'exercice des attributions de la directrice générale de l'ARS telles que fixées par l'article L1432-2 du code de la santé publique.
En conséquence, madame [B] délégataire de la signature du préfet de Haute Corse a valablement délégué cette signature au directeur de la santé publique, qui à ce titre avait compétence pour signer la saisine du juge des libertés et de la détention querellée.
En conséquence, la régularité de la requête étant établie, il n'existe aucun grief au préjudice du patient et le moyen sera rejeté.
Sur le non respect des conditions de forme de la saisine
Il est fait grief à la requête saisissant le JLD de ne pas comporter un exposé des faits et son objet, situation privant, selon le conseil de [G] [R], le patient de son droit d'être informé des raisons de la saisine du JLD , d'en contester les motifs et le bien-fondé de la mesure au visa de l'article R3211-10 du CSP qui dispose que:
Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil est saisi par requête transmise par tout moyen permettant de dater sa réception au greffe du tribunal judiciaire.
La requête est datée et signée et comporte :
1° L'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ou, s'il s'agit d'une personne morale, celle de sa forme, de sa dénomination, de son siège social et de l'organe qui la représente légalement ;
2° L'indication des nom et prénoms de la personne qui fait l'objet de soins psychiatriques, de son domicile et, le cas échéant, de l'adresse de l'établissement où elle séjourne, ainsi que, s'il y a lieu, des coordonnées de la personne chargée à son égard d'une mesure de protection juridique relative à la personne ou de ses représentants légaux si elle est mineure ;
3° L'exposé des faits et son objet.
Le document de saisine mentionnant en objet l'audience de fin de semestre, rappelant les élements du dossier et listant les pièces qui constituent le dossier, est de nature à permettre au patient, qui, par ailleurs, a signé le 30 juillet 2024, le document de recueil d'avis en vue d'une comparution devant le juge des libertés et de la détention en exprimant le souhait de comparaître et d'être assisté d'un avocat commis d'office, d'être informé des motifs et de l'objet de la requête.
En conséquence, il est conforme aux dispositions de l'article sus-visé et aucun grief ne peut être tiré de ce chef.
Le moyen sera en conséquence rejeté.
Sur le défaut de délégation en l'absence de publicité et de contresignature des certificats médicaux par le directeur
Il est fait grief de l'absence de publicité des délégations internes au sein de la clinique [9] qui les rendrait inopérantes comme faisant grief au patient, car entraînant la signature d'actes par des personnes incompétentes techniquement, de même que l'absence de contresignature par le directeur de la clinique des certificats médicaux mensuels des patients ne permettrait pas un contrôle de la régularité de la procédure préjudiciable au patient.
Comme il a été rappelé plus haut, l'article L3216-1 alinéa 2 soumet la mainlevée d'une mesure d'hospitalisation complète en soins sans consentement en cas d'irrégularité administrative à l'existence d'un grief au préjudice du patient.
En l'espèce, le défaut de publicité des délégations de signatures en interne au sein de la clinique [9] entre le directeur et ses préposés, par ailleurs régulières en la forme, puisque précisant le périmètre de la délégation et sa durée, pour lesquelles en tout éta de cause, le directeur conserve la responsabilité, n'est pas de nature à créer un grief au patient de même que le défaut de contresignature des certificats médicaux établis par les médecins.
En conséquence le moyen sera rejeté.
Sur le défaut de motivation
*des certificats médicaux mensuels
Il est fait grief par le conseil de [G] [R] aux certificats médicaux mensuels de ne pas suffisamment caractériser, s'agissant d'une hospitalisation complète en soins sans consentement à la demande du représentant de l'état, du risque d'atteinte grave à l'ordre public ou de compromettre la sûreté des personnes qui résulterait des troubles présentés par le patient.
Il résulte de l'examen des certificats médicaux mensuels établis que la mesure d'hospitalisation initiale qui s'est inscrite en septembre 2021, selon les termes du certificat médical du Dr [N] dans un contexte de trouble du contrôle des impulsions avec une mise à feu (incendie) dans un contexte de frustration, le vécu délirant restant intense avec peu d'accès au raisonnement logique - une imprévisibilité, justifiant les soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète sur décision du représentant de l'état, reste nécessaire au vu de l'absence d'évolution, malgré le traitement prodigué depuis 2021, de la psychose schizophrénique, dont [G] [R] souffre.
Les derniers certificats établis en mai et juillet par les Drs [N] et [K] relèvent l'absence d'évolution et la persistance du déni des troubles chez ce patient.
Au regard de la dimension chronique et de l'intensité de la pathologie ainsi que du déni constaté des troubles, il s'évince des certificats médicaux une absence d'évolution au regard de la situation ayant nécessité la mesure et par voie de conséquence du risque pour autrui que présente [G] [R].
Il s'en déduit que le défaut de motivation allégué des certificats médicaux mensuels n'est pas établi et lme moyen sera rejeté.
*de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2024
Il est fait grief à l'arrêté du préfet de Haute Corse maintenant la mesure en soins psychiatriques au sein de la clinique [9] pour une durée de 6 mois de n'être pas suffisamment motivé au regard de la durée de l'hospitalisation de [G] [R] et de la nature de la mesure, sur le risque qu'il représente pour l'ordre public et la sûreté des personnes, l'arrêté se bornant à emprunter les éléments du certificat médical du Dr [K] en date du 7 juillet 2024 qui évoquait la présence d'une psychose schizophrénique toujours productive malgré la prise en charge spécialisée prodiguée ainsi que les adaptations médicamenteuses, le déni des troubles et des soins subis.
Le certificat en vue de l'audience devant le juge des libertés et de la détention établi le 30 juillet 2024 par le Dr [N] mentionne que le patient présente une schizophrénie paranoide continue avec éléments délirants, qu'il n'a qu'une faible conscience de sa pathologie et s'implique partiellement dans les soins qui lui sont nécessaires au risque d'une rechuter et d'un nouveau passage à l'acte.
Il résulte des notes d'audience devant le juge des libertés que [G] [R], qui a comparu, a déclaré le 9 août 2024, qu'il souhaitait se faire soigner dans une clinique plus ouverte, son mandataire à la protection juridique ayant précisé que son protégé avait refusé la condition de se rendre 3 fois par semaine à la clinique pour pouvoir sortir.
Il n'a pas comparu devant la cour d'appel.
En conséquence, le juge ne pouvant substituer son avis à celui des médecins, sur lesquels le préfet a fondé la motivation de son arrêté, le risque présenté pour les tiers ou l'ordre public par [G] [R] s'évinçant de sa pathologie toujours présente malgré une longue hospitalisation, du risque de rechute et de passage à l'acte toujours présent.
En conséquence, le moyen tenant au défaut de motivation suffisante de l'arrêté du préfet sera rejeté.
En vertu de l'article L3211-3al 1 du code de la santé publique, lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques sans son consentement, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en ouevre du traitement requis.
En l'espèce, les atteintes aux libertés individuelles de [G] [R] ont été adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bastia en date du 9 août 2024 en ce qu'il a autorisé le maintien de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète à la demande du représentant de l'état à l'égard de [G] [R].
PAR CES MOTIFS
Nous Corinne FERRERI, présidente de chambre désignée par ordonnance de Mme la Première Présidente en date du 19 juin 2024 statuant publiquement et en dernier ressort,
DECLARONS recevable l'appel de [G] [R],
REJETONS les demandes d'irrecevabilité et de nullité,
CONFIRMONS en toutes ses dispositions la décision rendue le 9 août 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bastia
DEBOUTONS [G] [R] de toutes ses demandes,
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,
Elorri FORT Corinne FERRERI