COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 18 JANVIER 2006
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
Audience publique du 23 novembre 2005
No de rôle : 04/ 01291
S/ appel d'une décision du tribunal de grande instance de Belfort en date du 25 mai 2004
Michel X..., Jean-Jacques X... C/ Consorts Y...
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur Michel X...
né le 10 juillet 1940 à BEAUCOURT
demeurant...- 90500 BEAUCOURT
Monsieur Jean-Jacques X...
né le 23 mai 1944 à DELLE
demeurant...-17600 SAUJON APPELANTS
Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour Avoué
et Me Sylvie TISSERAND-MICHEL pour Avocat
ET :
Madame Josette Y..., épouse A...
née le 18 juin 1937
demeurant...-90000 BELFORT
Madame Nicole Y..., épouse B...
demeurant...-30200 CHUSCLAN
Monsieur Jean Y...
demeurant...-25000 BESANCON INTIMÉS
Ayant la SCP LEROUX pour Avoué
et Me Emile GEHANT pour Avocat
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats : PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre. ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers. GREFFIER : Mademoiselle C. BARBIER, Greffier. lors du délibéré : PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre. ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers. La cause ayant été débattue à l'audience du 23 novembre 2005, l'affaire a été mise en délibéré au 11 janvier 2006 ; à cette date, le délibéré a été prorogé à l'audience de ce jour.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement en date du 25 mai 2004, auquel la Cour se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance de Belfort a :
- débouté Michel X... et Jean-Jacques X... de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamné Michel X... et Jean-Jacques X... à payer à Jean Y..., Nicole Y...- B..., Josette Y...- A..., la somme de 460 ç, au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- et les a condamnés aux dépens.
Michel X... et Jean-Jacques X... ont régulièrement interjeté appel de cette décision.
Ils demandent à la Cour de l'infirmer ; de déclarer caduc le testament de Elisabeth E..., en date du 12 juillet 2000, au profit de Pierre Y... ; de déclarer caduc le testament, en date du 2 avril 1986, avec codicille du 22 novembre 1995 ; de déclarer caduque l'acceptation de Elisabeth E... " au " (!) legs de Pierre Y... ; de condamner in solidum les intimés à leur restituer, sous astreinte de 500 ç, par jour de retard, les meubles ayant appartenu à Elisabeth E... ; et de les condamner in solidum à leur payer la somme de 15 000 ç, à titre de dommages-intérêts, et la somme de 3 000 ç, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils font valoir qu'ils sont toujours en indivision avec leur mère, à la suite du décès de leur père survenu en 1962 ; que celle-ci ne pouvait céder son mobilier en 1995 ; que le testament de 1986 ne porte pas de mention relative à la vente du mobilier appartenant à leur mère.
Ils ajoutent qu'au décès de leur père, tout le mobilier se trouvait encore dans l'appartement occupé par Elisabeth F... ; que cette dernière n'était pas en état d'accepter le legs fait à son profit par Pierre Y... ; qu'ils ne réclament que des souvenirs de famille.
Jean Y..., Nicole Y...- B..., Josette Y...- A... demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré ; et de condamner les appelants à leur payer une indemnité de 1 500 ç, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Ils font valoir que Pierre Y... et Elisabeth E... ont vécu maritalement pendant plus d'un tiers de siècle ; que la vie commune donne à la possession du mobilier se trouvant dans le logement des concubins un caractère équivoque les privant de la présomption de l'article 2279 du code civil ; que la propriété du mobilier doit être établie selon les modes de preuve du droit commun.
Ils ajoutent qu'il ressort du codicille du 22 novembre 1995 que Elisabeth E... avait cédé son mobilier ; que ni les correspondances produites par les appelants, ni le constat en date du 8 août 2002 n'évoquent des objets constituant des souvenirs de famille ; que les bijoux de famille ont été remis, à la date précitée, à la demi-soeur des appelants.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2005.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'il est constant que Pierre Y... et Elisabeth E... ont vécu maritalement pendant plus d'un tiers de siècle ;
Attendu que Pierre Y... est décédé le 4 avril 2002 ; que Elisabeth E... est décédée le 14 novembre 2002 ;
Attendu que par testament olographe en date du 2 avril 1986, Elisabeth E... avait institué son compagnon légataire particulier de l'usufruit de l'immeuble bâti contigu à celui appartenant à ce dernier, ainsi que de son mobilier meublant ;
Attendu que ledit testament porte à son pied la mention suivante :
" et le 22 novembre 1995, j'ai cédé mon mobilier ", suivie d'une signature, dont les appelants ne contestent pas qu'elle est celle de leur mère ;
Attendu que, contrairement à ce que les appelants soutiennent, cette mention ne constitue pas un codicille ; qu'il s'agit tout au plus d'une information selon laquelle Elisabeth F... reconnaît n'être plus propriétaire de mobilier, par suite d'une vente ;
Attendu qu'il importe peu que le nom de l'acquéreur et la contrepartie de la vente ne figurent pas sur ledit document ;
Attendu que si, par application des dispositions de l'article 1039 du code civil, le testament en date du 2 avril 1986, est devenu caduc, par suite du décès du bénéficiaire intervenu du vivant de la testatrice, aucune conséquence ne peut en être tirée quant à la propriété du mobilier se trouvant dans l'immeuble occupé par Elisabeth F..., à la date de son propre décès ;
Attendu que par testament olographe en date du 12 juillet 2000, Pierre Y... a institué sa compagne légataire particulier de l'usufruit de son immeuble, ainsi que du mobilier meublant ;
Attendu que les appelants ne démontrent pas que Elisabeth F... n'était pas en état d'accepter ce legs, à la date du décès de son compagnon, le 4 avril 2002 ;
Attendu que le fait qu'elle ait été placée sous sauvegarde de justice, le 17 juin 2002, ne constitue pas la preuve de l'existence d'une insanité d'esprit de celle-ci, à la date d'acceptation de ce legs ;
Attendu que, dans leur acte introductif d'instance, les appelants demandaient au tribunal de constater qu'ils renonçaient au legs précité et offraient le reversement des loyers perçus par Elisabeth F... ;
Attendu que cette demande constitue un aveu judiciaire conforme aux dispositions de l'article 1356 du code civil, selon lequel Elisabeth F... avait bien accepté et bénéficié du legs fait à son profit par son compagnon pré-décédé ;
Attendu que la demande de caducité de l'acceptation de ce legs doit ainsi être rejetée ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Pierre Y... était propriétaire de l'ensemble des meubles meublant de l'immeuble occupé par la mère des appelants, à la date de son propre décès ;
Attendu que, contrairement à ce que soutiennent ceux-ci, la liste des objets revendiqués par eux ne comporte aucun souvenir de famille ;
Attendu qu'il résulte expressément du constat dressé, le 8 août 2002, par Me Sébastien Z..., Huissier de justice à Belfort, que tous les bijoux revendiqués par les appelants à la page 18 de leurs conclusions récapitulatives no 2 déposées le 21 juin 2005, précédemment inventoriés par l'officier ministériel, ont été confiés, le jour même de l'établissement du constat à Simone C..., qui a accepté de les emporter ;
Attendu que les appelants ne discutent pas que cette dernière soit leur demi-soeur ;
Attendu qu'il est ainsi établi que les intimés ne sont plus en possession des bijoux revendiqués par ceux-ci ;
Attendu pour le surplus que les appelants ne démontrent pas, notamment par la production de factures et de justificatifs de paiement, que leur mère était propriétaire des autres meubles revendiqués, alors que les intimés produisent de tels justificatifs, démontrant l'acquisition desdits meubles par Pierre Y... ;
Attendu, en conséquence, que le jugement déféré doit être confirmé, en toutes ses dispositions ;
Attendu que les appelants succombent sur leur recours ; qu'il convient de les condamner in solidum au paiement de la somme de 1 200 ç, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; de les débouter de leur demande correspondante fondée sur les dispositions précitées ; et de les condamner in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP LEROUX, avoués ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, après débats en ladite chambre, contradictoirement, et après en avoir délibéré ;
DÉCLARE l'appel recevable en la forme ;
LE DIT non fondé ;
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu, le 25 mai 2004, par le tribunal de grande instance de Belfort ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE in solidum Michel X... et Jean-Jacques X... à payer à Jean Y..., Josette Y..., épouse A..., Nicole Y..., épouse B..., ensemble, la somme de 1 200 ç (MILLE DEUX CENTS EUROS), en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE in solidum Michel X... et Jean-Jacques X... aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP LEROUX, avoués, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Mademoiselle C. BARBIER, Greffier.