ARRET No
MS / CB
COUR D'APPEL DE BESANCON
-172 501 116 00013-
ARRET DU DIX HUIT SEPTEMBRE 2007
DEUXIEME CHAMBRE COMMERCIALE
contradictoire
Audience publique
du 12 Juin 2007
No de rôle : 06 / 00451
S / appel d'une décision
du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT
en date du 27 DECEMBRE 2005 RG No 04 / 4633
Code affaire : 43B
Demande en nullité des actes de la période suspecte (procédures ouvertes avant le 1er janvier 2006)
Jean-Claude X... (commissaire à l'exécution du plan de la SARL MIROITERIE VITRERIE MONNIER) C / SCI ARA, BANQUE POPULAIRE D'ALSACE
PARTIES EN CAUSE :
Maître Jean-Claude X..., de nationalité française, mandataire judiciaire, demeurant ...-90000 BELFORT ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession la SARL MIROITERIE VITRERIE MONNIER,
APPELANT
Ayant Me Jean-Michel ECONOMOU pour avoué
et Me Alain SCHARTNER, avocat au barreau de BELFORT
ET :
SCI ARA, ayant son siège,3 rue de la Gravière-68320 HOLTZWIHR, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,
INTIMEE
Ayant Me Benjamin LEVY pour avoué
et Me Alexis HAMEL, avocat au barreau de MULHOUSE
BANQUE POPULAIRE D'ALSACE, ayant son siège,5-7 rue du 22 Novembre-67000 STRASBOURG, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,
INTIMEE
Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour avoué
Et Me Sylvie TISSERAND-MICHEL, avocat au barreau de BELFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,
Lors du délibéré
M. SANVIDO, Président de Chambre,
M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
**************
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement du 27 décembre 2005 aux termes duquel le Tribunal de Commerce de Belfort a :
-rejeté la demande présentée par Maître X..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SARL MIROITERIE VITRERIE MONNIER (MVM), tendant pour l'essentiel à voir ordonner, sur le fondement de l'article L 621-108 du Code de Commerce, la réintégration dans l'actif de la débitrice susnommée d'un ensemble immobilier cédé par celle-ci à la SCI ARA et à voir déclarer la décision à intervenir opposable à la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE, créancier hypothécaire de ladite société,
-dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande subsidiaire formulée par la BANQUE POPULAIRE d'ALSACE en vue de faire limiter l'effet de la nullité à son égard au montant de 160. 936,36 € correspondant à la partie du prix utilisé pour lui rembourser le prêt contracté par la SARL D..., holding de la SARL MVM, à charge pour celle-ci de lui reverser le solde soit 26. 353,08 €,
-condamné Maître X... à payer à la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE la somme de 300 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens,
Vu la déclaration d'appel déposée au greffe de la Cour le 7 mars 2006 par Maître Jean-Claude X..., ès qualités ;
Vu les dernières conclusions des parties, du 16 janvier 2007 (pour l'appelant), du 1er mars 2007 (pour la SCI ARA, intimée) et du 16 novembre 2006 (pour la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE, intimée), auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du nouveau code de procédure civile pour l'exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 avril 2007 ;
Vu les pièces régulièrement produites ;
SUR CE
La recevabilité de l'appel, présenté dans les formes légales n'est pas discutée.
Il ressort des motifs du jugement entrepris que la décision de débouté énoncée dans le dispositif est en réalité une décision d'irrecevabilité, faisant droit à la fin de non-recevoir soulevée par la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE (seule partie défenderesse ayant conclu en première instance) sur le fondement de l'article 28-1o-a du Décret du 4 janvier 1955.
Mais il ressort du second original de l'assignation délivrée le 2 novembre 2004 à la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE que cet acte, qui vise au demeurant les deux parties défenderesses, a été publié et enregistré le 7 mars 2005 à la conservation des hypothèques de Belfort.
Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication, qui au demeurant n'est plus soutenue devant la Cour (les intimées sollicitant la confirmation du jugement entrepris par des motifs de fond), doit être écartée, la régularisation étant intervenue avant que les premiers juges statuent.
Il est constant que la SARL MVM, gérée par Monsieur D..., a vendu le 25 juin 2002 à la SCI ARA constituée à cet effet et dirigée par le même, l'ensemble immobilier dont elle était propriétaire, au prix de 186. 750,04 € pour l'essentiel affecté au remboursement d'un prêt contracté auprès de la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE par la SARL D... associée unique de la SARL MVM ; cette dernière, admise au redressement judiciaire le 14 janvier 2003, a bénéficié d'un plan de cession le 24 juin 2003 ; la date de la cessation de paiement, provisoirement fixée à l'ouverture de la procédure au 10 janvier 2003, a été reportée au 1er juin 2002 par jugement du 28 octobre 2003 ; A.D... a été condamné du chef de banqueroute par détournement d'actif, du fait de la dissipation du prix de vente de l'ensemble appartenant à la SARL MVM au profit de la SARL D..., par jugement du Tribunal de Commerce de Belfort du 13 octobre 2004 confirmé par arrêt de cette Cour du 26 mai 2005 ; enfin il a fait l'objet, par jugement du Tribunal de Commerce de Belfort du 30 mars 2004, d'une procédure de redressement judiciaire-sanction en application des articles L 624-5 et L 625-5 du Code de Commerce.
Aux termes de l'article L 621-108 du Code de Commerce, les actes à titre onéreux accomplis en période suspecte peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation de paiement.
En l'espèce, la personne qui a traité avec la SARL MVM, débitrice, est la SCI ARA, la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE n'intervenant à la procédure qu'indirectement, pour avoir consenti à la SCI ARA un prêt hypothécaire en vue du paiement du prix.
Il y a lieu en conséquence de rechercher si la SARL MVM était en état de cessation de paiement à la date de la vente (25 / 06 / 2002) et si la SCI ARA le savait-étant observé que le gérant de ces deux sociétés étant la même personne, si l'état de cessation de paiements de la SARL MVM était retenu à la date précitée, son dirigeant n'aurait pu l'ignorer, ni par conséquent la SCI ARA : l'analyse se limite ainsi à l'existence de la cessation de paiement au 25 juin 2002.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'appelant ne se contente pas d'affirmations insuffisamment étayées pour démontrer qu'à la date précitée le passif de la SARL MVM, tel qu'exigé, ne pouvait être couvert par l'actif disponible.
En effet, Maître Jean-Claude X... se réfère expressément à la condamnation pénale définitive du chef de banqueroute, infligée à A.D... gérant commun de la SARL MVM, de la SCI ARA et de la SARL D..., pour avoir détourné l'actif de la première nommée au profit de la troisième par le truchement de la vente consentie à la seconde ; or il convient de rappeler que les agissements ainsi dénoncés, qualifiés d'abus de biens sociaux avant la date de cessation des paiements, sont constitutifs de banqueroute après celle-ci-d'où il se déduit que dès lors que le détournement d'actif commis le 25 juin 2002 a été sanctionné comme banqueroute, l'existence de la cessation de paiement à cette date n'est pas discutable.
Ce paiement gravement préjudiciable à la SARL MVM qui n'a reçu qu'une faible partie du prix (26. 363,08 €), la vente litigieuse doit être annulée, avec effet rétroactif, ce qui impose d'une part la restitution de l'immeuble par la SCI ARA, d'autre part la restitution du prix mais, ainsi que l'indique Maître X..., selon les règles applicables en matière de procédure collective, s'agissant d'une créance née avant l'ouverture de cette procédure.
En tout état de cause, la SARL MVM n'a pas de lien de droit avec la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE, qui est mal fondée à lui réclamer paiement de la fraction du prix qu'elle avait effectivement reçu.
La nullité du contrat de vente entraîne la résolution de plein droit du contrat de prêt conclu pour son exécution entre la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE et la SCI ARA, qui la sollicite à juste titre.
En revanche la résolution du contrat de prêt n'autorise pas la SCI ARA à demander la compensation du capital dont elle doit remboursement avec la totalité des échéances déjà honorées, mais seulement avec la part représentative des intérêts dans ces échéances.
La SCI ARA, qui succombe, supporte les dépens et les frais engagés par Maître Jean-Claude X..., ès qualités, à hauteur de 1. 000 €.
Il n'existe aucun motif de mettre les dépens et frais irrépétibles supportés par Maître Jean-Claude X... à la charge de la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE, mise en cause en sa qualité de créancier hypothécaire aux fins de déclaration de jugement commun.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
DECLARE l'appel recevable,
INFIRME le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
DECLARE Jean-Claude X..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SARL MIROITERIE VITRERIE MONNIER, recevable et bien fondé en sa demande,
DECLARE nulle la vente passée entre la SARL SARL MIROITERIE VITRERIE MONNIER et la SCI ARA par acte authentique reçu par Maître E..., notaire, le 25 juin 2002,
ORDONNE la réintégration à l'actif de la SARL MIROITERIE VITRERIE MONNIER de l'ensemble immobilier sis à Anjoutey (90) comprenant un atelier d'une surface de 350 m2 et des bureaux d'une surface de 150 m2 édifiés sur le terrain cadastré comme suit :
Ville d'ANJOUTEY
1) section 3 no 434 LA NOYE 35,31 ares
2) section 3 no 443 LA NOYE 15,23 ares
DIT que le présent arrêt est commun et opposable à la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE en sa qualité de créancier hypothécaire du chef de la SCI ARA,
ORDONNE la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques de Belfort,
CONSTATE la résolution de plein droit du contrat de prêt passé entre la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE et la SCI ARA par acte authentique reçu par Maître E..., notaire, le 25 juin 2002,
DIT que la créance en capital de la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE se compensera, à due concurrence, avec les intérêts inclus dans les échéances du prêt déjà réglées,
DEBOUTE la SCI ARA et la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE du surplus de leurs prétentions,
CONDAMNE la SCI ARA à payer à Maître Jean-Claude X..., ès qualités, la somme de MILLE EUROS (1. 000 €) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
DEBOUTE la BANQUE POPULAIRE D'ALSACE de sa demande de ce chef,
CONDAMNE la SCI ARA aux dépens avec possibilité de recouvrement direct au profit de Maître ECONOMOU, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile,
LEDIT arrêt a été prononcé en audience publique et signé en l'absence du Président empêché par M. POLANCHET, Conseiller, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
,