ARRÊT No
BP / AR
-172 501 116 00013-
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
SECTION A
Contradictoire Audience publique du 07 mai 2008 No de rôle : 07 / 02335
S / appel d'une décision du tribunal de grande instance de Lons- le- Saunier en date du 22 mai 2007 RG No 06 / 643 Code affaire : 74D- 2E Demande relative à un droit de passage
Jacques X... C / Laurent Y..., Nathalie Z..., épouse Y...
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur Jacques X... né le 26 mars 1949 à LONS- LE- SAUNIER (39) de nationalité française, demeurant...
APPELANT
Ayant la SCP DUMONT- PAUTHIER pour Avoué et Me Sébastien LAGOUTTE pour Avocat
ET :
Monsieur Laurent Y... né le 08 janvier 1967 à LONS- LE- SAUNIER (39) de nationalité française, demeurant...
Madame Nathalie Z... épouse Y... née le 02 mai 1969 à CHATEAURENAUD (71) de nationalité française, demeurant...
INTIMÉS
Ayant Me Bruno GRACIANO pour Avoué et Me Michel CONVERSET pour Avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.
GREFFIER : Madame M. DEVILLARD, Greffier.
lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre.
ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers.
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FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Jacques X... est propriétaire à CESANCEY (Jura) d'une maison avec un jardin à l'est et une cour à l'ouest, le tout figurant au cadastre de ladite commune sous le numéro 317 de la section B.
Contiguë au nord à cette propriété, se trouve celle des époux Y..., cadastrée section B numéros 319 et 981, comprenant une maison accolée à celle de Jacques X... ainsi qu'un jardin à l'est et une cour à l'ouest.
Pour accéder à cette cour, les époux Y... disposaient d'une servitude grevant la cour de Jacques X....
En 2006, les époux Y... ont démoli le mur qui délimitait leur jardin, rendant ainsi possible l'accès à pied et en véhicule à leur maison, par le côté est.
Estimant que l'état d'enclave qui justifiait la servitude avait ainsi cessé, Jacques X... a fait assigner les époux Y... afin que soit constatée l'extinction de la servitude.
Par jugement en date du 22 mai 2007, le tribunal de grande instance de LONS- LE- SAUNIER a débouté Jacques X... de l'ensemble de ses demandes.
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Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, Jacques X... demande :
- que soit constatée l'extinction de la servitude et qu'en conséquence les intimés soient condamnés, sous astreinte, à restituer les clés du portail qui leur avaient été remises pour exercer la servitude,
- que les intimés soient condamnés au paiement d'une somme de 15 000 € à titre de dommages- intérêts, et d'une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son recours, l'appelant fait valoir que la servitude litigieuse n'est pas fondée sur un titre et que, justifiée uniquement par l'état d'enclave du fonds dominant, elle s'est éteinte du fait de la cessation de l'enclave, comme l'énonce l'article 685-1 du code civil.
Il fonde sa demande de dommages- intérêts sur l'abus, par les intimés, de l'usage de la servitude et, à titre subsidiaire, sollicite une indemnité de même montant sur le fondement de l'article 682 du code civil.
Enfin, l'appelant conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle des époux Y....
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Les époux Y... sollicitent la confirmation de la décision frappée d'appel, sauf en ce qu'elle les a déboutés de leur demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 2 000 € à titre de dommages- intérêts. Ils réclament en sus une somme de 2 300 € au titre de leurs frais irrépétibles.
Pour s'opposer à l'extinction de la servitude, ils font valoir que celle- ci a une origine conventionnelle et que les dispositions de l'article 685-1 du code civil sont dès lors inapplicables. Ils ajoutent que, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, l'état d'enclave de leur propriété n'a pas cessé, l'accès à la cour située à l'ouest de leur maison ne pouvant se faire qu'en passant sur la propriété de l'appelant.
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Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions de l'appelant déposées le 7 novembre 2007 et à celles des intimés déposées le 9 janvier 2008.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'inexistence d'une servitude conventionnelle
Attendu que, pour conclure à l'existence d'une servitude conventionnelle, les époux Y... invoquent :
- les dispositions de leur titre de propriété, en date du 26 janvier 2006, reprenant celles de précédents actes en date des 15 octobre 1958 et 8 novembre 1891,
- un protocole d'accord en date du 25 mars 2003, conclu entre leur auteur, Marguerite A..., veuve F..., et Jacques X... ;
Mais attendu que les énonciations des actes des 15 octobre 1958 et 8 novembre 1891, faisant état d'un " droit à la cour qui sera toujours libre " ne caractérisent pas la constitution d'une servitude conventionnelle, faute d'indication précise du fonds servant ; qu'en outre, cette clause ne figure pas dans l'acte d'acquisition de Jacques X..., en date du 24 octobre 1991, ni dans aucun autre acte qui lui soit opposable ;
Attendu par ailleurs que, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, le protocole d'accord du 25 mars 2003 ne constitue pas un titre recognitif de la servitude, au sens de l'article 695 du code civil ; qu'en effet, cet acte ne fait pas référence au titre constitutif de la servitude ; qu'il avait pour objet uniquement l'aménagement, par Jacques X..., de l'assiette de la servitude (implantation d'un portail) ; que, si Jacques X... y admettait implicitement l'existence de la servitude, il ne reconnaissait nullement à celle- ci une origine conventionnelle ;
Attendu qu'il s'ensuit que la servitude litigieuse est d'origine purement légale, fondée uniquement sur l'état d'enclave du fonds dominant ;
Sur l'extinction de la servitude légale pour cause d'enclave
Attendu que, selon l'article 685-1 du code civil, en cas de cessation de l'enclave, et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si le fonds dominant dispose d'une desserte suffisante ;
Attendu qu'en l'espèce, il apparaît clairement, au vu des constats d'huissier et photographies versés aux débats, que, depuis que les époux Y... ont démoli le mur en pierres qui délimitait le jardin situé à l'est de leur maison, ils peuvent accéder directement à celle- ci, en véhicule et à pied, par le côté est, où ils ont créé une cour gravillonnée ;
Attendu que, pour accéder à la cour située à l'ouest de leur maison, les intimés peuvent utiliser un passage situé le long de la façade nord de leur maison, suffisant pour permettre un accès piétonnier ;
Attendu que, s'il en résulte que les intimés ne peuvent pas accéder à leur cour en véhicule en passant sur leur propriété, ils ne justifient pas qu'un tel accès leur soit nécessaire ; qu'en effet, ils n'ont pas de garage donnant sur la cour ; que, si une porte de grange donne sur la cour, l'exiguïté de celle- ci ne permet pas à un véhicule de manoeuvrer pour emprunter cette porte ; qu'en fait, les intimés utilisent leur cour comme simple place de stationnement pour leur véhicule ; que, depuis qu'ils ont libéré l'accès à leur maison par le côté est, ils peuvent parfaitement stationner leur véhicule de ce côté de leur maison, sur la cour gravillonnée qu'ils ont aménagée ;
Attendu qu'il est ainsi établi que, sauf hypothèse exceptionnelle telle que l'exécution de travaux, pour laquelle ils pourraient solliciter une autorisation ponctuelle de passer sur la propriété de l'appelant, les intimés n'ont nul besoin d'un accès en véhicule à la cour située à l'ouest de leur maison, et qu'ils disposent d'un accès piétonnier suffisant à cette cour sur leur propre propriété ;
Attendu que, l'état d'enclave de la propriété des intimés ayant ainsi cessé, il convient de constater l'extinction de la servitude légale ; qu'il sera donc fait droit à la demande de l'appelant, le jugement déféré devant être infirmé ;
Sur les dommages- intérêts
Attendu que l'appelant ne rapporte pas la preuve d'un abus, par les intimés, de l'usage de la servitude litigieuse ; que la demande de dommages- intérêts formée de ce chef sera en conséquence rejetée ;
Attendu que, dès lors qu'il est fait droit à la demande de l'appelant en constatation d'extinction de la servitude, il ne saurait être prétendu que l'action qu'il a engagée était fautive ; qu'il convient donc de débouter les intimés de leur demande reconventionnelle en dommages- intérêts ;
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Attendu que les époux Y..., qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'appelant ;
Attendu que ces condamnations emportent nécessairement rejet de la propre demande des intimés tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en leur faveur ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel principal de Jacques X... recevable et bien fondé, l'appel incident des époux Y... recevable, mais non fondé ;
INFIRME le jugement rendu le 22 mai 2007 par le tribunal de grande instance de LONS- LE- SAUNIER ;
Statuant à nouveau,
CONSTATE l'extinction de la servitude de passage grevant le fonds cadastré B 317 à CESANCEY, propriété de Jacques X..., au profit des fonds cadastrés B 319 et 981, propriétés des époux Y... ;
CONDAMNE les époux Y... à restituer à Jacques X... les clés du portail lui appartenant, utilisées jusqu'à présent pour l'usage de la servitude, dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 20 € (vingt euros) par jour de retard ;
REJETTE la demande de Jacques X... en dommages- intérêts ;
REJETTE la demande reconventionnelle des époux Y... en dommages- intérêts ;
CONDAMNE in solidum les époux Y... à payer à Jacques X... la somme de 1 000 € (mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés par ce dernier tant en première instance qu'en cause d'appel ;
REJETTE la demande des époux Y... fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les époux Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec droit pour la SCP DUMONT- PAUTHIER, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Madame A. ROSSI, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE.