ARRET No
RV/CB
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU DIX SEPT SEPTEMBRE 2008
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
contradictoire
Audience publique
du 10 Juin 2008
No de rôle : 07/01572
S/appel d'une décision
du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DOLE
en date du 06 JUIN 2007 RG No 05/813
Code affaire : 38E
Autres actions en responsabilité exercées contre un établissement de crédit
CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE C/ Jacques X...
PARTIES EN CAUSE :
CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTE, 11 avenue Elisée Cusenier - 25084 BESANCON, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège,
APPELANT
Ayant la SCP LEROUX pour avoué
et Me Yann MICHEL, avocat au barreau de PARIS
ET :
Monsieur Jacques X..., né le 04 Avril 1954 à BESANCON (25000)
de nationalité française, demeurant ...
INTIME
Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour avoué
et Me Bernard CHARMONT, avocat au barreau de DOLE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,
Lors du délibéré
M. SANVIDO, Président de Chambre,
M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
L'affaire plaidée à l'audience du 10 Juin 2008, a été mise en délibéré au 17 Septembre 2008. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Jacques X... a ouvert en mai 2000 auprès du CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ, ci-après le CREDIT AGRICOLE, un plan d'épargne en actions dans le cadre duquel il a acquis des parts de différentes SICAV pour un montant total de 200 000 F (30 489,80 €).
Constatant que le gain espéré n'avait pas été atteint, mais qu'au contraire il avait subi une perte de capital, M. X... a, le 17 mai 2005, sollicité la restitution de son capital et des intérêts puis, le 16 août 2005, procédé au rachat de son PEA pour une contre-valeur globale de 18 579,23 €.
Invoquant un manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil, M. X... a, par acte du 11 octobre 2005, fait assigner le CREDIT AGRICOLE devant le Tribunal de Grande Instance de Dole afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 12 334,01 € à titre de dommages-intérêts et de 1.500 € pour frais irrépétibles.
Par jugement du 6 juin 2007, auquel la Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le tribunal a :
- condamné le CREDIT AGRICOLE à payer à M. X... les sommes de :
* 11 900 € à titre de dommages-intérêts,
* 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes.
Par déclaration déposée au greffe de la Cour le 20 juillet 2007, le CREDIT AGRICOLE a interjeté appel de cette décision.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions déposées le 16 novembre 2007 par le CREDIT AGRICOLE aux termes desquelles il demande à la Cour de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement, d'évaluer l'éventuel préjudice sur le fondement de la perte de chance et de réduire les prétentions de celui-ci à de plus raisonnables proportions, en toute hypothèse, de le condamner à lui payer une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées le 18 mars 2008 par M. X..., intimé, tendant à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à lui payer une indemnité de 2.000 € pour frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance de clôture du 15 mai 2008,
Vu les pièces régulièrement communiquées ;
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que le CREDIT AGRICOLE a fait grief aux premiers juges d'avoir retenu à son encontre un manquement à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde, alors qu'il considère avoir satisfait à son obligation d'information et de conseil par la remise de notices d'information et l'envoi annuel d'un relevé de valorisation du compte PEA et fait valoir qu'il n'était pas tenu d'un devoir de mise en garde dans la mesure où il ne s'agissait pas d'un investissement spéculatif et qu'il ne s'était pas vu confier un mandat de gestion ;
Attendu qu'il résulte des documents produits que M. X..., client du CREDIT AGRICOLE depuis 1978, a ouvert le 16 mai 2000 un plan d'épargne en actions auprès du CREDIT AGRICOLE matérialisé par un compte titres no 13144134675 et un compte espèces associé no 13144134067 sur lequel il a versé une somme de 200 000 F (30 489,80 €) globalement investie dans quatre SICAV présentant les caractéristiques suivantes mentionnées au rapport trimestriel au 30 décembre 1999 qui lui a été remis présentant l'ensemble des SICAV et FCP du CREDIT AGRICOLE :
- ATOUT FUTUR : actions françaises tout secteur, toute valeur, gestion dynamique, durée minimale de placement recommandée 5 ans, performances sur un mois 57,16 %, sur trois mois 154,78 %, sur un an 218,14 %,
- ATOUT FRANCE EUROPE : actions françaises et européennes, gestion prudente, durée minimale de placement recommandée 5 ans, performances sur un mois 49,83 %, sur trois mois 133,12 %, sur un an 189,10 %,
- ATOUT FRANCE MONDE : actions françaises et étrangères, gestion prudente, durée minimale de placement recommandée 5 ans, performances sur un mois 46,58 %, sur trois mois 126,27 %, sur un an 195,26 %,
- INDICIA FRANCE : actions françaises gestion indicielle, dynamique, durée minimale de placement recommandée 5 ans, performances sur un mois 58,60 %, sur trois mois 166,05 %, sur un an 245,26 % ;
Que ledit rapport trimestriel édité par le CREDIT AGRICOLE, après avoir rappelé dans sa présentation que la valeur d'une action de SICAV est soumise aux variations des cours de bourse, précise pour chaque SICAV l'orientation du titre, la ventilation du portefeuille, fournit un commentaire de gestion et mentionne, d'une part, un avertissement selon lequel les performances passées ne sont pas garantes des performances futures qui s'apprécient à l'issue de la durée de placement recommandée, d'autre part que pour chaque OPCVM une notice d'information visée par la COB précisant les caractéristiques techniques est mise à disposition de la clientèle dans les agences du CREDIT AGRICOLE ;
Qu'outre ce document, il a été remis à M. X... les conditions générales et particulières de souscription du PEA et un relevé de performances par SICAV au 31 mars 2000 avec classement dans une échelle de risque ;
Qu'enfin l'appelant a été destinataire annuellement du relevé de PEA faisant apparaître au 31 décembre de l'année la valeur totale des titres détenus permettant ainsi d'appréhender le gain ou la perte par rapport à l'investissement initial ;
Attendu que le CREDIT AGRICOLE justifie ainsi s'être acquitté de son devoir d'information par la remise à M. X... de notices détaillant les caractéristiques des placements et le risque financier inhérent à ceux-ci ;
Qu'il y a également lieu de retenir que le CREDIT AGRICOLE s'est acquitté de son obligation générale de conseil envers son client lors de la souscription des placements litigieux, limitée à la vérification de l'adéquation des placements projetés aux capacités financières de l'intéressé et de l'équilibre entre le risque pris, réparti entre gestion dynamique et gestion prudente, et le rendement escompté ;
Attendu que M. X... n'a pas confié de mandat de gestion au CREDIT AGRICOLE, mais qu'au contraire il a été stipulé au titre du fonctionnement du plan que le souscripteur gérerait librement les placements effectués sur le PEA ;
Que le banquier n'a un devoir de mise en garde envers son client que pour les opérations qui présentent un caractère spéculatif, telles n'étant pas le cas des SICAV dont s'agit dont les actions en portefeuille n'étaient pas orientées vers des marchés émergents, des nouvelles technologies ou des produits à terme ;
Qu'au-delà de l'aléa inhérent à la nature boursière des placements, l'absence de prévision et d'information spécifique données à M. X... sur la chute historique de la bourse à l'automne 2001, consécutivement aux attentats du 11 septembre, à des scandales financiers ou à l'explosion de la "bulle Internet", ne constitue pas un manquement fautif du CREDIT AGRICOLE à ses obligations ;
Qu'il s'ensuit qu'en infirmant le jugement entrepris, il y a lieu de retenir que la banque n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle et de débouter l'intimé de l'ensemble de ses demandes ;
Attendu que M. X... qui succombe en son appel supportera les dépens et ses frais irrépétibles ;
Que toutefois l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelante ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement rendu le 6 juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de Dole,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE Jacques X... de l'ensemble de ses demandes,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit du CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ,
CONDAMNE Jacques X... aux entiers dépens avec, pour ceux d'appel, possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP LEROUX, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,