ARRÊT N°
BM/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Défaut
Audience publique
du 20 Octobre 2022
N° de rôle : N° RG 21/01003 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EMHD
S/appel d'une décision
du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LONS-LE-SAUNIER
en date du 12 mai 2021 [RG N° 20/00591]
Code affaire : 53I
Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule
S.A. BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE C/ [T] [E]
PARTIES EN CAUSE :
S.A. BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE
Sise [Adresse 1]
Représentée par Me Yannick GAY, avocat au barreau de JURA
APPELANTE
ET :
Monsieur [T] [E]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 4]
de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
N'ayant pas constitué avocat
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Madame B. MANTEAUX, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur J.F. LEVEQUE, conseiller
L'affaire, plaidée à l'audience du 20 octobre 2022 a été mise en délibéré au 15 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Exposé des faits et de la procédure
La SA Banque populaire de Bourgogne Franche Comté (la banque) a consenti à la SASU La From' (la société) présidée par M. [T] [E] :
- le 5 octobre 2016 : un prêt d'équipement n° 08735861 d'un montant de 25 000 euros remboursable en 36 échéances au taux nominal de 1,10 % et au taux effectif global de 1,559 % assorti d'un cautionnement solidaire de M. [E] souscrit le même jour à hauteur de 12 500 euros pour la durée de 60 mois ;
- l'ouverture d'un compte courant n°92321626753 assortie d'un cautionnement solidaire de M. [E] souscrit le 28 mars 2017 à hauteur de 11 500 euros pour une durée de trois ans ;
- le 1er février 2018 : un prêt d'équipement n° 08774341 d'un montant de 80 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux conventionnel de 2,5 % et au taux effectif global de 2,683 % assorti d'un cautionnement solidaire de M. [E] à hauteur de 60 000 euros sur 108 mois.
Suite à des impayés des échéances des prêts et au solde débiteur du compte courant, M. [E], en sa qualité de caution, a été mis en demeure par la banque par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 octobre 2019, de régulariser sa situation par le paiement d'une somme globale de 20 409,46 euros, sous peine de déchéance du terme des crédits et clôture du compte courant. Il en a accusé réception le 29 octobre.
La déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 novembre 2019 pour un total dû de 77 401,35 euros.
Suivant assignation du 25 juillet 2020 délivrée par la banque aux fins d'obtenir la condamnation de M. [E] au paiement de la somme de 67 931,55 euros au titre de ses trois engagements de caution, le tribunal judiciaire de Lons le Saunier a, par jugement rendu le 12 mai 2021 :
dit que les trois engagements de caution souscrits par M. [E] auprès de la banque sont disproportionnés ;
débouté la banque de ses demandes de paiement à l'égard de M. [E] ;
débouté la banque de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la banque aux dépens ;
dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que les trois cautionnements étaient disproportionnés au vu de la situation financière de M. [E] au jour de leur souscription et que la banque ne démontre pas que, lors de l'appel en paiement, M. [E] était en mesure de faire face à ses engagements suite à un retour à meilleure fortune.
Par déclaration parvenue au greffe le 9 juin 2021, la banque a régulièrement relevé appel de l'entier jugement sollicitant sa réformation en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article700 du code de procédure civile.
M. [E] n'ayant pas constitué avocat et la déclaration d'appel lui ayant été signifiée par acte d'huissier de justice délivré le 21 juillet 2021 à étude, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l'article 474, alinéa 1er du code de procédure civile.
Exposé des prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions transmises le 26 juillet 2021, la banque demande à la cour de :
- annuler le jugement du tribunal judiciaire de Lons le Saunier pour violation du principe du contradictoire consacré à l'article 16 code de procédure civile ;
- annulant ou réformant la décision entreprise, statuant à nouveau :
dire que les engagements de caution souscrits par M. [E] le 5 octobre 2016, le 28 mars 2017 et le 1er février 2018 ne revêtaient pas un caractère disproportionnés au vu de ses revenus et biens ;
constater, par conséquent, leur opposabilité ;
condamner M. [E] à payer à la banque les sommes de :
- au titre du prêt 08735861 : 5 750,24 euros telle qu'arrêtée au 31 mai
2020 outre intérêts au taux de 1,10 % à compter de cette date,
- au titre du compte courant débiteur 92321626753 : 2 161,32 euros telle
qu'arrêtée au 31 mai 2020 outre intérêts au taux de 0,87 % à
compter de cette date,
- au titre du prêt 08774341 : 60 000 euros telle qu'arrêtée au 31 mai 2020
outre intérêts au taux de 2,50 % à compter de cette date,
ordonner la capitalisation des intérêts ;
condamner M. [E] à payer à la banque la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [E] aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, la banque :
fait valoir que, si le juge peut soulever d'office les dispositions du code de la consommation, il doit inviter les parties à présenter leurs observations ; or, le juge a soulevé d'office la disproportion du cautionnement sans en aviser la banque et sans l'inviter à présenter ses observations ;
fait par ailleurs observer que la disproportion suppose une impossibilité manifeste de faire face, avec ses biens et ses revenus, à son engagement en tant que caution et non à l'obligation garantie ;
observe que le premier engagement de caution à hauteur de 12 500 euros n'était pas disproportionné au regard des biens et revenus de M. [E] d'une valeur de 16 600 euros ; les cautionnements postérieurs de 11 500 euros et de 60 000 euros ne l'étaient pas non plus du fait qu'ils étaient plafonnés et inférieurs aux obligations garanties ;
rappelle que la seule charge déclarée par M. [E] était un prêt automobile dont le remboursement annuel s'élève à 4 000 euros avec encours de 9 000 euros ; dès lors, ledit prêt était nécessairement déjà remboursé, ce qui caractérise un retour à meilleure fortune ;
ajoute qu'elle a satisfait à l'obligation d'information annuelle de l'article L.341-6 du code de la consommation, comme en attestent les procès verbaux de constat d'huissier.
Pour l'exposé complet des moyens de la banque, la cour se réfère à ses dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du20 octobre 2022 et mise en délibéré au 15 décembre 2022
Motifs de la décision
- Sur la demande d'annulation du jugement :
En vertu de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
En l'espèce, le tribunal a relevé d'office la disproportion des cautionnements de M. [E] sans permettre à la banque de présenter ses observations sur ce moyen, contrevenant ainsi aux dispositions précitées.
Cependant, la banque n'ayant pas formulé de demande d'annulation dans sa déclaration d'appel, la cour n'est pas saisie d'une telle demande.
- Sur la demande en paiement de la banque :
Les articles L.332-1 et L.343-4 du code de la consommation dans leur numérotation issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 exigent, pour que le créancier puisse actionner la caution, que l'engagement de cette dernière ne soit pas manifestement disproportionné au moment de la signature du contrat de cautionnement, par rapport à ses revenus et patrimoine.
Par application des règles de la charge de la preuve découlant du principe énoncé par l'article 1353 du code civil aux termes duquel c'est à celui qui se prétend libéré d'une obligation de prouver les faits qui justifient cette libération, il incombe à la caution qui se prévaut des articles L.332-1 et L.343-4 du code de la consommation de rapporter la preuve que son engagement était, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
M. [E] n'ayant pas constitué avocat en appel, la cour ne dispose que des éléments versées par la banque. M. [E] n'avait pas renseigné de fiche patrimoniale pour les crédits souscrits en 2016 et 2018 de sorte que la cour ne dispose d'aucun élément sur sa situation financière et patrimoniale pour ces années-là.
La fiche de renseignements qu'il a remplie et signée lors de son cautionnement du compte courant en mars 2017 à hauteur de 11 500 euros montre qu'il déclarait à cette date vivre seul, être sans charge de famille, disposer d'un revenu net annuel de 15 600 euros, ne disposer d'aucun autre revenu, ni d'épargne à l'exception de la possession des parts de la société cautionnée dont il estimait la valeur à 1 000 euros. Il disait rembourser un crédit automobile, dont l'encours était de 9 000 euros en 2017, moyennant une charge annuelle de 4 000 euros. N'ayant pas signalé l'existence du cautionnement de 2016 dont la banque avait connaissance puisqu'elle y était partie, cette anormalité flagrante obligeait la banque à vérifier la situation déclarée.
Il reste que même en ajoutant à sa situation l'existence d'un cautionnement de 12 500 euros, la cour ne peut pas vérifier la réalité de la situation financière et patrimoniale de M. [E], puisque ce dernier n'a versé aux débats aucune pièce fiscale ou contractuelle en justifiant, ce qui ne met pas juge en mesure de vérifier que les cautionnements étaient manifestement disproportionnés.
Dès lors, la cour, infirmant le jugement de première instance, condamne M. [E] à payer à la banque les sommes détaillées dans le dispositif de son arrêt.
Dispositif : Par ces motifs,
La cour, statuant par arrêt par défaut, après débats en audience publique :
Infirme le jugement rendu entre les parties le 12 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier ;
Statuant à nouveau :
Condamne M. [T] [E] à verser à SA Banque populaire de Bourgogne Franche Comté les sommes suivantes :
5 750,24 euros au titre du cautionnement du prêt d'équipement n° 08735861 d'un montant de 25 000 euros souscrit le 5 octobre 2016 par la SASU La From', outre les intérêts au taux de 1,10 % à compter du 31 mai 2020
2 161,32 euros au titre du cautionnement du compte courant débiteur n° 92321626753 de la SASU La From', outre les intérêts au taux de 0,87 % à compter du 31 mai 2020
60 000 euros au titre du cautionnement du prêt d'équipement n° 08774341 souscrit le 1er février 2018 par la SASU La From', outre les intérêts au taux conventionnel de 2,5 % à compter du 31 mai 2020
1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier Le président