ARRÊT N°
BM/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique
du 20 Octobre 2022
N° de rôle : N° RG 22/00178 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPCY
S/appel d'une décision
du Tribunal de Commerce de BELFORT
en date du 04 janvier 2022 [RG N° 2021003232]
Code affaire : 54G
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
S.C.I. HEZARD VIENOT C/ S.A.R.L. HELMINGER
PARTIES EN CAUSE :
S.C.I. HEZARD VIENOT inscrite au RCS de Belfort sous le numéro 8038 907 608
Agissant par son représentant légal
Sise [Adresse 2]
Représentée par Me Robert BAUER, avocat au barreau de MONTBELIARD
APPELANTE
ET :
S.A.R.L. HELMINGER inscrite au RCS de BELFORT sous le numéro 489 501 932
Agissant par son représentant légal
Sise Batiment, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Laurent HAENNIG de la SELARL SELARL AJURISS, avocat au barreau de BELFORT
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Madame B. MANTEAUX, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur J.F. LEVEQUE, conseiller
L'affaire, plaidée à l'audience du 20 octobre 2022 a été mise en délibéré au 15 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Exposé des faits et de la procédure
La SCI Hezard Vienot (la SCI) a confié à la SARL Helminger (la SARL) la réalisation de travaux de chauffage, sanitaire et climatisation concernant un immeuble situé à [Adresse 2] (90).
Saisi par assignation délivrée par la SCI en date du 10 novembre 2020 en exécution forcée de la prestation sous astreinte, le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort a, par ordonnance du 6 juillet 2021 :
- condamné la SARL à exécuter les travaux inachevés (installation de deux blocs de climatisation en façade de l'immeuble) et à reprendre les malfaçons telles que mentionnées dans l'assignation du 10 novembre 2020 et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
- dit que le juge des référés se réserve expressément le pouvoir de liquider l'astreinte.
Saisi par une nouvelle assignation délivrée par la SCI le 28 septembre 2021en liquidation de l'astreinte, le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort, par ordonnance rendue le 4 janvier 2022, objet de la procédure d'appel :
- a débouté la SARL de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation en référé du 10 novembre 2020 et des actes subséquents,
- a dit n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance du 6 juillet 2021,
- a invité la SCI à engager les actions nécessaires afin de permettre à la SARL d'installer les deux blocs de climatisation,
- a condamné la SARL à installer les deux blocs de climatisation dans les 30 jours de la mise à disposition par la SCI des supports nécessaires sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ledit délai,
- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte ainsi ordonnée,
- a dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné la SCI à supporter les dépens,
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que :
- sur la nullité de l'assignation et des actes subséquents, il s'agit d'une irrégularité de pure forme et la SCI n'invoque ni ne justifie de grief que lui aurait causé cette irrégularité ;
- le retard dans l'exécution s'explique par un manque de communication flagrant entre les parties dont chacune porte une part de responsabilité.
Par déclaration parvenue au greffe le 2 février 2022, la SCI a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance du 4 janvier 2022.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 octobre 2022 et mise en délibéré au 15 décembre 2022.
Exposé des prétentions et moyens des parties
Selon conclusions transmises le 23 février 2022, la SCI demande à la cour d'infirmer l'ordonnance du 4 janvier 2022 en ce qu'elle a :
. rejeté sa demande de liquidation de l'astreinte,
. l'a invitée à engager les travaux préalables permettant à la SARL d'installer les deux blocs de climatisation et condamnée aux dépens,
et, statuant à nouveau sur ces chefs infirmés, de :
- liquider l'astreinte pour la période allant du 5 août au 14 décembre 2021;
- dire que la SARL devra lui verser à ce titre la somme de 13 000 euros ;
- dire que, passé le délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, le montant de l'astreinte sera provisoirement fixé à 500 euros par jour de retard ;
- condamner la SARL à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SARL aux dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que l'ordonnance du 6 juillet 2021 a été signifiée le 20 juillet 2021 et n'a pas été contestée, que, dès lors, la SARL devait finaliser les travaux (pose des groupes extérieurs de climatisation) avant le mercredi 4 août 2021 au soir, ce qu'elle n'a pas fait puisqu'elle ne l'a jamais contactée suite à l'audience de référé de juillet 2021 pour prendre rendez-vous. Elle n'a invoqué un manque de supports que la veille de l'audience de référé le 13 décembre 2021 ; le jour même, la SCI a fait installer les supports métalliques réclamés, prestation qui relevait pourtant du marché de la SARL. Pour autant, depuis cette date, elle n'a toujours pas terminé ces travaux.
La SARL a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 7 mars 2022 pour demander à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, subsidiairement, de limiter la liquidation de l'astreinte à la somme de 2 400 euros, et condamner l'appelante à lui verser 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle indique être disposée à finaliser la pose et la mise en route des deux groupes extérieurs après réception des plans d'exécution de l'architecte ou directives précises quant à leur emplacement définitif, et soutient n'être pas la seule responsable du retard du chantier en faisant valoir que la SCI ne rapporte pas la preuve de directives ou d'instructions précises quant à la pose des deux groupes extérieurs.
Elle demande que l'astreinte soit réduite à sa plus simple expression en invoquant que :
- la SCI ne restitue pas l'avancement du chantier à aucune époque, en l'absence de constat d'huissier de justice ou de clichés photographiques,
- elle s'est déplacée le 13 décembre 2021 pour réaliser la pose malgré l'absence d'instructions écrites ou précises sur leur emplacement,
- d'autres entreprises devaient intervenir préalablement pour permettre cette pose.
La somme qu'elle propose à titre subsidiaire de 2 400 euros correspond à celle qu'elle avait acceptée dans la convention de fin de travaux pour participer aux frais engagés par la SCI.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
L'ordonnance définitive du 6 juillet 2021 qui a fixé l'astreinte à la charge de la SARL la condamnait à exécuter les travaux inachevés (installation de deux blocs de climatisation en façade de l'immeuble) et à reprendre les malfaçons tels que mentionnées dans l'assignation du 10 novembre 2020 et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance.
Cette ordonnance était signifiée le 20 juillet 2021, fixant ainsi au 4 août 2021 la fin du délai d'exécution par la SARL de ses obligations de faire.
Il résulte des écritures des parties que seuls restaient inachevée, au 4 août 2021 et à la date de l'assignation du 28 septembre 2021 ayant abouti à l'ordonnance ici entreprise, la pose des groupes extérieurs de climatisation.
L'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère qui s'entend d'un événement extérieur au débiteur.
Il appartient donc à celui à qui l'injonction est adressée de justifier d'une cause étrangère pour être dispensé du paiement de l'astreinte liquidée et de difficultés et de ses diligences pour voir cette astreinte limitée.
En l'espèce, pour s'opposer à la liquidation de l'astreinte, la SARL invoque l'absence de directives de la SCI pour assurer une pose conforme aux plans d'exécution et aux règles de l'art.
Or, dans la convention de fin de travaux que les parties ont signée le 20 novembre 2020, elle ne mentionne pas de difficultés relatives à une absence de directives pour la pose de ces groupes de climatisation et ne produit aucune pièce faisant état de cette obligation à la charge de son créancier. Elle ne donne aucune explication sur son absence de déplacement sur les lieux avant le 13 décembre 2021 (déplacement annoncé le 10 décembre juste avant l'audience de référé).
Il est ensuite établi que la pose nécessitait l'intervention de l'entreprise de bardage pour déplacer une poutre, ce que la SCI a fait réaliser immédiatement (facture d'intervention produite en pièce 7 du dossier de la SCI).
Si la SARL ne s'explique pas sur le retard qu'elle a mis à intervenir de nouveau jusqu'à mi- avril 2022, la cour relève que la SCI n'a pas actualisé sa demande en paiement de l'astreinte postérieure au 13 décembre 2021.
Dès lors, au vu de ces éléments, la cour infirme l'ordonnance entreprise qui a modulé jusqu'à la suppression le montant de l'astreinte et prononcé une nouvelle astreinte .
Compte tenu du retard injustifié de la SARL entre le 5 août et le 13 décembre 2021 mais également de la réalisation par la SARL des autres travaux achevés dans le délai, la cour rejette la demande de la SCI d'augmenter le montant de l'astreinte journalière et condamne la SARL à lui payer la somme de 7 000 euros.
Dispositif : Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :
Infirme l'ordonnance rendue entre les parties le 4 janvier 2022 par le juge des référés du tribunal de commerce de Belfort en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SARL Helminger à payer à la SCI Hezard Vienot la somme de 7 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par ordonnance de référé du tribunal de commerce de Belfort rendue le 6 juillet 2021 pour la période allant du 5 août 2021 au 13 décembre 2021 ;
Déboute la SCI Hezard Vienot de sa demande d'augmenter le montant de l'astreinte journalière pour la période postérieure ;
Condamne la SARL Helminger aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SARL Helminger de sa demande et la condamne à payer à la SCI Hezard Vienot la somme totale de 2 500 euros.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,