ARRÊT N°
BM/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Défaut
Audience publique
du 20 Octobre 2022
N° de rôle : N° RG 22/00221 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EPFL
S/appel d'une décision
du Président du TJ de LONS-LE-SAUNIER
en date du 12 janvier 2022 [RG N° 21/00053]
Code affaire : 72Z
Autres demandes relatives à la copropriété
[T] [S], [N] [G] C/ [I] [R] [O] [V], [W] [U], [P] [J], S.C.P. [W] [U] ET EMMANUEL PHILIPPE, NOTAIRES ASSOCIÉS, SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 5]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [T] [S]
né le 03 Août 1990, de nationalité française,
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Adrien MAIROT de la SCP LETONDOR - GOY LETONDOR - MAIROT, avocat au barreau de JURA
Madame [N] [G]
née le 21 Septembre 1989, de nationalité française,
demeurant [Adresse 5]
Représentée par Me Adrien MAIROT de la SCP LETONDOR - GOY LETONDOR - MAIROT, avocat au barreau de JURA
APPELANTS
ET :
Monsieur [I] [R] [O] [V]
né le 11 Mars 1971 à [Localité 6]
de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON
Maître [W] [U]
né le 20 Novembre 1972 à [Localité 6]
de nationalité française, notaire,
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Vanessa MARTINVAL de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
Monsieur [P] [J] exercant sous le nom commercial MUTATION HABITAT, immatriculé sous le n°539 252 635
né le 25 Février 1987 à [Localité 6], de nationalité française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Christian PILATI de la SELARL MAURIN-PILATI ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON
S.C.P. [W] [U] ET EMMANUEL PHILIPPE, NOTAIRES ASSOCIÉS,
Sise [Adresse 4]
Représentée par Me Vanessa MARTINVAL de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 5]
Sis [Adresse 5]
N'ayant pas constitué avocat
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
Madame B. MANTEAUX, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur J.F. LEVEQUE, conseiller
L'affaire, plaidée à l'audience du 20 octobre 2022 a été mise en délibéré au 15 décembre 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
**************
Exposé des faits et de la procédure
Par acte authentique reçu le 24 octobre 2018 par Me [W] [U], notaire associé au sein de la SCP [W] [U] et Emmanuel Philippe, M. [T] [S] et Madame [N] [G] ont acquis de M. [I] [V] les lots 2, 1, 4, 14 et 13 de la copropriété située [Adresse 5], cadastrée section AE n°[Cadastre 3].
Souhaitant installer un poêle à granules, M. [S] et Mme [G] ont pris attache avec la société Caloreco, laquelle a refusé d'effectuer les travaux en raison de la présence d'amiante dans le toit de l'immeuble. M. [S] et Mme [G] ont alors demandé au notaire et à M. [P] [J] de la société Mutation Habitat, laquelle s'était chargée de réaliser les diagnostics de la procédure de vente du bien, de leur communiquer le diagnostic amiante. Par courrier électronique en date du 9 juin 2020, l'étude de Me [W] [U] a indiqué ne pas être en possession du diagnostic amiante. M. [J], par courrier en date du 19 juin 2020, a répondu qu'il n'avait pas réalisé de diagnostic technique amiante.
Un dossier technique amiante établi par Air Diags en juin 2020 à la demande de M. [V] a confirmé la présence d'amiante non dégradé présentant un risque de dégradation faible ou à terme avec recommandation de réaliser une évaluation périodique de l'état de conservation de ces plaques en fibres-ciment localisées en couverture et visibles dans les greniers.
Saisi par assignation délivrée par M. [S] et Mme [G] en date du 5 mai 2021 visant à ordonner une mesure d'expertise pour confirmer la présence d'amiante et évaluer les travaux de désamiantage, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a, par ordonnance rendue le 12 janvier 2022 :
- déclaré irrecevable l'action exercée par M. [S] et Mme [G] pour défaut de qualité pour agir ;
- condamné in solidum M. [S] et Mme [G] à payer à M. [V], Mme [L], M. [J], à Me [U] et la SCP [U]-Philippe, chacun, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum M. [S] et Mme [G] aux entiers dépens.
Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que M. [S] et Mme [G] ne peuvent en l'état exercer une action concernant un lot de copropriété sans avoir sollicité l'autorisation préalable et obligatoire de l'assemblée des copropriétaires pour réaliser les travaux impliquant la pose d'un conduit dans les parties communes et sans justifier d'un préjudice indépendant de celui éventuellement subi par la collectivité des copropriétaires.
Par déclaration parvenue au greffe le 7 février 2022, M. [S] et Mme [G] ont régulièrement interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 20 octobre 2022 et mise en délibéré au 15 décembre 2022.
Le syndicat de copropriétaires de l'immeuble [Adresse 5] n'ayant pas constitué avocat et la déclaration d'appel lui ayant été signifiée par acte d'huissier délivré le 17 février 2022 à étude, le présent arrêt sera rendu par défaut en application de l'article 474, alinéa 2, du code de procédure civile.
Exposé des prétentions et moyens des parties
Selon conclusions transmises le 3 mars 2022, M. [S] et Mme [G] demandent à la cour de l'infirmer en toutes ses dispositions et de :
- désigner un expert judiciaire avec pour mission :
. se rendre [Adresse 5], lieu du litige ;
. examiner le bâtiment ;
.se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
. entendre tout sachant ;
. confirmer la présence d'amiante ;
. déterminer les travaux de désamiantage devant être effectués et leur coût ;
. déterminer les dommages conséquents, en évaluer leur coût ;
. fournir tout élément technique et de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices de toute nature subis.
- ordonner que l'expert, à l'achèvement de ses opérations d'expertise, communique un pré-rapport au greffe du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, contenant son avis motivé sur l'ensemble des chefs de sa mission et qu'un délai de 45 jours sera laissé aux parties pour faire valoir leurs observations par voie de dire avant le dépôt du rapport définitif ;
- ordonner que l'expert puisse s'adjoindre un sapiteur de son choix dans une autre spécialité que la sienne, à charge pour lui de solliciter une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation ;
- ordonner que les dires et réquisitions des parties soient annexés au rapport définitif de l'expert judiciaire ;
- fixer la provision à valoir sur la rémunération de l'expert ;
- ordonner que cette somme soit consignée à la régie d'Avances et des Recettes du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, par les demandeurs, dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
- ordonner que l'expert remplisse sa mission conformément aux dispositions des articles 242 et suivants du code de procédure civile ;
- condamner M. [I] [V], Me [W] [U], la SCP [W] [U] et Emmanuel Philippe et Monsieur [P] [J] à leur payer, à chacun, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réserver les dépens.
Sur la recevabilité de leur action, ils font valoir que :
- l'objet du litige n'est pas la réalisation de travaux consistant en la pose d'un conduit dans les parties communes mais bien l'acquisition d'un appartement comportant de l'amiante qui induit pour eux un préjudice, indépendant de la collectivité des copropriétaires, lié au risque résultant de la présence d'amiante dans la toiture alors que les lots qu'ils ont acquis comprennent des combles sous toiture ;
- la toiture, accessoire des combles, doit être qualifié dans le cas d'espèce de partie privative ;
- un copropriétaire peut agir à titre personnel pour la défense d'une partie commune sous réserve d'appeler à la cause le syndicat de copropriétaires.
Sur le bien-fondé de la leur demande d'expertise, ils invoquent que même en l'absence de désordres actuels affectant la toiture, ils sont en droit de demander, aux personnes intervenues pour leur vendre ce bien, réparation de leurs préjudices résultant de la seule présence d'amiante tant en terme de dépréciation du bien que de leurs préjudices.
Par conclusions transmises le 31 mars 2022, M. [J] demande à la cour de confirmer l'ordonnance de référé et de débouter M. [S] et Mme [G] de leurs demandes dirigées contre lui et de les condamner à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il fait valoir que la mission qui lui était confiée par l'ancien propriétaire était la réalisation d'un diagnostic technique global en vue de créer une copropriété, mission qui ne comprenait pas de diagnostic amiante. Son rapport remis au syndicat de copropriétaires le 31 décembre 2017 signalait toutefois la présence de tôles fibre-ciment dans la couverture et l'alertait des risques qui y étaient liés.
Par conclusions transmises le 4 avril 2022, M. [V] demande à la cour de débouter M. [S] et Mme [G] de leurs demandes, de confirmer en conséquence l'ordonnance et de les condamner in solidum à lui régler une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de son avocat.
Il invoque d'une part que l'action que M. [S] et Mme [G] envisagent de diligenter et qui nécessite une expertise préalable constitue une action que seul le syndicat de copropriétaires pouvait mettre en oeuvre puisque la toiture concerne ses parties communes.
En outre, il invoque l'absence de motif légitime à l'expertise, laquelle est prise comme une mesure d'enquête pour prouver que sa demande est fondée alors qu'il est établi que les plaques de fibre ciment ne sont pas dégradées et que rien ne justifie des travaux de désamiantage, et ce d'autant, que le conduit du poêle a finalement été installé sur le mur extérieur.
Enfin, il nie toute responsabilité dès lors que le vice était apparent, la présence de plaques en fibro-ciment, ayant d'ailleurs été mentionnée dans le diagnostic technique global établi par la société Mutation Habitat, indiquant que, dans les constructions effectuées avant 1997, toutes contenaient obligatoirement de l'amiante. Si un manquement a été commis, il est à rechercher auprès du notaire dès lors que celui-ci aurait dû obligatoirement annexer à son acte de vente un diagnostic amiante, du diagnostiqueur qui n'a pas établi un diagnostic technique complet ou de l'agence immobilière sur laquelle reposait l'obligation d'attirer l'attention sur l'obligation d'établir un diagnostic amiante.
Par conclusions transmises le 8 avril 2022, M. [U] et la SCP [W] [U]et Emmanuel Philippe demandent à la cour de confirmer l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions, et subsidiairement ;
- dire n'y avoir lieu à référé,
- débouter M. [S] et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner à payer à chacun d'eux la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Martinval en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils font valoir que seul le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice, dûment autorisé à agir, a qualité pour agir en justice en vue de la sauvegarde des parties communes et que les copropriétaires ont personnellement qualité pour agir uniquement au sujet de la jouissance ou de la propriété de leurs lots au sens strict ; l'action de M. [S] et Mme [G] ayant pour finalité de faire constater la présence d'amiante dans la toiture et
de chiffrer le coût du désamiantage de la toiture de la copropriété, laquelle est une partie commune de la copropriété, seul le syndic autorisé pourrait avoir qualité pour en solliciter l'instauration.
Subsidiairement, ils invoquent qu'il n'existe aucune obligation de désamiantage ni aucun grief à tirer de la présence d'amiante en dehors du contexte d'une intervention sur les tuiles de fibres-ciment, que l'installation d'un conduit de fumée à travers le toit n'est plus d'actualité et qu'il n'y a donc aucun motif légitime à engager les frais d'une expertise judiciaire pour chiffrer un désamiantage dont il n'est aucunement établi qu'il soit nécessaire dans un avenir prévisible.
Enfin, ils font valoir que l'existence d'un éventuel vice caché ne mènerait, en l'absence de tous travaux à exécuter par la copropriété qui ne peut y être contrainte, qu'à débattre de la réduction du prix dans le cadre d'une action estimatoire des lots privatifs, ce qui justifie leur mise hors de cause puisqu'une telle action au fond ne peut viser le notaire qui n'a pas à supporter les conséquences d'une action en réduction du prix de vente.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'intérêt à agir des appelants :
Dans le cadre d'une action en réparation de leurs préjudices résultant de la seule présence d'amiante dans la toiture, nonobstant l'existence de travaux à effectuer, la qualité de propriétaire d'un appartement qui dispose notamment d'un grenier situé dans les combles sous la toiture comportant de l'amiante, constitue à elle seule un intérêt à agir lui ouvrant droit à l'action.
Dès lors, infirmant l'ordonnance entreprise, la cour dit M. [S] et Mme [G] recevables en leur action en référé expertise.
- Sur le motif légitime de M. [S] et Mme [G] pour voir ordonner une mesure d'expertise :
L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
M. [S] et Mme [G] sollicitent une mesure d'expertise visant à « confirmer la présence d'amiante, déterminer les travaux de désamiantage et en chiffrer le coût, déterminer les dommages conséquents, en évaluer leur coût et fournit tous éléments permettant de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices de toutes natures subies ».
La présence d'amiante non dégradée dans le toit résulte du rapport de repérage établi à la demande de M. [V] en juin 2020 et n'est pas contestée par les parties.
Le projet initial de M. [S] et Mme [G] qui visait à percer la toiture pour installer un conduit de poêle a été abandonné et n'avait d'ailleurs pas fait l'objet d'une demande d'autorisation auprès du syndicat de copropriétaires.
Ainsi, en l'état de la procédure, aucun élément du dossier ne permet d'établir la nécessité de procéder à des travaux de désamiantage sur lesquels se fonde la demande d'expertise de M. [S] et Mme [G].
Alors que, concernant les lots qu'ils ont acquis, seul le grenier sous combles (lot n° 4) se situe sous la toiture en plaque en fibres-ciment, ils ne justifient pas de l'usage qu'ils font de ces combles. De même, ils n'évoquent aucun projet de revente de leur bien et surtout d'identifient pas les préjudices qu'ils invoquent.
Dès lors, la cour constate qu'ils ne caractérisent pas un motif légitime à diligenter l'expertise sollicitée.
Dispositif : Par ces motifs,
La cour, statuant par arrêt par défaut, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Infirme, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue entre les parties le 12 janvier 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier sauf en ses dispositions concernant les dépens et frais irrépétibles ;
Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant :
Déclare M. [T] [S] et Mme [N] [G] recevables en leur action mais les en déboute ;
Condamne M. [T] [S] et Mme [N] [G] aux dépens de la procédure d'appel ;
Condamne M. [T] [S] et Mme [N] [G] à verser à M. [I] [V], Me [W] [U] et la SCP [W] [U] et Emmanuel Philippe ensemble, et M. [P] [J], chacun, la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,