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03/01/2023 | FRANCE | N°21/00227

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 03 janvier 2023, 21/00227


ARRÊT N°



JFL/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 3 JANVIER 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE







Contradictoire

Audience publique du 11 octobre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00227 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EKW7



S/appel d'une décision du tribunal judiciaire de Besançon en date du 17 décembre 2020 [RG N° 17/01526]

Code affaire : 63A Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale






S.A. MMA IARD, S.A.S.U. AMBULANCES DEMONET LAURENT C/ [R] [H] épouse [D], OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX-ONIAM, S.A.S.U. AMBULANCES DEMONET LAURENT...

ARRÊT N°

JFL/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 3 JANVIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 11 octobre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00227 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EKW7

S/appel d'une décision du tribunal judiciaire de Besançon en date du 17 décembre 2020 [RG N° 17/01526]

Code affaire : 63A Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

S.A. MMA IARD, S.A.S.U. AMBULANCES DEMONET LAURENT C/ [R] [H] épouse [D], OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX-ONIAM, S.A.S.U. AMBULANCES DEMONET LAURENT, S.A. MMA IARD, MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE FRANCHE-COMTE, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS

PARTIES EN CAUSE :

S.A. MMA IARD

RCS du Mans n° B 440 048 882

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Patricia SAGET, avocat au barreau de BESANCON

S.A.S.U. AMBULANCES DEMONET LAURENT

RCS de Besancon n°510 858 442

sise [Adresse 6]

Représentée par Me Guillaume MONNET de la SCP MONNET - VALLA - BESSE, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTES

ET :

Madame [R] [H] épouse [D]

née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Hervé GUY de la SCP SURDEY GUY - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTBELIARD

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX-ONIAM, sise [Adresse 9]

Représenté par Me Anne-christine ALVES de la SELARL ABDELLI - ALVES, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Ansiau EBERSOLT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S.U. AMBULANCES DEMONET LAURENT

RCS de Besancon n°510 858 442

sise [Adresse 6]

Représentée par Me Guillaume MONNET de la SCP MONNET - VALLA - BESSE, avocat au barreau de BESANCON

S.A. MMA IARD

RCS du Mans n° B 440 048 882

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Patricia SAGET, avocat au barreau de BESANCON

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE FRANCHE-COMTE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS

sise [Adresse 5]

Représentée par Me Julie DUFOUR de la SELARL JULIE DUFOUR, avocat au barreau de BESANCON

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller et Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller et Monsieur Dominique RUBEY, vice-président placé

L'affaire, plaidée à l'audience du 11 octobre 2022 a été mise en délibéré au 13 décembre 2022. A cette date, les parties ont été avisées que le délibéré serait prorogé au 3 janvier 2023 et rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé du litige

Madame [R] [H] épouse [D], admise le 24 février 2009 à la polyclinique de Franche-Comté pour accoucher, a été victime après l'accouchement d'une grave affection pulmonaire qui a nécessité son transfert en urgence au centre hospitalier universitaire de [Localité 7] (le CHU), dont le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) a confié l'exécution à une entreprise privée d'ambulance assurée en responsabilité civile auprès de la SA MMA IARD.

Lors de sa prise en charge par les ambulanciers le 25 février, la patiente est tombée du brancard et s'est gravement blessée à la tête. Elle a été opérée chirurgicalement des poumons le jour même et de la tête le lendemain, puis a été hospitalisée, d'abord en service de réanimation, puis en service de cardiologie, avant de regagner son domicile le 29 mai 2009, souffrant de diverses séquelles

Elle a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI), qui a ordonné une première expertise, ainsi que l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), qui lui a alloué une provision de 15 690,04 euros. Une seconde expertise privée a été réalisée le 4 avril 2013, fixant la consolidation au 21 octobre 2012.

Elle a bénéficié de diverses prises en charges et prestations servies par la caisse primaire d'assurance maladie et par la mutualité sociale agricole (MSA).

Mme [H] a ensuite assigné en réparation de son préjudice, par acte des 21, 24 et 25 septembre 2017, la SAS Ambulances Demonet Laurent (l'ambulancier), la SA MMA IARD en qualité d'assureur de la précédente, l'ONIAM, la mutualité sociale agricole de Franche-Comté (la MSA), et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (la CPAM).

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Besançon a :

- débouté la SAS Ambulances Demonet et la SA MMA IARD de leur demande d'expertise judiciaire ;

- fixé les préjudices en distinguant les créances de la victime et les créances des tiers payeurs ;

- condamné in solidum la société d'ambulances et son assureur à payer à la victime la somme de 582 124,22 euros ;

- condamné les mêmes, in solidum, à payer à la CPAM la somme de 1 797,60 euros au titre des dépenses de santé actuelles et la somme de 6 250,85 euros au titre au titre des dépenses de santé futures ;

- débouté la CPAM de sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels ;

- condamné in solidum l'ambulancier et son assureur à payer à la MSA la somme de 109 400,70 euros au titre des provisions versées à la victime et la somme de 19 267,32 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ;

- condamné in solidum l'ambulancier et son assureur à payer à l'ONIAM la somme de 15 690,04 euros au titre des provisions versées à la victime et la somme de 2 100 euros au titre des frais des expertises amiables ;

- débouté l'ONIAM de sa demande fondée sur l'article L. 1142 alinéa 5 du code de la santé publique ;

- condamné in solidum l'ambulancier et son assureur à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté du même chef l'ONIAM, la CPAM et la MSA ;

- condamné in solidum l'ambulancier et son assureur à payer à la CPAM la somme de 1 080 euros et à la MSA la même somme de 1 080 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la santé publique ;

- condamné in solidum l'ambulancier et son assureur à payer les dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire dans la limite de 50 % des sommes allouées.

Pour statuer ainsi, le premier juge, après avoir constaté qu'il n'était pas saisi d'une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative, a retenu qu'un ambulancier est un professionnel de santé au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique suivant lequel 'les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute' ; qu'en application de l'art III de la circulaire DHOS/SDO/O 1 n°2003-277, l'ambulancier assure le transport du patient et assure la surveillance de celui-ci ainsi que la bonne exécution des gestes appropriés à son état, pouvant être amené à assurer le brancardage ; que le rapport d'incident indique clairement que les préposés de la société ambulancière, qui étaient responsables de la manipulation de la patiente, se trouvant 'aux commandes' pendant le transfert, devaient mettre en oeuvre toutes les précautions nécessaires, alors qu'ils étaient nécessairement expérimentés et formés à ces manipulations ; et que la chute démontre en elle-même la violation des obligations de la circulaire précitée, sachant que rien ne met en cause le comportement de la patiente et que la présence de nombreuses personnes autour du brancard n'exonère pas les préposés de leurs responsabilités.

Le premier juge a ensuite retenu que les rapports d'expertise des 9 février 20 et 18 juin 2013, opposables à l'ambulancier et son assureur, fournissaient suffisamment d'éléments pour évaluer les préjudices et les proportions dans lesquels ils devaient être rattachés à la chute, ce qu'il a fait avant d'examiner les actions récursoires des tiers payeurs.

Un premier appel de cette décision a été formé par la SASU Ambulances Demonet Laurent suivant déclaration parvenue au greffe le 8 février 2021, intimant toutes les autres parties et critiquant l'intégralité des chefs du jugement exceptés le débouté de la CPAM au titre de la perte de gains professionnels actuels, sa condamnation in solidum avec son assureur envers l'ONIAM, et le débouté de l'ONIAM, de la CPAM et de la MSA au titre des frais irrépétibles.

Au cours de l'instruction de cet appel, les demandes formées au fond contre la SASU Ambulances Demonet Laurent ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mai 2021, au motif qu'à la date de l'accident, survenu le 25 février 2009, cette société n'était pas immatriculée, ne l'ayant été que le 3 mars 2009, et n'était pas titulaire de l'agrément sanitaire lui permettant d'exercer son activité de transporteur, et qu'en conséquence la victime aurait dû assigner la société d'exploitation des Etablissements Demonet Michel qui exerçait l'activité avant l'immatriculation de la SASU.

Un second appel a été formé par la SA MMA IARD le 12 février 2021, contre toutes les autres parties, critiquant expressément tous les chefs de jugement. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 2 novembre 2021.

La SASU Ambulances Demonet Laurent, par conclusions transmises le 7 juin 2021 demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

à titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes dirigées contre lui par les autres parties et en conséquence les en débouter ;

à titre subsidiaire,

- juger qu'elle n'est pas l'auteur du dommage ;

- débouter les autres parties des demandes dirigées contre elle ;

en toute hypothèse,

- condamner la SA MMA IARD à la garantir de toute condamnation ;

- condamner les autres parties à lui payer 1 000 euros chacune pour ses frais de défense irrépétibles, et à payer les dépens.

La SASU Ambulances Demonet Laurent soutient :

- que les demandes formées à son encontre sont irrecevables car elle n'avait pas le droit d'agir au moment de l'accident, n'étant pas alors immatriculée au registre du commerce et des sociétés et n'ayant pas encore obtenu son agrément obligatoire de l'agence régionale de santé ;

- subsidiairement qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de la SA MMA IARD à garantir toute condamnation prononcée à son encontre car celle-ci devait vérifier, en tant qu'assureur également de la société d'exploitation des Etablissements Michel Demonet que les demandes de Mme [H] étaient dirigées contre son assuré auteur de la prestation litigieuse.

La SA MMA IARD par conclusions transmises le 3 septembre 2021 visant les articles R. 6123-15, R. 6311-2, L. 1142-4 et suivants du code de la santé publique, la circulaire DHOS/01 n°2004-51 du 29 mars 2004, et les articles 1240 et suivants, 1382 ancien et suivants du code civil, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

à titre principal,

- débouter Mme [H] de ses demandes ;

- débouter l'ONIAM de son recours subrogatoire à l'encontre de l'assureur et 'de son appel incident' ;

- débouter la CPAM et la MSA de leurs demandes en paiement de leurs débours, pénalités, frais et 'article 700" et en toute hypothèse de 'leur appel incident' ;

- condamner Mme [H] aux dépens :

à titre subsidiaire,

- ordonner une expertise judiciaire pour évaluer chaque poste de préjudice et déterminer pour chacun leur part d'imputabilité au traumatisme crânien et à d'autres causes, avec adjonction à l'expert d'un neurologue, d'un psychiatre et d'un endocrinologue ;

plus subsidiairement et en toutes hypothèses,

- dire que le taux de déficit fonctionnel permanent (DFP) de la victime n'excède pas 10 à 15 % ;

- dire que ce taux n'est imputable que de manière minime à la chute du brancard ;

- dire que de même les répercussions professionnelles ne lui sont imputables que de manière minime ;

- réduire les prétentions indemnitaires de la victime ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'assureur soutient :

- que les ambulances Demonet sont intervenues comme prestataire du service hospitalier dans le cadre d'une mission de service public, et non à titre privé, sous l'autorité d'un médecin du SMUR et à la demande du SMUR, de sorte que la responsabilité à l'égard du patient est administrative et incombe au SMUR ;

- que la victime ne démontre pas de faute de la part de la société ambulancière,

- que l'action subrogatoire de l'ONIAM ne concerne que les professionnels de santé ce que n'est pas une société d'ambulance ;

- que les réclamations de la victime sont hors de proportion avec son préjudice réel.

Mme [H], par conclusions transmises le 7 septembre 2021 visant les articles 1382 ancien et suivants et 1240 et suivants du code civil, demande à la cour de :

- débouter la société Ambulances Demonet Laurent de toutes ses demandes dirigées contre elle ;

- débouter la société MM IARD 'de son appel' ;

- confirmer le jugement en ses dispositions portant condamnation de la SA MMA IARD ;

- dire que l'arrêt sera commun et opposable à l'ONIAM, à la MSA et à la CPAM ;

- condamner la société MMA IARD à lui payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.

Cette intimée soutient :

- que le juge judiciaire est compétent, dès lors que le juge administratif n'est compétent pour connaître de conclusions tendant à mettre en jeu la responsabilité pour faute d'une personne morale de droit privé que si le dommage se rattache à l'exercice, par cette personne morale de droit privé, de prérogatives de puissance publique qui lui ont été conférées pour l'exécution de la mission de service public dont elle a été investie ;

- qu'aucun texte ne vient relever l'entreprise privée prestataire de services hospitaliers de sa responsabilité, de sorte que si Mme [H] pouvait certes engager un recours contre le SMUR devant le tribunal administratif, cela ne l'empêche pas d'exercer un recours indemnitaire contre la personne morale privée prestataire de services hospitaliers selon le droit commun ;

- et que la faute de l'ambulancier résulte de ce qu'elle a chuté alors qu'elle était prise en charge par les ambulanciers, lesquels doivent assurer la surveillance du patient et la bonne exécution des gestes appropriés à son état.

L'ONIAM, par conclusions transmises le 1er juillet 2021 portant appel incident et visant les articles L. 1142-1 et L. 1142-5du code de la santé publique, la circulaire DHOS/DO/O1 n°2003-277 du 10 juin 2003, et les articles 1242 et 1346 du code civil, demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande fondée sur l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- condamner la société MMA IARD à lui payer 2 353,50 euros en application de ce texte ;

- et la condamner à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens,

Cet intimé soutient que :

- aucune indemnisation n'est due par l'ONIAM dès lors que la responsabilité pour faute d'un professionnel de santé tel qu'un ambulancier est engagée, conformément à l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, ce qui justifie le recours subrogatoire de l'ONIAM ;

- qu'il dispose d'un recours subrogatoire pour les sommes déjà versées à la victime (15 690,04 euros) au titre de L. 1142-15 du code de la santé publique, si l'assureur a refusé de faire une offre d'indemnisation, ce qui est le cas car il a sollicité la substitution de l 'ONIAM, ainsi qu'en application de l'article 1346 du code civil ;

- et que l'assureur encourt la pénalité de 15%, prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, ayant refusé de formuler une proposition d'indemnisation malgré l'avis du CRCI du 12 avril 2010 qui retenait la responsabilité de l'assurée.

La Mutualité Sociale Agricole, par conclusions transmises le 24 juin 2021 demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ses dispositions relatives à la SASU Ambulances Demonet Laurent et sauf à porter à 1 098 euros la condamnation de la SA MMA IARD au titre de l'indemnité de gestion ;

- et condamner la SA MMA IARD à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens,

La CPAM, par conclusions transmises le 18 juin 2021, portant appel incident et visant les articles L. 376-1 et suivants du code de la santé publique, demande à la cour de :

- 'réformant partiellement et faisant droit à son appel incident'- condamner la société MMA IARD à lui verser la somme de 13 057,87 euros au titre de ses débours définitifs arrêtés au 2 août 2017 ;

- la condamner à lui verser 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue au texte visé, outre 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Julie Dufour ;

- débouter les autres parties de toutes demandes contraires.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été clôturée le 20 septembre 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 11 octobre 2022 et mise en délibéré au 13 décembre 2022 puis prororé au 3 janvier 2023.

Motifs de la décision

Sur l'irrecevabilité des demandes dirigées contre la SASU Ambulances Demonet Laurent

Les demandes formées au fond contre la SASU Ambulances Demonet Laurent ont déjà été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 mai 2021, non frappée de recours

Dès lors, infirmant le jugement déféré en ce qu'il a condamné cette société à payer des sommes à Mme [H], à la CPAM et à la MSA, la cour constatera que ces demandes ont été définitivement jugées irrecevables par le conseiller de la mise en état, et rejettera comme sans objet la fin de non-recevoir à nouveau soulevée par la SASU contre les mêmes demandes.

Cette irrecevabilité a par ailleurs pour effet de priver d'objet la demande de garantie formée par la SASU Ambulances Demonet Laurent à l'encontre de la sociéét MMA.

Sur l'obligation indemnitaire de la société MMA

La société MMA reconnaît être l'assureur en responsabilité civile de la société d'ambulance qui est intervenue dans le transfert de Mme [H] entre la polyclinique de Franche-Comté et le CHU de [Localité 7], mais elle conteste que la responsabilité civile de son assurée soit engagée.

Ainsi que l'a exactement retenu le premier juge par des motifs que la cour adopte, la responsabilité des personnels de santé, au nombre desquels les ambulanciers conformément aux articles L. 1142-1 et L. 1393-1 et suivants du code de la santé publique, n'est engagée qu'en cas de faute.

Pour autant, contrairement à ce qu'à retenu le premier juge, l'existence d'une telle faute n'engage pas nécessairement la responsabilité civile de l'ambulancier lorsqu'il collabore à une mission de service public pour le compte d'une personne publique et se trouve ainsi en position d'agent public. En pareil cas, en effet, la responsabilité administrative de la personne publique est seule engagée, sauf faute de l'agent détachable du service, qui seule engage sa responsabilité personnelle de droit privé (T. confl. 30 juill. 1873, [K], [W], 1er suppl., p. 117). En effet, la distinction de la simple faute de service de l'agent, qui engage uniquement la responsabilité de l'administration, et de la faute personnelle détachable du service, qui engage la responsabilité civile de l'agent, s'applique à tous les agents des personnes publiques, qu'ils soient fonctionnaires ou agents non titulaires, agents contractuels publics ou de droit privé, et même collaborateurs occasionnels du service public.

Il est constant que la société d'ambulance assurée par la société MMA était une personne de droit privé, et qu'elle est intervenue en exécution d'une convention avec le CHU de [Localité 7], personne de droit public, qui l'obligeait à mettre à disposition de celui-ci le personnel et la matériel nécessaires à certaines prises en charges de patients par le SMUR, ce qui a été le cas en l'espèce, ainsi qu'en témoigne notamment la présence de l'équipe médicale du SMUR sur les lieux de la prise en charge aux côtés des deux personnels ambulanciers.

La mission du SMUR étant une mission de service public, nonobstant l'absence de prérogatives de puissance publique, la faute commise par la société d'ambulance privée intervenue pour l'exécution de cette mission, à la demande du SMUR et sous son contrôle, est de nature à engager la responsabilité administrative du CHU (en ce sens CAA [Localité 8], 17 juillet 2011, n° 10MA00726, sur renvoi de CE 4° et 5° s-s-r., 18 février 2010, n° 318891).

Il n'en serait autrement que si cette faute était détachable du service, ce qui n'est pas soutenu et n'apparaît pas être le cas. En effet, la faute des brancardiers, exactement appréciée par le premier juge, est une faute d'inattention non détachable du service, ne présentant pas l'intentionnalité ou la gravité inexcusable caractéristiques de la faute détachable.

Dès lors, la société d'ambulance assurée ayant agi en qualité d'agent du service public hospitalier et n'ayant commis qu'une faute de service, exclusive de sa responsabilité civile personnelle, la garantie de cette responsabilité n'est pas due par la société MMA IARD.

En conséquence, infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celles, qui seront confirmées, par lesquelles il a débouté la CPAM de sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels, débouté l'ONIAM de son recours subrogatoire contre la SA MMA IARD, et de sa demande fondée sur l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, débouté l'ONIAM, la CPAM et la MSA de leurs demandes au titre des frais irrépétibles, et débouté la SASU Ambulances Demonet et la SA MMA IARD de leur demande d'expertise judiciaire, la cour déboutera Mme [H] de ses demandes en condamnation de la société MMA IARD à lui payer des indemnités, déboutera la CPAM de sa demande en condamnation de la société MMA IARD à lui rembourser ses débours autres que ceux relatifs à la perte de gains professionnels actuels, et déboutera la MSA de sa demande tendant à la condamnation de la société MMA IARD à lui rembourser les provisions et indemnités journalières versées à Mme [H].

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant le jugement rendu le 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions sauf celles, confirmées, par lesquelles il a :

- débouté la CPAM de sa demande au titre de la perte de gains professionnels actuels,

- débouté l'ONIAM de son recours subrogatoire contre la SA MMA IARD et de sa demande fondée sur l'article L. 1142-15 du code de la santé publique,

- débouté l'ONIAM, la CPAM et la MSA de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

- et débouté la SASU Ambulances Demonet et la SA MMA IARD de leur demande d'expertise judiciaire ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Constate que les demandes tendant à la condamnation de la SASU Ambulances Demonet Laurent à payer des sommes à Mme [H], à la CPAM et à la MSA ont été définitivement jugées irrecevables par le conseiller de la mise en état ;

Rejette la fin de non-recevoir à nouveau soulevée par la SASU Ambulances Demonet Laurent contre les mêmes demandes ;

Dit sans objet la demande de la SASU Ambulances Demonet Laurent tendant à être garantie de toute condamnation par la SA MMA IARD ;

Déboute Mme [H] de ses demandes en condamnation de la société MMA IARD à l'indemniser de son préjudice ;

Déboute la CPAM de sa demande en condamnation de la société MMA IARD à lui rembourser ses débours autres que ceux relatifs à la perte de gains professionnels actuels ;

Déboute la MSA de sa demande tendant à la condamnation de la société MMA IARD à lui rembourser les provisions et indemnités journalières versées à Mme [H] ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et sur l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Condamne Mme [H] aux dépens ;

Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

La greffière Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00227
Date de la décision : 03/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-03;21.00227 ?
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