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03/01/2023 | FRANCE | N°21/00725

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 03 janvier 2023, 21/00725


ARRÊT N°



MW/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 03 JANVIER 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE





Contradictoire

Audience publique du 18 octobre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00725 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELVU



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS-LE-SAUNIER en date du 19 mars 2021 [RG N° 2019J5]

Code affaire : 53I Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule



[P] [U] C/ Ste C

oopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, S.A.S.U. MECA-CENTER



PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [P] [U]

de nationalité française, demeurant [Adress...

ARRÊT N°

MW/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 03 JANVIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 18 octobre 2022

N° de rôle : N° RG 21/00725 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELVU

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE LONS-LE-SAUNIER en date du 19 mars 2021 [RG N° 2019J5]

Code affaire : 53I Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule

[P] [U] C/ Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE, S.A.S.U. MECA-CENTER

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [P] [U]

de nationalité française, demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON

APPELANT

ET :

BANQUE POPULAIRE BOURGOGNE FRANCHE-COMTE

sise [Adresse 1]

Représentée par Me Jean-marie LETONDOR de la SCP LETONDOR - GOY LETONDOR-MAIROT, avocat au barreau de JURA

S.A.S.U. MECA-CENTER

RCS de Chalon sur Saone n°828 818 047

[Adresse 4]

Représentée par Me Stéphanie FAIVRE-MONNEUSE de l'AARPI ANTHEA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

Représentée par Me François DUCHARME de la SCP DUCHARME, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉES

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.

L'affaire, plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 a été mise en délibéré au 03 janvier 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

La SARL Garage [P] [U] exploitait à [Localité 3] (71) une activité de station service, garage automobile et poids-lourd, centre technique de vérification périodique des chronotachygraphes numériques des poids lourds.

Par acte authentique du 30 septembre 2011, la société Banque Populaire de Bourgogne Franche-Comté (la Banque Populaire) a consenti à la société Garage [P] [U] un prêt de 210 000 euros remboursable en 84 mensualités. Par acte sous seings privés du 28 septembre 2011, M. [P] [U] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt par l'emprunteur à hauteur de la somme de 75 600 euros pour une durée de 108 mois, cet engagement étant limité à 30 % du capital restant dû. L'épouse de M. [U] a donné son consentement exprès à cet engagement de caution.

Par acte du 25 février 2014, M. [P] [U] s'est porté caution de tous les engagements de la société Garage [P] [U] dans la limite de la somme de 15 000 euros et pour une durée de cinq ans. L'épouse de M. [U] a donné son consentement exprès à cet engagement de caution.

Par jugement du 30 avril 2015, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Garage [P] [U]. Un plan de redressement a ensuite été adopté par jugement du 21 avril 2016.

Par acte notarié du 7 avril 2017, la SASU Meca Center a acquis les parts sociales de la société Garage [P] [U]. Cet acte comportait une clause selon laquelle le cessionnaire s'engageait à réaliser sans délai toutes les démarches nécessaires à la reprise des engagements de caution en son nom ou en celui de ses actionnaires.

Par jugement du 25 octobre 2018, le tribunal de commerce de Chalon sur Saône a ordonné la résolution du plan et prononcé la liquidation judiciaire de la société Garage [P] [U].

Par exploit du 2 janvier 2019, la Banque Populaire a fait assigner M. [U] devant le tribunal de commerce de Lons le Saunier aux fins de condamnation à paiement, en sa qualité de caution de la société Garage Frédeéric [U], des sommes respectives de 36 465,45 euros et de 15 000 euros au titre de chacun des concours accordés.

M. [U] a fait assigner la société Meca Center en garantie. Il a sollicité le rejet des demandes formées à son encontre, en arguant de la disproportion des cautionnements, et du manquement de la banque à son obligation d'information annuelle. A titre subsidiaire, il a sollicité l'octroi des plus larges délais de paiement ainsi que la garantie de la société Meca Center, qui n'avait pas satisafit à son engagement de reprise des cautionnements.

La société Meca Center s'est opposée aux demandes formées à son encontre, en faisant valoir que le cédant ne l'avait jamais informée des engagements à reprendre.

Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal de commerce a :

- constaté la non recevabilité de la demande en appel de garantie de la société Meca Center ;

- constaté la non disproportion du cautionnement donné par M. [U] des deux cautions signées le 28 septembre 2011 et le 25 février 2014 ;

- constaté que la dette de société Garage [P] (sic) [U] est exigible ;

- déclaré que M. [U] [P] est caution de la société ;

- déclaré recevable la demande de la Banque Populaire d'exécution des deux cautions ;

- constaté que la Banque Populaire n'apporte pas la preuve de l'information annuelle de la caution ;

- déclaré la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités ;

- déclaré ne pas donner suite à la demande de délai ;

En conséquence :

- condamné M. [U] [P] à verser à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté les sommes suivantes :

* 36 465,45 euros correspondant au montant du solde débiteur du prêt n° 07127244, outre

intérêts au taux conventionnel à compter du 29 octobre 2018 ;

* 15 000 euros, correspondant au montant du solde débiteur du prêt n° 244510, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 29 octobre 2018 ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- condamné M. [U] [P] à verser à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :

- que la caution était un engagement personnel du cédant, et que la cession des parts sociales ne suffisait donc pas à le libérer ; que la reprise des cautionnements nécessitait l'accord de la banque, de sorte qu'en l'espèce, M. [U] était toujours tenu envers celle-ci, en dépit de la perte de sa qualité d'associé ; que, s'agissant de l'appel en garantie formé contre la société Meca Center, si certes l'acte de cession des parts sociales comportait une clause de reprise des cautionnements, M. [U] ne démontrait pas avoir informé la société cessionnaire des différents engagements dont elle devait le relever, de sorte que la demande de garantie ne pouvait prospérer ;

- qu'en l'absence de terme dans les engagements, leur exigibilité était incontestable ;

- que le premier cautionnement a été donné à hauteur de 75 600 euros alors que le patrimoine de M. [U] était évalué à86 759,61 euros, et que le second a été donné à hauteur de 15 000 euros pour un patrimoine évalué à 119 377,28 euros ; que ces engagements n'étaient donc nullement disproportionnés ;

- que la production de simples copies de courriers n'était pas suffisante pour justifier du respect par la banque de son obligation d'information annuelle de la caution ; qu'elle devait en conséquence être sanctionnée par la déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités ;

- qu'aucun élément ne justifiait l'échelonnement de la dette.

M. [U] a relevé appel de cette décision le 27 avril 2021, sauf en ses chefs relatifs au manquement à l'obligation d'information annuelle de la caution.

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2021, l'appelant demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

* constaté la non recevabilité de la demande en appel de garantie de la société Meca Center ;

* constaté la non disproportion du cautionnement donné par M. [U] des deux cautions signées le 28 septembre 2011 et le 25 février 2014 ;

* constaté que la dette de société Garage [P] [U] est exigible ;

* déclaré que M. [U] [P] est caution de la société ;

* déclaré recevable la demande de la Banque Populaire d'exécution des deux cautions ;

* déclaré ne pas donner suite à la demande de délai ;

* condamné M. [U] [P] à verser à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté les sommes suivantes :

- 36 465,45 euros correspondant au montant du solde débiteur du prêt n° 07127244, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 29 octobre 2018 ;

- 15 000 euros, correspondant au montant du solde débiteur du prêt n° 244510, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 29 octobre 2018 ;

* condamné M. [U] [P] à verser à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

* rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

A titre principal,

- de constater l'existence de fautes imputables à la Banque Populaire Bourgogne ;

- de constater l'impossibilité pour la Banque Populaire Bourgogne de solliciter l'intégralité de la somme à la caution ;

- de constater le caractère manifestement disproportionné de l'engagement souscrit par M. [U] ès qualités de caution ;

- de constater que les revenus de M. [U] ne lui permettent pas de faire face à ces engagements manifestement disproportionnés au moment où il a été appelé ès qualités de caution ;

En conséquence,

- de dire et juger de nul effet les deux engagements de cautionnement ;

- de débouter la Banque Populaire Bourgogne de l'intégralité de ses prétentions ;

A titre subsidiaire,

- de constater en tout état de cause que M. [P] (sic) [U] n'est plus caution, au terme de l'acte de vente ;

- de débouter la Banque Populaire de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de M. [U] ;

Plus subsidiairement, si une confirmation sur le principe d'une condamnation devait intervenir,

- de dire et juger recevable et bien fondé l'appel en garantie à l'encontre de la société Meca Center ;

- de condamner la société Meca Center à relever et garantir M. [P] [U] de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

Plus subsidiairement encore, si une condamnation intervenait à l'encontre de M. [U],

- de dire et juger qu'un échelonnement de paiement doit être opéré sur vingt-quatre mois ;

En tout état de cause,

- de condamner la Banque Populaire Bourgogne et Meca Center, ou à qui d'entre eux mieux le devra à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'affaire.

Par conclusions notifiées le 1er octobre 2021, la Banque Populaire demande à la cour :

Vu les anciens articles 1134 et suivants du code civil,

Vu les articles 2288 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 332-1 du code de la consommation,

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier,

- de juger que l'acte de cession des parts de la société Garage [P] [U] est inopposable à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté ;

- de juger que les cautionnements souscrits par M. [P] [U] au profit de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté étaient parfaitement proportionnés à ses biens et revenus déclarés ;

- de juger que la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté a respecté ses obligations d'information ;

En conséquence,

- de confirmer le jugement déféré ;

- de débouter M. [P] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- de juger que la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté peut se prévaloir des cautionnements souscrits à son profit par M. [P] [U] ;

- de condamner M. [P] [U], en sa qualité de caution du contrat de prêt n°07127244, à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 36 465,45 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,30 % à compter du 29 octobre 2018 et ce, jusqu'au jour du

parfait règlement ;

- de condamner M. [P] [U], au titre de son cautionnement tous engagements, à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 15 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2018, et ce, jusqu'au jour du parfait règlement ;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts selon l'article 1343-2 du code civil. ;

- de condamner M. [P] [U] à payer à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner M. [P] [U] aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 7 octobre 2021, la société Meca Center demande à la cour :

Vu les articles L. 622-22 et suivants du code de commerce,

- de confirmer le jugement déféré ;

- de débouter M. [P] [U] de l'intégraIité de ses demandes ;

- de condamner M. [P] [U] à payer à la société Meca Center une somme de 2 500 euros au titre de I'articIe 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner aux entiers dépens de l'instance.

La clôture de la procédure a été prononcée le 27 septembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Sur les cautionnements

A titre liminaire, et bien que le dispositif des dernières écritures de M. [U] comporte une demande d'annulation des cautionnements, aucune motivation n'est développée à l'appui d'une telle demande, l'argumentation de l'appelant consistant uniquement à critiquer la proportionnalité de ses engagements, étant rappelé que la sanction de la disproportion d'un cautionnement ne réside pas dans la nullité de celui-ci, mais dans l'impossibilité pour le créancier de s'en prévaloir. Dès lors, seule sera prise en considération la demande de rejet des demandes en paiement formées par la banque.

1° Sur la disproportion des cautionnements

L'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

a) sur le cautionnement du prêt de 210 000 euros

Il est constant qu'une banque est fondée à se fier aux informations fournies par la caution relativement à ses revenus et patrimoine, sans avoir à en vérifier l'exactitude, dès lors qu'il ne résulte aucune anomalie apparente des éléments qui lui sont fournis.

En l'espèce, dans l'optique de la souscription de son engagement, M. [U] a complété le 6 septembre 2011 une fiche de renseignements produite aux débats par la Banque Populaire, et dont il résulte la perception d'un salaire annuel de 28 619 euros par lui-même, et de 9 992 euros par son épouse, la propriété d'une maison estimée à 230 000 euros, constituant un bien propre de la caution, et l'existence de trois concours financiers en cours de remboursement pour des montants initiaux respectifs de 130 490 euros, 16 769,39 euros et 24 600 euros, avec échéances respectives aux 10 février 2031, 10 août 2021 et 15 avril 2017.

Cette fiche de renseignements ne révèle aucune anomalie apparente, de sorte que la Banque Populaire n'était pas tenue de procéder au contrôle de la véracité des informations fournies.

Etant rappelé que le cautionnement a été donné pour un montant de 75 600 euros, cet engagement n'apparaît pas manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine de M. [U] lors de sa souscription, comme pouvant être couvert par la valeur nette du patrimoine immobilier propre et une fraction des revenus professionnels annuels de l'intéressé.

La confirmation s'impose en ce que la disproportion a été écartée concernant ce premier cautionnement.

b) sur le cautionnement tous engagements

Là-encore, la banque a pris soin de faire compléter par M. [U] une fiche de renseignements le 25 février 2014.

Il ressort de celle-ci des pertes annuelles de 8 855 euros concernant la dernière année d'activité de la caution, et un salaire mensuel de 1 150 euros concernant son épouse, la possession d'une maison d'une valeur estimée à 130 000 euros constituant un bien commun, et l'existence d'un emprunt de 38 000 euros auprès du Crédit Agricole, sur lequel restait à rembourser un montant de 19 477,72 euros.

La mise en perspective de cette fiche de renseignements avec celle établie le 6 septembre 2011 dans le cadre du précédent cautionnement révèle l'existence d'anomalies manifestes, que la banque aurait dû relever. Ainsi, la maison qui était précédemment mentionnée comme constituant un bien propre d'une valeur de 230 000 euros, est désormais indiquée comme correspondant à un bien commun d'une valeur de 130 000 euros seulement. Par ailleurs, les trois prêts mentionnés en 2011, qui arrivaient pourtant tous à échéance postérieurement, ne figurent plus à la fiche de renseignement de 2014, qui porte l'indication d'un seul prêt en cours, à échéance du 5 juillet 2017, lequel ne figurait pas à la fiche précédente. Enfin, il n'est fait strictement aucune mention d'un engagement de caution antérieur, alors qu'aurait a minima dû y figurer l'engagement de 75 600 euros souscrit en 2011.

En l'état de telles anomalies, la Banque Populaire, qui aurait dû procéder à des vérifications complémentaires, ne peut argumenter sur l'absence de disproportion en se référant aux seules informations portées sur la fiche de renseignements.

M. [U] verse aux débats le prêt immobilier souscrit pour la maison, dont il ressort qu'il s'agissait d'une construction neuve d'une valeur de 157 000 euros, alors qu'aucun autre élément ne permet objectivement d'assigner une valeur plus élevée à ce bien immobilier. Celui-ci a été financé au moyen d'un apport personnel de 10 002,61 euros et d'un prêt immobilier pour le surplus, au titre duquel, selon le tableau d'amortissement fourni, il restait dû en capital la somme de 103 426 euros à la date du cautionnement litigieux. Il restait en outre à rembourser un capital de 19 089,23 euros concernant le prêt de 38 000 euros indiqué à la fiche de renseignements. Si, faute de production des tableaux d'amortissement correspondants, les montants restant dus relativement aux deux autres prêts indiqués dans la fiche de renseignements de 2011 ne peuvent être déterminés précisément, l'existence de ces prêts et leurs échéances postérieures (2021 pour l'un, 2017 pour l'autre) ne sont pas contestées, et résultent au demeurant des pièces produites, de sorte qu'il restait nécessairement un résiduel à rembourser pour chacun d'eux.

Dès lors par ailleurs que les résultats de l'activité de M. [U] étaient négatifs, et qu'il était déjà engagé à hauteur de 75 600 euros par le précédent cautionnement, il doit être retenu que le nouvel engagement consenti à hauteur de 15 000 euros était manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine au moment de sa souscription.

La banque intimée ne produit quant à elle aucun élément concret de nature à démontrer que cette disproportion aurait cessé à la date à laquelle elle a actionné M. [U].

Dans ces conditions, elle ne peut se prévaloir de cet engagement de caution, la décision entreprise étant infirmée en ce sens.

2° Sur les sommes dues

Le tribunal a expressément déchu la Banque Populaire de tous les accessoires de la dette au motif de l'absence de justification du respect de l'obligation d'information annuelle de la caution.

Bien que celle-ci soutienne n'avoir pas manqué à cette obligation, elle conclut à la confirmation du jugement déféré, sans aucunement solliciter l'infirmation du chef l'ayant déchue des accesoires de la dette, de sorte que le non-respect de l'obligation d'information annuelle doit êtrre considéré comme acquis.

Il résulte des pièces produites par l'intimée que le capita restant dû au titre du prêt du 30 septembre 2011 s'élève à 120 304,26 euros. Le cautionnement de M. [U] étant expressément limité à 30 % du capital restant dû, sa dette s'établit à 36 091,28 euros.

Compte tenu de la déchéance de la banque du droit aux intérêts et accessoires, l'appelant sera en définitive condamné à payer à la Banque Populaire cette somme de 36 091,28 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 janvier 2019. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur l'appel en garantie

Contrairement à ce que peut laisser penser le dispositif des dernières écritures d'appel de M. [U], dont la rédaction est incohérente avec leur contenu, l'intéressé ne soutient pas à hauteur de cour que la clause de reprise des cautionnements contenue dans l'acte de cession de parts sociales du 7 avril 2017 serait opposable à la banque.

L'appelant fait valoir que la société Meca Center avait manqué à l'obligation prise à son égard de le décharger des cautionnements souscrits en garantie des engagement s de la société cédée, de sorte qu'elle devait le garantir du paiement des sommes dont il avait été reconnu redevable envers la Banque Populaire.

La société Meca Center conclut à la confirmation de la décision querellée, en faisant valoir que ni M. [U], ni le notaire ne l'avaient informée des engagements à reprendre. Elle ajoute qu'en tou état de cause, l'obligation souscrite n'était que de simple moyen, et que la reprise des cautionnements nécessitait l'accord de la banque, laquelle n'aurait jamais consenti à susbtituer une garantie moindre à la garantie dont elle disposait.

La société Meca Center consacre ensuite divers développements à des manquements dont elle fait grief à M. [U] dans la manière avec laquelle il avait continué de gérer le garage après la cession des parts sociales. La cour n'entrera cependant pas dans le détail de cette argumentation, qui n'est pas de nature à justifier l'inexécution contractuelle qui lui est reprochée dans le cadre du contrat de cession.

La clause de reprise des cautionnements est libellée ainsi qu'il suit : 'le cessionnaire s'engage à reprendre les actes de cautionnement souscrits auprès de partenaires financiers de la société objet des présentes par le cédant et son conjoint. A cet effet, le cessionnaire s'engage à réaliser sans délai toutes les démarches nécessaires afin de reprendre en son nom et ou celui de ses associés lesdits engagements de telle sorte que le cédant ainsi que son conjoint soient déchargés de toute responsabilité à cet égard.'

Aux termes de cette stipulation, c'est le cessionnaire, soit la société Meca Center, qui s'engageait à réaliser sans délai les démarches nécessaires à la reprise des cautionnements. C'est donc à celle-ci qu'incombait notamment la charge de s'enquérir auprès du cédant de la liste des engagements concernés. Il en résulte que les premiers juges ne pouvaient, sans renverser la charge de l'obligation, imputer à faute à M. [U] le fait de ne pas démontrer avoir informé son cocontractant des engagements dont elle devait le relever.

Or, la société Meca Center ne justifie, ni même n'allègue avoir, à quelque moment que ce soit, sollicité M. [U] pour connaître la liste et le détail des engagements à reprendre. Dans ces conditions, elle a sans conteste manqué à l'obligation contractée.

Le préjudice né de cette inexécution s'analyse pour M. [U] en une perte de chance de ne pas être actionné en paiement par la Banque Populaire. Ce dommage s'apprécie à l'aune de la chance perdue, et ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Pour l'appréciation de la perte de chance, il doit nécessairement être tenu compte du fait que la reprise des cautionnements ne pouvait se faire sans l'accord de la banque. A cet égard, c'est cependant vainement que la société Meca Center, qui ne soutient même pas avoir sollicité un tel accord, affirme qu'il aurait été impossible à obtenir, dès lors qu'il s'agissait de substituer à une caution personne physique une caution personne morale présentant moins de garanties, étant en effet observé que la reprise était expressément stipulée comme pouvant également se faire en la personne physique des associés de la société cessionnaire. En l'absence de production par l'intimée d'éléments concrets permettant d'apprécier de manière plus précise l'étendue des garanties susceptibles d'être offertes à la banque par la société Meca Center ou ses associés, il y a lieu de fixer le taux de perte de chance à 50 %.

La société Meca Center sera en conséquence condamnée à garantir M. [U] de la condamnation prononcée à son encontre au profit de la Banque Populaire, dans la limite de 50 %. La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur les délais de paiement

Il ne résulte pas des pièces versées aux débats par M. [U] un retour à meilleure fortune permettant d'envisager l'apurement de la dette dans le délai légal.

Le rejet de la demande d'échelonnement sera donc confirmé.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé s'agissant des dépens, mais infirmé concernant les frais irrépétibles.

La Banque Populaire et la société Meca Center sera condamnée aux dépens d'appel, chacune pour moitié.

Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge des frais de défense irrépétibles qu'elles ont engagés, tant en première instance qu'en appel.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Infirme le jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lons le Saunier en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie formé par M. [P] [U] à l'encontre de la SASU Meca Center, et condamné M. [U] [P] à verser à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté les sommes suivantes :

* 36 465,45 euros correspondant au montant du solde débiteur du prêt n° 07127244, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 29 octobre 2018 ;

* 15 000 euros, correspondant au montant du solde débiteur du prêt n° 244510, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 29 octobre 2018 ;

* 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant :

Condamne M. [P] [U] à verser à la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté la somme de 36 091,28 euros au titre de son engagement de caution du 28 septembre 2011, outre intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2019 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

Rejette la demande formée par la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté à l'encontre de M. [P] [U] au titre du cautionnement tous engagements du 25 février 2014;

Condamne la SASU Meca Center à garantir M. [P] [U] à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre lui au profit de la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Banque Populaire Bourgogne Franche-Comté et la SASU Meca Center aux dépens d'appel, chacune pour moitié.

Ledit arrêt a été signé par Monsieur Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibérén, et par Madame Zait, greffier.

Le greffier, Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00725
Date de la décision : 03/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-03;21.00725 ?
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