ARRÊT N°
JFL/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
Contradictoire
Audience publique du 22 novembre 2022
N° de rôle : N° RG 21/00687 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELTG
S/appel d'une décision du TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL en date du 09 février 2021 [RG N° 21/00015]
Code affaire : 50A Demande en nullité de la vente ou d'une clause de la vente
SAS DAVIS MONGAZONS C/ [C] [O], [I] [Z], [G] [K]
PARTIES EN CAUSE :
SAS DAVIS MONGAZONS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, inscrite au RCS de Versailles sous le numéro 302 329 677
Sise [Adresse 4]
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
APPELANTE
ET :
Monsieur [C] [O]
né le 10 Avril 1948 à [Localité 6]
de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Anne LAGARRIGUE de la SELARL ANNE LAGARRIGUE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE, avocat postulant
Représenté par Me Séverine MINAUD de la SELARL MINAUD CHARCELLAY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocat plaidant
Monsieur [I] [Z]
né le 12 Décembre 1969 à [Localité 7], de nationalité française, employé,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Charline BONNOT de la SCP LVL BONNOT- BARRAIL - POIROT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE
Monsieur [G] [K]
de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.
GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.
Lors du délibéré :
PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,
ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 22 novembre 2022 a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, prorogé au 21 février 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
Exposé du litige
M. [C] [O] a acquis le 10 juin 2017 au prix de 48 500 euros un véhicule de marque Porsche auprès de M. [I] [Z], qui l'avait lui-même acquis auprès de M. [G] [K], lequel l'avait acquis auprès de la SAS Davis Mongazons. Apprenant que le kilométrage de 108 200 km indiqué par le vendeur, de même que celui affiché au compteur, était inférieur à celui de 141 054 km indiqué par le calculateur électronique, il a demandé une expertise judiciaire dont le rapport en date du 2 octobre 2018 relève d'une part des anomalies affectant les données de l'ordinateur de bord dont un nombre de kilomètres supérieur à celui du compteur dès le 14 janvier 2013, et d'autre part diverses anomalies mécaniques mineures, avant d'évaluer le prix du véhicule au regard de son véritable kilométrage à 6 696 euros de moins, et le montant des réparations à 1 273,16 euros.
Ne parvenant pas à s'accorder avec son vendeur, M. [O] l'a assigné, le 8 janvier 2019, en annulation de la vente, restitutions réciproques et dommages et intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés. M. [Z] a assigné en garantie M. [G] [K] le 25 mars suivant, lequel, à son tour, a assigné en garantie la SAS Davis Mongazons le 9 juillet de la même année.
Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Vesoul, a :
sur l'instance principale,
- prononcé la résolution de la vente consentie par M. [Z] à M. [O] ;
- ordonné la restitution du véhicule directement à la société Davis Mongazons, aux frais et charges de cette dernière ;
- condamné la société Davis Mongazons à payer directement à M. [O] les sommes de 48 500 euros en restitution du prix de vente, 273,16 euros de dommages et intérêts pour frais imputables aux vices cachés, 2 000 euros de dommages et intérêts pour trouble de jouissance ;
- condamné M. [Z] à payer à M. [O] la somme de 763,66 euros au titre des frais occasionnés par la vente ;
- condamné in solidum M. [Z] et la société Davis Mongazons à payer à M. [O] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté les parties du surplus ;
- condamné M. [Z] et la société Davis Mongazons aux dépens de l'instance principale, dont distraction au profit de Me Lagarigue ;
sur les appels en garantie,
- condamné la société Davis Mongazons à garantir M. [Z] et M. [K] de l'ensemble des condamnations prononcées contre eux ;
- condamné M. [K] à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamné la société Davis Mongazons à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamné la société Davis Mongazons à payer les dépens des appels en garantie, dont distraction au profit de la SCP Ridel-Stafani-Duval-Baïsas-Toufflet.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :
- que la falsification du kilométrage, indécelable sans moyens informatiques sophistiqués, constituait un vice caché ignoré de M. [O] lorsqu'il a acheté le véhicule à M. [Z],
- que la difficulté de revendre le véhicule, en raison de l'impossibilité de connaître exactement son historique d'entretien du fait de la manipulation du module DME et de l'absence de carnet d'entretien d'origine, affectait l'usage du véhicule au point que M. [O] ne l'aurait pas acquis ou en aurait donné un prix moindre ;
- que ce vice est assez grave pour justifier la résolution de la vente ;
- que les restitutions seront réciproques, 'sauf pour [M. [Z]] à exercer une action directe contre la société par actions simplifiées Davis Mongazons, vendeuse initiale, à qui le véhicule automobile sera restitué et qui seule sera tenue à la restitution du prix' ;
- que le vendeur, ignorant lui aussi du vice, ne pouvait être tenu qu'à la restitution du prix et aux frais occasionnés par la vente, conformément à l'article 1646 du code civil ;
- que les vendeurs antérieurs MM. [Z] et [K], également ignorants du vice, ne pouvaient être tenus à dommages et intérêts, conformément à l'article 1645 du même code ;
- qu'en revanche la société Davis Mongazons, professionnelle de l'automobile, était tenue de connaître les vices affectant le véhicule qu'elle vendait et devait en conséquence réparer les dommages en résultant ;
- que le vendeur initial devait sa garantie à tous les acquéreurs successifs, qui disposent à son encontre d'une action directe ;
- que M. [Z] et M. [K] étaient 'recevables ' à demander 'l'annulation' des ventes dont ils ont bénéficié,
- que M. [Z] avait droit à la restitution du prix payé, soit 48 500 euros, 'qui sera directement payée par la société (...) Davis Mongazons entre les mains d'[C] [O] et [a] laquelle sera directement restitué le véhicule'
- qu'en outre la société Davis Mongazons doit garantir MM. [Z] et [K] de l'ensemble des condamnations prononcées contre eux.
La société Davis Mongazons a interjeté appel de cette décision contre les trois autres parties par déclaration parvenue au greffe le 19 avril 2021.
L'appel porte sur la restitution du véhicule, sur sa condamnation à payer des sommes à M. [O] au titre de la restitution du prix de vente et des divers dommages et intérêts, sur sa condamnation à payer une somme à M. [O] au titre des frais irrépétibles, sur l'exécution provisoire, sur le débouté du surplus des demandes, sur sa condamnation aux dépens de l'instance principale, sur sa condamnation à garantir MM. [Z] et [K], sur sa condamnation à payer une somme à M. [K] au titre des frais irrépétibles et sur sa condamnation aux dépens de l'appel en garantie.
Par conclusions transmises le 23 novembre 2021, l'appelante, au visa des articles 4 et 55 du code de procédure civile et subsidiairement des articles 1641 et suivants du code civil, 122 du code de procédure civil et L. 110-4 du code de commerce, demande à la cour de :
- annuler le jugement ;
- infirmer les chefs de jugement critiqués par son appel ;
- dire M. [O] irrecevable et mal fondé en sa demande de rectification du jugement ;
- dire M. [O] prescrit en ses demandes contre la société Davis Mongazons ;
- débouter les intimés de toute demande contre elle ;
- condamner M. [O] à lui payer 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 12 euros par jour depuis le 14 septembre 2021 et jusqu'à ce que M. [O] vienne récupérer le véhicule ;
- condamner tout succombant à lui payer 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les dépens.
L'appelante soutient :
- que, par application des articles 4 et 455 du code de procédure civile, le jugement est d'abord nul pour défaut de motivation, auquel s'assimile un défaut de réponse aux demandes des parties, en ce qu'il condamne la société Davis Mongazons sans se prononcer sur les demandes d'annulation des ventes intervenues au profit de M. [K] puis de M. [Z] ;
- et que le jugement est encore nul pour statuer ultra petita, ayant ordonné la restitution du véhicule à la société Davis Mongazons alors qu'aucune partie de le demandait ;
- qu'il ne s'agit pas d'une omission de statuer dont M. [O] pourrait demander la réparation à la cour dès lors qu'il n'a pas qualité pour le faire, à la différence de M. [Z] et de M. [K] qui toutefois ne présentent pas de demande en ce sens ;
- que l'action en garantie des vices cachés exercée par M. [O] contre la société Davis Mongazons est prescrite pour avoir été exercée plus de cinq ans à compter de le vente initiale ;
- que cette fin de non-recevoir ne ressortissait pas à la compétence exclusive du conseiller de la mise en état qui n'aurait pu statuer sans remettre en cause le jugement soumis à la cour ;
- que la prescription de l'action exercée par M. [O] n'a pas été interrompue par l'assignation délivrée le 31 mars 2018 par M. [K] à la société Davis Mongazons, l'interruption en résultant ne bénéficiant qu'à M. [K] ;
- que la prescription a couru avant de dépôt du rapport d'expertise dès lors que M. [O] était informé des problèmes de kilométrage dès l'année 2017 ;
- que la majoration kilométrique ne constitue par un vice caché lorsqu'il ne diminue pas l'usage du véhicule, mais constitue seulement un défaut de conformité ;
- qu'en outre le vice allégué n'est pas démontré par l'expert, l'écart entre le calculateur et le compteur ne révélant pas nécessairement que le kilométrage faux soit celui du compteur ;
- que l'exécution provisoire du jugement est faite aux risques et périls de celui qui la poursuit et l'oblige, en cas de modification ultérieure du titre, à en réparer les conséquences dommageables même en l'absence de faute ;
- que M. [O] devra donc non seulement restituer les sommes payées en exécution du jugement, mais encore payer 1 000 euros de dommages intérêts au titre des frais de transport du véhicule lors de sa restitution, ainsi que 12 euros par jour depuis le 14 septembre 2021 et jusqu'à ce qu'il reprenne le véhicule.
M. [O], par conclusions transmises le 3 janvier 2022 demande à la cour de :
- réparer l'omission de statuer en prononçant la résolution des deux ventes antérieures à son acquisition ;
- rejeter la demande en annulation du jugement ;
- 'débouter la SAS Mongazons de sa demande de prescription' ;
- prononcer la résolution de la vente consentie par M. [Z] à M. [O] ;
- condamner M. [Z] à lui payer :
* 48 000 euros en restitution du prix de vente ;
* 733,66 euros en remboursement des frais de la vente ;
* 1 273,16 euros en remboursement des frais imputables aux vices cachés ;
* 2 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
- ordonner la restitution du véhicule à M. [Z], aux frais et charges de ce dernier ;
- prononcer la résolution de la vente consentie par M. [K] à M. [Z] ;
- prononcer la résolution de la vente consentie par la société Davis Mongazons à M. [K] ;
- condamner in solidum la société Davis Mongazons, M. [Z] et M. [K] à lui payer les sommes précitées ;
- ordonner la restitution du véhicule à M. [K] aux frais et charges de ce dernier ;
- ordonner la restitution du véhicule directement à la société Davis Mongazons ;
- débouter la société Davis Mongazons de toute demande ;
- condamner in solidum la société Davis Mongazons, M. [K], et M. [Z] à lui payer 3 500 euros pour ses fais irrépétibles d'appel et 6 000 euros pour ceux d'appel, ainsi qu'à payer les dépens, dont distraction au profit de Me Lagarrigue ;
subsidiairement,
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Davis Mongazons à lui payer directement la somme de 273,16 euros et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
statuant à nouveau,
- prononcer la résolution des deux ventes antérieures ;
- condamner in solidum la société Davis Mongazons, M. [Z] et M. [K] à lui payer les sommes précitées ; - ordonner la restitution du véhicule à M. [K] aux frais et charges de ce dernier ;
- ordonner la restitution du véhicule directement à la société Davis Mongazons ;
- condamner in solidum la société Davis Mongazons, M. [K], et M. [Z] à lui payer 6 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'à payer les dépens d'appel ;
en toute hypothèse ;
- débouter M. [K] de sa demande de réformation du jugement et de condamnation ;
- débouter M. [Z] de sa demande de réformation du jugement et de condamnation ;
- débouter la société Mongazons de toute demande.
L'intimé soutient :
- que premier juge a omis de statuer sur l'annulation des ventes [Z]/[O] et [K]/[Z], qui lui était demandée ;
- que cette omission de statuer ne cause pas la nullité du jugement ;
- que la cour, saisie de cette difficulté dans le cadre de la demande d'annulation, peut réparer cette omission ;
- que sa demande en restitution du véhicule à la société Davis Mongazons se déduisait de ses conclusions suivant lesquelles 'si la SAS Davis Mongazons devait être tenue à garantie, Monsieur [O] apparaît fondé solliciter que lui soit également déclarée opposable la nullité de la vente litigieuse avec toutes conséquences de droit ainsi que sa condamnation in solidum au paiement de toutes condamations prononcées à son profit' ;
- qu'en cas d'annulation la cour devra statuer sur le fond du litige dont elle reste saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;
- que la prescription, valablement interrompue à l'égard des trois défendeurs, a commencé à courir à compter des ordonnances d'expertise ou d'extension d'expertise, de sorte que l'action contre la société Davis Mongazons a été exercée avant expiration du délai quinquennal prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce ;
- que la restriction à la possibilité de revendre le véhicule constitue un défaut caché qui en affecte l'usage ;
- que les désordres relevés par l'expert étaient tous antérieurs à la vente et ne pouvaient être détectés par un acquéreur profane ;
- que son préjudice de jouissance devra être réparé par M. [Z] ;
- que si les appels en garantie exercés par M. [Z] et par M. [K] devaient être retenus, et si la résolution de toute les ventes était ordonnée, la nullité de la vente leur sera déclarée opposable avec toutes conséquences de droit, dont 'la condamnation in solidum de M. [Z], M. [K] et la SAS Davis Mongazons au paiement de l'ensemble des condamnations prononcées au profit de lui-même', qui impliquent la restitution du véhicule, la restitution du prix de vente et des frais occasionnés par la vente, les dommages et intérêts, les frais irrépétibles et les dépens.
M. [Z], par conclusions transmises le 14 octobre 2021 portant appel incident et visant l'article 1641 du code civil, demande à la cour de :
- dire n'y avoir lieu à annuler le jugement ;
- dire la société Davis Mongazons irrecevable à soulever la prescription dans ses conclusions au fond ;
- réformer le jugement ;
- débouter M. [O] de ses demandes ;
- débouter la société Davis Mongazons de ses demandes ;
- débouter M. [K] de ses demandes ;
- condamner M. [O] à lui payer 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et à payer les dépens ;
subsidiairement si la vente entre M. [Z] à M. [O] était annulée,
- annuler la vente passée entre lui et M. [K] ;
- condamner M. [K] à le garantir de toute condamnation ;
- dire que 'seuls les frais directement liés à la vente seront comptabilisés' ;
- débouter M. [O] des autres demandes ;
- débouter la société Davis Mongazons de ses demandes ;
- débouter M. [K] de ses demandes ;
- condamner tout succombant à lui payer 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les autres parties aux dépens dont distraction au profit de Me Economou.
M. [Z] soutient :
- qu'aucun motif sérieux ne saurait conduire à l'annulation de la vente ;
- que la société Davis Mongazons est irrecevable à soulever la prescription pour la première fois devant la cour ;
- que les diverses assignations en référé avaient interrompu la prescription de l'action exercée contre elle par 'M. [K]' ;
- que la majoration du kilométrage ne rend par le véhicule impropre à son usage et ne justifie donc pas l'annulation de la vente ;
- que l'acquéreur final a pu rouler avec le véhicule et ne subit donc pas de préjudice de jouissance ;
- que le vendeur de bonne foi est tenu seulement à la restitution du prix de vente aux frais liés à la vente, ce qui exclut la facture Porsche et permet de retenir seulement les frais de certificat d'immatriculation ;
- que la cour, si elle annule la dernière vente, devra annuler également la vente antérieure, et condamner le vendeur antérieur M. [K] à restituer le prix vente, à rembourser les frais de vente, à rembourser les dépenses faites sur le véhicule, et à le garantir de toute condamnation.
M. [K] a constitué avocat mais n'a pas conclu et sera donc réputé faire siens les motifs du premier juge.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'instruction a été clôturée le 2 novembre 2022. L'affaire a été appelée à l'audience du 22 novembre 2022 et mise en délibéré au 24 janvier 2023, avec prorogation au 21 février 2023.
Motifs de la décision
Sur la nullité du jugement
L'omission de statuer, qui consiste pour le juge à ne pas répondre à une demande qui lui était soumise par les parties, est distincte du défaut de motivation, qui consiste au contraire à répondre aux demandes mais sans indiquer les raisons de la réponse, et ne fait donc pas encourir au jugement affecté d'omission les sanctions réservées au jugement dépourvu de motifs.
L'omission de statuer n'entraîne pas la nullité du jugement, aucun texte ne le prévoyant, mais ouvre aux parties le recours en omission de statuer prévu à l'article 463 du code de procédure civile.
De même, l'ultra petita, qui consiste pour le juge à aller au-delà des demandes des parties en statuant sur un point qu'elles ne lui soumettaient pas, n'est pas une cause de nullité mais de retranchement, qui intervient soit sur requête présentée au premier juge au visa de l'article 464 du code précité, soit par voie d'appel.
Ainsi, les causes de nullité invoquées étant inopérantes, la cour déboutera la société Davis Mongazons de sa demande en annulation du jugement.
Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le conseiller de la mise en état ne peut connaître des fins de non-recevoir qui ont été
tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge (en ce sens Civ. 2ème, avis, 3 juin 2021, n° 21-70.006). Il en résulte que le conseiller de la mise en état, saisi de la fin de non-recevoir invoquée au titre de la prescription de l'action en garantie des vices cachés, n'aurait pu y faire droit, le cas échéant, sans remettre en cause la résolution de la vente et ses conséquences, soumise à la cour, et méconnaître ainsi la limite de ses pouvoirs. Dès lors qu'ainsi elle était irrecevable devant le conseiller de la mise en état, la fin de non-recevoir tirée de la prescription reste recevable devant la cour.
Par ailleurs, elle est parfaitement recevable, bien que n'ayant pas été formée en première instance, par application de l'article 123 du code de procédure civile, selon lequelles fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.
Les fins de non-recevoir opposées par M. [O] au titre de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et au titre de la prohibition des demandes nouvelles en appel seront donc rejetées et la fin de non-recevoir tirée de la prescription par la société Mongazons sera déclarée recevable.
Sur la prescription de l'action exercée par M. [O] contre la société Davis Mongazons
Alors qu'avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun, il résulte des articles 2224 et 2232 du code civil dans leur nouvelle rédaction que l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente (en ce sens 3e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-16.986).
La vente du véhicule par la société Davis Mongazons datant du 28 novembre 2013, l'action a été introduite contre cette société par M. [O] à l'intérieur du délai butoir de vingt ans qui a couru à cette date.
Quant au délai de deux ans, le vice a été découvert par M. [O] le 24 juillet 2017, lorsque le centre Porsche de [Localité 5] l'a informé de la différence entre le kilométrage affiché au compteur et celui indiqué par le calculateur électronique du moteur, mais il n'apparaît pas que M. [O] ait eu connaissance de l'existence de la société Davis Mongazons dans la chaîne des ventes avant le 3 juillet 2018, date de l'ordonnance de référé qui a étendu l'expertise à cette société, sur assignation de M. [K]. Cette date est donc le point de départ du délai biennal de l'action dirigée par M. [O] contre la société Davis Mongazons.
M. [O], qui n'a pas assigné la société Davis Mongazons, n'indique pas la date à laquelle il a agi pour la première fois contre elle. Cette date est nécessairement celle des conclusions au fond dans lesquelles il a présenté pour la première fois des demandes contre cette société. Celles-ci sont nécessairement postérieures à l'intervention de la même société devant le juge du fond, qui résulte de l'assignation en intervention forcée que lui a délivrée M. [K] le 9 juillet 2019. Elles sont en revanche antérieures à ses dernières conclusions transmises le 30 juin 2020, date à laquelle le délai biennal de prescription n'était pas expiré. L'action a donc été exercée avant l'expiration du délai biennal.
En conséquence, l'action exercée par M. [O] contre la société Davis Mongazons sera déclarée recevable.
Sur les vices cachés
L'article 1641du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. L'obligation de garantie des vices cachés est distincte de l'obligation de délivrance résultant de l'article 1604 du même code, qui oblige le vendeur à livrer à l'acquéreur une chose conforme aux caractéristiques convenues.
Lors de la vente d'une voiture, l'indication d'un kilométrage erroné caractérise un manquement à l'obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties et non un vice caché (en ce sens Civ. 1ère, 8 octobre 2009, n° 08-20.282, ou encore Civ. 1ère, 16 janvier 2013, n° 11-28.387).
La difficulté de revendre le véhicule en raison de l'impossibilité de connaître exactement son historique d'entretien du fait de la manipulation du module Digital Motor Electrics (DME) et de l'absence de carnet d'entretien d'origine, relevée par l'expert, n'empêche pas de se servir normalement du véhicule, n'en diminue donc pas l'usage, et ne constitue pas donc pas un vice au sens de l'article 1641.
Il en va de même de l'échappement remonté sans joint et du soufflet de transmission à remplacer, défauts mineurs aisément réparables qui n'ont ni empêché ni diminué l'usage du véhicule.
Le fait que le témoin de sonde lambda restait allumé était un défaut apparent, ainsi que le confirment les échanges intervenus à cet égard entre le vendeur et l'acquéreur quant aux moyens d'y remédier. Étaient également apparents les défauts du carnet de bord, en ce que la simple consultation de ce document avant la vente permettait de les déceler.
En conséquence, les conditions de la garantie des vices cachés n'étant pas réunies, et la garantie de délivrance ni aucun autre fondement juridique n'étant invoqués à titre subsidiaire, la cour infirmera le jugement en toutes ses dispositions.
L'appelante relève exactement que M. [O] est irrecevable à demander la résolution des ventes antérieures, auxquelles il n'était pas partie, ce qui le prive d'intérêt à agir.
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant du chef de la résolution des ventes antérieures sur lesquelles le premier juge avait omis de statuer :
- déboutera M. [O] de sa demande en résolution de la vente passée avec M. [Z] ;
- le déclarera irrecevable à demander la résolution des ventes passées par celui-ci avec M. [K] et par ce dernier avec la société Davis Mongazons ;
- le déboutera de ses demandes tendant à la restitution du véhicule ;
- le déboutera de sa demande tendant à la condamnation in solidum la société Davis Mongazons, M. [Z] et M. [K] à lui payer diverses sommes.
Sur l'indemnisation de l'exécution forcée
Contrairement à ce que soutient M. [O], l'infirmation emporte de plein droit obligation de restituer les sommes dues en exécution de la décision infirmée. L'arrêt infirmatif constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution. Les sommes restituées ne portent intérêt au taux légal qu'à compter de la notification de l'arrêt infirmatif valant mise en demeure. La restitution étant de droit, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.
En application de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire à titre provisoire, mais aux risques du créancier qui doit rétablir le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié, y compris les conséquences dommageables et même en l'absence de faute (en ce sens Cour de cassation, Chambre civile 2, 30 janvier 2020, 18-25.305).
Le commandement de payer afin de saisie vente signifié le 21 juillet 2021 à la société Davis Mongazons à la demande de M. [O] établit l'exécution forcée du jugement en ce qu'il a condamné cette société à lui payer diverses sommes.
En revanche, la restitution du véhicule, qui a eu lieu le 14 septembre 2021,n'apparaît pas relever de l'exécution forcée du jugement dès lors que le commandement de payer précité n'en fait pas mention et qu'aucun autre acte comminatoire n'est invoqué. De même, les frais subséquents de stockage du véhicule depuis la même date ne peuvent être rattachés à l'exécution forcée du jugement.
Dès lors que la société Mongazons n'invoque pas d'autre fondement au soutien de sa demande indemnitaire, elle sera déboutée de ce chef.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute la société Davis Mongazons de sa demande en annulation du jugement rendu entre les parties le 9 février 2021 par le tribunal judiciaire de Vesoul ;
Rejette les fins de non-recevoir opposées par M. [C] [O] au titre de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et au titre de la prohibition des demandes nouvelles en appel ;
Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription par la société Davis Mongazons ;
La rejette et déclare recevable l'action exercée par M. [O] contre la société Davis Mongazons ;
Infirme le jugement précité en toutes ses dispositions, dans les limites de l'appel ;
statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [O] de sa demande en résolution de la vente passée avec M. [Z] ;
Le déclare irrecevable à demander la résolution des ventes passées par celui-ci avec M. [K] et par ce dernier avec la société Davis Mongazons ;
Le déboute de ses diverses demandes tendant à la restitution du véhicule ;
Le déboute de sa demande tendant à la condamnation in solidum la société Davis Mongazons, M. [Z] et M. [K] à lui payer les sommes de 48 000 euros en restitution du prix de vente, 733,66 euros en remboursement des frais de la vente, 1 273,16 euros en remboursement des frais imputables aux vices cachés, et 2 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
Déboute la société Davis Mongazons de sa demande d'indemnisation de l'exécution forcée ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [O] aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
La greffière Le président de chambre