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21/02/2023 | FRANCE | N°21/01631

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 21 février 2023, 21/01631


ARRÊT N°



JFL/FA









COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 22 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/01631 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENOJ



S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 21 juillet 2021 [RG N° 21/000749]

Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionn

er le non-paiement du prix





S.A. AXA FRANCE IARD C/ S.A.S. LA TABLE DE NICOLAS





PARTIES EN CAUSE :





S.A. AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences en la personne de son r...

ARRÊT N°

JFL/FA

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 22 novembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/01631 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENOJ

S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANCON en date du 21 juillet 2021 [RG N° 21/000749]

Code affaire : 50B Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix

S.A. AXA FRANCE IARD C/ S.A.S. LA TABLE DE NICOLAS

PARTIES EN CAUSE :

S.A. AXA FRANCE IARD agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal demeurant audit siège, inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 722 057 460

Sise [Adresse 2]

Représentée par Me Camille BEN DAOUD de la SELARL HBB AVOCAT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Fabrice CHARLEMAGNE de la SCP BEZIZ-CLEON - CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

APPELANTE

ET :

S.A.S. LA TABLE DE NICOLAS, société par action simplifiée à associé unique

Sise [Adresse 1]

Représentée par Me Emilie BAUDRY de la SELARL BALLORIN-BAUDRY, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

INTIMÉE

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.

GREFFIER : Madame Fabienne ARNOUX, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre,

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE, magistrat rédacteur et Cédric SAUNIER, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 22 novembre 2022 a été mise en délibéré au 24 janvier 2023, prorogé au 21 février 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé du litige

La SAS La Table de Nicolas a souscrit le 21 février 2021 un contrat d'assurance multirisque professionnel auprès de la SA AXA France Iard (la société AXA) pour couvrir son activité de restauration, en particulier contre le risque de pertes d'exploitation causées par une fermeture administrative pour maladie contagieuse, meurtre, suicide, épidémie ou intoxication, garantie toutefois exclue lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit la nature de son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour motif identique.

L'épidémie de covid-19 a conduit le gouvernement, par arrêté du 14 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, puis par décret du 29 octobre 2020 du Premier ministre, à interdire sur tout le territoire national l'accueil du public dans les commerces non indispensables à la vie de la Nation, dont les restaurants. Cette interdiction a eu effet du 14 mars au 2 juin 2020 puis du 29 octobre au 19 mai 2021.

Ayant déclaré un sinistre au titre des deux périodes de fermeture, mais s'étant heurtée à un refus de garantie de son assureur, l'assurée, l'a assigné le 2 avril 2021 aux fins de condamnation à l'indemniser de pertes d'exploitation causées par l'interdiction d'accueillir du public.

Le tribunal de commerce de Besançon, par jugement rendu le 21 juillet 2021, a :

- dit inopposable à SAS La Table de Nicolas la clause d'exclusion de garantie ;

- condamné la société AXA à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 30 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive ;

- débouté la SAS La Table de Nicolas de sa demande d'astreinte ;

- ordonné une expertise judiciaire pour déterminer les pertes d'exploitation litigieuses,

- sursis à statuer sur l'indemnisation définitive,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les frais irrépétibles à ce stade de la procédure et réservé les dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que l'arrêté ministériel du 14 mars 2020 et le décret du 29 octobre 2020, qui interdisent aux restaurants d'accueillir du public, étaient des décisions de fermeture prises par l'autorité administrative compétente en conséquence d'une épidémie ; que l'exclusion de garantie qui, dans le doute, devait être interprétée contre l'assureur qui avait proposé un contrat d'adhésion, était inopposable à l'assurée en ce qu'elle n'était ni formelle ni limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, et en ce qu'elle vidait la garantie de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil.

La société AXA a interjeté appel de cette décision par déclaration parvenue au greffe le 3 septembre 2021 en critiquant expressément tous ses chefs, sauf sur l'astreinte et sur les frais irrépétibles.

Par conclusions transmises le 7 mars 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit la clause d'exclusion inopposable à l'assurée, l'a condamnée à payer une provision, 'rejeté la demande d'astreinte' et a ordonné une expertise ;

- débouter l'intimée de toutes demandes ;

- la condamner à restituer les sommes versées ;

- annuler la mesure d'expertise ;

- subsidiairement modifier la mission de l'expert ;

- en tout état de cause, condamner l'intimée à lui payer 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Hennemann-Breton-Ben Daoud.

La société AXA soutient que la clause d'exclusion est claire et ne nécessite pas d'interprétation ; que l'exclusion est formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances ; qu'elle ne prive pas de sa substance l'obligation essentielle du contrat et qu'elle doit ainsi recevoir application.

A titre subsidiaire, elle conteste le montant et la méthode de calcul des pertes d'exploitations invoquées au soutien de la demande de provision, et demande la modification de la mission de l'expert pour prendre en compte la durée limitée de la période de pertes garantie, ainsi que certains paramètres d'évaluation.

L'intimée, par conclusions enregistrées le 25 novembre 2021 portant appel incident et visant les articles 1103, 1170 et 1171, 1188 à 1191 du code civil et L. 113-1 du code des assurances, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement frappé d'appel sur le quantum de la provision ;

- le confirmer pour le surplus ;

- et condamner l'appelante à lui payer une provision de 55 000 euros sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt,

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

- et la condamner à lui payer 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La SAS La Table de Nicolas soutient que la clause d'exclusion doit être interprétée en fonction des autres clauses du contrat dans le sens de la cohérence et en faveur de l'assuré, par application des articles 1189 et 1190 du code civil ; qu'elle ne présente pas le caractère formel et limité auquel le même article L. 113-1 soumet sa validité ; qu'elle vide l'obligation essentielle du contrat d'assurance de sa substance et doit être réputée non écrite sur le fondement de l'article 1170 du code civil ; et que le montant de la provision demandée est conforme à la perte de marge brute perdue pendant les périodes de fermeture, telles que calculées par son expert-comptable.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 14 décembre 2021.

Motifs de la décision

La garantie des pertes d'exploitations suite à fermeture administrative, que vient limiter la clause litigieuse, est ainsi définie au contrat : "La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication".

La clause d'exclusion de garantie est ainsi rédigée : "Sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit la nature de son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative pour motif identique '.

Chacune de ces clauses, prise isolément, est claire et non sujette à interprétation.

En effet, la clause de garantie énonce sans équivoque ni ambiguïté différentes causes de fermeture, dont la maladie contagieuse et l'épidémie, la seconde se distinguant de la première par sa dynamique et par son ampleur dans la population. L'épidémie se définit, selon les dictionnaires de référence tels que le Larousse ou le dictionnaire de l'Académie française, comme le développement et la propagation rapide d'une maladie contagieuse, le plus souvent d'origine infectieuse, dans une population, ou encore comme l'apparition et la propagation d'une maladie contagieuse qui atteint en même temps, dans une région donnée, un grand nombre d'individus.

Le contrat ne prévoyant pas d'autre définition, les parties doivent être présumées avoir contracté en se référant à la définition courante et générale de l'épidémie. Elles ne peuvent s'être référées aux cas particuliers d'épidémie touchant un nombre restreint de personnes, tels les foyers familiaux de botulisme ou les toxi-infections alimentaires collectives décrits dans la littérature médicale produite par l'appelante, ces cas, au regard des causes de fermetures administrative énumérées au contrat, relevant de la fermeture pour intoxication et restant ainsi sans emport sur la portée contractuelle de la fermeture pour épidémie.

Il en résulte que la clause de garantie, prise isolément, couvre le risque de fermeture administrative décidée pour toute épidémie, sans distinction selon que l'épidémie est circonscrite à un territoire réduit, voire à un unique établissement, plutôt qu'à des régions ou des pays entiers.

En l'espèce, il est constant que la fermeture de l'établissement a été imposée par l'autorité administrative compétente en raison d'une épidémie, celle du covid-19 répandue dans le monde entier, ce qui correspond aux conditions d'application de la clause de garantie, sauf exclusion.

La clause d'exclusion de garantie est tout aussi claire lorsqu'elle se réfère à l'hypothèse, simple et facile à établir, de la fermeture d'un établissement autre que celui de l'assuré pour le même motif, au même moment et dans le même département. Son effet est de restreindre la garantie à l'hypothèse où l'établissement de l'assuré est le seul du département à être fermé pour cause d'épidémie.

Une telle hypothèse apparaît de probabilité infinitésimale, la définition précédemment retenue conduisant à considérer qu'une épidémie concerne un grand nombre d'individus, de sorte que, si l'autorité administrative estime nécessaire de limiter l'accueil du public, de nombreux établissements seront nécessairement concernés simultanément dans un même département.

En l'espèce, il est constant que d'autres établissements que celui de l'assuré étaient fermés en même temps que lui, pour motif identique et dans le même département, ce qui réunit les conditions d'application de la clause d'exclusion de garantie.

Pour autant, cette clause ne peut être réputée non-écrite ou déclarée inopposable à l'assure dès lors qu'elle ne vide pas la garantie de sa substance au sens de l'article 1070 du code civil et reste donc limitée au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, son caractère formel n'étant pas discuté.

En effet, s'il résulte de ce texte que les clauses d'exclusion de garantie, qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque, doivent être formelles et limitées, et si une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire, tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, la garantie couvrait le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laissait dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance (en ce sens Cour de cassation 1er déc. 2022, n ° 21-19.342).

Ainsi, étant réunies les conditions d'application de la clause d'exclusion'qui n'est ni réputée non écrite ni et inopposable à l'assurée, le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et l'assurée sera déboutée de ses demandes de provision et d'expertise.

L'infirmation emporte de plein droit obligation de restituer les sommes dues en exécution de la décision infirmée. L'arrêt infirmatif constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution. Les sommes restituées ne portent intérêt au taux légal qu'à compter de la notification de l'arrêt infirmatif valant mise en demeure. Ainsi, la restitution étant de droit, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en restitution.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu entre les parties le 21 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Besançon ;

statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société La Table de Nicolas de ses demandes  ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de pocédure civile ;

Condamne la société La Table de Nicolas aux dépens d'instance et d'appel ;

Accorde aux avocats qui l'ont demandé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

La greffière Le président de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/01631
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;21.01631 ?
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