ARRÊT N°
CS/FA
COUR D'APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
ARRÊT DU 23 MARS 2023
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Contradictoire
Audience publique du 19 Janvier 2023
N° RG 22/00996 - N° Portalis DBVG-V-B7G-EQXR
S/appel d'une décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BESANCON en date du 31 mai 2022 [RG N° 22/00080]
Code affaire : 30B
Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion
S.A.S. ST VIT FIT C/ SARL LIBRE SERVICE GALLET Société MJ JURALP - MANDATAIRE JUDICIAIRE IMMATRICULEE AU RCS DE LONS LE SAUNIER N D 907 84
PARTIES EN CAUSE :
S.A.S. ST VIT FIT prise en la personne de son représentant légal en exercice
Sise [Adresse 2], immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 880 758 388
Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
APPELANTE
ET :
SARL LIBRE SERVICE GALLET agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice
Sise [Adresse 2], immatriculée au RCS de Besançon sous le numéro 732 820 592
Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant
Représentée par Me Sophie DELON de la SELARL IDEOJ AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE, avocat plaidant
INTIMÉE
Société MJ JURALP - Mandataire judiciaire de la société ST VIT FIT aux termes du jugement d'ouverture rendu par le tribunal de commerce de Besançon en date du 29.06.2022, inscrite au RCS de Lons le Saunier sous le numéro D 907 840 169
Sise [Adresse 1]
Représentée par Me Vincent BRAILLARD de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats :
MAGISTRAT RAPPORTEUR : Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, avec l'accord des conseils des parties.
GREFFIER : Madame Cécile Martin, Greffier.
Lors du délibéré :
Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :
Monsieur M. WACHTER, Président et Monsieur Jean-François LEVEQUE, Conseiller.
L'affaire, plaidée à l'audience du 19 janvier 2023 a été mise en délibéré au 23 mars 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Par acte signifié le 4 mars 2022, la SARL Libre Service Gallet, invoquant le contrat de bail commercial relatif au local situé [Adresse 2] signé le 20 janvier 2020 avec la SASU St Vit Fit et le commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 52 312,26 euros signifié à la locataire le 8 décembre 2021, a assigné cette dernière devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon aux fins de constat de résiliation du bail, d'expulsion et de paiement des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés pour un montant de 42 272,26 euros outre intérêts contractuels, ainsi qu'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 6 960 euros hors charges à compter du 1er mai 2022 et une majoration forfaitaire d'un montant de 5 321,23 euros.
La société St Vit Fit, reconnaissant un arriéré limité à la somme de 37 880 euros, sollicitait un délai de règlement de deux ans, auquel la bailleresse s'est opposée.
Par ordonnance rendue le 31 mai 2022, le juge des référés :
- a condamné la société St Vit Fit à payer à la société Libre Service Gallet une provision d'un montant de 42 272,26 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 30 avril 2022 ;
- l'a condamnée à payer les intérêts conventionnels, soit au taux légal majoré de cinq points, sur la somme de 52 312,26 euros du 8 novembre 2021 au 28 décembre 2021, sur la somme de 48 812,26 euros du 29 décembre 2021 au 12 janvier 2022 et sur la somme de 38 812,26 euros à compter du 13 janvier 2022 ;
- a constaté la résiliation du bail à compter du 8 janvier 2022 ;
- a ordonné l'expulsion de la société St Vit Fit et de tous occupants de son chef ;
- a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
- a condamné à titre provisionnel la société St Vit Fit à payer à la société Libre Service Gallet une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 6 960 euros à compter du 1er mai 2022 et jusqu'à libération des lieux ;
- l'a condamnée à payer à la société Libre Service Gallet la somme de 5 321,23 euros à titre de majoration forfaitaire conventionnelle ;
- a débouté la société St Vit Fit de sa demande de délai de paiement ;
- l'a condamnée à payer à la société Libre Service Gallet la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
- a rappelé le caractère exécutoire de droit par provision de la décision.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré, au visa des articles 834 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile et L. 145-41 du code de commerce :
- que la société Libre Service Gallet justifie du montant de la créance qu'elle invoque, laquelle n'est pas sérieusement contestée ;
- que la société St Vit Fit n'est manifestement pas en mesure d'assurer, en sus du loyer courant, le règlement de l'arriéré même de manière échelonnée, de sorte que sa demande de délai de paiement est infondée ;
- qu'à défaut d'avoir réglé l'arriéré de loyers dans le mois de la signification du commandement de payer visant la clause résolutoire, la résiliation du bail doit être constatée.
Par déclaration du 20 juin 2022, la société St Vit Fit a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.
Par jugement du 29 juin 2022, le tribunal de comemrce de Besançon ea ouvert le redresseùmetn judiciaire de la sofciété St Vit Fit.
La SELARL MJ Juralp, ès qualités de mandataire judiciaire de la société St Vit Fit, est intervenue volontairement à l'instance.
Par leurs dernières conclusions transmises le 9 août 2022, la société St Vit Fit et la SELARL MJ Juralp, ès qualités,concluent à l'infirmation de l'ordonnance déférée et demandent à la cour statuant à nouveau de constater que les effets du commandement de payer du 8 décembre 2021 sont suspendus du fait de l'ouverture de son redressement judiciaire et dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens.
Elles font valoir qu'en application de l'article L. 622-21 I du code de commerce, l'ouverture d'une procédure collective suspend les effets d'un commandement de payer signifié au preneur et l'expulsion sollicitée par le bailleur.
Elles précisent qu'à la date de l'ouverture du redressement judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce de Besançon le 29 juin 2022, l'acquisition de la clause résolutoire n'était pas constatée par une décision passée en force de chose jugée dans la mesure où ela société St Vit Fit a interjeté appel le 20 juin 2022 de l'ordonnance de référé rendue le 31 mai précédent et lui ayant été signifiée le 07 juin 2022.
Il en résulte selon elles que la société Libre Service Gallet est irrecevable à poursuivre son action.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 19 janvier suivant et mise en délibéré au 23 mars 2023.
La société Libre Service Gallet a constitué avocat le 29 juin 2022 mais n'a pas conclu.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motifs de la décision
En application de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Aux termes de l'article L. 622-21 I du code précité, applicable à la procédure de redressement judiciaire par l'effet de l'article L. 631-14 du même code, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Il en résulte qu'à défaut de décision constatant la résiliation du bail ayant acquis l'autorité de la chose jugée jugée à la date du jugement d'ouverture, l'action tendant à cette fin ne peut plus être accueillie en application de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles en ce qu'elle a pour cause des loyers échus antérieurement au jugement d'ouverture.
Dès lors, l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé constatant l'acquisition de la clause résolutoire avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la locataire a pour corollaire l'absence de constat de l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers par une décision ayant acquis l'autorité de chose jugée, de sorte que le bailleur ne peut plus poursuivre l'action antérieurement engagée, peu important à cet effet que l'ordonnance de référé soit exécutoire à titre provisoire.
En l'espèce, à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société St Vit Fit le 29 juin 2022, l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers antérieurs à cette ouverture n'avait pas encore été constatée par une décision ayant acquis l'autorité de chose jugée en raison de l'appel interjeté le 20 juin précédent à l'encontre de l'ordonnance déférée, de sorte que la société Libre Service Gallet, bailleresse, ne peut plus poursuivre l'action antérieurement engagée.
Les demandes formées par la société Libre Service Gallet seront donc déclarées irrecevables, la décision entreprise étant infirmée en ce sens.
Chauqe partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Vu l'évolution du litige ;
Infirme, dans les limites de l'appel, l'ordonnance rendue entre les parties le 31 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon ;
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevables les demandes formées par la SARL Libre Service Gallet ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la SARL Libre Service Gallet de sa demande.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président de chambre,