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25/04/2023 | FRANCE | N°21/00728

France | France, Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 25 avril 2023, 21/00728


ARRÊT N°



CS/LZ



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 25 AVRIL 2023



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE





Audience publique du 21 Février 2023

N° RG 21/00728 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELV6



S/appel d'une décision

du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LONS-LE-SAUNIER en date du 17 février 2021 [RG N° 14/00473]

Code affaire : 63A Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale



[F] [

T], [C] [T], [G] [D] épouse [T], [A] [T], E.A.R.L. [T] [C] C/ [W] [J], [O] [V], [M] [X], Association AAEXA, Mutualité MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE FRANCHE-COMTE, Société GROUPA...

ARRÊT N°

CS/LZ

COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -

ARRÊT DU 25 AVRIL 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Audience publique du 21 Février 2023

N° RG 21/00728 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ELV6

S/appel d'une décision

du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LONS-LE-SAUNIER en date du 17 février 2021 [RG N° 14/00473]

Code affaire : 63A Demande en réparation des dommages causés par l'activité médicale ou para-médicale

[F] [T], [C] [T], [G] [D] épouse [T], [A] [T], E.A.R.L. [T] [C] C/ [W] [J], [O] [V], [M] [X], Association AAEXA, Mutualité MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE FRANCHE-COMTE, Société GROUPAMA ASSURANCES

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [F] [T]

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 11]

Représenté par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 14]

de nationalité française, demeurant [Adresse 11]

Représenté par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [G] [D] épouse [T]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 14]

de nationalité française, demeurant [Adresse 11]

Représentée par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

Représentée par Me Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [A] [T]

né le [Date naissance 4] 1992 à [Localité 13]

de nationalité française, demeurant [Adresse 11]

Représenté par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

E.A.R.L. [T] [C]

immatriculé à la MSA sous le n° '''

sise [Adresse 11]

Représentée par Me Aude CARPI de la SELARL TERRYN - AITALI -GROS-CARPI-LE DENMAT, avocat au barreau de BESANCON

Représentée par Me Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

APPELANTS

ET :

Monsieur [W] [J]

né le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 15]

de nationalité française

Profession : Médecin, demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Laurent MORDEFROY de la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocat au barreau de BESANCON

Monsieur [O] [V]

de nationalité française

Profession : Médecin, demeurant [Adresse 12]

Représenté par Me Ariel LORACH de la SCP LORACH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

Monsieur [M] [X]

de nationalité française

Profession : Médecin, demeurant [Adresse 10]

Représenté par Me Patricia VERNIER, avocat au barreau de BESANCON

Association AAEXA

prise en la personne de son Président en exercice domicilié es-qualité audit siège

sise [Adresse 9]

N'ayant pas constitué avocat

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE FRANCHE-COMTE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice prise en sa qualité d'organisme social, gérant également le règime AAEXA

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

Société GROUPAMA ASSURANCES

prise en la personne de son Président en exercice domicilié es-qualité audit siège

sise [Adresse 8]

N'ayant pas constitué avocat

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

Magistrats rapporteurs : Monsieur Michel Wachter, Président, et Monsieur Cédric Saunier, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l'accord des Conseils des parties.

Greffier : Madame Leila Zait, Greffier.

Lors du délibéré :

Monsieur Michel Wachter, président, et Monsieur Cédric Saunier, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile à Monsieur Jean-François Leveque, conseiller.

L'affaire, plaidée à l'audience du 21 février 2023 a été mise en délibéré au 25 avril 2023. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

Faits, procédure et prétentions des parties

En raison de douleurs dorsales persistantes, accompagnées de toux sèches et d'une fatigabilité, M. [C] [T], agriculteur, a consulté son médecin traitant, M. [W] [J], à compter du 2 avril 2008, lequel lui a prescrit une radiographie pulmonaire puis un scanner thoracique réalisé le 21 mai 2008 par M. [M] [X], radiologue, ayant conclu à un aspect mité de la quatrième côte avec épaississement pleural en regard, ainsi que des manipulations réalisées par M. [O] [V], médecin osthéopathe, tout en sollicitant l'avis d'un pneumologue auprès de M. [N].

A la suite de son admission aux urgences du centre hospitalier de [Localité 14] le 28 mai 2008 en raison de vives douleurs et de troubles intestinaux, un déficit moteur du membre inférieur gauche était constaté le 29 mai au matin et une IRM prescrite en urgence objectivait une volumineuse masse tissulaire entraînant une compression médullaire avec déplacement de la moëlle à droite.

Après transfert au centre hospitalier régional universitaire de [Localité 13], le résultat histologique a montré une lésion maligne de type lymphome B.

M. [C] [T] a été traité par chimiothérapie, puis, étant affecté de paraplégie, il a été admis en service de réadaptation à [Localité 16] pendant une année avant de bénéficier d'un suivi en hôpital de jour.

Sa consolidation est intervenue le 2 février 2020.

La commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté (CRCIAM) a, par avis rendu le 20 mars 2011, conclu à une indemnisation des préjudices subis à hauteur de 75 % dont 55 % à la charge de la société Médicale de France, assureur du docteur [J], 40 % à la charge de la société MASCF, assureur du docteur [V] et 5 % à la charge de la société d'assurance SHAM, assureur du centre hospitalier de [Localité 14].

Les susnommées ont cependant refusé de proposer une indemnisation par courriers des 18 juillet et 2 août 2011, tandis que l'offre d'indemnisation proposée le 20 décembre suivant par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales n'a pas été acceptée par M. [C] [T].

La cour administrative d'appel de Nancy a, par arrêt rendu le 23 avril 2019, condamné le centre hospitalier de [Localité 14] à indemniser M. [C] [T] à hauteur de 24 650 euros et Mme [G] [D] à hauteur de 1 125 euros en retenant une perte de chance de M. [C] [T] fixée à 75 % et une part de responsabilité du centre hospitalier de [Localité 14] fixée à 5 %.

Par ailleurs, M. [C] [T] ainsi que son épouse Mme [G] [D], ses enfants MM. [A] et [F] [T] et l'EARL [T] [C], ont saisi le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier aux fins d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice par les docteurs [J], [V] et [X] avec fixation d'un taux de perte de chance qui ne saurait être inférieur à 75 %.

Une expertise judiciaire médicale a été confiée à un collège d'expert composé de M. [L] [H], neurochirurgien, M. [K] [U], généraliste et M. [P] [E], praticien hospitalier en immuno-hématologie, lequel a déposé son rapport le 6 janvier 2018 concluant au partage de responsabilité suivant :

- 55 % à la charge du service des urgences du centre hospitalier de [Localité 14] ;

- 20 % à la charge du docteur [J] ;

- 17,5 % à la charge du docteur [X] ;

- 7,5 % à la charge du docteur [V].

En première instance, les différents médecins ont tous conclu au fond au rejet des demandes en invoquant leur absence de faute.

Le docteur [V] a sollicité subsidiairement la fixation de sa part de responsabilité à 7,5 % au visa du rapport d'expertise, avec application d'un taux de perte de chance à hauteur de 75%, la réduction des prétentions formulées par les demandeurs et le rejet de la demande de condamnation in solidum dans la mesure où sa faute n'a pas concouru au dommage.

Le docteur [X] a formé en tant que besoin une demande de garantie à l'encontre des docteurs [V] et [J].

Le docteur [J] a sollicité subsidiairement la limitation de sa part de responsabilité à 5 % avec application d'un taux de perte de chance de 75 %, ainsi que la réduction des montants sollicités et la condamnation en tant que de besoin des docteurs [V] et [X] à le garantir.

Enfin, la mutualité sociale agricole de Franche-Comté (la MSA), assumant la gestion du régime de protection anciennement géré par l'association AAEXA, a demandé au tribunal de condamner les docteurs [J] et [V] :

- à répondre des préjudices subis par M. [C] [T] à hauteur de la perte de chance fixée à 75 % selon des modalités de partage à définir ;

- in solidum, ou à défaut à proportion de la part de responsabilité retenue à l'encontre de chacun d'eux, au paiement de la somme de 364 247,10 euros ;

- in solidum, ou à défaut à proportion de la part de responsabilité retenue à l'encontre de chacun d'eux, au paiement de la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale outre frais irrépétibles et dépens avec distraction.

La société Mutuelle Groupama, assureur complémentaire santé de M. [C] [T], n'était pas représentée.

Par jugement rendu le 17 février 2021, le tribunal judiciaire de de Lons-le-Saunier :

- a ' dit' que les docteurs [J], [V] et [X] ont commis une faute au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans la prise en charge et le suivi de M. [C] [T];

- a 'dit' que la perte de chance d'éviter la lésion vertébrale de ce-dernier est de 75 % ;

- a 'dit' que dans leurs rapports entre eux, la part de responsabilité du docteur [J] est fixée à 20 %, la part de responsabilité du docteur [V] à 7,5 %, la part de responsabilité du docteur [X] à 17,5 % et que la contribution à la dette de réparation s'effectuera selon ces pourcentages ;

- a condamné in solidum les docteurs [J], [V] et [X], après application de la perte de chance, à payer à M. [C] [T] la somme de 659 253,35 euros dans les limites de leur part de responsabilité fixée ci-dessus ;

- les a condamnés in solidum, après application de la perte de chance, et dans les limites de leur part de responsabilité fixée ci-dessus à payer :

. à Mme [G] [D] épouse [T] la somme de 26 250 euros en réparation de son préjudice ;

. à M. [A] [T] la somme de 11 250 euros en réparation de son préjudice ;

. à M. [F] [T] la somme de 11 250 euros en réparation de son préjudice ;

. à la MSA de Franche-comté la somme de 241 744.86 euros ;

- les a condamnés in solidum, à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

. la somme de 3 500 euros à M. [C] [T] et à Mme [G] [D] ;

. la somme de 500 euros à la MSA de Franche-comté ;

- les a condamnés in solidum à payer à la MSA de Franche -Comté la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- a débouté l'EARL [T] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- a prononcé l'exécution provisoire ;

- a rejeté toutes autres demandes, notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné in solidum les docteurs [J], [V] et [X] aux dépens avec distraction.

Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a retenu, au visa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et après avoir relevé que les docteurs [J], [V] et [X] ne produisent aucun élément technique de nature à les remettre en cause, les conclusions du rapport d'expertise judiciaire dont il résulte :

- que M. [C] [T] n'aurait pas présenté de compression médullaire si le diagnostic avait été réalisé plus précocement, ce retard de diagnostic étant imputable à plusieurs acteurs, à savoir:

. le docteur [J] qui a sous estimé la gravité du tableau clinique en considération de l'association des signes anormaux et de leur évolution suffisants pour faire craindre une pathologie grave, a retardé la réalisation d'explorations complémentaires adaptées et a mal orienté son patient ;

. le docteur [V] qui aurait dû être alerté par la symptomatologie du patient et n'a pas effectué l'examen neurologique préalable à la manipulation, sans prescrire les explorations complémentaires notamment une imagerie du rachis et du gril costal ;

. le docteur [X] qui n'a pas informé le patient de la gravité de son état et a commis une négligence en ne communiquant le diagnostic que le lendemain de l'examen en des termes flous et sans avoir pris la précaution d'appeler le médecin traitant pour échanger de la situation critique du patient ;

. le centre hospitalier de [Localité 14], qui a mené la prise en charge du patient de manière alarmante, sans surveillance de celui-ci durant la nuit de son arrivée, alors qu'il était encore envisageable de limiter les conséquences médicales lors de sa deuxième arrivée dans ses services ;

- que ce diagnostic tardif a généré une perte de chance, dont la responsabilité doit être répartie à hauteur de 20 % à la charge du docteur [J], de 17,5 % à la charge du docteur [X], de 7,5 % à la charge du docteur [V] et de 55 % à la charge du centre hospitalier de [Localité 14] en considération des fautes susvisées.

Le tribunal a considéré que les manquements successifs ci-dessus rappelés ont contribué au dommage subi par M. [C] [T], victime d'une paraplégie incomplète mais sévère de niveau rachidien T4, de niveau neurologique T6 droit et T9 gauche par compression médullaire du fait de la localisation d'un lymphome de type B apparue le 29 mai 2008 et opérée le jour même, en ce que celui-ci a perdu une éventualité favorable dans le cadre du diagnostic de sa maladie et de sa prise en charge, avec fixation du taux de perte de chance à hauteur de 75 %, tel que retenu à la fois par l'expertise judiciaire et par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'accidents médicaux de Franche-Comté et non critiqué par les demandeurs.

Le tribunal de première instance a chiffré ainsi les préjudices :

- concernant M. [C] [T], une somme totale de 659 253,35 euros correspondant aux postes suivants :

. dépenses de santé actuelles au titre des frais divers : 2 918,10 euros ;

. tierce personne : 20 859,60 euros + 361 491 euros ;

. frais médicaux futurs : 34 823,81 euros ;

. frais de logement : 15 235,50 euros ;

. aménagement de véhicule : 18 511,05 euros ;

. déficit fonctionnel temporaire : 9 772,12 euros ;

. souffrances endurées : 30 000 euros ;

. préjudice esthétique temporaire : 3 750 euros ;

. déficit fonctionnel permanent : 128 517,17 euros ;

. incidence professionnelle, après déduction de la créance de la MSA : 0 euro ;

. préjudice d'agrément : 5 250 euros ;

. préjudice esthétique permanent : 16 875 euros ;

. préjudice sexuel : 11 250 euros ;

- concernant les sommes revenant à la MSA pour un montant total de 241 744,86 euros correspondant aux postes suivants :

. dépenses de santé actuelles : 2 598,10 euros ;

. indemnités journalières : 19 569,64 euros ;

. débours MTP : 81 785 euros ;

. débours rente accident : 107 732,93 euros + 30 059,19 euros ;

- concernant l'EARL [T] [C], aucun préjudice en l'absence de justification ;

- concernant Mme [G] [D] :

. préjudice moral : 20 000 euros ;

. préjudice extra-patrimonial exceptionnel, y compris sexuel : 15 000 euros ;

- concernant MM. [F] et [A] [T], la somme de 15 000 euros chacun au titre du préjudice moral.

Par déclaration du 28 avril 2021, M. [C] [T], Mme [G] [D], MM. [A] et [F] [T] et l'EARL [T] [C] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :

- a fixé la part de responsabilité des docteurs [J], [V] et [X] selon le détail susvisé ;

- les a condamnés in solidum, après application de la perte de chance, à payer à M. [C] [T] la somme de 659 253,35 euros dans la limite de leur part de responsabilité ;

- les a condamnés in solidum, après application de la perte de chance, et dans les limites de leur part de responsabilité, à payer en réparation de leurs préjudices, la somme de 26 250 euros à Mme [G] [D], la somme de 11 250 euros à M. [A] [T] et la somme de 11 250 euros à M. [F] [T] ;

- a débouté l'EARL [T] [C] de l'ensemble de ses demandes.

Selon leurs dernières conclusions transmises le 19 janvier 2023, ils concluent à la confirmation

du jugement en ce qu'il a 'dit' que les docteurs [J], [V] et [X] ont commis une faute au sens de l'article L1142-1 du code de la santé publique dans la prise en charge et le suivi de M. [C] [T], a 'dit' que la perte de chance d'éviter la lésion vertébrale de M. [C] [T] est de 75 % et a condamné in solidum les docteurs [J], [V] et [X] à payer à M. [C] [T] et à Mme [G] [D] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à son infirmation pour le surplus.

Ils demandent à la cour statuant à nouveau de :

- fixer la part de responsabilité du docteur [J] à 55 %, du docteur [V] à 25 % et du docteur [X] à 15 % ;

- condamner in solidum les susnommés à payer à M. [C] [T], après application de la perte de chance et dans les limites de leur part de responsabilité, les sommes suivantes :

. 32 062,38 euros au titre de la tierce personne avant consolidation ;

. 30 729,39 euros au titre des frais divers avant consolidation ;

. 49 754,84 euros au titre des dépenses de santé futures ;

. 555 829,66 euros au titre de la tierce personne après consolidation ;

. 13 432,25 euros au titre des frais de logement adapté ;

. 26 188,70 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

. aucune somme au titre de l'incidence professionnelle ;

. 13 086,10 euros au titre des frais divers après consolidation ;

. 12 746,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

. 37 500 euros au titre des souffrances endurées ;

. 7 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

. 257 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

. 22 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

. 11 250 euros au titre du préjudice d'agrément ;

. 18 750 euros au titre du préjudice sexuel ;

. 37 500 euros au titre du préjudice d'établissement ;

- les condamner in solidum à payer à M. [C] [T], es qualité de gérant de l'EARL [C] [T], après application de la perte de chance et dans les limites de leur part de responsabilité, la somme de 197 179,19 euros au titre du préjudice économique ;

- les condamner in sodium à payer à Mme [G] [D], après application de la perte de chance et dans les limites de leur part de responsabilité, les sommes suivantes :

. 18 750 euros au titre du préjudice moral ;

. 30 000 euros au titre du préjudice extra-patrimonial exceptionnel ;

. 18 750 euros au titre du préjudice sexuel ;

- les condamner in solidum à payer à MM. [A] et [F] [T], après application de la perte de chance et dans les limites de leur part de responsabilité, la somme de 15 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral ;

- les condamner in solidum à verser lesdites sommes assorties des intérêts à compter du jour de

l'introduction de la demande devant le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier ;

- 'dire' que l'arrêt à intervenir sera opposable à la MSA de Franche-Comté ainsi qu'à la société Mutuelle Groupama et à l'association AEEXA et que la liquidation de leur créance interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale ;

- condamner in solidum les docteurs [J], [V] et [X] à leur payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils font valoir, au visa du rapport d'expertise :

- que le docteur [J] a commis deux fautes à l'origine d'un retard de prise en charge de M. [C] [T], à savoir une erreur fautive de diagnostic et une sous-estimation du tableau clinique présenté par le patient en considération notamment des sueurs nocturnes et de la seule prescription d'une radiographie pulmonaire sans anomalie ;

- que le docteur [V] n'aurait pas dû procéder à des manipulations en considération des douleurs datant de plus de deux à trois mois mais s'aggravant progressivement avec une composante nocturne et l'apparition de sueurs profondes, notamment à des manipulations violentes du rachis et du thorax sans examen neurologique préalable ;

- que le docteur [X] a commis des fautes en réalisantle scanner thoracique du 21 mai 2008 sans produit de contraste lequel aurait permis de mieux localiser les lésions, sans biopsie de la lésion identifiée, en n'alertant pas le patient sur la gravité de son état de santé et en ne contactant pas directement son médecin traitant ;

- que le tribunal administratif ayant fixé, définitivement sur ce point, la part de responsabilité du centre hospitalier de Dole à 5 %, le tribunal judiciaire a privé M. [C] [T] de l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 50 % en fixant à 55 % la part de responsabilité dudit centre hospitalier, ce qui est contraire au principe de la réparation intégrale ;

- que les experts ont considéré que la part de responsabilité du centre hospitalier est limitée, le chiffrage à 55 % étant en contradiction avec ce point tandis que la responsabilité du docteur [J] est prédominante ;

- que les préjudices doivent être évalués selon le détail développé dans leurs écritures.

Le docteur [J] a formé appel incident par conclusions transmises le 19 octobre 2021 en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il a :

- 'dit' qu'il a commis une faute ;

- 'dit' que dans leurs rapports entre eux, les parts de responsabilité sont fixées à 20 % à sa charge, à 7,5 % à la charge du docteur [V] et à 17,5 % à la charge du docteur [X] et que la contribution à la dette s'effectuera selon ces pourcentages ;

- condamné in solidum les susnommés, après application de la perte de chance, à payer dans les limites de leur part de responsabilité la somme de 659 253,35 euros à M. [C] [T], la somme de 26 250 euros à Mme [G] [D], la somme de 11 250 euros chacun à MM. [A] et [F] [T] et la somme de 241 744,86 euros à la MSA de Franche-Comté;

- les a condamnés in solidum à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 500 euros à M. [C] [T] et à Mme [G] [D] et la somme de 500 euros à la MSA de Franche-Comté ;

- les a condamnés in solidum à payer à la MSA de Franche-Comté la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- les a condamnés in solidum aux dépens.

Il a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 9 janvier 2023 pour demander à la cour d'infirmer le jugement entrepris des chefs susvisés et, statuant à nouveau, de débouter MM. [C], [A] et [F] [T] ainsi que Mme [G] [D], l'EARL [T] [C] et la MSA de Franche-Comté de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre et de condamner M. [C] [T] et Mme [G] [D] au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Subsidiairement, il sollicite la fixation de sa part de responsabilité à 5 % et la minoration des chefs de préjudice tels que fixés en première instance.

Il expose :

- qu'aucune preuve de la commission d'une faute lui étant imputable n'est rapportée, alors même qu'il a prescrit divers examens afin d'affiner son diagnostic, qu'il n'était pas informé des sueurs nocturnes et des douleurs intenses de M. [C] [T] ainsi qu'il résulte de l'absence de mention de ces points sur ses notes de consultation du 29 avril 2008, tandis que sa pathologie présentait un caractère rare et difficile à diagnostiquer en l'absence de signe clinique évocateur;

- que le partage de responsabilité proposé par les experts judiciaires n'est fondé sur aucun élément précis, que la part de responsabilité à hauteur de 55 % à la charge du centre hospitalier de [Localité 14] reste sous-estimée, que le docteur [X] ne l'a pas informé du résultat de son examen et que le principe de réparation intégrale ne saurait faire peser sur sa personne les conséquences du choix procédural des appelants d'engager en premier lieu une action devant la juridiction administrative ;

- que les préjudices doivent être évalués selon les éléments énumérés dans ses écritures.

Le docteur [X] a formé appel incident et répliqué en premier et dernier lieu par conclusions transmises le 21 octobre 2021 en sollicitant l'infirmation des mêmes chefs du jugement que ceux visés par le docteur [J].

Il sollicite de la cour statuant à nouveau le rejet de l'ensemble des prétentions formées à son encontre par MM. [C], [A] et [F] [T] ainsi que par Mme [G] [D], l'EARL [T] [C] et la MSA de Franche-Comté.

Subsidiairement, il sollicite la limitation de sa part de responsabilité à 1 %, très subsidiairement à 15 %, en demandant qu'il soit statué ce que droit sur l'évaluation des préjudices et que les appelants soient condamnés aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Il expose :

- qu'il n'a commis aucune faute en ce qu'il a a suivi les prescriptions du docteur [J], qu'à l'issue du scanner réalisé le 21 mai 2008 il a conclu de manière claire à l'absence d'image suspecte en dehors d'un épaississement pleural et de l'aspect mité de la côte, les douleurs étant expliquées par la lésion, que le diagnostic de formation tumorale était évident et que le terme d'affection maligne ne pouvait être employé dans son rapport d'examen à défaut de biopsie ;

- que lors de l'admission aux urgences de M. [C] [T] le soir même de son examen, le médecin urgentiste n'a pas jugé utile de consulter les images du scanner réalisé le jour même dans le même établissement, tandis que le patient est ressorti quelques heures plus tard ;

- que lorsque M. [C] [T] est venu chercher son examen le 22 mai 2008, celui-ci lui a précisé la gravité de son état et il lui a demandé de revoir son médecin traitant rapidement, ce qui a été fait le jour même, en informant ce dernier qui a mis en place des examens complémentaires pour objectiver la pathologie en sollicitant l'avis d'un pneumologue ;

- qu'il ne lui appartenait pas d'adresser le patient en hospitalisation ;

- qu'il n'était lui-même pas informé des sueurs nocturnes ;

- que les lymphomes osseux primitifs sont rares ;

- subsidiairement, que la part de responsabilité du centre hospitalier de [Localité 14] doit être reconsidérée à la hausse, dans la mesure où il résulte du rapport d'expertise que la perte de chance lors du second passage aux urgences de M. [C] [T] 'est neurologiquement dramatique', alors même qu'une 'imagerie IRM dès son arrivée et un transfert immédiat en neurologie avec chirurgie en urgence aurait pu permettre d'espérer une absence de progression du déficit (...) et des séquelles moins lourdes' et que 'l'essentiel de la perte de chance par négligence coupable a eu lieu à ce moment'.

Le docteur [V] a formé appel incident par conclusions transmises le 8 octobre 2021 en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il 'a retenu une part de responsabilité à [sa] charge et a 'alloué différentes sommes aux consorts [T]'.

Il a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 24 janvier 2023 pour demander à la cour d'infirmer le jugement entrepris des chefs susvisés et, statuant à nouveau :

- de 'juger' qu'il n'a commis aucune faute pouvant avoir un lien avec l'état actuel de M. [C] [T] ;

- subsidiairement, de 'juger' que :

. le barème de la Gazette du Palais d'octobre 2022 ne saurait être retenu et que seul pourra être pris en considération le barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes (BCRIV) ;

. celle-ci ne pourrait l'être qu'à hauteur de 7,5 % selon le rapport d'expertise judiciaire;

. la notion de perte de chance devra être appliquée à hauteur de 75 % ;

. aucune condamnation in solidum ne saurait intervenir, son éventuelle faute, contestée, n'ayant pas concouru au dommage ;

. 'les sommes pouvant être allouées correspondraient aux offres faites dans les motifs des présentes' et qu'aucune condamnation in solidum ne peut intervenir ;

- de condamner les 'consorts [T]' au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de les condamner aux entiers dépens avec distraction.

Il expose :

- que la symptomatologie des sueurs et douleurs nocturnes n'était pas présente ni évoquée lors de ses uniques consultations des 5 et 13 mai 2008 ;

- qu'il n'a pas pratiqué de violentes manipulations du thorax mais une simple décoaptation, sans conséquence immédiate à savoir ni aggravation ni soulagement ;

- que les deux rapports d'expertise établis par les experts désignés par la CRCIAM et par les experts judiciaires sont contradictoires, alors que l'état clinique qu'il a pu constater n'orientait pas vers la réalisation d'un examen neurologique lequel aurait au surplus été normal ;

- que le docteur [J] lui avait adressé le patient pour une consultation d'ostéopathie et non pour une consultation médicale ;

- que dès lors compte-tenu de la connaissance qu'il avait du patient et de ce qu'il a constaté lors des deux examens, ses soins ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science tandis qu'il n'est tenu qu'à une obligation de moyen ;

- que les préjudices doivent être chiffrés en considération des éléments développés dans ses écritures.

La MSA a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 5 janvier 2022 pour demander à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a 'dit' que les docteurs [J], [V] et [X] ont commis une faute, que la perte de chance d'éviter la lésion vertébrale de M. [C] [T] est de 75 % et en ce qu'il a statué sur l'application des dispositions relatives à l'indemnité de gestion, aux frais irrépétibles et aux dépens ;

- de statuer ce que de droit sur l'appel formé par les 'consorts [T]' portant sur la part de responsabilité incombant à chacun des médecins ;

- de rejeter les contestations des responsables portant sur les débours exposés par ses soins ;

- de condamner les docteurs [J], [V] et [X], in solidum, ou à défaut à proportion de la part de responsabilité retenue à leur encontre, au paiement de la somme de 364 247,10 euros;

- de les condamner in solidum, ou à défaut à proportion de la part de responsabilité retenue à l'encontre de chacun d'eux, au paiement de la somme de 1 098 euros ainsi que de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de la procédure d'appel.

Elle expose :

- qu'elle a exposé des frais à la suite de la paraplégie dont M. '[R] [T]' se trouve atteint, frais exposés également au titre du régime de protection sociale agricole dont elle assure désormais la gestion, de sorte qu'elle est fondée à solliciter le remboursement de ces sommes à hauteur de 75 % correspondant à la perte de chance retenue, soit :

. au titre des frais médicaux et pharmaceutiques : 3 464,09 x 75 % = 2 598,06 euros ;

. au titre des indemnités journalières : 26 092,86 euros x 75 % = 19 569,64 euros ;

. au titre des pensions et rente échues et à échoir : 456 105,88 euros x 75 % = 342 079,40 euros ;

- que la contestation de sa créance du tiers payeur fondée sur le fait qu'elle ne serait pas ventilée pour les périodes avant et après consolidation est purement formelle et dépourvue de fondement dans la mesure où les frais médicaux ont été exposés pour la période antérieure à la consolidation intervenue le 2 février 2020 comme le confirme l'état des prestations servies, essentiellement au titre de la période d'hospitalisation à compter de la fin de l'année 2009, tandis que les indemnités journalières servies se rapportent à la période avant consolidation, une rente ayant été constituée pour la période postérieure à celle-ci.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 21 février suivant et mise en délibéré au 25 avril 2023.

La déclaration d'appel a été signifiée à l'association AAEXA le 2 juin 2021 par remise à étude et à la société Mutuelle Groupama le 4 juin suivant par remise à personne morale.

Ces deux parties n'ont pas constitué avocat, de sorte qu'en application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut.

Motifs de la décision

A titre liminaire, la cour observe que M. [C] [T], Mme [G] [D], MM. [A] et [F] [T] et l'EARL [T] [C] n'ont, dans leur déclaration d'appel, limitativement visé que les chefs du jugement critiqué ayant fixé la part de responsabilité des docteurs [J], [V] et [X], les ayant condamnés in solidum et dans la limite de leur part de responsabilité à payer à M. [C] [T] la somme de 659 253,35 euros, à Mme [G] [D] la somme de 26 250 euros, à MM. [A] et [F] [T] la somme de 11 250 euros chacun et a débouté l'EARL [T] [C] de l'ensemble de ses demandes.

Dès lors, la cour n'est saisie d'aucun appel de leur part concernant les autres chefs dont ils sollicitent pourtant l'infirmation dans leurs ultimes écritures.

Par ailleurs, il résulte des écritures transmises pour le compte de la MSA de Franche-Comté que celle-ci n'a pas interjeté appel incident du jugement critiqué.

- Sur les fautes reprochées aux différents intervenants,

En application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du même code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Aux termes de l'article L. 1110-5 du code précité, toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté.

L'article R. 4127-33 du même code impose au médecin de toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.

Enfin, l'article 1353 du code civil prévoit qu'il incombe à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, de sorte qu'il incombe au demandeur de rapporter la preuve des fautes commises ainsi que leur lien de causalité avec son préjudice.

Il résulte des dispositions précitées que si la seule erreur ou le retard de diagnostic ne sont pas en eux-mêmes fautifs, le médecin, tenu personnellement à une obligation de moyen, doit s'appuyer sur les données acquises de la science pour asseoir son diagnostic, la persistance dans un diagnostic erroné malgré des signes cliniques qui ne permettaient pas le maintien de ce diagnostic revêtant un caractère fautif.

En cas d'exercice médical pluridisciplinaire, il résulte de l'article R. 4127-5 du code de la santé publique que le médecin, tenu d'exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier personnellement le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux avec une célérité adaptée à l'état de santé du patient et à ses antécédents.

. Concernant le docteur [J], médecin traitant

En l'espèce, si le collège d'experts judiciaires considère, comme ceux désignés par la CRCIAM, que le docteur [J] avait connaissance des sueurs nocturnes subies par M. [C] [T], cet élément ne résulte pas des notes prises par le praticien au cours des consultations des 2 avril, 17 avril, 29 avril, 30 avril, 19 mai et 28 mai 2008, ni de l'échange intervenu avec son patient le 22 mai 2008 lors de la communication des résultats du scanner réalisé la veille par le docteur [X].

Cependant et contrairements aux affirmations du docteur [J], l'existence de très fortes douleurs évoluant en s'intensifiant était connue de celui-ci, qui a reçu en consultation son patient à de nombreuses reprises au cours des mois d'avril et mai 2008 et lui a prescrit différents traitements antalgiques, alors même que ce praticien avait, en qualité de médecin traitant de M. [C] [T], connaissance d'une première admission aux urgences du centre hospitalier de [Localité 14] le 21 mai 2008 dans un contexte de douleurs envahissantes.

Or, il résulte des conclusions d'expertise, rejoignant celles des experts désignés par la CRCIAM, que si la pathologie de néoplasie lymphomateuse présentée par le patient revêt un caractère rare, la constitution progressive du tableau clinique et l'association de plusieurs signes, même bénins en eux-mêmes, auraient dû alerter le médecin traitant sur la constitution d'une pathologie grave. Les experts précisent qu'il résulte d'ailleurs de la prescription radiographique réalisée le 29 avril 2008 une prise de conscience par le praticien d'un problème sous jacent, alors que le résultat de cette imagerie a été faussement rassurant et logiquement suivi de la prescription d'un scanner.

Ainsi, si les experts estiment que suite au scanner la prise en charge de M. [C] [T] a été conforme aux usages avec l'orientation vers un pneumologue qui a prescrit à bref délai une scintigraphie, le juge de première instance a, par de justes motifs, retenu que le docteur [J] a commis une faute ayant consisté à sous-estimer la gravité du tableau clinique présentant une association de signes anormaux évoluant défavorablement et faisant craindre une pathologie grave, ce qui a retardé la réalisation d'explorations complémentaires adaptées et a conduit à une mauvaise orientation de son patient.

. Concernant le docteur [X], radiologue

Alors même que le rapport d'expertise retient que les résultats du scanner, réalisé sans injection de produit de contraste permettant d'améliorer la visibilité des lésions et sans biopsie, ont été communiqués en termes flous à M. [C] [T] pour éviter un effet de 'panique' et n'ont pas été suivis d'un appel immédiat à son médecin traitant, il résulte du compte-rendu de cet examen établi le 21 mai 2008, alors que les notes du docteur [J] relatives au résultat de cet examen ne sont datées que du lendemain, l'absence d'image suspecte en dehors d'un 'épaississement pleural gauche, modéré, postérieur, se projetant au regard de l'omoplate' et de l'aspect irrégulier et mité de la quatrième côte correspondante, avec mention du fait que les douleurs sont très probablement expliquées par la lésion.

Si le docteur [X] fait valoir que le diagnostic de formation tumorale était évident mais qu'il ne pouvait à défaut de biopsie employer le terme d'affection maligne, il n'est pas sérieusement contesté que ce diagnostic n'a ni été explicité au patient, pour des raisons appartenant au radiologue, ni été suivi le jour même d'un avis à son médecin traitant.

Dès lors, le docteur [X] ne peut valablement affirmer qu'il a informé M. [C] [T] de la gravité de son état en des termes compréhensibles par ce dernier lorsqu'il est venu récupérer les clichés de son examen le 22 mai 2008, tandis que le fait qu'il n'était lui-même pas informé des sueurs nocturnes de même que la rareté des lymphomes osseux primitifs sont sans incidence.

Au surplus, si le docteur [X] fait valoir le fait qu'il ne lui appartenait pas d'adresser le patient en hospitalisation, sans préciser le fondement de cette affirmation, la gravité de la pathologie constatée lors de l'examen pratiqué par ses soins, le contexte symptômatique associé ainsi que l'historique médical fourni du patient au cours des dernières semaines, dont il avait connaissance, tendent à établir le contraire.

Etant observé que si M. [C] [T] avait eu connaissance de la réalité de son état de santé à la date du 21 mai 2008, il aurait pu en faire état lors de ses deux admissions successives aux urgences du centre hospitalier de [Localité 14] indépendamment des fautes retenues à l'encontre de cet établissement, le juge de première instance a donc par d'exacts motifs considéré que le radiologue a commis une faute en n'informant pas le patient de la gravité de son état et en ne communiquant le diagnostic au patient et au médecin traitant de celui-ci que le lendemain de l'examen en des termes flous pour une personne non avisée, étant rappelé que M. [C] [T] exerce la profession d'agriculteur.

. Concernant le docteur [V], médecin osthéopathe

Contrairement aux termes des écritures déposées au soutien des intérêts du docteur [V], qui a manipulé M. [C] [T] sans amélioration ni aggravation démontrée les 5 et 13 mai 2008 sur orientation de son médecin traitant, les experts désignés par la CRCIAM et les experts judiciaires s'accordent sur le fait que les symptômes présentés en association par le patient devait le conduire, en sa qualité de médecin, à des examens préalables afin de conforter le diagnostic.

Pour autant, la cour relève que M. [C] [T] n'établit ni que le docteur [V] était informé de l'apparition de sueurs profondes nocturnes, ni que celui-ci a réalisé sur sa personne des 'manipulations violentes du rachis et du thorax'.

Cependant et en considération des conclusions de l'expertise judiciaire, non sérieusement contestées, aux termes desquelles le diagnostic retenu par le docteur [V] était dépourvu de cohérence tandis que le traitement dispensé était inadapté, le juge de première instance a retenu par de justes motifs que la qualité de médecin du docteur [V], sous laquelle il exerce l'osthéopathie, aurait dû le conduire, indépendamment de son obligation de moyen, à être alerté par la symptomatologie de sorte que le défaut d'examen neurologique préalable à la manipulation et de toute exploration complémentaire notamment une imagerie du rachis et du gril costal caractérise un comportement fautif de sa part.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a retenu des fautes commises par les docteurs [J], [X] et [V].

- Sur les responsabilités,

La cour rappelle que le jugement critiqué a fixé de manière irrévocable l'existence d'une perte de chance de M. [C] [T] au taux de 75 %, cet élément caractérisant l'exigence d'un lien de causalité direct et certain entre les fautes établies et le dommage subi par le patient, ledit lien de causalité n'étant pas contesté.

Par ailleurs, la cour est tenue de statuer sur la part de responsabilité des trois médecins susnommés sur la base du rapport d'expertise judiciaire, indépendamment de l'arrêt rendu le 23 avril 2019 par la cour administrative d'appel de Nancy ayant retenu, dans le cadre du périmètre du litige lui étant soumis par M. [C] [T] et Mme [G] [D], une part de responsabilité du centre hospitalier de [Localité 14] fixée à 5 %.

Or, comme relevé par le juge de première instance, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que le centre hospitalier de [Localité 14] a mené le 28 mai 2008 la prise en charge du patient de manière alarmante, sans surveillance de l'état neurologique des membres inférieurs durant la nuit de son arrivée, alors qu'il était encore envisageable de limiter les séquelles.

Aux termes de ce même rapport et en considération de l'importance des fautes retenues à l'encontre de chacun des trois médecins concernés selon le détail ci-avant, chacun d'entre-eux a engagé sa responsabilité dans la perte de chance générée au préjudice de M. [C] [T] selon le chiffrage suivant :

- 15 % à la charge de M. [J], en considération de l'absence de preuve de sa connaissance des sueurs nocturnes subies par son patient, ce symptôme revêtant une importance particulière aux termes des conclusions d'expertise de sorte que le taux retenu par les experts judiciaires et par le jugement dont appel doit être reconsidéré à la baisse ;

- 17,5 % à la charge de M. [X], conformément aux termes du rapport d'expertise judiciaire de sorte que le jugement critiqué sera confirmé en ce sens ;

- 7,5 % à la charge de M. [V], conformément aux termes du rapport d'expertise judiciaire de sorte que le jugement critiqué sera confirmé en ce sens.

Concernant M. [X], les appelants sollicitant l'indemnisation à la charge de ce dernier dans la limite de 15 % de son préjudice, la cour ne peut que limiter sa condamnation à ce quantum.

- Sur la fixation des préjudices subis par M. [C] [T],

En application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier.

Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après.

Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice.

Par ailleurs, l'indemnité due à la victime d'une perte de chance correspond à une fraction des différents chefs de préjudice, tandis que les tiers payeurs disposent, à l'exclusion de la part réparant le préjudice personnel, d'un recours à la mesure des prestations qu'ils ont versées à cette victime et qui sont en relation directe avec le fait dommageable.

Le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties. Si le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été causé, l'évaluation de ce préjudice doit être faite par le juge à la date où il se prononce.

La cour relève que la fixation de la date de consolidation au 3 février 2010 par le juge de première instance, conformément à la date retenue par les experts judiciaires, n'est pas contestée.

. Préjudices patrimoniaux temporaires

Si la MSA produit un document établi par ses soins intitulé 'production de créance définitive', mentionnant une somme de 3 464,09 euros au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, la réalité de l'exposition de ces frais avant la date de consolidation de M. [C] [T] est contestée par les appelants principaux mais aussi par les docteurs [J] et [V].

En réponse, la MSA produit un relevé informatique présenté comme un état des prestations servies mentionnant, au titre des frais susvisés, une somme limitée à 2 501,99 euros exposée entre le 22 mai et le 14 novembre 2008.

Etant rappelé que la charge de la preuve des prestations servies et de leur intégration aux préjudices patrrimoniaux temporaires incombe à l'organisme qui les a exposés, le jugement dont appel sera donc infirmé sur ce point et la somme retenue au titre des dépenses de santé actuelles sera limitée à 2 501,99 x 0,75 = 1 876,49 euros après application du taux de perte de chance, avec rejet de la demande pour le surplus.

Concernant l'indemnisation au titre des frais divers, le juge de première instance a retenu, pour de justes motifs que la cour adopte et non sérieusement remis en cause par le docteur [J] en appel, un montant de 2 918,10 euros après application du taux de perte de chance au titre de l'achat d'une literie médicalisée. Le jugement critiqué sera donc confirmé sur ce point.

M. [C] [T] n'établit cependant ni la réalité ni la nécessité de dépenses exposées personnellement ayant consisté en l'achat d'une caméra de vidéosurveillance ainsi que de prestations de main-d'oeuvre du fait de son accident, étant observé au surplus que la pièce présentée comme la facture de la caméra ne permet pas d'en déduire l'objet ni les caractéristiques et que les factures de main d'oeuvre concernent des travaux réalisés après consolidation dont la nécessité du fait de sa maladie n'est pas établie. Ces demandes formées en appel seront en conséquence rejetées.

Concernant l'assistance par tierce personne, le juge de première instance a, par d'exacts motifs que la cour adopte, retenu, sur la base du quantum horaire estimé par les experts judiciaires, un taux horaire de 20 euros, étant rappelé que la potentielle évolution du coût de ce type de prestation invoquée par M. [C] [T] est sans incidence concernant un préjudice temporaire. Le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a valorisé ce chef de préjudice à la somme de 20 859,60 euros après application du taux de perte de chance.

. Préjudices patrimoniaux permanents

Concernant les frais médicaux restant à la charge de M. [C] [T], la cour constate que les intimés ne forment aucune contestation relative à l'actualisation du préjudice sollicitée par ce dernier.

Si le juge de première instance a retenu que l'usage de trois fauteuils roulants peut être fondé sur la particularité de l'activité professionnelle d'agriculteur exercée par M. [C] [T], la cour relève que s'il est justifié de l'achat de deux fauteuils, utilisés alternativement, les 30 janvier 2012 et 29 juin 2018 par les factures afférentes, la pièce relatives à un troisième fauteuil datée du 20 mars 2014 ne constitue qu'un devis, au surplus non accepté, sans que M. [C] [T] n'apporte aucun autre élément de nature à établir la réalité de ce troisième achat revêtant un caractère exceptionnel et dont l'expertise judiciaire n'a pas conclu à la nécessité en considération des éléments de l'espèce.

Dès lors, après infirmation du jugement dont appel sur ce point, ce dernier sera débouté de sa demande relative au fauteuil objet du devis du 20 mars 2014, tandis que les indemnités relatives à l'achat d'une literie médicalisée, de deux fauteuils roulants les 30 janvier 2012 et 29 juin 2018 ainsi que d'un tabouret de douche seront actualisées après application du barême de capitalisation publié au 31 octobre 2020 conduisant à retenir un indice de 28,422 en considération de l'âge de l'intéressé et après calcul des arrérages échus à la date du 31 décembre 2022 :

- lit médicalisé : 21 285,87 euros correspondant à :

. 6 651,38 euros au titre des arrérages échus du 3 février 2010 au 31 décembre 2022, soit 4 715 jours à 514,90 euros / 365 ;

. 14 634,49 euros au titre du montant capitalisé au 1er janvier 2023 ;

- premier fauteuil roulant : 14 192,25 euros correspondant à :

. 1 600 euros au titre du préjudice initial correspondant au prix d'achat ;

. 3 497,21 euros au titre des arrérages échus du 30 janvier 2012 au 31 décembre 2022, soit 3 989 jours à 320 euros / 365 ;

. 9 095,04 euros au titre du montant capitalisé au 1er janvier 2023 ;

- deuxième fauteuil roulant : 11 207,56 euros correspondant à :

. 1 535,55 euros au titre des arrérages échus du 29 juin 2018 au 31 décembre 2022, soit1 647 jours à 340,30 euros / 365 ;

. 9 672,01 euros au titre du montant capitalisé au 1er janvier 2023 ;

- tabouret de douche : 212,47 euros correspondant à :

. 44,99 euros au titre du préjudice initial correspondant au prix d'achat ;

. 39,58 euros au titre des arrérages échus du 19 mars 2014 au 31 décembre 2022, soit 3 210 jours à 4,50 euros /365 ;

. 127,90 euros au titre du montant capitalisé au 1er janvier 2023.

Il en résulte un total, après application du taux de perte de chance, chiffré à 46 898,15 x 0,75 = 35 173,61 euros.

Le jugement critiqué sera donc infirmé en ce sens et M. [C] [T] sera débouté pour le surplus.

Concernant le préjudice d'assistance par tierce personne après consolidation, le juge de première instance a, par d'exacts motifs, retenu une indemnisation sur la base de deux heures par jour au taux horaire de 22 euros sur une année comprenant 412 jours soit une somme de 16 480 euros par an, ce dont il résulte, après actualisation de la demande au 31 décembre 2022 avec application du barême de capitalisation publié au 31 octobre 2020 conduisant à retenir un indice de 28,422 en considération de l'âge de l'intéressé :

- au titre des arrérages échus soit du 3 février 2010 au 31 décembre 2022 : 16 480 euros x 4 715 jours / 365 jours = 212 885,48 euros ;

- au titre des arrérages à échoir à compter du 1er janvier 2023 : 16 480 euros x 28,422 = 468 394,56 euros.

Il en résulte un préjudice total d'un montant de 681 280,04 euros, soit une indemnité à la charge des responsables après application du taux de perte de chance d'un montant de 681 280,04 x 0,75 = 510 960,03 euros.

En vertu des règles de la subrogation et du droit de préférence, après déduction des sommes versées par la MSA à hauteur de 229 544,02 euros, le reliquat du préjudice non indemnisé de M. [C] [T] s'élève à 681 280,04 - 229 544,02 = 451 736,02 euros, dont il doit obtenir l'indemnisation par les responsables, alors que la MSA se verra allouer le solde d'un montant de 510 960,03 - 451 736,02 = 59 224,01 euros.

Le jugement dont appel sera donc infirmé en ce sens.

Concernant les frais de logement adapté, le jugement de première instance rappelle qu'ils ont été considérés comme nécessaires par les experts judiciaires, il convient de retenir les factures suivantes, à l'exclusion de la facture établie le 10 décembre 2008 par la SARL Zabotti Luc sous la référence 03 12 08 relative à la fourniture et pose d'une chaudière électrique dont le lien avec la nécessaire adaptation du logement n'est pas établi :

- facture n° 11 07 09 établie le 25 juillet 2009 par la société Zabotti Luc d'un montant de 602,41 euros relative à l'adaptation de la salle de bains ;

- facture établie le 19 juillet 2009 sous la référence FAC883 d'un montant de 3 588,98 euros relative à l'adaptation de la salle de bains ;

- facture établie le 11 juin 2009 par la SARL Palanghi sous la référence 551 d'un montant de 3 858,13 euros relative au réaménagement de la salle de bains ;

- facture établie le 29 mai 2009 par l'entreprise Bandeira d'un montant total de 2 889,50 relative à des travaux de carrelage et de faience ;

- facture établie le 13 avril 2010 par la SARL Franc-Comtoise de Travaux Publics SN d'un montant de 3 804,75 euros relative à des travaux d'enrobé.

Après infirmation du jugement critiqué, le préjudice subi à ce titre sera donc fixé, après application du taux de perte de chance, à la somme de (602,41 + 3 588,98 + 3 858,13 + 2 889,50 + 3 804,75) x 0,75 = 11 057,83 euros. La demande sera rejetée pour le surplus.

Concernant les frais de véhicule adapté, le juge de première instance a, par d'exacts motifs que la cour adopte, retenu un préjudice chiffré à la somme de 18 511,05 euros après application du taux de perte de chance, en considération des factures produites aux débats et de l'indice de 27,426 à retenir en considération de l'âge de M. [C] [T] au mois de novembre 2018. Le jugement dont appel sera donc confirmé sur ce point.

Enfin, ledit jugement sera confirmé en ce qu'il n'a retenu aucun préjudice subsistant au titre de l'incidence professionnelle et a fixé la créance de la MSA à la somme de 30 059,19 euros non sérieusement contestée en appel.

. Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Concernant le déficit fonctionnel temporaire, les appelants ne produisent en appel aucun élément de nature à remettre en cause les justes motifs retenus par le juge de première instance et l'ayant conduit à prendre en compte, au visa du rapport d'expertise judiciaire, une base de 23 euros par jour appliquée à 100 % pendant 418 jours puis à 75 % pendant 198 jours, soit un préjudice chiffré, après application du taux de perte de chance, à (23 x 418) + [(23 x198) x 0,75] = 13 029,50 x 0,75 = 9 772,12 euros. Le jugement dont appel sera donc confirmé sur ce point.

En considération des conclusions d'expertise judiciaire détaillant l'historique des soins prodigués à M. [C] [T], il en est de même concernant l'indemnisation des souffrances endurées de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a évalué ce chef de préjudice, après application du taux de perte de chance, à la somme de 40 000 x 0,75 = 30 000 euros.

Le déficit moteur subi par la victime a par ailleurs des implications en termes esthétiques évaluées à 4/7 par les experts judiciaires et valorisés par de justes motifs à la somme de 5 000 euros par le juge de première instance, soit 3 750 euros après application du taux de perte de chance, de sorte que le jugement sera confirmé concernant ce chef.

. Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Aucune des parties ne produit aux débats des éléments de nature à remettre sérieusement en cause l'évaluation du déficit fonctionnel permanent tel que réalisé par le juge de première instance sur la base du taux de 70 % retenu par les experts judiciaires ainsi que de l'âge et de la profession de l'intéressé, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point, soit une somme de 236 250 euros après application du taux de perte de chance et sur la base d'une valeur du point fixée à 4 500 euros, laissant subsister un préjudice d'un montant de 128 517,07 euros après la rente versée par la MSA, le reliquat d'un montant de 107 732,93 euros devant être versé à cette dernière.

Concernant l'évaluation du préjudice esthétique permanent, les experts judiciaires ont retenu une évaluation à hauteur de 4/7, de sorte qu'en considération des séquelles ci-dessus rappelées subies par M. [C] [T] le tribunal a par de justes motifs non sérieusement remis en cause en appel retenu un chiffrage à la somme de 22 500 x 0,75 = 16 875 euros. Le jugement dont appel sera donc confirmé sur ce point.

De même, ledit jugement sera confirmé concernant la fixation du préjudice d'agrément, constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs indépendamment du déficit fonctionnel, en ce qu'il a par d'exacts motifs auxquels les parties n'opposent aucun élément de nature à en justifier l'infirmation, retenu une somme de 7 000 x 0,75 = 5 250 euros.

Le préjudice sexuel, dont la cour rappelle qu'il comprend l'ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle au regard de l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, de l'acte sexuel lui-même et de la fonction reproductive, a été par des motifs adoptés par la cour fixé à la somme de 15 000 x 0,75 = 11 250 euros, de sorte que le jugement critiqué sera confirmé concernant ce chef.

Enfin, le juge de première instance a, à bon droit et pour des motifs que la cour adopte, rejeté la demande formée par M. [C] [T] au titre de l'indemnisation d'un préjudice d'établissement, de sorte que le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

En considération des éléments susvisés, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les docteurs [J], [V] et [X] à payer à M. [C] [T] la somme de 659 253,35 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice et ces derniers seront condamnés in solidum à lui payer, dans la limite de leur part de responsabilité, la somme totale de 745 670,40 euros correspondant aux chefs de préjudices suivants actualisés :

- préjudices patrimoniaux temporaires :

. frais divers : 2 918,10 euros ;

. l'assistance par tierce personne : 20 859,60 euros ;

- préjudices patrimoniaux permanents :

. frais médicaux : 35 173,61 euros ;

. assistance par tierce personne après consolidation : 451 736,02 euros ;

. frais de logement adapté : 11 057,83 euros ;

. frais de véhicule adapté : 18 511,05 euros ;

. incidence professionnelle : néant ;

- préjudices extra-patrimoniaux temporaires:

. déficit fonctionnel temporaire : 9 772,12 euros ;

. souffrances endurées : 30 000 euros ;

. préjudice esthétique : 3 750 euros ;

- préjudices extra-patrimoniaux permanents :

. déficit fonctionnel permanent : 128 517,07 euros ;

. préjudice esthétique permanent : 16 875 euros ;

. préjudice d'agrément : 5 250 euros ;

. préjudice sexuel : 11 250 euros ;

. préjudice d'établissement : néant.

Par ailleurs, le jugement sera infirmé en ce qu'il a chiffré les sommes revenant à la MSA à 241 744,86 euros et les docteurs [J], [V] et [X] seront condamnés à lui payer la somme totale de 218 462,26 euros correspondant aux sommes suivantes :

- 1 876,49 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

- 19 569,64 euros au titre des indemnités journalières, ce montant n'étant pas sérieusement contesté ;

- 59 224,01 euros au titre de la majoration tierce personne ;

- 30 059,19 euros + 107 732,93 euros au titre de la rente accident.

- Sur la fixation des préjudices subis par l'EARL [T] [C],

L'EARL [T] [C], dont il n'est au demeurant pas attesté de la date de constitution ni même de l'activité, ne produit aucun élément de nature à établir la réalité d'un préjudice économique, au regard de l'antériorité de nombreuses pièces à la date alléguée de sa création et en l'absence de tout élément comptable, tel que relevé par le juge de première instance.

Dès lors, tant le principe que le quantum du préjudice ne sont pas établis de sorte que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires.

- Sur la fixation des préjudices subis par Mme [G] [D],

En considération des justes motifs retenus par le juge de première instance, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice moral subi par Mme [G] [D] à la somme de 20 000 euros, soit 15 000 euros après application du taux de perte de chance.

S'il peut être reconnu à un proche d'une victime un préjudice extra-patrimonial exceptionnel dans le cas de préjudices spécifiques soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des

circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage, Mme [G] [D], qui se borne à évoquer la modification de son mode de vie suite aux faits, n'établit cependant pas la réalité d'un préjudice, certes autonome mais atypique, justifiant une indemnisation spécifique.

Dès lors, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a retenu la somme de 15 000 euros sur ce fondement et sa demande présentée sur ce fondement sera rejetée.

Néanmoins, il résulte du rapport d'expertise judiciaire un préjudice sexuel certain subi par l'épouse de M. [C] [T] qui sera fixé, en considération de son âge et de la nécessité d'un traitement médicamenteux, à la somme de 10 000 euros soit 7 500 euros après application du taux de perte de chance. La demande sera rejetée pour le surplus.

- Sur la fixation des préjudices subis par MM. [A] et [F] [T],

A défaut de production de tout élément de nature à remettre en cause l'appréciation du quantum des préjudices tels qu'effectuée par le juge de première instance, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a retenu, après application du taux de perte de chance de 75 %, une indemnisation de chacun des enfants de [C] [T] à hauteur de 11 250 euros.

En application de l'article 1231-7, alinéa 2, du code civil, les indemnités versées à M. [C] [T] et à Mme Mme [G] [D] seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, tandis que les indemnités versées à MM. [A] et [F] [T] seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance soit le 17 février 2021.

Par ailleurs le présent arrêt sera déclaré opposable à la MSA, à la société Mutuelle Groupama et à l'association AAEXA.

Par ces motifs,

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement rendu entre les parties le 17 février 2021 par le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier en ce qu'il a :

- fixé la part de responsabilité et la contribution à la dette de M. [W] [J] à 20 % et de M. [M] [X] à 17,5 % ;

- condamné in solidum MM. [W] [J], [O] [V] et [M] [X], après application de la perte de chance, à payer, dans les limites de leur part de responsabilité fixée ci-dessus, la somme de 659 253,35 euros à M. [C] [T], la somme de 26 250 euros à Mme [G] [D] et la somme de 241 744,86 euros à la Mutualité Sociale Agricole ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant, vu l'évolution du litige :

Fixe, dans les rapports entre MM. [W] [J], [O] [V] et [M] [X], la part de responsabilité de M. [W] [J] à 15 % avec contribution à la dette selon cette proportion, ainsi que la part de responsabilité de M. [M] [X] à 17,5 % avec contribution à la dette par ce dernier à hauteur de 15 % ;

Condamne in solidum MM. [W] [J], [O] [V] et [M] [X], après application de la perte de chance, à payer, dans les limites de leur contribution à la dette à hauteur de 15 % pour M. [W] [J], de 7,5 % pour M. [O] [V] et de 15 % pour M. [M] [X] :

- la somme de 745 670,40 euros à M. [C] [T] en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- la somme de 22 500 euros à Mme [G] [D] en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- la somme de 218 462,26 euros à la Mutualité Sociale Agricole de Franche-Comté ;

Condamne in solidum MM. [W] [J], [O] [V] et [M] [X] à payer, dans les limites de leur contribution à la dette à hauteur de 15 % pour M. [W] [J], de 7,5 % pour M. [O] [V] et de 15 % pour M. [M] [X], les intérêts au taux légal sur la somme de 11 250 euros à compter du 17 février 2021 à M. [A] [T] d'une part et à M. [F] [T] d'autre part ;

Déboute M. [C] [T], Mme [G] [D] et la Mutualité Sociale Agricole de Franche-Comté du surplus de leurs demandes ;

Déclare le présent arrêt opposable à la Mutualité Sociale Agricole de Franche-Comté, à la société Mutuelle Groupama et à l'association AAEXA ;

Condamne in solidum MM. [W] [J], [O] [V] et [M] [X] aux dépens d'appel ;

Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les parties de leurs demandes.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00728
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;21.00728 ?
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