ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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Le : 08 Janvier 2008
DEUXIÈME CHAMBRE
No de rôle : 07 / 00103
Madame Ginette X... épouse Y...
c /
Madame Claudette Z... divorcée A...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués
Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Le 08 Janvier 2008
Par Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, DEUXIÈME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :
Madame Ginette X... épouse Y..., née le 05 Novembre 1932 à BORDEAUX (33000), de nationalité Française, demeurant...
représentée par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistée de Maître PUYBARAUD de la SCP PUYBARAUD-LEVY, avocat au barreau de BORDEAUX
appelante d'un jugement (R.G. 05 / 04931) rendu le 07 décembre 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 09 janvier 2007et intimée,
à :
Madame Claudette Z... divorcée A..., née le 17 Juillet 1945 à BORDEAUX (33000), de nationalité Française, demeurant ...06700 SAINT LAURENT DU VAR
représentée par la SCP ARSENE-HENRY ET LANCON, avoués à la Cour et assistée de Maître Marie-Pierre HEINTZE-LE DONNE, avocat au barreau de CANNES
intimée et appelante de la même décision suivant déclaration d'appel en date du 26 janvier 2007,
rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 13 novembre 2007 devant :
Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,
Madame Véronique SAIGE, Greffier,
et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.
Claudette Z..., divorcée A... (Claudette A...), exploite un fonds de commerce, cave, bar restaurant dans des locaux appartenant à Ginette Y.... Le bail est ancien et régulièrement renouvelé depuis 1955. Le loyer convenu entre les parties aujourd'hui présentes est fixé à 9. 168 francs par an, payable par trimestre à compter du 1er mai 1982.
En 1996, Claudette A... désire se retirer des affaires et Ginette Y... voudrait vendre son immeuble libre de toute occupation. Des discussions sont entreprises sans qu'un accord soit formalisé. Quoiqu'il en soit, il est constant que Claudette A..., va cesser toute exploitation à compter du mois de mars 1996 et va quitter la région pour aller s'installer dans les Alpes-Maritimes. Fin décembre 1996, début 1997 elle se dessaisit des clefs de commerce.A compter du 1er février 1997, elle cesse le paiement des loyers.
A l'automne 1997, Ginette Y... entreprend de faire constater la résiliation du bail, obtient une provision à valoir sur les loyers échus et impayés et la condamnation du preneur à lui régler une indemnité égale au montant du loyer à compter du 1er octobre 1997 jusqu'à la libération effective des lieux.
Au terme de longues péripéties judiciaires, Claudette A... parvient à faire annuler ces procédures, irrégulièrement instrumentées à son insu alors que son adresse était parfaitement connue de la bailleresse.
L'immeuble dans lequel était exploité le fonds de commerce est vendu.
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Claudette A... poursuit Ginette Y... en réparation de ses préjudices. Les préjudices liés à la perte de son fonds de commerce sans aucune indemnité et les préjudices liés aux suites des procédures initiées par Ginette Y... et finalement annulées.
Saisi de la difficulté, le tribunal de grande instance de BORDEAUX, par jugement du 7 décembre 2006, retient :
a) pour la débouter de sa demande d'indemnisation relative à la valeur du fonds de commerce :
1.-que si les procédures en résiliation du bail intentées par la bailleresse avaient été régulières, Claudette A... aurait succombé, car il est constant qu'elle a cessé de payer son loyer en janvier 1997 et que les lieux loués avaient été vidés ;
2.-que le fonds n'avait plus de valeur, car Claudette A... avait cessé toute exploitation en mars 1996 ;
b) pour admettre sa demande d'indemnisation des préjudices consécutifs aux procédures poursuivies contre elle à son insu, que les ordonnances du 24 septembre 1997 et du 09 septembre 1998 ayant été annulées, la saisie-attribution pratiquée n'a plus de cause.
Le tribunal en définitive condamne Ginette Y... à restituer à Claudette A... les sommes saisies et les frais de procédure, soit 25. 875,08 € outre intérêts calculés au taux légal à compter de l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.
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Les parties insatisfaites de cette décision en relèvent appel.
Claudette A... explique qu'en 1996, alors qu'elle désire céder son fonds de commerce, Ginette Y... voulait pour sa part reprendre le fonds pour vendre l'immeuble libre de toute occupation. Des pourparlers sont engagés et Ginette Y... propose une indemnité d'éviction de 120. 000 francs. Claudette A..., cesse son exploitation courant 1996, déménage et va s'établir à GRASSE (06) et finit par remettre les clefs aux mandataires de la bailleresse fin 1996, début 1997. La bailleresse qui n'ignore rien de ces faits, puisque les deux femmes continuent à correspondre, imagine d'obtenir la résiliation du bail à l'insu du preneur.S'ensuit une longue bataille judiciaire au terme de laquelle, les décisions obtenues par Ginette Y... sont purement et simplement annulées.
Claudette A... poursuit la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle lui donne satisfaction, sauf à préciser que le point de départ des intérêts sera l'arrêt de cassation du 30 mai 2002 et non l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES.A titre de demande complémentaire, pour le préjudice purement financier, elle sollicite le remboursement des frais exposés pour rémunérer ses conseils (4. 038. 00 € pour son avocat et 450. 00 € de frais de postulation). Puis elle poursuit l'infirmation de la décision déférée pour le surplus et demande à la cour de dire que Ginette Y... a engagé sa responsabilité en la privant de la possibilité de faire assurer la défense de ses intérêts devant les juridictions saisies de la demande de résiliation du bail commercial.A titre de réparation, elle poursuit la condamnation de Ginette Y... à lui payer une somme de 18. 294. 00 €, somme correspondant au montant de l'indemnité d'éviction sur laquelle les parties s'étaient accordées ou au montant de la perte totale du fonds. Elle réclame également une somme de 10. 000 € à titre de réparation morale et matérielle. Elle sollicite la capitalisation des intérêts et 8. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Enfin, elle conclut au débouté des demandes fins et conclusions de Ginette Y....
Ginette Y... fait valoir, quant à elle, qu'il n'y a jamais eu d'accord des parties sur une indemnité d'éviction, que Claudette A... n'a pu vendre son fonds de commerce car l'ayant abandonné, à défaut de clientèle, il n'avait plus la moindre valeur et que par la suite elle a cessé de respecter ses obligations contractuelles, comme celles de payer son loyer ou de maintenir meublé le local commercial. Si elle conclut à la confirmation de la décision déférée qui rejette la demande d'indemnisation pour la perte du fonds, elle conclut à son infirmation pour le surplus. Tout d'abord, elle tient à préciser que la provision sur les loyers, allouée en référé le 24 septembre 1997, n'était pas de 154. 552 francs (23. 561. 30 €) mais bien seulement de 15. 552francs (2. 370. 89 €). Par ailleurs, elle estime que Claudette A... ayant renoncé à contester la saisie attribution a reconnu sa dette de loyers. De la même manière, après l'annulation des ordonnances de référé, l'obligation au paiement des loyers demeure, puisqu'elle résulte du bail liant les parties, et la saisie pratiquée trouve sa justification dans le bail. Elle réclame 3. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
SUR CE :
Sur l'indemnisation relative à la perte du fonds de commerce.
Si des pourparlers ont bien existé entre preneur et bailleur, aucun accord n'est jamais intervenu sur la résiliation du bail ni sur la valeur du fonds ou d'une quelconque indemnité d'éviction, contrairement à ce que prétend Claudette A...
En effet, Claudette A... ne peut se prévaloir même d'une acceptation tacite de la dernière offre faite par la bailleresse (courrier Y... / SAINTORENS du 31 janvier 1996-120. 000 francs-travaux) alors qu'il ressort de la lettre qu'elle adresse le 03 mars 1997, une année plus tard, à SEGRET qu'elle continue à rechercher un acquéreur pour son fonds (".... je vous confirme que je donne préférence à monsieur E... au prix revu à la baisse.... /... il serait peut-être utile de contacter madame Y..., au cas ou elle serait intéressée à ce tarif.... /... ").
Claudette A... ne peut pas plus se prévaloir de la remise des clefs à SEGRET qui, s'il était mandataire de la bailleresse, était également celui de Claudette A... qui le 25 janvier 1997 lui écrivait :
".... je vous confirme que monsieur F... se mettra en rapport avec vous pour vous remettre les clefs du fonds de commerce sis au 116, bd Jules SIMON à Bordeaux Bastide. Ceci vous permettra d'effectuer les visites nécessaires pour négocier cette vente. (Prix demandé 100. 000 + 50. 000 francs) Les acheteurs potentiels sont les suivants :... /...) ".
Enfin, il n'est pas démontré que ce fonds que l'intéressée a cessé d'exploiter dès le mois de mars 1995 avait encore quelque valeur que ce soit le jour ou il a définitivement disparu avec la vente de l'immeuble dans lequel il était exploité.
La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Sur l'indemnisation relative aux conséquences des procédures annulées.
Pour le motif déjà développé par le tribunal que la cour fait sien, Claudette A... est fondée à réclamer le remboursement des sommes prélevées ou exposées à l'occasion des procédures annulées par la cour d'appel de LIMOGES. Claudette A... est en droit d'obtenir la restitution des sommes prélevées dans le cadre de la saisie attribution et des frais exposés pour parvenir à faire annuler les procédures litigieuses. Au vu des justificatifs produits c'est bien une somme de 25. 875. 08 € qui est due à l'intéressée (l'erreur de plume sur le rappel du montant de l'indemnité provisionnelle obtenue en référé par Ginette Y...-page 4 dernier paragraphe du jugement déféré-est sans incidence sur le montant du préjudice arrêté par les premiers juges). Le tribunal a justement fixé le point de départ des intérêts à la date de la décision ayant annulé les procédures de référé.
Sur les mesures accessoires.
Claudette A... ne justifie pas d'un préjudice matériel distinct de celui réparé par l'indemnisation arbitrée en sa faveur. Elle ne justifie pas de son préjudice moral. En raison des succombances réciproques, les parties seront déboutées de leurs demandes pour frais irrépétibles et chacune gardera la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
Déclare l'appel recevable,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes pour frais irrépétibles,
Dit que chacune des parties gardera la charge de ses propres dépens,
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-François BOUGON, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.