² ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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Le : 13 février 2008
CINQUIEME CHAMBRE
No de rôle : 06 / 04496
IT
S. A. COMPAGNIE GAN ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,
c /
Madame Laetitia X... épouse Y... L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG venant aux droits de l'Association Aquitaine pour le développement de la Transfusion sanguine et de recherches Hématologique ex CRTS La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DE LA DORDOGNE La MGPTT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le 13 février 2008
Par Madame Josiane COLL, Conseiller en présence de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CINQUIEME CHAMBRE, a, dans l'affaire opposant :
S. A. COMPAGNIE GAN ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,8-10 rue d'Astorg 75009 PARIS
Représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour assistée de Maître DANTHEZ avocat au barreau de BORDEAUX
Appelante d'un jugement au fond rendu le 04 juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel en date du 30 Août 2006,
à :
Madame Laetitia X... épouse Y... née le 17 Mars 1980 à PERIGUEUX (24000) de nationalité française demeurant ... 24600 SEGONZAC
Représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour assistée de Maître MAZE avocat au barreau de BORDEAUX
L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG venant aux droits de l'Association Aquitaine pour le développement de la Transfusion sanguine et de recherches Hématologique ex CRTS 20 avenue du Stade de France 93218 LA PLAINE SAINT DENIS
Représenté par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assisté de Maître RAVAUT avocat au barreau de BORDEAUX
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 17 rue Louis Blanc 24000 PERIGUEUX
Représentée par la SCP Luc BOYREAU et Raphael MONROUX, avoués à la Cour assistée de Maître MONFRAY loco de Maître FAVREAU avocat au barreau de BORDEAUX
La MGPTT prise en la personne de son représentant légal dont le siège social est 35 rue du Général Morand 24009 PERIGUEUX
défaillante
Intimées,
Rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause a été débattue en audience publique, le 12 Décembre 2007 devant :
Monsieur Robert MIORI, Président, Madame Josiane COLL, Conseiller, Madame Edith O'YL, Conseiller, assistés de Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier,
et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats.
Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX en date du 4 juillet 2006.
Vu l'acte d'appel de la Compagnie LA COMPAGNIE GAN INCENDIE ACCIDENTS assurance IARD en date du 30 août 2006.
Vu les conclusions de la compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS en date du 26 décembre 2006.
Vu les conclusions de l'Établissement Français du sang en date du 20 novembre 2007.
Vu les conclusions de Madame Laétitia X... épouse Y... en date du 11 septembre 2007.
Vu les conclusions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Dordogne en date du 24 mai 2007.
La procédure a été clôturée par ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat en date du 11 décembre 2007.
SUR QUOI :
La compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS est l'assureur de l'Établissement Français du sang. Elle a fait appel du jugement qui a fait droit à la demande d'indemnisation de Madame Laétitia X... épouse Y... du fait de sa contamination par le VHC suite à une transfusion qui aurait eu lieu en 1985.
La compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS et l'Établissement Français du sang font valoir que le premier juge a commis une erreur en estimant que les dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 s'appliquaient dans son cas.
Ils soutiennent que la présomption de contamination bénéficiant à la personne transfusée ne s'applique que dans la mesure où la transfusion est établie, ce qui n'est pas, selon eux, le cas en l'espèce, aucun événement probant ne permettant d'attester que Madame Laétitia X... épouse Y... a été transfusée en 1985.
Il apparaît de la lecture du jugement que le premier juge a précisé que si la victime d'une transfusion bénéficie d'une présomption de contamination, cette présomption ne valait évidemment pas présomption de transfusion et qu'il appartenait à la demanderesse de prouver la réalité de la transfusion.
Pour autant cette preuve d'un fait pouvait conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil être rapportée par tout moyen y compris par des présomptions graves, précises et concordantes.
En l'espèce, la séroposivité au virus de l'hépatite C de Madame Laétitia X... épouse Y... a été découverte en 1999 lors d'un examen de routine de l'intéressée qui à l'époque n'était pas mariée et avait 19 ans.
En 1985, à l'age de 5 ans, elle a été opérée des amygdales à la Clinique FRANCHEVILLE de PERIGUEUX le 12 juin 1985, le 18 juin 1985, elle était victime d'une hémorragie qui entraînait de nouveau son hospitalisation pour 24 heures.
Son père affirme que lors de cette deuxième hospitalisation, elle a subi une transfusion.
Le dossier médical de Madame Laétitia X... épouse Y... n'a pas pu être retrouvé à la clinique, compte tenu de la date d'hospitalisation, les établissements médicaux à l'époque n'ayant pas obligation de conserver ceux-ci.
Un expert, le Docteur Chrisitian Z... a été désigné afin de donner les éléments médicaux permettant de déterminer la réalité de cette transfusion.
Il s'avère qu'en l'absence de dossier médical, l'expert a du faire appel aux souvenirs des intervenants et aux quelques documents qui ont été mis à sa disposition.
Il ressort des éléments recueillis que l'enfant, a donc, été de nouveau hospitalisée suite à une première intervention, le 18 juin 1985 dans la soirée ayant fait une hémorragie. Elle aurait vu l'ORL le Docteur G... qui n'a gardé aucun souvenir de cet épisode. Néanmoins, il est bien établi que l'hospitalisation a été réelle comme le démontre le courrier du Docteur H... en date du 19 juin 1985 indiquant qu'il laissait l'enfant repartir dans ses foyers après avoir traité l'hémorragie faite par cette dernière suite à la chute de l'escarre au niveau de la loge amygdalienne.
L'enfant a été confié aux soins de l'anesthésiste le docteur I.... Celui-ci indique se rappeler avoir constaté des vomissements de sang et une hypotension artérielle, il n'exclut pas au vu de cette symptomatologie d'avoir fait pratiquer une transfusion.
Il est en tout cas établi que deux produits ont bien été commandés pour l'enfant par la clinique ce soir là à l'Établissement Français du Sang et plus précisément une unité de concentré de globules rouges et un flacon de PPSB (fraction coagulante préparée à partir d'un pool de plasmas unitaires). Ces deux produits ont été distribués à la clinique.
Un bilan biologique en date du 18 juin 1985 est également fourni. Ce bilan est normal. Néanmoins, l'expert précise qu'il est possible qu'il s'agisse d'un bilan daté du 18 juin mais réalisé en fait le 19 juin 1985 après la transfusion ce qui expliquerait sa normalité. L'expert d'ailleurs le suppose, il indique également qu'il est possible que la transfusion du PPSB fut faite de manière systématique à titre de précaution compte tenu notamment de l'hémorragie présentée par Laétitia X....
Il apparaît, donc :
-qu'en présence d'une enfant très jeune présentant une hémorragie et une hypotention, deux produits sanguins qui lui étaient destinés ont été livrés à l'hôpital le soir de son admission
-que le médecin anesthésiste n'exclut pas du tout avoir procédé à cette transfusion
-que le père de l'enfant atteste que sa fille a bien été transfusée dans la nuit
-qu'avant la découverte de sa séropositivité Madame Laétitia X... épouse Y... n'avait pas voyagé à l'étranger sauf pour des voyages scolaires qu'elle ne se droguait pas n'avait ni piercing ni tatouages.
Dès lors il existe des présomptions graves précises et concordantes qui permettent de dire que Madame Laétitia X... épouse Y... a subi en 1985 l'injection de produits sanguins à l'origine de sa contamination par le virus de l'hépatite C, car si en effet, il est acquis que l'unité de concentré de globules rouges était indemne de toute contamination, le PPSB, en 1985, était un médicament dérivée du plasma humain vecteur potentiel du VHC car constitué d'un pool de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines de donneurs et donc fortement contaminant.
Le jugement sera, donc, confirmé.
L'appel ne portant pas sur le montant de l'indemnisation accordée à Madame Laétitia X... épouse Y..., il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.
L'équité permet de faire droit à la demande de Madame Laétitia X... épouse Y... au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à concurrence de la somme de 1 500 € et à celle de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Dordogne à hauteur de 300 euros.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance en date du 4 juillet 2006.
Condamne in solidum la compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS et l'Établissement Français du sang à payer à Madame Laétitia X... épouse Y... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et la somme de 300 € du même chef à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Dordogne.
Condamne in solidum la compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS et l'Établissement Français du sang aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
Hervé GOUDOT Robert MIORI