COUR D'APPEL DE BORDEAUX
SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
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NF
ARRÊT DU : 31 MARS 2008
(Rédacteur : Marie- Paule LAFON, Président,)
No de rôle : 07 / 02962
Alain, Léon, Paul X...
c /
Caroline Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007 / 011808 du 22 / 08 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 avril 2006 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX (RG no 05 / 000104) suivant déclaration d'appel du 14 juin 2007
APPELANT :
Monsieur Alain, Léon, Paul X...,
né le 22 Janvier 1959 à MANTES LA JOLIE (78200),
de nationalité Française,
Sapeur Pompier Professionnel,
demeurant...,
représenté par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour,
assisté de Maître Nathalie CLARISSOU- CAILLARD, avocat au barreau de BRIVE,
INTIMÉE :
Madame Caroline Y...,
agissant en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure Aline Louise Marine Y...,
née le 17 décembre 1967 à PLAISIR (Yvelines),
domiciliée ...,
de nationalité Française,
demeurant ...,
représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour,
assistée de Maître Stéphanie BOURDEIX, substituant la SCP ENGEL et LEMERCIER et ATHANAZE, avocats au barreau de PERIGUEUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du ncpc, l'affaire a été débattue le 06 février 2008 hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Marie- Paule LAFON, Président, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie- Paule LAFON, Président,
Philippe GUENARD, Conseiller,
Anne- Marie LEGRAS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Annie BLAZEVIC
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du ncpc.
Faits et procédure antérieure :
Madame Caroline Y... a donné naissance à un enfant Aline née le 13 février 2004, dont la filiation paternelle n'a pas été établie.
Madame Y..., ès- qualités d'administratrice légale de sa fille mineure, a engagé une action en reconnaissance de paternité naturelle, en sollicitant avant dire droit une expertise biologique devant le Tribunal de Grande Instance de Périgueux.
Par jugement en date du 4 avril 2006, le Tribunal ordonnait une expertise biologique confiée au Professeur E... qui déposait rapport de ses opération le 21 juillet 2006 en indiquant que Monsieur Alain X... ne s'était pas présenté pour subir le prélèvement cellulaire indispensable à l'exécution de sa mission en dépit de trois convocations.
Par jugement en date du 2 mai 2007, le tribunal de Grande Instance de Périgueux a :
- dit que l'enfant Aline née le 13 février 2004 a pour père Monsieur Alain X... ;
- dit n'y avoir lieu à modification du nom de l'enfant ;
- condamné Monsieur X... à payer à Madame Caroline Y... une contribution à l'entretien de l'enfant de 180 € par mois à compter du 1er mars 2004 avec indexation ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- condamné Monsieur X... aux dépens.
Procédure d'appel :
Monsieur X... a régulièrement relevé appel de ces jugements.
A l'appui de son appel, il soutient que :
- les premiers Juges ont fait une appréciation erronée des pièces qui leur étaient soumises ;
- il ne conteste pas avoir entretenu une relation intime pendant quelques semaines avec Madame Y... ;
- il ne peut toutefois être déduit des pièces produites, l'existences de relations stables et continues à l'époque de la conception de l'enfant, dès lors que par courrier du 13 février 2004 qu'il a adressé à Madame Y... il a évoqué sans ambiguïté leur rupture et dans un courrier du 2 janvier 2004 sa volonté de rejoindre son épouse qu'il aimait ;
- rien ne démontre qu'il ait entretenu des relations intimes avec Madame Y... au mois de mai 2003, dès lors que sa grossesse a débuté le 26 mai 2003 et notamment que les courriers produits par Madame Y... sont soit antérieurs, soit dépourvus de date ;
- raisonner différemment aboutirait à utiliser l'expertise biologique aux fins de démontrer la recevabilité de l'action en recherche de paternité ;
- les témoignages produits par Madame Y... n'établissent aucun fait précis et le seul refus de se soumettre à une expertise biologique, aux termes d'une jurisprudence constante n'établit pas une présomption de paternité ;
- à titre infiniment subsidiaire si le jugement était confirmé au titre de l'existence de sa paternité, l'action indemnitaire de Madame Y... devrait être rejetée, dès lors que Madame Y... ayant introduit l'action en recherche de paternité uniquement ès- qualités de représentante légale de sa fille mineure, ne saurait solliciter la réparation du préjudice personnel qu'elle invoque seul à l'appui de sa demande de dommages et intérêts ;
- il sollicite dans le cadre de son appel incident le rejet de la demande de dommages et intérêts de Madame Y... ;
- il y a lieu de confirmer le jugement entrepris dans ses dispositions relatives au nom dès lors que l'intérêt de l'enfant à un changement n'est absolument pas justifié ainsi qu'au titre de la pension alimentaire mise à sa charge dans l'hypothèse où le jugement du mai 2007 serait confirmé.
Madame Y... réplique que :
- elle verse aux débats diverses lettres d'amour, des photographies et des témoignages de voisins et d'amis démontrant que Monsieur X... passait à son domicile tous les matins avant d'aller travailler, déjeunait avec elle à midi, et repassait certains soirs, menant manifestement une double vie ;
- le dépôt de plainte de Madame X... du 15 mars 2005 établit cette paternité dès lors qu'elle fait référence à la naissance d'Aline ;
- le Tribunal a fait une juste application de la jurisprudence qui prévoit qu'il peut être tiré toutes conséquences de droit du refus de se soumettre à une expertise génétique ;
- Monsieur X... refuse de se soumettre à la transparence et de communiquer ses revenus en dépit de plusieurs sommations de communiquer et d'un incident de communication de pièces qui a été joint au fond ;
- dès lors la Cour en tirera toutes conséquences de droit et fixera à 400 € la pension alimentaire du père pour l'entretien d'Aline ;
- par ailleurs la réformation du jugement entrepris s'impose au titre du nom de l'enfant ;
- cette dernière âgée de 4 ans qui souffre de ne pas connaître son père et ne pas porter son nom qu'elle prononce correctement devra être autorisée à porte ce nom ce qui entraînera, elle l'espère, un changement de comportement de Monsieur X... ;
- le comportement de Monsieur X... et de son épouse pour la pousser à abandonner cette procédure qui a entraîné une dépression justifie l'allocation à son profit d'une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts, outre 2 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile avec condamnation aux dépens.
Le Ministère Public auquel le dossier a été communiqué à indiqué s'en remettre à droit.
Motifs :
- Sur la recevabilité et le bien fondé de l'action en recherche de paternité :
Comme l'a précisé le Tribunal en préambule, il y a lieu de retenir que la présente action en recherche de paternité, dès lors qu'elle a été introduite avant le 1er juillet 2006, demeure régie par les disposition de la loi du 3 janvier 1972 relative à la filiation et en particulier à celles de l'article 340 du Code Civil. Elle est donc recevable puisqu'introduite dans le délai de deux années à compter de la naissance de l'enfant dont la filiation paternelle n'avait pas été établie par un acte de reconnaissance.
A l'appui de sa demande en recherche de paternité à titre d'indices graves ou de présomptions au sens de l'article 340 du Code Civil, Madame Caroline Y... a produit aux débats des photographies prises dans l'intimité ayant existé entre elle- même et Monsieur X..., des lettre et des cartes dont ce dernier ne conteste pas être l'auteur et les témoignages de Monsieur Stéphane G..., l'ami de Madame Y... et de madame Bernadette Y... (épouse du frère de Madame Caroline Y...) faisant état, aux termes d'attestations circonstanciées, du fait que la liaison ayant existé au cours de l'été 2002 s'est poursuivie jusqu'à l'été 2003.
Sur la base de ces éléments concordants constituant à tout le moins des indices graves, c'est à bon droit que le Tribunal, dès lors que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder, a, aux termes de son jugement du 4 avril 2006, considéré qu'aucun motif légitime ne permettait d'y faire obstacle et ordonné cette mesure d'instruction.
Par ailleurs, il y a lieu de relever que Monsieur Alain X..., alors même qu'il a été convoqué à trois reprises par le Professeur E... dans le cadre de l'expertise biologique s'est délibérément refusé à se présenter sans justifier ni même invoquer le moindre motif d'absence.
Dans ce contexte de la preuve d'une liaison avérée de Madame Y... et de Monsieur X... à l'époque de la conception d'Aline née le 13 février 2004, c'est à bon droit que le premier Juge a considéré " que l'unique interprétation possible de comportement de Monsieur Alain X... réside dans la volonté de se soustraire aux opérations d'expertise qui devaient révéler sa paternité " et qu'il y avait lieu de déclarer l'appelant père de l'enfant précitée. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
- Sur les mesures annexes :
Monsieur X... qui est demeuré uni dans les liens du mariage avec son épouse dont il a eu deux enfants, se refuse à assumer moralement sa paternité à l'égard de l'enfant Aline née de sa liaison avec Madame Y....
Il est manifeste qu'il n'envisage pas de nouer de liens affectifs avec l'enfant à l'égard de laquelle il ne sollicite la fixation d'aucun droit de visite et d'hébergement.
L'attitude de rejet de Monsieur X... à l'égard ‘ Aline justifie la décision du Tribunal qui a considéré que dans un tel contexte, l'intérêt de l'enfant s'opposait à ce que lui soit attribué le nom de son père biologique et a rejeté la demande présentée à ce titre par Madame Y.... Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Au titre de la contribution à l'entretien d'Aline il y a lieu de considérer que Monsieur X... en sa qualité de lieutenant des sapeurs pompiers perçoit un salaire qui a varié d'août 2004 à juin 2007 de 2 536, 89 € à 3 403, 89 €. Il partage les frais de la vie commune avec son épouse directrice d'école qui preçoit un salaire mensuel de l'ordre de 2 000 €. Le couple a deux enfants, dont l'un est étudiante. Sa communication de pièces à ce titre rend sans objet l'incident soutenue par Madame Y....
Madame Y... justifie percevoir des revenus constitués de prestations sociales d'un montant de 853, 08 €.
Compte tenu de ces éléments, il convient de porter la part contributive de Monsieru X... à la somme de 230 € par mois avec indexation.
Le jugement entrepris sera donc réformé de ce chef étant précisé que la pension sera due à compter du 1er décembre 2004 à partir de l'assignation en Justice.
En ce qui concerne la demande de dommages et intérêts présentée par Madame Y..., il y a lieu de relever qu'elle est fondée exclusivement sur un préjudice personnel invoqué par cette dernière alors même qu'elle n'a agi dans le cadre de la présente procédure qu'ès- qualités d'administratrice légale des biens de sa fille mineure. Il y a donc lieu de la déclarer irrecevable à agir dans le cadre du présent litige au titre de sa demande de dommages et intérêts.
En revanche, l'équité commande d'allouer à Madame Y... la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en cause d'appel.
Enfin, Monsieur X... qui succombe pour l'essentiel sera tenu aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Réforme le jugement entrepris au titre de la pension alimentaire mise à la charge de Monsieur WEYDEVELT pour l'entretien d'Aline et des dommages et intérêts accordés à Madame Caroline Y...,
Statuant à nouveau,
Condamne Monsieur Alain X... à payer à Madame Caroline Y... une pension alimentaire de 230 € par mois, pour l'entretien et l'éducation d'Aline à compter du 1er décembre 2004 à partir de l'assignation en Justice,
Rejette la demande de dommages et intérêts présentée par Madame Y...,
Dit que le montant de cette pension variera en fonction de l'indice des prix à la consommation des ménages urbains- série France Entière- publié par l'INSEE et sera réactualisé, à la diligence du débiteur, le premier janvier de chaque année en fonction de l'indice du mois de novembre précédent (indice de base celui du mois du présent arrêt) et ce pour la première fois le 1er janvier 2009,
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Rejette l'incident de communication de pièces soulevé par Madame Y...,
Condamne Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne Monsieur X... aux dépens d'appel et autorise la SCP FOURNIER à recouvrer ceux dont elle a fait l'avance en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'arrêt a été signé par la Présidente Marie- Paule LAFON, et par Annie BLAZEVIC, Greffier auquel elle a remis la minute signée de la décision.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,