ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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PP
Le : 04 Septembre 2008
CHAMBRE SOCIALE-SECTION B
PRUD'HOMMES
No de rôle : 08 / 465
Mademoiselle Stéphanie X...
c /
S. A. R. L. CABRIT prise en la personne de son représentant légal
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier)
Certifié par le Greffier en Chef
Prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Le 04 Septembre 2008
Par Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, en présence de Madame Chantal TAMISIER, Greffier,
La COUR D'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE SOCIALE SECTION B, a, dans l'affaire opposant :
Mademoiselle Stéphanie X..., demeurant...
Représenté par Maître Emmanuel SUTRE, avocat au barreau de BORDEAUX,
Appelante d'un jugement (R. G. F 03 / 309) rendu le 28 septembre 2006 par le Conseil de Prud'hommes de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel en date du 30 octobre 2006,
à :
S. A. R. L. CABRIT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Parc d'Activités Jean Zay--5 et 7, rue Condorcet-33150 CENON,
Représentée par Maître Laurence COMBEDOUZON, avocat au barreau de BORDEAUX,
Intimée,
rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique le 11 Juin 2008, devant :
Monsieur Benoit FRIZON DE LAMOTTE, Président, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, Monsieur Jean-François GRAVIE-PLANDE, Conseiller, Patricia PUYO, Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier,
et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ci-dessus désignés.
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FAITS ET PROCÉDURE
Après avoir bénéficié de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, Mme Stéphanie X... a à nouveau été engagée le 30 avril 1997 par la société Cabrit, exploitant le restaurant ... (Gironde), en qualité de serveuse, moyennant un salaire brut mensuel de 8 300 francs pour une présence de 45 heures par semaine, avec des horaires de travail journaliers de 11 heures à 15 heures et de 18 heures à 22 heures. Par lettre du 22 avril 1998, la société Cabrit a écrit à Mme X... pour lui rappeler que le contrat de travail arrivait à son terme le 30 avril 1998, qu'il ne serait pas renouvelé et qu'elle serait libre de tout engagement à compter du 1er mai 1998. La société a établi une attestation Assedic datée du 30 avril 1998 et un certificat de travail daté du 6 mai 1998, précisant que Mme X... avait travaillé pour elle du 31 décembre 1996 au 29 avril 1998 en qualité de serveuse. Le 6 mai 1998, Mme X... a signé un reçu pour solde de tout compte. Le 2 août 1999, Mme X... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bordeaux en se prévalant d'un contrat à durée indéterminée. Mme X... a demandé le paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité compensatrice de préavis et de salaire pour heures supplémentaires.
Par jugement du 28 septembre 2006, le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a dit que Mme X... avait été recrutée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée et il a rejeté sa demande.
Mme X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, Mme X... sollicite de la Cour qu'elle réforme le jugement frappé d'appel, juge que le contrat de travail était à durée indéterminée et a été rompu abusivement et sans cause réelle et sérieuse et qu'elle condamne en conséquence la société à lui payer la somme de 10 671 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 7 656 euros en paiement d'heures supplémentaires ; à titre subsidiaire, qu'elle ordonne la désignation d'un expert graphologue pour procéder à la vérification des écritures et des signatures figurant sur les contrats de travail produits aux débats par les parties et donner toute précision sur l'identité des rédacteurs desdites mentions manuscrites et signatures ; et qu'en tout état de cause, elle lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ou, à défaut, condamne la société à lui payer la somme de 762 euros en application de l'article 700 du Code de nouveau procédure civile. Sur la rupture abusive du contrat de travail, elle soutient que l'employeur ne prouve pas la nécessité d'un renfort du personnel, qu'elle n'a jamais signé le contrat à durée déterminée du 30 avril 1997, qui correspond à une pièce falsifiée toujours produite en copie, que le renouvellement du
contrat à durée déterminée renouvelé pour des motifs différents et injustifiés suffit pour qualifier le contrat de contrat à durée indéterminée et qu'elle a d'ailleurs signé un contrat à durée indéterminée le 30 avril 1997. Par ailleurs, elle soutient qu'en l'absence de contrôle des heures effectuées, elle a accompli des heures supplémentaires non payées, au-dessus de la durée hebdomadaire de 45 heures prévue, ainsi qu'il est démontré par les bordereaux et les attestations qu'elle produit.
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience, la société sollicite de la Cour qu'elle rejette la demande de Mme X..., confirme le jugement frappé d'appel et condamne l'appelante à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive et celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle fait valoir que Mme X... a été engagée pour remplacer un salarié absent en contrat à durée déterminée le 5 janvier 1997 pour une durée d'un mois, puis pour le même motif, le 6 février 1997, et enfin, le 30 avril 1997, au motif qu'étant en début d'activité, elle a dû faire face pour la première fois à un surcroît d'activité dont elle ne connaissait pas la durée, ce pourquoi elle a proposé à Mme X... un contrat à durée déterminée, et qu'ainsi, celle-ci a travaillé au total 16 mois. Elle précise que le contrat à durée indéterminée a été signée par erreur avant la signature du contrat à durée déterminée alors que c'est un contrat à durée déterminée qui liait les parties et elle conteste l'argument tendant à soutenir que le contrat à durée déterminée était un faux. Elle soutient qu'il résulte des bulletins de paie que les heures supplémentaires ont été payées.
MOTIFS
L'employeur produit trois contrats à durée déterminée :- contrat à durée déterminée pour le remplacement d'un salarié absent du 5 janvier 1997, débutant le 6 janvier 2007 pour la durée de l'absence de M. Z..., avec une durée minimale de 15 jours ;- contrat à durée déterminée du 6 février 1997 signé pour assurer le remplacement provisoire de M. Z..., absent pour cause d'arrêt de travail du 7 février 1997, jusqu'à son retour ;- contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité du 30 avril 1997, conclu pour un accroissement de la clientèle du restaurant qui pourrait être passager ", prenant effet le 30 avril 1997 pour une durée déterminée de 12 mois, jusqu'au 29 avril 1998. Il produit aussi un " contrat de stage de formation alternée-protocole d'alternance ", prévoyant que la stagiaire, Mme X..., effectuera un stage pratique de trois semaines du 20 janvier 1997 au 7 février 1997. Ce contrat de stage n'ajoute rien aux relations des parties, dans la mesure où il se superpose aux contrats à durée déterminée, commençant avant la fin du premier et se terminant alors que le second vient de commencer, le 7 février 1997.
Mme X... produit deux contrats successifs de stage de formation alternée, du 9 décembre 1996 au 20 décembre 1996 et du 20 janvier 1997 au 7 février 1997, et surtout un contrat à durée indéterminée du 30 avril 1997, à effet du 1er mai 1997.
L'employeur se prévaut du contrat à durée déterminée conclu avec Mme X... le 30 avril 1997 pour une durée de 12 mois, en indiquant qu'étant en début d'activité, il devait faire face pour la première fois à un surcroît d'activité dont il ne savait s'il durerait. Mais il ne justifie pas que la société ait été en début d'activité, ni qu'il y ait eu un surcroît d'activité, ni que ce surcroît ait été temporaire alors qu'il indique qu'il ne savait pas s'il durerait et qu'il ne donne pas d'autres précisions. Dans un telle situation, il ne justifie pas le recours au contrat à durée déterminée. Sur le contrat à durée indéterminée du 30 avril 1997, l'employeur n'en conteste pas l'existence mais se borne à expliquer qu'il a été établi par erreur avant la signature du contrat à durée déterminée, en produisant une attestation de son expert-comptable qui précise avoir, suite à un malentendu, établi par erreur un contrat à durée indéterminée pour Mme X... et avoir, le jour même conformément au souhait initial de son client et de la salariée, rédigé un nouveau contrat de travail à durée déterminée annulant purement et simplement le premier contrat établi par erreur. Dès lors, puisque le recours au contrat à durée déterminée n'est pas justifié conformément aux dispositions du Code du travail et que les parties ont signé un contrat à durée indéterminée dont ni la réalité ni les dispositions ne sont contestées par l'employeur, la Cour retient que les parties ont été liées par une relation à durée indéterminée, soumis aux dispositions de la convention collective des hôtels avec restaurants, mentionnée dans ce contrat.
En conséquence, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, la Cour infirme le jugement et décide que Mme X... a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée. Et l'employeur, qui a écrit à Mme X... une lettre daté du 22 avril 1998, pour l'informer que le contrat de travail arrivait à terme de 30 avril 1998 et ne serait pas renouvelé, a rompu le contrat à durée indéterminée sans cause réelle et sérieuse.
Sur le montant des indemnités de rupture Mme X..., qui, quelque soit la date retenue pour point de départ de la relation de travail, avait moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de la rupture du contrat de travail et qui subit, nécessairement, du fait de cette rupture sans cause réelle et sérieuse, un préjudice, est bien fondée à en demander réparation. Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et de son salaire lors de la rupture du contrat de travail et du fait que Mme X... ne justifie pas de sa situation après la rupture de la relation contractuelle, la Cour estime qu'elle sera justement indemnisée de ce préjudice par l'allocation de la somme de 5 000 euros que la société doit être condamnée à lui payer.
Sur le paiement d'heures supplémentaires S'il résulte de l'article L. 212-1-1, devenu l'article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.
Mme X..., qui relève que le contrat de travail prévoyait une durée hebdomadaire de travail de 45 heures et soutient avoir accompli un nombre d'heures beaucoup plus important, ne chiffre pas le nombre d'heures qu'elle aurait effectuées en plus de cette durée. Elle produit des tableaux établis par elle, mentionnant des heures de fin de travail tardives en soirée, et des attestations de clients confirmant la réalité des soirées tardives. L'employeur, malgré l'obligation qui pèse sur lui de justifier des heures effectuées par les salariés, n'apporte aucune justification sur les heures de travail effectuées par Mme X..., se bornant à affirmer, en renvoyant à la lecture des bulletins de paie, que, si Mme X... a effectué des heures supplémentaires, elles ont été systématiquement payées. Cependant, les bulletins de paie montrent que Mme X... était payée sur une durée mensuelle de travail de 186, 33 heures et seul le bulletin de paie du mois d'avril 1998 mentionne l'accomplissement de 8 heures supplémentaires forfaitaires. Dès lors, il résulte de ces constatations que l'employeur ne conteste pas le principe de l'accomplissement d'heures supplémentaires par Mme X.... Au vu des tableaux produits, la Cour a les éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 5 000 euros la somme que l'employeur doit être condamnée à payer à Mme X... en paiement des heures supplémentaires effectuées par elle mais non payées.
Sur les autres chefs de demande Puisque Mme X... obtient satisfaction sur sa demande, sa procédure n'est pas abusive et la société Cabrit ne peut obtenir de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société Cabrit qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Mme X... ne peut obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle après l'audience de plaidoiries. Mais il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 762 euros la somme que la société Cabrit doit être condamnée à lui payer à ce titre.
PAR CES MOTIFS LA COUR
Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Bordeaux du 28 septembre 2006,
Et, statuant à nouveau,
Dit que Mme X... a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée auprès de la société Cabrit,
Condamne la société Cabrit à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et celle de 5 000 euros en paiement des heures supplémentaires impayées,
La condamne à lui payer la somme de 762 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
Signé par Benoît Frizon de Lamotte, Président, et par Chantal Tamisier, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
C. Tamisier B. Frizon de Lamotte