COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 24 NOVEMBRE 2009
(Rédacteur : Monsieur Jean-François Bougon, Président,)
No de rôle : 08 / 03128
EL
S. A. LAFON
c /
SOCIETE NOVELIS DEUTSCHLAND GMBH
SELARL MALMEZAT PRAT
Nature de la décision : AU FOND
Notifié le : Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 10 octobre 2007 (R. G. 2005J595) par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant deux déclarations d'appel du 5 novembre 2007 et du 02 juin 2008
APPELANTE :
S. A. LAFON agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 44 avenue Lucien V. Meunier-33530 BASSENS
représentée par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour et assistée de Maître Bernard JOSEPH, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
SOCIETE NOVELIS DEUTSCHLAND GMBH, société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis Hannoversche STR 1 D-37075- GOTTINGEN-20009 ALLEMAGNE
représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour et assistée de Maître DUCHESNE, avocat au barreau d'ORLEANS
SELARL MALMEZAT PRAT ès-qualités de représentant des créanciers de la SA LAFON, domiciliée en cette qualité au siège social, sis 123 Avenue Thiers-33100 BORDEAUX
représentée par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour et assistée de Maître Bernard JOSEPH, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 octobre 2009 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François Bougon, Président, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,
Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE
Vu le visa de Madame le Substitut Général qui a été régulièrement avisée de la date d'audience.
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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En 2004, la société Novelis Deutschland GMBH (la société Novelis), qui fabrique et commercialise des formats en aluminium, procède à plusieurs livraisons auprès de la SA Lafon industrie.
Par quatre lettres en date des 28 janvier, 24 juin, 8 juillet et 20 septembre 2004, monsieur Philippe X..., ès qualités de président directeur général de la Sa Lafon, se porte garant, au nom de la société Lafon, du paiement par la société Lafon industrie des factures établies par la société Novelis pour un montant global de 234. 834, 16 €. Monsieur Philippe X... indique être autorisé à fournir caution ès qualités par une décision du conseil d'administration en date du 1er octobre 1993.
Par jugement du 27 avril 2005 le tribunal de commerce de Bordeaux ouvre une procédure de redressement judiciaire en faveur de la Sa Lafon industries.
La société Novelis, le 1er juin 2005, déclare au passif de la procédure collective Sa Lafon industries une créance de 205. 183, 43 € correspondant au montant de factures impayées. Elle met également en demeure, mais en vain, la société mère, la société Lafon, d'exécuter son engagement de garantie.
La société Lafon industries est mise en liquidation judiciaire le 22 juin 2005, tandis que la société mère, la société Lafon est placée sous le régime du redressement judiciaire le 29 juin 2005. La société Novelis déclare sa créance au passif de cette dernière société.
La société Lafon conteste cette déclaration au motif que monsieur X... n'avait pas été autorisé par le conseil d'administration à engager la société Lafon dans un acte de cautionnement.
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Saisi de la difficulté, par ordonnance du 10 octobre 2007, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Bordeaux admet la créance de la société Novelis Lamine France au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société Lafon pour la somme de 205. 183, 43 € à titre chirographaire. Pour statuer en ce sens, le juge commissaire fait essentiellement valoir que si les lettres d'engagement du président directeur général ne répondent pas strictement aux dispositions de l'article L225-34 du code de commerce et à l'article 89 du décret du 23 mars 1967, il n'en demeure pas moins que l'engagement a été donné par la société mère au profit d'une des sociétés du groupe Lafon pour favoriser l'activité du groupe et que la société Lafon ne peut aujourd'hui se prévaloir d'un défaut de formalisme pour échapper à ses obligations alors qu'elle ne démontre pas que ses administrateurs aient jamais refusé les engagements de leur président.
La Sa Lafon et la Selarl Malmezat Prat, ès qualités de représentant des créanciers, relèvent appel de cette ordonnance dont elles poursuivent la réformation. Elles concluent à l'absence d'autorisation du conseil d'administration, à la nullité et à l'inopposabilité à la société Lafon des lettres de caution litigieuses, au rejet de la créance de la société Novelis et à la condamnation de la société Novelis à leur payer 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elles sollicitent également la condamnation de l'intimée aux dépens.
Les appelantes soutiennent que l'autorisation dont se prévaut l'intimée n'existe pas car, lors de la séance du 1er octobre 1993, le conseil d'administration de la société Lafon a, selon elles, simplement déterminé que le président directeur général de la société était investi des pouvoirs de fournir caution ou garantie à l'exclusion du directeur général ou de tout autre délégué. Les appelantes affirment qu'il appartenait au président directeur général de solliciter ensuite une autorisation portant sur des engagements précis.
Les appelantes font également valoir que l'autorisation du 1er octobre 1993 ne satisfait pas les conditions énumérées par l'article 89 du décret du 23 mars 1967 dès lors qu'elle ne fixe aucune limite de montant ou de durée.
La société Novelis Deutschland GMBH (la société Novelis), venant aux droits de la société Novelis Lamine France intimée, conclut à la rectification de l'ordonnance en ce qu'elle a mentionné le nom de la société Novelis Lamine France au lieu de celui de la société Novelis Deutschland GMBH, à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a admis au passif du redressement judiciaire de la société Lafon sa créance à titre chirographaire à hauteur de 205. 183, 43 € et au rejet des prétentions de la société Lafon. Elle sollicite également la condamnation de la société Lafon à lui payer une somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Novelis soutient que l'autorisation du conseil d'administration en date du 1er octobre 1993 dont s'est prévalu le président directeur général de la société Lafon pour engager la société existe bien. Elle soutient également qu'en application de l'article L. 235-12 du code de commerce la nullité de l'autorisation de cautionnement donnée par le conseil d'administration ne peut pas être opposée au tiers de bonne foi.
Le dossier de la procédure est visé par le ministère public qui s'en rapporte.
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SUR CE :
Il est constant que le conseil d'administration de la Sa Lafon du 1er octobre 1993 a défini les pouvoirs de son président et lui a conféré notamment celui de fournir tout cautionnement, aval ou garantie et qu'en vertu de cette délibération, Philippe X..., président directeur général de la Sa Lafon a signé au profit de la société Novelis quatre lettres de garantie, les 28 janvier 2004, 24 juin 2004, 8 juillet 2004 et 20 septembre 2004 pour un montant total de 234. 834, 16 €.
La société Novelis voudrait se prévaloir de la mention de cette délibération pour actionner utilement la Sa Lafon.
Mais, en application des dispositions combinées des articles L225-35 et R225-28 du code de commerce, les garanties données par le président directeur général ou le directeur général d'une société anonyme doivent être expressément autorisées par le conseil d'administration, précision faite que la durée des autorisations ne peut excéder un an.
En acceptant en 2004 quatre lettres de garantie du président directeur général de la société Lafon avec pour seule référence la délibération du conseil d'administration de 1993, la société Novelis n'a pas seulement opéré la vérification qui lui incombait de l'existence d'une autorisation du conseil d'administration de la société garante. Par voie de conséquence, la société Lafon est fondée à se prévaloir de l'inopposabilité des lettres de garantie ci-dessus détaillées. La décision déférée sera réformée et la créance de la société Novelis sera rejetée dans son intégralité.
Les frais irrépétibles des appelantes seront arbitrés à la somme de 1. 000 € et les dépens seront mis à la charge de la société Novelis.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Vu le visa du Ministère public,
Réformant la décision déférée,
Rejette pour sa totalité la créance de la société Novelis,
Condamne la société Novelis Deutschland GMBH à payer à la Sa Lafon et à la Selarl Malmezat Prat ès-qualités la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Novelis Deutschland GMBH aux entiers dépens et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par monsieur Jean-François Bougon, président, et par madame Véronique Saige, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.