COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
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PP
ARRÊT DU : 22 JUIN 2011
(Rédacteur : Madame Catherine MASSIEU, Président,)
No de rôle : 10/ 2601
La SA CLINIQUE D'ARCACHON
La société AXA ASSURANCES IARD
c/
Madame Michèle X...
Monsieur Jean Y...
La Caisse de Prévoyance de la SNCF
La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 février 2010 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (Chambre 6, RG 08/ 1163) suivant déclaration d'appel du 22 avril 2010
APPELANTES :
1o) La SA SOCIETE CLINIQUE D'ARCACHON prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social...,
2o) La société AXA ASSURANCES IARD, venant aux droits de la Société Axa Entreprises, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 26 rue Drouot-75458 PARIS CEDEX 9,
représentées par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour, et assistées de Maître Annie BERLAND de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉS :
1o) Madame Michèle X..., née le 19 Août 1929 à REIMS (51100), de nationalité Française, demeurant ...
représentée par la SCP LE BARAZER ET d'AMIENS, avoués à la Cour, et
assistée de Maître DEMEAUX substituant Maître BOURU de la SCP CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX
2o) Monsieur Jean Y..., de nationalité Française, demeurant ...
représenté par la SCP LABORY MOUSSIE ANDOUARD, avoués à la Cour, et assisté de Maître JAGUENEAU de la SELARL AEQUO, avocat au barreau de BORDEAUX,
3o) La Caisse de Prévoyance de la SNCF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 17 avenue du Général Leclerc-13347 MARSEILLE CEDEX 20,
4o) La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF, venant aux droits de la SNCF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 17 avenue du Général Leclerc-13347 MARSEILLE CEDEX 20,
représentées par la SCP CASTEJA CLERMONTEL ET JAUBERT, avoués à la Cour, et assistées de Maître Sylvie BOURDENS substituant Maître LASSERRE de la SELAS EXEME ACTION, avocats au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 mai 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine MASSIEU, Présidente,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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Le 6 décembre 2001, le docteur Y... a pratiqué une opération de la cataracte sur l'oeil droit de Madame X..., à la clinique d'ARCACHON, assurée par AXA Entreprises ;
Le 13 décembre 2001, il a diagnostiqué une panophtalmie avec oedème de la cornée ; Madame X... a été hospitalisée au CHU de Bordeaux où a été diagnostiquée une endophtalmie post opératoire avec mise en évidence
d'un staphylocoque doré ; Madame X... a perdu l'usage de son oeil droit ; elle a assigné en référé le docteur Y..., la clinique d'ARCACHON et AXA et par ordonnance du 24 juillet 2006, le professeur G... a été désigné expert ;
Les conclusions du rapport d'expertise déposé le 6 février 2007 sont les suivantes :
- l'intervention a été réalisée en respectant les règles habituelles notamment d'asepsie et d'antisepsie et elle a été rendue difficile par des phénomènes douloureux ayant semble-t-il nécessité de renouveler le geste anesthésique,
- l'intervention effectuée par voie supérieure n'expose pas particulièrement à des phénomènes infectieux,
- Madame X... n'était pas porteuse de pathologie pouvant favoriser l'infection,
- le dossier CLIN de la clinique ne montre aucune anomalie,
- le germe en cause n'est pas habituellement rencontré dans les infections nosocomiales,
- le retard de 2 ou 3 jours dans le diagnostic de la panophtalmie peut avoir été préjudiciable dans l'évolution de l'infection,
- Madame X... et sa fille contestent que le docteur Y... les ait prévenues de la nécessité de revenir le consulter en cas de douleurs ;
Le préjudice est décrit de la manière suivante :
- consolidation : 20 octobre 2002,
- IPP : 24 %,
- Préjudice esthétique : 2/ 7,
- souffrances : 2/ 7,
- préjudice d'agrément : la patiente ne peut plus faire du vélo, tricoter, coudre et coudre qui étaient ses principales activités ;
Les 25 et 29 janvier 2007, Madame X... a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux le docteur Y..., la clinique d'ARCACHON, AXA et la Caisse de Prévoyance de la SNCF pour voir retenir la responsabilité de plein droit de la clinique à raison d'une infection nosocomiale contractée lors de l'opération du 6 décembre 2001 et celle du docteur Y... à raison de fautes commises lors de l'opération et dans le suivi post opératoire et pour les voir condamnés à réparer son préjudice in solidum avec AXA à hauteur de 27. 844 €, hors prestations sociales ;
Par jugement du 24 février 2010, le tribunal a retenu la responsabilité de la clinique, aucun autre geste ne pouvant être à l'origine de l'infection et aucune cause étrangère n'étant démontrée ; il a débouté Madame X... de sa demande contre le docteur Y..., car elle ne rapporte pas la preuve que sa fille aurait, comme elle le soutient, alerté le médecin par téléphone et n'aurait reçu aucune réponse adaptée, ce qui aurait retardé de plusieurs jours le diagnostic de l'infection par staphylocoque et entraîné la perte de la vision ; il a condamné la clinique et AXA à payer à Madame X... une indemnité de 27. 844 € hors prestations sociales et la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF 5. 240, 41 € en remboursement de ses prestations, 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et 955 € au titre des frais de gestion ; il a débouté la clinique et AXA de leur recours contre le docteur Y... et il les a condamnés aux dépens, y compris les frais d'expertise et de référé ; l'exécution provisoire a été ordonnée pour la moitié des condamnations prononcées ;
Par déclaration remise au greffe de la cour le 22 avril 2010, la clinique d'Arcachon et AXA ont interjeté appel de cette décision ;
Par leurs dernières conclusions du 19 août 2010, la clinique d'Arcachon et AXA demandent à la cour de constater que l'expert n'a pas qualifié d'infection nosocomiale la panophtalmie présentée par Madame X... et en conséquence de débouter cette dernière de toutes ses demandes ; subsidiairement, de dire que le docteur Y... doit les relever de toute condamnation en raison des fautes commises lors de l'opération et en tout état de cause réduire les indemnités dues à Madame X... et la condamner au paiement de la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de leur avoué ;
Par ses dernières conclusions du 8 octobre 2010, Madame X... demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la clinique et de l'infirmer en ses dispositions relatives à la responsabilité du docteur Y... et dire ce dernier responsable à raison de ses fautes commises lors de l'opération puis à l'occasion du suivi post opératoire ; elle demande la confirmation de l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal et sollicite une indemnité de 5. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile à la charge de la clinique, d'AXA et du docteur Y... ainsi que leur condamnation aux dépens dont distraction au profit de son avoué ;
Par ses dernières conclusions du 23 novembre 2010, le docteur Y... demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les autres parties de leurs demandes contre lui et de condamner la clinique à payer 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ; subsidiairement, il demande la réduction des indemnités dues à Madame X... et de statuer ce que de droit sur les dépens avec distraction au profit de son avoué ;
La Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et la Caisse de Prévoyance de la SNCF ont conclu le 22 novembre 2010 à la confirmation du jugement et y ajoutant elles demandent la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de 3. 000 € pour appel abusif et de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de son avoué ;
En cet état une ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2011 ;
En raison de la date des soins litigieux, l'action est fondée sur l'article L1142-1 du code de la santé publique qui institue une responsabilité pour faute à l'égard des personnels et établissements de soins pour leurs actes de prévention, de diagnostic et de soins et une responsabilité de plein droit à l'égard des établissements de soins pour les dommages résultant d'infections nosocomiales sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ;
La loi n'a pas défini l'infection nosocomiale qui est décrite par la jurisprudence et la pratique comme toute infection contractée par le patient dans un établissement de soins et qui n'était pas présente lors de son entrée dans cet établissement ;
C'est au patient de rapporter la preuve du caractère nosocomial de l'infection et du lien de causalité entre cette infection et le préjudice dont il demande réparation ;
En l'espèce, il résulte d'une expertise faite le 25 juillet 2005 par les docteurs BULLIER et BERNARD représentant respectivement l'assureur de la clinique et celui de Madame X... que Madame X... présentait les signes cliniques de l'infection à son arrivée au CHU de Bordeaux le 13 décembre 2001 mais que le prélèvement du 14 décembre s'est révélé négatif et celui du 17 décembre « positif à staphylococus aureus sensible à tous les antibiotiques testés sauf EYTHROMYCINE et PENICILLINE G » ; l'expert judiciaire précise qu'il ne s'agissait pas d'un germe habituellement retrouvé dans les infections nosocomiales ;
Les expertises amiable et judiciaire n'ont pas noté de manquements de la clinique aux règles d'asepsie et d'antisepsie ; elles ne fournissent aucune précision sur la date où l'infection a pu être contractée ;
Par ailleurs, le docteur Y... a fait valoir, sans être démenti sur ce point, que dans la feuille de renseignements remise à la patiente, il était indiqué que les soins post opératoires devaient être réalisés 4 fois par jour et que la fille de Madame X..., infirmière et qui avait pris sa mère en charge, a déclaré qu'elle n'avait procédé à ces soins qu'une fois par jour par manque de temps ;
Dans ces conditions, il n'est pas démontré que Madame X... exempte de toute maladie à son entrée à la clinique le 6 décembre 2001 aurait contracté une infection nosocomiale à l'occasion de l'intervention pratiquée le même jour par le docteur Y... ; le caractère nosocomial de l'infection constatée à partir du 13 décembre 2001 n'est pas démontré et Madame X... doit être déboutée de son action contre la Clinique d'Arcachon ;
Madame X... reproche au docteur Y... d'avoir procédé à l'intervention sous anesthésie locale alors qu'elle souhaitait une anesthésie générale, et de n'avoir pas pris en compte ses doléances lors de la 1ère visite post opératoire, puis à l'occasion d'un appel téléphonique de sa fille et de s'être contenté de la rassurer en disant qu'il n'y avait pas de signe inquiétant ;
Elle ne précise pas quel lien il convient de retenir entre la question de l'anesthésie et l'infection survenue dans les jours suivants ; le docteur Y... n'a pas répondu sur ce point ; la fiche remise à la patiente mentionne que 10 jours avant l'opération, un bilan sera fait avec l'anesthésiste qui confirmera le mode d'anesthésie (locale ou générale) ; il apparaît donc que Madame X... a été en mesure de prendre une décision éclairée au sujet de l'anesthésie et faute de démontrer que le mode retenu serait à l'origine des complications dont elle demande réparation, elle ne peut qu'être déboutée sur ce point ;
Par ailleurs, l'expert n'a relevé aucun manquement aux règles de l'art dans l'accomplissement du geste opératoire du docteur Y... ;
Concernant le défaut de réponse à des appels téléphoniques que conteste le docteur Y..., il convient de noter que la fiche remise à la patiente mentionne la nécessité d'appeler soit le cabinet soit la clinique en cas de douleurs et que Madame X... ne démontre pas que sa fille aurait appelé le médecin ou même la clinique avant le 13 octobre, à une date qu'elle ne précise d'ailleurs pas ; l'expert indique que la décision d'hospitalisation immédiate de la patiente le 13 octobre est la réponse adéquate à la situation ; le manquement allégué n'est pas démontré ;
Madame X... ne peut qu'être déboutée de son appel et de son action contre le docteur Y... ; le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Aucun élément du dossier ne justifie la demande des caisses de prévoyance de la SNCF de condamnation de la Clinique d'Arcachon, appelante à leur payer une indemnité de 3. 000 € pour son appel qualifié à tort d'abusif et dilatoire ;
Madame X... sera condamnée en application de l'article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 1. 500 € à la clinique
d'Arcachon et à la caisse de prévoyance de la SNCF ; il n'est pas justifié
de condamner la Clinique d'Arcachon sur ce même fondement au profit du docteur Y... ;
Vu les articles 695 et suivants du code de procédure civile relatifs aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 24 février 2010 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ses dispositions relatives à l'action de Madame X... contre la Clinique d'Arcachon, et au recours de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et de la Caisse de Prévoyance de la SNCF,
Déboute Madame X... de toutes ses demandes contre la Clinique d'Arcachon,
Déboute la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et de la Caisse de Prévoyance de la SNCF de leurs demandes,
Confirme le jugement en ses dispositions relatives à l'action de Madame X... contre le docteur Y...,
Ajoutant,
Condamne Madame X... à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile :
* 1. 500 € à la Clinique d'Arcachon,
* et 1. 500 € à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF et de la Caisse de Prévoyance de la SNCF,
Déboute le docteur Y... de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile contre la Clinique d'Arcachon,
Condamne Madame X... aux dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Massieu, Président, et par Véronique Saige, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
V. Saige C. Massieu