COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B
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ARRÊT DU 28 MARS 2013
(Rédacteur : Monsieur Patrick Boinot, conseiller)
No de rôle : 11/ 05430
LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
LA S. A. R. L. MARTY ARCHITECTES ET ASSOCIES
c/
Monsieur Denis X...
LA S. C. I. X...
LA S. E. L. A. R. L. CHRISTOPHE Y...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juillet 2011 (R. G. 08/ 08327- 7ème chambre civile-) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 août 2011,
APPELANTES :
1o/ LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 9, rue de l'Amiral Hamelin 75783 PARIS CEDEX,
2o/ LA S. A. R. L. MARTY ARCHITECTES ET ASSOCIES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis 106, rue du XIV Juillet 33400 TALENCE,
Représentées par Maître Julien MAZILLE, membre de la S. C. P. Pierre LATOURNERIE-Stéphane MILON-David CZAMANSKI-Julien MAZILLE, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉS :
1o/ Monsieur Denis X..., né le 10 Septembre 1955 à ABZAC (33), de nationalité française, demeurant ...,
2o/ LA S. C. I. X..., immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 480 367 317, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Denis X..., domicilié en cette qualité au siège social, sis ...,
Représentés par la S. C. P. Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Béatrice CECCALDI, Avocat au barreau de BORDEAUX,
3o/ LA S. E. L. A. R. L. CHRISTOPHE Y..., mandataire judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ..., (agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. QTB),
Représentée par Maître Eric DASSAS, Avocat au barreau de BORDEAUX,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 octobre 2012 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président, Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller, Monsieur Christian LAUQUÉ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS des PARTIES :
Vu le jugement rendu le 12 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, qui, après intervention de la société civile immobilière X..., a déclaré la société Marty architectes responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil et l'a condamnée, avec son assureur la Mutuelle des architectes français in solidum à payer à la société civile immobilière X... et à M. X..., celui-ci pris tant à titre personnel qu'ès-qualités, la somme de 315 445 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réparation et des honoraires d'encadrement afférents, celle de 1 196 euros au titre de la prestation de recherche des entreprises commandée à la société Itzal, celle de 12 000 euros en réparation du préjudice lié à l'absence de disponibilité du logement, celle de 10 000 euros à titre de restitution de la part des honoraires dépourvus de cause, celle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 35 000 euros en réparation du préjudice économique lié aux frais de réinstallation pour la continuation de l'activité économique et des pertes d'exploitation qu'elle a engendrées, ces sommes majorées des intérêts légaux à compter de ce jour jusqu'au parfait paiement, qui a rejeté tout autre chef de demande plus ample ou contraire des parties, notamment celles présentées par la société Christophe Y...ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société QTB et qui a condamné la société Marty architectes avec son assureur la Mutuelle des architectes français in solidum à payer à la société civile immobilière X... et à M. X... la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de la société civile immobilière X... et de M. X..., signifiées et déposées le 20 février 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la société Christophe Y..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société QTB, signifiées et déposées le 19 décembre 2011 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 8 octobre 2012 ;
Vu la mention au dossier indiquant qu'à l'audience du 22 octobre 2012, le président avait révoqué cette ordonnance de clôture et prononcé une nouvelle clôture, avant l'ouverture des débats, à la demande des avocats des parties ;
La société civile immobilière X... représentée par M. Denis X..., indiquant vouloir faire construire un centre de contrôle technique automobile et un logement à Parempuyre (Gironde), a, suivant contrat du 24 décembre 2004 et avenant du 10 février 2006, confié à la société Marty architectes et associés, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français, une mission de maîtrise d'œ uvre ; le lot fondations-gros œ uvre a été confié à la société QTB. Les travaux commencèrent le 6 février 2006 pour s'achever le 31 juillet 2006. Des difficultés apparurent au cours de leur exécution et le chantier fut arrêté. Le 26 décembre 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance a ordonné une expertise confiée à M. C...qui a déposé un rapport daté du 23 novembre 2007. Par acte d'huissier de justice du 26 août 2008, M. X... a assigné la société Marty architectes et la Mutuelle des architectes français sur le fondement de l'article 1147 du code civil, en paiement de diverses sommes au titre des travaux de reprise, de loyers, d'un préjudice économique et d'un préjudice de jouissance. Le 18 août 2009, la société Christophe Y..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société QTB, a assigné M. X... et la société X... en paiement du solde des travaux impayés. Les deux procédures ont été jointes.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère au jugement déféré qui en contient une relation précise et exacte.
MOTIFS :
Sur la responsabilité de la société Marty architectes
M. X... et la société civile immobilière X... (les maîtres de l'ouvrage), qui sollicitent la confirmation du jugement, recherchent la responsabilité de la société Marty architectes et associés (la société Marty architectes) sur le fondement de l'article 1147 du code civil, en affirmant que les travaux effectués sous la maîtrise d'œ uvre de la société Marty architectes n'ont pu être achevés en raison de fautes et manquements de celle-ci.
Il est reproché à la société Marty architectes de ne pas avoir correctement assumé son obligation de conseil, sa mission d'assistance au maître de l'ouvrage lors de la passation des contrats de travaux et la direction de l'exécution des travaux
1. Obligation de conseil
A l'égard du maître de l'ouvrage, le maître d'œ uvre est assujetti à une obligation de conseil sur les aspects techniques et financiers de l'opération envisagée. En ce domaine, il doit attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur les conséquences techniques et financières du choix des entreprises attributaires des lots, quels que soient les souhaits d'économie du maître de l'ouvrage en faveur de devis moins-disants, et il doit se renseigner sur les possibilités financières du maître de l'ouvrage et la compatibilité avec le projet envisagé avant de solliciter des devis.
En l'espèce, les maîtres de l'ouvrage soulignent que la société Marty architectes n'a pas attiré leur attention sur l'obligation et/ ou les conséquences de l'absence de souscription d'une assurance dommages-ouvrage. Sur ce point, la cour reprend l'avis de l'expert judiciaire qui estime (p. 21) " que le maître de l'ouvrage... n'a pas souscrit d'assurance dommages-ouvrage, ce qui aurait été indispensable pour un chantier d'une telle importance... Nous notons que l'architecte ne semble pas nier ce conseil alors qu'au contraire, il aurait dû recommander à son maître de l'ouvrage de s'entourer de cette précaution. Le fait d'avoir souscrit une telle assurance dommages-ouvrage aurait entraîné d'office la présence d'un bureau de contrôle dont les exigences auraient évité les malfaçons objet du présent litige ".
Mais, sur l'essentiel de l'obligation de conseil, les maîtres de l'ouvrage, affirmant avoir donné tous les éléments permettant de définir le budget initial, font valoir que la société Marty architectes, qui devait attirer leur attention sur les conséquences techniques de ses choix, n'a pas produit d'éléments pour étayer ses dires et justifier des conseils avisés qu'elle aurait dû leur donner et qu'il lui appartenait de se renseigner sur leurs possibilités financières et les alerter le cas échéant sur les insuffisances éventuelles avant d'établir les plans ou de solliciter des devis. Sur ce point, la société Marty architectes ne justifie pas avoir informé les maîtres de l'ouvrage des choix qui s'offraient à eux en fonction des impératifs économiques.
2. mission d'assistance au maître de l'ouvrage dans la passation des contrats de travaux
Le maître d'œ uvre doit s'assurer du sérieux et de la solvabilité des entreprises sollicitées et proposées aux choix du maître de l'ouvrage pour qu'elles effectuent correctement leur prestation et qu'elles soient sérieuses et solvables. A cette fin, il doit apprécier si les sociétés qu'il propose au choix du maître de l'ouvrage sont susceptibles d'assurer la mission qui leur sera confiée jusqu'à exécution totale du chantier tant sur le plan technique que financier. Mais il ne peut être garant ni de la bonne exécution des travaux par les entreprises ni de leur solvabilité et il ne peut être exigé de lui qu'il connaisse leur situation au point de devoir certifier dès l'origine qu'elles pourront mener l'opération à bien jusqu'à son terme. Ne pouvant être tenu lui-même pour responsable d'une défaillance, financière ou technique, de l'entreprise choisie, il n'est donc assujetti qu'à une obligation de moyens, et sa responsabilité ne peut être retenue que s'il est démontré qu'il a commis une faute spécifique dans l'exécution de cette obligation.
A l'appui de leur grief, les maîtres de l'ouvrage affirment qu'il est " patent " que toutes les entreprises retenues ont manqué de rigueur dans la réalisation de leur prestation et ont fait l'objet de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire après abandon de chantier ; ils estiment que le maître d'œ uvre, qui devait s'assurer du sérieux et de la solvabilité des entreprises sollicitées et choisies, aurait dû déconseiller le choix de ces entreprises dès lors qu'elles ne " paraissaient " pas présenter la qualification professionnelle et les garanties suffisantes, et ils en déduisent que la généralisation de la défaillance des entreprises démontre sa faute.
Cependant, de la sorte, ils se bornent à des affirmations sur la démonstration de la faute de la société Marty architectes, mais ils n'allèguent ni ne justifient que, dès la phase du choix des entreprises, leur situation était compromise au point qu'il était inéluctable qu'elles n'étaient pas en mesure de terminer le chantier. Ils ne démontrent pas que la société Marty architectes aurait commis une faute spécifique dans l'exécution de cette obligation. Sur ce point, la responsabilité de la société Marty architectes ne peut donc être retenue.
3. Direction de l'exécution des travaux
Il appartient à l'architecte de vérifier l'exécution des travaux durant le chantier et leur conformité aux plans et documents qu'il a établis avec l'accord du maître de l'ouvrage, ainsi que leur conformité aux moyens d'exécution prescrits. Il doit aussi vérifier les projets de décomptes mensuels, les états d'acomptes et le décompte final.
Sur ce second point, les maîtres de l'ouvrage relèvent qu'un des intervenants (ASM) a obtenu le règlement d'un trop perçu, ce qui démontre que le maître d'œ uvre a manqué à son obligation de vérifier les demandes des entreprises.
Concernant surtout le premier point, l'expert (p. 14) a constaté que, " sur le plan quantitatif, seuls des travaux de VRD, de gros œ uvre, de métallerie et d'électricité avaient été partiellement réalisés " ; " Sur le plan de la configuration du bâtiment, il a été relevé que la construction réalisée ne respecte pas les plans d'architecte qui nous ont été présentés " ; " l'ensemble de la prestation de structure métallique ainsi que tout ce qui y est rattaché (couverture et bardage) est à supprimer et à reconstruire.... par voie de conséquence, toutes les maçonneries en élévation qui y sont rattachées subiront le même sort. En ce qui concerne les autres prestations ne respectant pas plus les plans, nous avons noté la trémie d'escalier dont le tracé diffère, la position d'une porte extérieure, et d'autres différences qui apparaissent aux tableaux suivants. "
La société Marty architectes fait valoir qu'elle n'est assujettie à l'égard des maîtres de l'ouvrage qu'à une obligation de moyens et que les défauts d'exécution commis en cours de chantier par les entreprises à qui les défectuosités sont imputables, n'engagent la responsabilité des entreprises, tenus de livrer un travail conforme, qu'à la réception des travaux.
Cependant, ainsi que l'a relevé l'expert, la société Marty architectes, n'a jamais fait reprendre le chantier qui s'est trouvé inachevé et n'a jamais fait le nécessaire pour qu'il le soit conformément à son projet et pour que les maîtres de l'ouvrage puissent le recevoir dans des conditions conformes. Il lui appartenait, non pas nécessairement de procéder au remplacement des entreprises, mais de ne pas laisser des prestations inachevées et de faire procéder aux reprises qui s'imposaient, dans la mesure du possible par les entreprises chargées du lot correspondant, et ce en raison de son obligation de direction de l'exécution des travaux. En outre, l'expert a apprécié les désordres, non pas de manière globale, mais désordre par désordre : dans un tableau inséré dans son rapport, il évalue chaque reprise une à une.
Il résulte de ces diverses constatations qu'en agissant comme elle a fait, la société Marty architectes a commis une faute. La preuve du manquement à sa mission de direction des travaux est démontrée et sa responsabilité contractuelle est engagée.
En conséquence, la cour confirme le jugement qui retient " que la responsabilité contractuelle de la société Marty architectes est engagée en raison de ses fautes personnelles directement à l'origine des dommages soufferts " par les maîtres de l'ouvrage.
Sur l'indemnisation des préjudices subis par les maîtres de l'ouvrage
-I-Les maîtres de l'ouvrage admettent que la somme de 315 445 euros toutes taxes comprises (à 5, 50 %) indemnise la totalité de leur préjudice au titre des travaux de réparation (259 000 euros hors taxes) et des honoraires (40 000 euros hors taxes).
Pour contester cette somme, la société Marty architectes fait valoir que les maîtres de l'ouvrage ne procéderont pas à la reconstruction sans toutefois en justifier, que les prestations confiées aux entreprises sont inachevées et que les maîtres de l'ouvrage pourront, par les indemnités perçues, faire achever la construction aux frais de l'architecte. Toutefois, elle a perçu des honoraires correspondant à ses prestations et elle doit assumer les conséquences de ses manquements.
La société Marty architectes affirme aussi, s'agissant des solutions de reprise pour les ouvrages de charpente-remplacement total préconisé par l'expert au vu d'une étude effectuée par le bureau d'études D...et datée du 7 mai 2007-, que cette étude n'a pas été diffusée de manière contradictoire, et que le rapport est ainsi frappé de nullité. Cependant, la société Marty architectes a pu débattre devant l'expert des divers documents produits devant ce technicien, ayant notamment transmis des dires à l'expert les 9 octobre et 8 novembre 2007 ; l'expert relève d'ailleurs dans sa note de synthèse (p. 6) le manque d'empressement de l'architecte pour la fourniture des devis et (p. 4) il se réfère à cette note de synthèse de M. D...du 7 mai 2007. De plus, la société Marty architectes ne justifie d'aucun grief que lui aurait fait subir la situation qu'elle déplore.
La société Marty architectes critique également les évaluations de travaux proposées par l'expert pour remédier aux désordres constatés. Ainsi, elle critique le fait que les maîtres de l'ouvrage ont versé aux débats une estimation chiffrée à 267 734, 28 euros hors taxes (320 210, 20 euros toutes taxes comprises), comprenant une somme de 99 654, 26 euros hors taxes (119 186, 49 euros toutes taxes comprises) pour les travaux de charpente et couverture que l'expert avait chiffrés à 180 000 euros hors taxes ; cependant, la proposition de l'expert se monte à 259 000 euros hors taxes, soit à un montant inférieur au montant critiqué. De plus, elle produit une estimation de la société Euro Menuiserie Métallerie, qu'elle n'a pas soumis à l'expert et qui ne concerne que les travaux de métallerie et non l'ensemble des désordres constatés.
Dès lors, la cour retient la somme de 315 445 euros toutes taxes comprises fixée par le tribunal, correspondant au coût des travaux de réparation et aux honoraires d'encadrement afférents, tels qu'évalués par l'expert.
- II-Les maîtres de l'ouvrage ne sont fondés à obtenir indemnisation de la société Marty architectes que pour les préjudices qui sont la conséquence directe et exclusive des manquements du maître d'œ uvre à ses obligations.
En ce sens, la société Marty architectes oppose les stipulations de l'article 5 du contrat de maître d'œ uvre selon lesquelles L'architecte... n'assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règlements en vigueur... que dans la mesure de ses fautes professionnelles. Il ne pourra être tenu responsable, ni solidairement, ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants. Cette clause a pour effet, lorsque les préjudices allégués sont imputables à plusieurs intervenants à l'acte de construire, de limiter la condamnation susceptible d'être prononcée à l'encontre de l'architecte à concurrence de la seule part contributive lui incombant.
Il y a donc lieu de déterminer les chefs de préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage en conséquence directe et exclusive de la faute de l'architecte. Or, le jugement, en condamnant la société Marty architectes à payer cette somme de 315 445 euros, lui fait supporter la totalité du préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage alors qu'elle ne peut être tenue de les indemniser que des dommages qui sont la conséquence directe de ses fautes personnelles et non des dommages qui sont la conséquence des fautes imputables aux entreprises qui ont participé à la construction.
La cour estime que, sur le montant retenu, le préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage par le fait de la société Marty architectes, doit être évalué à la somme de 60 000 euros. C'est donc cette somme que la société Marty architectes doit être condamnée à leur payer à ce titre.
- III-Les maîtres de l'ouvrage invoquent plusieurs autres dommages dont ils demandent indemnisation par l'allocation des sommes suivantes :
-1 196 euros correspondant à des frais de recherche d'entreprises, facturés par la société Itzal ; cependant ils ne justifient pas l'utilité de ce chef de dépense qu'ils ont pris l'initiative d'engager.
-12 000 euros en indemnisation du préjudice subi pour absence de disponibilité de logement et 10 000 euros correspondant à des honoraires qui auraient été payés sans cause. Le plan établi par la société Marty architectes en vue de constituer le dossier de consultation des entreprises et le cahier des clauses techniques particulières sont intitulés " Construction d'un centre de contrôle technique automobile et d'un logement ". Cependant, il ne résulte ni du " plan des niveaux-coupes-façades " qui montre un seul bâtiment, y incluant un étage pour une partie, ni du marché de travaux passé avec la société QTB, qu'il ait été prévu l'édification de deux bâtiments, dont l'un aurait été réservé au logement, ni donc a fortiori qu'au jour de l'expertise, un seul d'entre eux était en cours de construction ; on relève seulement une partie annexe aux locaux techniques, à savoir des locaux prévues pour la détente, un vestiaire, une douche et des archives. D'ailleurs, les devis produits aux débats envisagent seulement la construction d'un centre de contrôle technique automobile. Dès lors, la restitution d'honoraires et l'indemnisation d'un préjudice lié à l'absence de disponibilité de logement ne se justifient pas.
-35 000 euros : les maîtres de l'ouvrage, pour obtenir indemnisation pour des frais de réinstallation et de loyers qu'ils auraient dû supporter notamment pour la location professionnelle du garage, produisent des quittances de loyer établies au nom de la société Contrôle auto médocain. Mais, quoi qu'il en soit du bien fondé d'une telle demande, ils ne peuvent prétendre obtenir remboursement de sommes qu'eux-mêmes n'ont pas engagées. Ce chef de prétention ne peut être accueillie.
-5 000 euros : dommages et intérêts. Si les maîtres de l'ouvrage font état de démarches administratives, personnelles et professionnelles qu'ils ont dû supporter, ils ne produisent sur ce point aucune justification. De ce chef, la cour rejette leur demande.
En conséquence, la cour fixe à 60 000 euros la somme dont les maîtres de l'ouvrage sont bien fondés à demander le paiement à la société Marty architectes.
Sur le solde d'honoraires demandé par la société Marty architectes
La société Marty architectes produit une note d'honoraires no 4 datée du 25 août 2006 faisant état d'un solde restant dû d'un montant de 1 837, 06 euros. Alors qu'elle démontre ainsi l'obligation des maîtres de l'ouvrage à son égard, ceux-ci ne répondent pas sur ce point et ne justifient pas le paiement. Ils doivent donc être condamnés au paiement de cette somme en principal. En revanche, à défaut de produire la clause du contrat d'origine, la société Marty architectes ne justifie sa demande en ce qui concerne les intérêts qu'elle sollicite. Ladite somme doit donc être assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2010, date des conclusions demandant ce paiement.
Sur l'étendue de la garantie de la Mutuelle des architectes français
Il n'y a pas lieu de statuer sur la contestation de la Mutuelle des architectes français tendant au refus de rembourser un trop perçu d'honoraires, puisque ce chef de demande présenté par les maîtres de l'ouvrage a été rejeté.
Par ailleurs, la Mutuelle des architectes français ne peut opposer les limites de garantie qu'elle allègue en indiquant qu'elles seraient prévues dans la police d'assurance, dès lors qu'elle ne produit pas, pour en justifier, le contrat souscrit auprès d'elle par la société Marty architectes.
Sur la demande de la société Christophe Y...ès-qualités
Aux termes des articles L. 622-24 à L. 622-26 du code de commerce, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, le créancier qui prétend être bénéficiaire, sur une société en liquidation judiciaire, d'une créance née antérieurement au jugement d'ouverture, doit adresser sa déclaration de créances au mandataire judiciaire dans un délai fixé par décret, même si elle n'est pas établie par un titre. A défaut de déclaration dans le délai, il n'est pas admis dans les répartitions et dividendes, sauf relevé de forclusion demandée.
La société Christophe Y..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société QTB, titulaire du lot fondation, gros œ uvre, plâtrerie, isolation et carrelage pour un prix forfaitaire de 114 356, 82 euros toutes taxes comprises, a assigné devant le tribunal M. X... et la société civile immobilière X... en condamnation, par application de l'article 1134 du code civil, à lui payer la somme de 14 977, 36 euros au titre du solde des travaux impayés.
Les maîtres de l'ouvrage, objectant que la société QTB avait effectué un travail entaché de malfaçons et qu'elle avait abandonné le chantier, opposent ces manquements pour s'estimer fondés à ne pas payer la créance dont le paiement est sollicité. Et le tribunal, retenant qu'il résulte du compte de rupture et de reprise de marché du 24 juillet 2006 établi par la société Marty architectes, que les acomptes versés à la société QTB représentent à peu de choses près le coût des travaux de gros œ uvre entrepris et entachés de malfaçons, en déduit qu'il y a lieu, en raison des fautes commises par cette société dont les conséquences ont été déterminantes sur le retard irréversible du chantier, de débouter la société Christophe Y...ès-qualités de sa demande.
Cependant, la société Christophe Y...ès-qualités, qui relève que la créance revendiquée par M. X... et la société civile immobilière X... qui aurait pour cause l'abandon de chantier et la mauvaise exécution du chantier, est antérieure au jugement de liquidation judiciaire, et qu'il n'y a pas eu de déclaration de créance dans les deux mois de la publication du jugement d'ouverture au Bodac, en déduit justement qu'aucune compensation fondée sur les fautes reprochées à la société QTB ne peut être opposée à la société Christophe Y...ès-qualités.
Pour ce motif, la cour, infirmant le jugement de ce chef, déclare irrecevable la demande de M X... et de la société civile immobilière X... dirigée contre la société Christophe Y...ès-qualités et les condamne à payer à la société Christophe Y...ès-qualités, au titre du solde des travaux impayés, la somme de 14 977, 36 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2009, date de l'assignation en justice jusqu'à parfait paiement.
Sur les autres chefs de demande
Les maîtres de l'ouvrage qui succombent sur l'essentiel de leurs prétentions, sont condamnés aux dépens. Ils sont également condamnés au paiement d'une somme au profit de la société Marty architectes et de la Mutuelle des architectes français d'une part et de la société Christophe Y...ès-qualités d'autre part en application de l'article 700 du code de procédure civile, comme il est dit au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement prononcé le 12 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a déclaré la société Marty architectes et associés responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
Condamne la société Marty architectes et associés et la Mutuelle des architectes français in solidum à payer à la société civile immobilière X... et M. Denis X... la somme de 60 000 euros au titre des travaux de réparation et des honoraires d'encadrement afférents,
Condamne la société civile immobilière X... et M. Denis X... in solidum à payer à la société Marty architectes et associés la somme de 1 837, 06 euros, correspondant à un solde d'honoraires restant dû, avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2010,
Déclare irrecevable la demande de la société civile immobilière X... et de M. Denis X... dirigée contre la société Christophe Y...en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société QTB,
Condamne la société civile immobilière X... et M. Denis X... in solidum à payer à la société Christophe Y...en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société QTB, la somme de 14 977, 36 euros au titre du solde des travaux impayés, avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2009,
Rejette tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,
Condamne la société civile immobilière X... et M. Denis X... in solidum à payer la somme de 1 500 euros à la société Marty architectes et associés et la Mutuelle des architectes français d'une part et la somme de 1 000 euros à la société Christophe Y...en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société QTB en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne de même aux dépens de première instance, y inclus les frais de référé et d'expertise, et aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT