COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 17 DÉCEMBRE 2014
(Rédacteur : Madame Isabelle Lauqué, Conseiller)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 14/00211
SARL la Boulange
c/
Madame [O] [K] née [S]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/007151 du 03/07/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux)
SARL Mada 2
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2013 (RG n° F 11/02990) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2014,
APPELANTE :
SARL la Boulange, siret n° 517 561 551 00014, agissant en la personne
de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],
Représentée par Maître Jérôme Dirou, avocat au barreau de Bordeaux,
INTIMÉES :
Madame [O] [K] née [S] le [Date naissance 1] 1983, de nationalité française, demeurant [Adresse 2],
Représentée par Maître Didier Saillan, avocat au barreau de Bordeaux,
SARL Mada 2, siret n° 444 764 740 00015, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 1],
Représentée par Maître Christophe Biais de la SELARL Christophe Biais & Associés, avocats au barreau de Bordeaux,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 octobre 2014 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle Lauqué, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Maud Vignau, Président,
Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,
Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Madame [O] [S] épouse [K] a été embauchée à compter du 28 janvier 2002 en qualité de vendeuse par M. [D], exploitant une boulangerie sise [Adresse 3] .
En février 2003, M. [D] a cédé son fonds de commerce à la SARL Mada 2 et le contrat de travail de Mme [K] a été transféré.
Mme [K] a été en congé maternité à compter du 6 mars 2006, puis en congé parental d'éducation, congé prolongé jusqu'en 2011.
Le 27 novembre 2009, la SARL Mada 2 qui exploitait alors trois boulangeries, a cédé la Boulangerie de [Localité 3] à la SARL la Boulange.
Par courrier du 17 septembre 2010, Mme [K] a informé la SARL la Boulange de sa qualité de salarié de la Boulangerie de [Localité 3] et de son intention de reprendre son activité avant la fin de son congé parental.
La SARL la Boulange ne donnait aucune suite au courrier de Mme [K].
En revanche, la SARL Mada 2 se reconnaissait son employeur estimant que la cession du fonds de commerce de la Boulangerie de [Localité 3] n'avait pas entraîner le transfert du contrat de travail de Mme [K].
Par courrier du 4 mars 2011, Mme [K] a notifié à la SARL la Boulange qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail à ses torts exclusifs, rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le 28 septembre 2011, Mme [K] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux afin de voir juger que son contrat de travail avait été transféré à la SARL la Boulange et que le refus de lui donner du travail constituait un manquement grave de l'employeur justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de ce dernier.
Elle a formé à ce titre diverses demandes indemnitaires ainsi qu'une demande en rappel de salaire.
Par jugement du 17 décembre 2013, le Conseil de Prud'hommes, en sa formation de départage, a jugé que le contrat de travail de Mme [K] avait été transferé de plein droit à la SARL la Boulange par l'effet de la cession du fonds de commerce intervenue le 27 novembre 2009 et a condamné cette dernière à payer à sa salariée les sommes suivantes :
- 5.722,26 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er novembre 2010 au
4 mars 2011.
- 572,22 € bruts au titre des congés payés y afférents.
D'autre part le Conseil a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail du 4 mars 2011 produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné à ce titre, la SARL la Boulange à payer à Mme [K]les sommes suivantes :
- 2.793,76 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 279,37 € au titre des congés payés y afférents,
- 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse.
Le Conseil a, en revanche, débouté Mme [K] de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la procédure et a, d'autre part, condamné la SARL Mada 2 à lui payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts.
La SARL la Boulange a été également condamnée sous astreinte à remettre à Mme [K] ses documents de travails rectifiés et à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL la Boulange a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 21 octobre 2014 auxquelles la Cour se réfère expressément, elle conclut à la réformation du jugement attaqué et demande à la Cour de débouter Mme [K] de toutes ses demandes.
Elle soutient, d'autre part, que la Cour est incompétente pour statuer sur la liquidation de l'astreinte demandé par Mme [K] et demande qu'il soit constater que les documents de travail rectifiés ont été remis le 23 avril 2014.
A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de Mme [K] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 21 octobre 2014 auxquelles la Cour se réfère expressément, Mme [K] conclut à la confirmation du jugement attaqué mais porte à 20.000 € sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article L.1235-5 du code du travail.
Elle demande, en outre, à la Cour de condamner la SARL la Boulange à lui payer la somme de 7.700 € au titre de la liquidation de l'astreinte et de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions régulièrement déposées et développées oralement à l'audience du 21 octobre 2014 auxquelles la Cour se réfère expressément, la SARL Mada 2 conclut également à la réformation du jugement attaqué et au rejet de toutes les demandes de Mme [K].
A titre reconventionnel, elle demande le paiement d'une somme de
1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
DISCUSSION
L'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction et dans l'intérêt de l'entreprise, modifier le lieu d'exécution du contrat de travail, sauf s'il est contractualisé et à condition que le nouveau lieu de travail se trouve dans un même secteur géographique.
Dans ce cas, la modification ne touche que les conditions de travail du salarié et peut lui être imposée par l'employeur sans son accord.
En l'espèce, Mme [K] a été embauchée en 2002 par M. [D] qui alors n'exploitait qu'un unique fonds, la Boulangerie de [Localité 3] et sans qu'aucune disposition contractuelle ne lient les parties sur le lieu d'exécution de la prestation de travail.
Suite au rachat du fonds de commerce de M. [D] par la SARL Mada 2, le contrat de travail de Mme [K] a été transféré à son nouvel employeur qui était également propriétaire de deux autres boulangeries situées à [Localité 2] et à [Localité 1].
Mme [K] ne conteste pas avoir été amenée à travailler auprès des autres boulangeries pour remplacer par exemple un salarié absent mais elle soutient que son activité principale s'exerçait sur [Localité 3] et qu'en conséquence son contrat de travail a été transféré à la SARL la Boulange.
L'attestation de sa mère démontre que dès le rachat (2003/2004), son nouvel employeur a affecté Mme [K] sur le site de [Localité 1] de façon occasionnelle.
La SARL Mada 2 verse au débats deux attestations de collègues de Mme [K].
Mme [E] [P] déclare avoir travaillé au magasin de [Localité 2] avec Mme [K] et M. [C] déclare avoir travaillé avec Mme [K] à [Localité 3], [Localité 1] et [Localité 2].
Enfin, par courrier du 23 mars 2011, la SARL Mada 2 a informé Mme [K] de son affectation sur le site de [Localité 1] lors de la reprise de son activité.
Les pièces produites au débats permettent de constater que [Localité 1] est à 17 km de [Localité 3] ce qui représente environ 24 minutes de voiture.
Au jour de la reprise, Mme [K] avait déménagé à [Localité 4].
La distance [Localité 4]/[Localité 3] est de 13 km soit environ 20 minutes de voiture.
La distance [Localité 4]/[Localité 1] est de 28 km soit environ 34 minutes de voiture.
La Cour observe que la différence de distance entre le domicile de Mme [K] et [Localité 3] d'une part et de [Localité 1] d'autre part est faible et considère en conséquence que [Localité 3] et [Localité 1] sont deux communes situées dans un même secteur géographique.
Dès lors, la SARL Mada 2 pouvait imposer à Mme [K] cette modification de son lieu de travail.
En application de l'article L.1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel transféré.
Ainsi, en cas de transfert partiel d'activité, le salarié doit passer au service du cessionnaire pour la partie de l'activité qu'il consacrait au secteur cédé.
Cependant, dès lors que le contrat de travail s'exécute pour l'essentiel dans le secteur d'activité cédé et même si le salarié à continué à exercer des tâches dans un secteur encore exploité par la société cédante, son contrat de travail est intégralement transféré avec le secteur d'activité cédé ou il exécute l'essentiel de son activité.
A contrario, le contrat de travail n'est pas transféré dès lors que le salarié n'exécute pas l'essentiel de son activité dans le secteur transféré et si, sans modifier son contrat de travail, le cédant recentre son activité dans le secteur d'activité qu'il conserve.
La suspension du contrat de travail du fait du congé parental d'éducation est sans effet sur le transfert de plein droit résultant de la modification de la situation de l'employeur.
Les contrats de travail cédés sont les contrats des salariés affectés à l'unité cédée.
Si l'employeur ne peut, par convention, faire obstacle à l'application de plein droit de l'article L.1224-1 du code du travail, le salarié ne peut à cette occasion faire le choix de son lieu de travail au mépris du pouvoir de direction de l'employeur.
En l'espèce, Mme [K] a été embauchée en 2002 par M. [D], n'a alors travaillé que sur le site de [Localité 3] et ce jusqu'au rachat de la boulangerie par la SARL Mada 2.
A compter du rachat de la boulangerie par la SARL Mada 2, les attes-tations respectives des parties démontrent que Mme [K] n'était pas exclusivement rattachée à la boulangerie de [Localité 3] mais, comme ses collègues, amenée à travailler sur les trois sites de l'employeur.
Par courrier du 18 mars 2011, Mme [K] a demandé à la SARL Mada 2 de la reprendre au sein de ses effectifs.
Par courrier du 23 mars 2011, cette dernière lui a répondu qu'elle faisait toujours partie de ses effectifs, qu'elle était invitée à reprendre son activité profes-sionnelle dès le terme de son congé parental d'éducation et lui a précisé que cette reprise s'effectuerait sur le site de [Localité 1].
Il résulte de ce qui précède que Mme [K] n'était pas affectée spécialement à la Boulangerie de [Localité 3], qu'il n'y a pas eu de contractualisation du lieu de travail, que dans le cadre de son pouvoir de direction, la SARL Mada 2 a affecté Mme [K] sur le site de [Localité 1] et qu'en conséquence la cession du fonds de [Localité 3] de la SARL Mada 2 à la SARL la Boulange ne pouvait entraîner le transfert de plein droit de son contrat de travail.
Dès lors, réformant la décision des premiers juges, la Cour juge que le contrat de travail de Mme [K] n'a pas été transféré à la SARL la Boulange.
En conséquence, Mme [K] sera débouté de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la SARL la Boulange fondée sur le contrat de travail.
En l'absence de toute faute imputable à la SARL Mada 2, la Cour réforme la décision du Conseil en ce qu'elle a condamné cette dernière à payer à Mme [K] la somme de 1.500 € de dommages et intérêts.
- Sur les autres demandes :
La Cour ayant réformé la décision des premiers juges, rejette la demande en liquidation d'astreinte présentée par Mme [K].
Chaque parties supportera la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
' Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions.
Y substituant :
' Juge que le contrat de travail de Mme [K] n'a pas été transféré à la SARL la Boulange.
' Déboute Mme [K] de toutes ses demandes.
Y ajoutant :
' Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne Mme [K] aux dépens.
Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Monsieur Gwenaël Tridon de Rey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Gwenaël Tridon de Rey Maud Vignau