COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 06 JANVIER 2016
(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)
PRUD'HOMMES
N° de rôle : 14/01755
SA Holding Mieux Vivre '[Établissement 1]
[Établissement 1]' - Groupe ORPEA
c/
Madame [F] [J] née [Q]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mars 2014 (RG n° F 13/00002) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Périgueux, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 25 mars 2014,
APPELANTE :
SAS Holding Mieux Vivre 'Hôtel de Retraite Périgourdin Résidence
les Quatre [Établissement 1]' - Groupe ORPEA, siret n° 378 146 963 00012, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité en son établissement [Adresse 2] et dont le siège social est situé au [Adresse 1],
Représentée par Maître Olivier Lopes de la SELARL Patrice Bendjebbar & Olivier Lopes, avocats au barreau de Saintes,
INTIMÉE :
Madame [F] [J] née [Q] le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1],
de nationalité française, demeurant [Adresse 3],
Représentée par Maître Francine Beaudry-Pages, avocat au barreau de la Corrèze,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 octobre 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Maud Vignau, Président,
Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,
Madame Annie Cautres, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.
En présence de Madame Claire Grana, conseiller prud'homal,
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Mme [F] [J] a été engagée par l'Hôtel [Établissement 1] maison de retraite appartenant à la SAS Holding Mieux Vivre par contrat de travail à durée indéterminée, le 1er septembre 1992, en qualité d'agent hôtelier d'entretien, pour une rémunération mensuelle brute de 1.827,93 €.
Le 1er septembre 2011, Mme [J] a fait l'objet d'un arrêt de travail.
Par décision en date du 13 janvier 2012, la qualité de travailleur handicapé lui a été reconnue.
Lors de la première visite de reprise, le 22 août 2012, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude définitive à son poste de travail, excluant les travaux physiques importants. Pas de balayage, pas de manutention importante , mais apte à un poste administratif à temps partiel sans port de charges lourdes (aide à l'accueil, classements, courriers par exemple...).
Lors de la seconde visite de reprise, le 5 septembre 2012, le médecin a confirmé son précédent avis.
Le 17 septembre 2012 l'employeur communique au médecin du travail une liste de 3 postes disponibles au sein du groupe.
Le 5 octobre 2012 le médecin répond que ces postes ne sont pas compatibles avec l'état de santé de Mme [J].
Le 15 octobre 2012 Mme [J] a été convoquée à un rendez-vous pour un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement.
Le 25 octobre 2012 Mme [J] a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Le 2 janvier 2013, Mme [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Périgueux aux fins de :
' voir condamner son ancien employeur à lui verser diverses indemnités en
raison, notamment, du défaut de recherche effective de reclassement.
' voir juger son licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement de départage en date du 25 février 2014, le juge départiteur de Périgueux, section activités diverses,
' dit que le licenciement de Mme [J] est sans cause réelle et sérieuse,
' condamne la SAS Holding Mieux Vivre à lui verser les sommes suivantes :
- 30.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail,
- 5.400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 540 € à titre de congés payés afférents,
- 1.200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
' dit que les sommes allouées doivent produire intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil pour ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, à compter du présent jugement pour ce qui concerne les dommages et intérêts et la condamnation au titre des frais irrepétibles,
' condamne également la SAS Holding Mieux Vivre à rembourser, dans la limite de 3 mois, les allocations chômage versé par l'organisme concerné,
' déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
' condamne la SAS Holding Mieux Vivre aux dépens.
La SAS Holding Mieux Vivre a régulièrement interjeté appel de cette décision le 26 mars 2014.
Par conclusions du 20 juillet 2015 développées oralement à l'audience, la SAS Holding Mieux Vivre sollicite de la Cour de :
' réformer le jugement entrepris,
' débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes,
' condamner Mme [J] au paiement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner Mme [J] aux entiers dépens éventuels.
Par conclusions du 9 octobre 2015 développées oralement à l'audience, Mme [J] sollicite de la Cour de :
' confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle a condamné la SAS Holding Mieux Vivre à lui verser les sommes suivantes :
- 30.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail,
- 5.400 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 540 € à titre de congés payés afférents,
- 1.200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
' condamner, réformant la décision pour le surplus et y ajoutant, la SAS Holding Mieux Vivre au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts,
' condamner, également, la SAS Holding Mieux Vivre à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE, LA COUR
Sur la demande de retrait de la pièce 22 produite par l'employeur
La salariée demande à l'audience le retrait de la pièce 22 au motif que celle-ci lui a été communiquée tardivement, le matin même de l'audience. Or, la Cour constate que cette pièce a été non seulement évoquée par les deux parties au cours des débats d'audience, mais que la salariée a également analysé cette pièce par écrit, il s'ensuit que le principe du contradictoire a donc été respecté.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de rejet de cette pièce.
Sur le respect de l'obligation de reclassement de Mme [J]
Lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédem-ment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.
Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a mis en 'uvre tous les moyens pertinents dont il dispose pour remplir son obligation et en cas de litige, il doit apporter la preuve de sa recherche et justifier de l'impossibilité de reclassement.
En l'espèce, l'employeur rapporte la preuve d'avoir le 17 septembre 2012, après l'avis définitif d'inaptitude émis par le médecin du travail lors de la deuxième visite de reprise du 5 septembre 2012, transmis à ce dernier tous les postes définis par la convention collective, en lui demandant de préciser les éventuels postes compatibles avec l'état de santé de Mme [J] (pièces 3 de l'employeur).
Il rapporte également la preuve que préalablement, entre les deux visites de reprise, le médecin du travail s'est rendu le 24 août 2012 sur place, afin d'effectuer une étude du poste de Mme [J] et de rechercher toutes les possibilités de reclassement de la salariée au sein même de l'entreprise. (pièce 22 de l'employeur)
Suite au dernier avis d'inaptitude du 5 septembre 2012, l'employeur rapporte la preuve d'avoir sollicité le 13 septembre 2012 toutes les directions régionales du groupe ORPEA y compris la direction Aquitaine, la division psychiatrie, la clinique de l'ILL, Saint Rémy de Chevreuse, toutes les filiales situées à l'international (Italie, Espagne, Belgique, Suisse), les services administratifs du siège, soit tous les établis-sements du groupe ORPEA pour rechercher tous les postes vacants disponibles pour reclasser Mme [J]. (pièce 20 de l'employeur)
Par courrier du 21 septembre 2012 le médecin du travail, après avoir pris connaissance de 'tous les postes définis par la convention collective', indiquait à l'employeur que le seul poste qui lui paraissait compatible avec l'état de santé de Mme [J] était un poste 'd'agent de secrétariat d'accueil sans le standard de façon répétée et sans port de charges lourdes'.
Trois postes vacants correspondant à ce descriptif, soit un poste de secrétaire médicale à [Localité 4], un poste de facturière à [Localité 2] et un poste de secrétaire d'accueil en CDD à [Localité 3] étaient soumis à l'avis des délégués du personnel le 3 octobre 2012, qui émettaient un avis favorable au reclassement potentiel de Mme [J] sur un de ces postes. (pièces 9, 10 de l'employeur)
Parallèlement, l'employeur a soumis le 2 octobre 2012 ces trois postes à l'avis du médecin du travail, en indiquant : 'nous vous remercions de bien vouloir nous confirmer si ces postes seraient compatibles avec l'état de santé de Mme [J] ou de quelle façon nous pourrions les aménager afin de les rendre compatibles avec son aptitude restreinte'. (pièce 11 de l'employeur)
Par courrier du 5 octobre 2012, le médecin du travail répondait que les postes proposés n'étaient pas compatibles avec l'état de santé de Mme [J].
L'employeur rapporte ainsi la preuve d'avoir tenté de reclasser en premier lieu Mme [J] en interne, après étude de poste effectuée par le médecin du travail (pièce 22 de l'employeur) puis en externe dans les établissements dépendant de tout le périmètre du groupe.
L'employeur rapporte la preuve d'avoir tenté loyalement de reclasser Mme [J].
La salariée reproche à l'employeur de ne pas l'avoir affectée à un poste d'aide lingère.
Or, contrairement à ce que soutient la salariée, qui avait fait part de ce
souhait autant à l'employeur qu'au médecin du travail, (pièces 4 et 8 de la salariée), celui-ci après étude de poste sur place, a déclaré Mme [J] inapte à son poste actuel, il n'a fait aucune préconisation sur une possible aptitude au poste d'aide lingère déclarant seulement la salariée 'apte à un poste administratif à temps partiel sans port de charges lourdes (aide à l'accueil, classements, courriers par exemple...)'. Il s'ensuit qu'il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir 'créé un poste d'aide lingère conforme aux souhaits de Mme [J]' qui ne correspondait pas aux préconisations médicales très restrictives du médecin du travail. Enfin, l'employeur démontre avoir
.../...
interrogé la direction Aquitaine et la direction Sud-Ouest I, laquelle a proposé un poste vacant (contrairement à la direction Aquitaine).
Il s'ensuit que contrairement à ce qu'a retenu le juge départiteur la Cour considère, en l'espèce, que l'employeur a loyalement rempli son obligation de reclassement. Aussi, la Cour réformant la décision attaquée dit que le licenciement de Mme [J] repose sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, la déboute de ses demandes indemnitaires.
Il ne peut pas être reproché, en l'espèce, à l'employeur de ne pas avoir mis en oeuvre les dispositions relatives au statut de travailleur handicapé de Mme [J], alors qu'il n'est pas démontré qu'il ait été avisé que la salariée relevait de ce statut depuis le 13 janvier 2012. Au surplus, la salariée était déjà en arrêt de travail à cette date et n'a pas repris son poste suite à l'avis d'inaptitude définitive émis par le médecin du travail le 5 septembre 2012.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile , l'équité et les circonstances de la cause commandent de laisser à la charge de chacune des parties ses propres frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
' Réforme la décision attaquée dans toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
' Dit que le licenciement de Mme [J] repose sur une cause réelle et sérieuse.
' Déboute Mme [J] de toutes ses demandes indemnitaires.
' Déboute les parties de leurs autres demandes notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
' Condamne les parties chacune pour moitié aux dépens.
Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau