COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 13 MARS 2019
(Rédacteur : Madame Nathalie PIGNON, Présidente)
PRUD'HOMMES
N° RG 17/05290 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KAYX
Madame [V] [I]
c/
SA ERDF devenue SA ENEDIS
SA GRDF
SA EDF
SA GDF - SUEZ
Syndicat CGT ENERGIE 24
CNIEG
Nature de la décision : Sur la péremption
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par
voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Greffier en Chef,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 mars 2013 (R.G. n°F 10/380) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PERIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 10 avril 2013,
APPELANTE :
Madame [V] [I] née [P]
née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] ([Localité 2]), demeurant [Adresse 1]
présente et assistée de Me Catherine CHEVALLIER de la SELARL CHEVALLIER Catherine, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉS :
SA ERDF devenue SA ENEDIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE
SA EDF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
SA GRDF, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]
SA GDF - SUEZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]
non comparantes, non représentées
Intervenant volontaire :
Syndicat CGT Energie 24, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6]
appelant par acte de saisine du 11 avril 2013
représenté par Me Catherine CHEVALLIER de la SELARL CHEVALLIER Catherine, avocat au barreau de PERIGUEUX
Intervenante forcée :
CNIEG Caisse nationale des industries électriques et gazières, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 7]
non comparante, non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie Pignon, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Annie Cautres, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie Pignon, présidente
Madame Annie Cautres, conseillère
Monsieur Jean-François Sabard, conseiller
Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile
- prorogé au 13 mars 2019 en raison de la charge de travail de la cour.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Madame [V] [I] a été engagée en décembre 1975 sur le centre de [Localité 3] par EDF-GDF aux droits duquel vient désormais la société ENEDIS.
Madame [V] [I] a exercé des activités syndicales au cours de sa carrière (Conseillère prud'homale de 1987 à 1992, Membre du CA de la CMCAS de Périgueux en 1992, Membre du S/ CMPB en 1995, Membre du CHSCT en 1998, Membre du CA de la CMCAS de Périgueux en 1998, Membre du CHSCT en 2001 jusqu'en 2007 au sein de l'agence de Bergerac).
Madame [I] a été mutée pour convenance personnelle en 1987 et professionnelle en 1988.
Entre 1975 et 1991, elle a obtenu 5 reclassements.
Elle a bénéficié du droit à pension en janvier 2012 avec le classement GF 06 NR 125.
Le 30 août 2007, Madame [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de [Localité 4] en vue d'obtenir la condamnation à paiement de la S.A. EDF s'estimant victime de discrimination en raison de son activité syndicale.
Suivant jugement de départage du 12 mars 2013, le Conseil de Prud'hommes de [Localité 4] a :
- déclaré les SA ERDF et GRDF, recevables en leur intervention volontaire ;
- déclaré le syndicat CGT ENERGIE 24 recevable en son intervention ;
- débouté Madame [V] [I] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné Madame [V] [I] à payer aux ERDF et GRDF la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- rejeté la demande du syndicat CGT ENERGIE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné Madame [V] [I] aux entiers dépens.
Madame [V] [I] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 11 avril 2013.
Par ordonnance du 14 mai 2014, le magistrat chargé d'instruire l'affaire, a imparti des délais pour conclure et communiquer leurs pièces et adresser leurs conclusions à la cour à chacune des parties.
Suivant arrêt en date du 2 septembre 2015, la Cour d'appel de Bordeaux a prononcé la radiation de l'affaire.
Le 18 septembre 2017, le Greffe de la Cour d'appel de Bordeaux a délivré un avis de réinscription au rôle sur les conclusions de Madame [I] et du syndicat CGT Energie.
Par conclusions déposées le 30 octobre 2018 et développées oralement à l'audience, Madame [V] [I] conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnisation au titre de la discrimination et demande à la cour de :
- dire et juger recevable et bien fondé son appel du jugement du Conseil de prud'hommes de [Localité 4] du 12 mars 2003,
Et statuant à nouveau,
- dire et juger qu'elle a fait l'objet de discrimination en raison de son engagement syndical,
- ordonner la production par ENEDIS des conclusions du groupe d'examen conformément à l'article 4 de l'accord du 9 décembre 2005,
- la repositionner à la date du 1er janvier 2011 en GF 07 NR 135 échelon d'ancienneté 12 majoration résidentielle 24% selon le barème applicable à cette date
- déclarer que l'arrêt est opposable à la CNIEG pour la prise en compte de la rémunération fixe à compter du 1er janvier 2011 quant au montant de la pension versée et régularisation le cas échéant,
- condamner ENEDIS prise en la personne de son représentant légal, à lui verser les sommes suivantes :
54.777,58 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de la discrimination ;
30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et perte de chance subi du fait de la discrimination ;
20.000 euros en réparation de la violation des dispositions règlementaires et conventionnelles au titre des articles 1103 et 1104 du Code civil (absence entretiens, formation, non respect circulaires Pers. 212, 245, note DP 32-64,') ;
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,
- condamner ENEDIS prise en la personne de son représentant légal, à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner ENEDIS prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens,
- déclarer ENEDIS mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter.
Mme [I] soutient essentiellement :
A titre liminaire, que la péremption n'est pas acquise
Sur l'impossibilité par les employeurs de rapporter la preuve de l'absence de violation du principe d'égalité
Que son employeur a fait une mauvaise application de l'accord de méthode du 9 octobre 2005 qui permet d'apprécier si le développement de carrière des représentants du personnel est normal.
Sur l'existence d'une discrimination syndicale
Que son déroulement de carrière est anormal (faible taux de promotion , reclassements peu nombreux),
Que l'analyse de son ralentissement de carrière est erronée en raison d'une mauvaise application de l'accord de méthode du 9 octobre 2005.,
Que les dispositions statutaires en matière de mutation pour convenance professionnelle n'ont pas été respectées, et que son déclassement subi en 1987 est imputable à son employeur,
Que, enfin, elle n'a pas bénéfécié de façon régulière des entretiens annuels de progrès et de formations qui lui auraient permis d'évoluer professionnellement.
Par conclusions du 30 octobre 2018, développées oralement à l'audience, le syndicat CGT Energie 24 sollicite le versement de la somme de 4.200 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte de son image, outre celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 17 octobre 2018 et développées oralement à l'audience, la société ENEDIS, anciennement dénommée ERDF demande à la cour de :
- de déclarer périmée l'instance d'appel et d'en tirer toutes conséquences de droit conformément aux articles 386 et suivants du code de procédure civile,
- de constater en conséquence l'extinction de I'instance,
Subsidiairement,
- de déclarer irrecevables ou injustifiées les demandes présentées par l'agent devant la cour
- de déclarer irrecevables ou injustifiées l'appel et les demandes présentées par le syndicat devant la cour,
- de débouter l'agent et le syndicat de telles demandes,
- de confirmer le jugement entrepris,
Dans tous les cas,
- de condamner in solidum l'agent et le syndicat à payer aux sociétés défenderesses la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- de les condamner in solidum aux dépens.
La société ENEDIS, anciennement dénommée ERDF fait valoir :
Que la péremption de l'instance est acquise.
Sur l'existence de la discrimination syndicale :
Que l'absence de mobilité géographique et la mutation pour convenance personnelle de Mme [I] ont constitué des freins à son déroulé de carrière, qui expliquent une discordance avec le déroulement moyen de carrière de ses comparants,
Que, par ailleurs, le simple fait de ne pas avoir été retenue à la suite de postulations ne saurait suffire à établir une quelconque discrimination,
Qu'en outre Mme [I] est partie 5 fois au cours des années 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008 en congés sans solde exceptionnel, ce qui constitue indiscutablement un facteur de ralentissement de carrière.
La Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières (CNIEG), bien que régulièrement convoquée devant la cour, ne comparaît pas.
MOTIFS
Sur la péremption
L'article 939 du Code de procédure civile applicable aux procédures sans représentation obligatoire devant la cour d'appel dispose : 'Lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée, son instruction peut être confiée à un des membres de la chambre. Celui-ci peut être désigné avant l'audience prévue pour les débats.
Le magistrat chargé d'instruire l'affaire organise les échanges entre les parties comparantes dans les conditions et sous les sanctions prévues à l'article 446-2.'
Aux termes de l'article 446-2 du même code lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes.
Ce texte précise, dans sa version antérieure au décret du 6 mai 2017, applicable à la présente instance, que le juge peut fixer les délais et les conditions de communication des prétentions des parties, moyens et pièces, si les parties en sont d'accord.
Par ailleurs, aux termes de l'article 386 du Code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.
En application de l'article R.1452-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret du 20 mai 2016, applicable en l'espèce, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant un délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Constitue une diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail le dépôt de conclusions écrites ordonné par la juridiction pour mettre l'affaire en état d'être jugée, et en conséquence, seul l'accomplissement de celle-ci peut interrompre le délai de péremption.
En l'espèce, par ordonnance du 14 mai 2014 le magistrat chargé d'instruire l'affaire, a, en application de l'article 940 du code de procédure civile :
'dit que les parties devront :
- adresser à la cour et à la partie adverse un exemplaire de leurs conclusions ;
- communiquer à la partie adverse une copie de toutes les pièces, avec le bordereau récapitulatif; et joindre aux conclusions la lettre de licenciement.
En respectant les dates suivantes :
-pour l'appelant (e) : 29 juillet 2014
-pour l'intimée (e) : 29 septembre 2014.'
La notification de l'ordonnance du 14 mai 2014 constitue le point de départ du délai de péremption.
Il est acquis aux débats que Madame [I] n'a remis ni conclusions ni pièces dans le délai imparti par le magistrat chargé d'instruire l'affaire et n'a donc pas, à l'égard de la juridiction, accompli les diligences mises à sa charge.
Les premières écritures remises à la cour par Madame [I] ont été déposées le 29 août 2017, soit plus de deux ans après la notification de l'ordonnance prescrivant des diligences à la charge des parties.
La péremption d'instance est en conséquence acquise.
Surabondamment, la cour observe que, par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 23 mai 2014, Madame [I] a été convoquée à l'audience du 24 novembre 2014 de la chambre sociale section A de cette cour d'appel.
La date de l'audience a été modifiée et Madame [I] a reçu une nouvelle convocation par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 31 mai 2014 pour l'audience du 29 juin 2015.
L'affaire a été appelée à l'audience collégiale publique de la chambre sociale du 29 juin 2015.
À cette date, aucune conclusions ni pièces n'ont été transmises par Madame [I], et la cour a, par arrêt du 2 septembre 2015, prononcé la radiation de l'affaire pour défaut de diligence en application de l'article 381 du code de procédure civile.
L'affaire ayant été appelée à l'audience de jugement le 29 juin 2015, c'est à cette date au plus tard que les prétentions de l'appelante, formulées oralement ou rédigées et reprises oralement à l'audience auraient dû être développées.
Il ressort de l'arrêt de radiation du 2 septembre 2015 qu'à la date du 29 juin 2015, la cour a constaté que Madame [V] [I] n'avait pas conclu dans les délais impartis.
Au regard de ce qui précède, l'arrêt de radiation n'ayant pas eu pour effet de suspendre ou d'interrompre le délai de péremption, qui avait commencé à courir, et les conclusions de reprise d'instance n'ayant été transmises que le 29 août 2017, soit plus de 2 ans après la date de l'audience, l'instance est, pour ce second motif, périmée.
Il convient en conséquence de constater la péremption de l'instance avec toutes conséquences de droit.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la décision intervenue, les dépens seront laissés à la charge de Madame [I].
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des intimées les frais exposés et non compris dans les dépens, et il n'y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Constate la péremption de l'instance, son extinction et le dessaisissement de la cour ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Madame [V] [I] aux dépens.
Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon