ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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Le : 04 Avril 2024
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
N° de rôle : N° RG 22/03166 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MY5H
Monsieur [K] [L]
Monsieur [B] [L]
Monsieur [Z] [L]
c/
S.A. SPL LA FABRIQUE DE BORDEAUX METROPOLE
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Le 04 Avril 2024
Par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE DE L'EXPROPRIATION, a, dans l'affaire opposant :
Monsieur [K] [L], demeurant [Adresse 1]
Monsieur [B] [L], demeurant [Adresse 5]
Monsieur [Z] [L], demeurant [Adresse 5]
représentés par Maître Guillaume ACHOU-LEPAGE, substitué par Maître Chloé CAPARROS, avocats au barreau de BORDEAUX
Appelants d'un jugement rendu le 14 avril 2022 par le juge de l'expropriation du département de la Gironde suivant déclaration d'appel en date du 25 mai 2022,
à :
S.A. SPL LA FABRIQUE DE [Localité 8] METROPOLE,
[Adresse 6]
représentée par Maître Sarah HEITZMANN, avocat au barreau de RENNES
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT,
Direction Régionale des Finances Publiques - Pôle d'évaluation domaniale - 24 rue de Sourdis BP 9086 - 33060 BORDEAUX CEDEX
Comparant en la personne de Monsieur [X] [C], inspecteur divisionnaire des finances publiques.
Intimés,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue le 28 février 2024 devant :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Monsieur Nicolas GETTLER, Vice-Président placé, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseillère,
Greffier lors des débats : François CHARTAUD
en présence de Monsieur [X] [C], inspecteur divisionnaire, entendu en ses conclusions,
et qu'il en a été délibéré par les Magistrats du siège ci-dessus désignés.
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [V] [L] et Monsieur [K] [L] étaient propriétaires d'une parcelle cadastrée section BB n° [Cadastre 4], d'une contenance de 17 m², située [Adresse 3]).
Cette parcelle est située dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté 'Carès Cantinolle', dont la réalisation a été déclarée d'utilité publique par arrêté préfectoral du 6 août 2019, qui a autorisé la société publique locale La Fabrique de [Localité 8] Métropole à acquérir par voie d'expropriation les parcelles et immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération.
Monsieur [V] [L] est décédé le 27 décembre 2019, laissant pour lui succéder Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L].
Le 14 janvier 2021, la société La Fabrique de [Localité 8] Métropole a signifié à Messieurs [K], [B] et [Z] [L] un mémoire valant offre d'indemnisation pour la dépossession du bien leur appartenant, puis, faute d'accord, a saisi la juridiction de l'expropriation de la Gironde en adressant un mémoire par lettre recommandée avec accusé de réception reçue au greffe le 25 mars 2021.
Le juge de l'expropriation s'est transporté sur les lieux le 16 novembre 2021 puis, par jugement prononcé le 14 avril 2022, a statué ainsi qu'il suit :
- fixe les indemnités de dépossession pour l'expropriation de la parcelle cadastrée section BB n° [Cadastre 4] située [Adresse 3], d'une contenance cadastrale de 17 m², aux sommes suivantes :
- indemnité principale : 1.190 euros,
- indemnité de remploi : 238 euros ;
- condamne la société publique locale La Fabrique de [Localité 8] Métropole à payer à Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] la somme totale de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] pour le surplus ;
- condamne la société publique locale La Fabrique de [Localité 8] Métropole aux dépens.
Messieurs [K], [B] et [Z] [L] ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 25 mai 2022.
***
Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] ont déposé leurs conclusions et pièces le 24 août 2022 ; elles ont été notifiées le 5 septembre 2022 par le greffe à la Fabrique de [Localité 8] métropole et au commissaire du gouvernement.
Les appelants y demandent à la cour de :
- réformer le jugement du 14 avril 2022 ;
- fixer les indemnités d'expropriation devant revenir aux consorts [L] en contrepartie de la dépossession de 17 m² parcelle cadastrée section BB n° [Cadastre 4] sise [Adresse 2] à la somme totale de 7.483,50 euros ;
- condamner La Fab à payer aux consort [L] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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La société La Fabrique de [Localité 8] Métropole a notifié ses conclusions le 29 novembre 2022 par RPVA et a déposé ses conclusions et ses pièces le 30 novembre 2022 au greffe de la cour.
Elles ont été notifiées par le greffe le 6 décembre 2022 au Conseil de Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] et au commissaire du gouvernement.
L'intimée y demande à la cour de :
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
- rejeter les demandes, fins et conclusions des consorts [L] ;
- condamner les consorts [L], solidairement, à payer à la Fab la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
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Le commissaire du gouvernement a déposé ses conclusions le 6 décembre 2022. Elles ont été notifiées le lendemain par le greffe au Conseil des consorts [L] et à la société La Fabrique de [Localité 8] Métropole.
Le commissaire du gouvernement y propose d'allouer aux consorts [L] une indemnité totale de 2.244 euros pour la dépossession de la parcelle cadastrée BB n°[Cadastre 4] située [Adresse 2], se répartissant ainsi :
- indemnité principale : 1.870 euros
- indemnité de remploi : 374 euros.
***
La société La Fabrique de [Localité 8] Métropole a notifié de nouvelles conclusions le 22 février 2023 par RPVA et a déposé ces conclusions et 4 nouvelles pièces le 27 février 2023 au greffe de la cour.
Elles ont été notifiées par le greffe le 1er mars 2023 au Conseil de Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] et au commissaire du gouvernement.
L'intimée y demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer irrecevable l'appel incident du commissaire du gouvernement ; subsidiairement, rejeter ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
- rejeter les demandes, fins et conclusions des consorts [L] ;
- condamner les consorts [L], solidairement, à payer à la Fab la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la recevabilité de l'appel du commissaire du gouvernement
1. L'article 546 du code de procédure civile dispose :
« Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé.
En matière gracieuse, la voie de l'appel est également ouverte aux tiers auxquels le jugement a été notifié.»
Selon l'article 548 du même code, l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés.
2. Au visa de ces textes, la société La Fabrique de [Localité 8] Métropole tend à l'irrecevabilité de l'appel incident du commissaire du gouvernement au motif qu'il est de principe qu'un appel n'est pas recevable lorsque le jugement, rendu conformément aux conclusions de l'appelant, ne lui fait pas grief, ce qui est le cas en l'espèce puisque le dispositif du jugement, contesté en appel par le commissaire du gouvernement, est parfaitement conforme à ses propres demandes de première instance.
Le commissaire du gouvernement n'a pas fait valoir d'observations à ce titre.
Sur ce,
3. Il résulte des mentions de l'exorde du jugement du 14 avril 2022 que le commissaire du gouvernement avait proposé, les 28 octobre 2021 et 27 janvier 2022, de fixer l'indemnité principale de dépossession à la somme de 1.190 euros et l'indemnité de remploi à celle de 238 euros, qui sont les indemnités retenues par le juge de l'expropriation.
Devant la cour, le commissaire du gouvernement propose de fixer l'indemnité principale devant revenir à Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] à la somme de 1.870 euros et l'indemnité de remploi à celle de 374 euros, donc d'infirmer le jugement déféré de ce chef.
Or il est constant en droit que lorsqu'il a été intégralement fait droit en première instance à la demande d'une partie, celle-ci est, faute d'intérêt, irrecevable à interjeter appel principal ou incident.
4. Il y a lieu en conséquence d'accueillir la fin de non recevoir de la société la Fabrique de [Localité 8] Métropole et de déclarer irrecevable l'appel incident du commissaire du gouvernement.
2. Sur la date de référence
5. L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose : « Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.»
Il résulte des dispositions combinées des articles L.322-1 et L.322-2 du même code que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété. Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.
Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L.322-3 à L.322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.1 du code de l'expropriation ou, dans le cas prévu à l'article L.122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L.121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L.311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.
Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.
Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.
6. Il est constant en droit que la date de référence doit elle-même s'apprécier à la date de la décision de première instance, soit en l'espèce le 14 avril 2022.
Il est également de principe qu'une modification du plan local d'urbanisme qui n'affecte pas les caractéristiques de la zone litigieuse, telle que la hauteur des immeubles, ne peut être retenue pour fixer la date de référence au sens de l'article L. 213-4 a du code de l'urbanisme, même si le périmètre de la zone dans laquelle est située la parcelle expropriée est lui-même modifié.
7. En l'espèce, il n'est pas discuté par les parties que la date de référence qui s'applique au bien exproprié est le 6 mars 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la 9ème modification du Plan local d'urbanisme qui a fait évoluer le périmètre et le règlement de la zone UP24 dans laquelle est située la parcelle litigieuse.
3. Sur la consistance du bien et son usage effectif
8. Le bien exproprié est situé à [Localité 9], dans un secteur en évolution en raison de la mise en circulation de la ligne D du tramway qui relie notamment ce quartier au centre de [Localité 8].
Il est proche d'un arrêt du tramway et de grands axes routiers.
Le juge de l'expropriation, qui s'est transporté sur les lieux, décrit ainsi ce bien : « Etroite bande de terrain de forme irrégulière en limite de propriété sur la [Adresse 11], à l'avant d'une parcelle non bâtie et non clôturée envahie de végétation située à l'angle de la rue et de l'[Adresse 7], sous une ligne à haute tension, l'emprise est en partie enherbée et supporte un poste de transformation électrique.»
9. La discussion entre les parties porte sur la qualification de terrain à bâtir de la parcelle considérée.
10. Les appelants font en effet grief au premier juge d'avoir retenu que ce bien ne pouvait être qualifié de terrain à bâtir mais devait être évalué en fonction de son usage effectif à la date de référence, soit un terrain nu sans usage particulier.
Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] (ci-après les Consorts [L]) rappellent tout d'abord les termes de l'article L.322-3 du code de l'expropriation, selon lesquels :
« La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :
1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;
2° Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.
Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2.»
Les Consorts [L] expliquent qu'ils bénéficient d'un certificat d'urbanisme délivré le 6 septembre 2007 qui mentionne la desserte à venir de réseaux d'assainissement, d'eau potable, d'électricité et de voirie.
Ils ajoutent que les travaux d'extension du réseau d'électricité tels que présentés par l'étude d'Enedis produite par l'expropriante doivent s'opérer en trois tranches dont la première devait être mise en oeuvre dès l'année 2018.
Les appelants en tirent la conclusion que, au 6 mars 2020, date de référence, la parcelle expropriée était desservie en électricité.
11. La Fabrique de [Localité 8] Métropole répond que le bien exproprié est certes situé en zone constructible mais que sa desserte en réseaux est insuffisante ; que la capacité des réseaux présents doit s'apprécier à l'échelle de l'ensemble de la Zone d'aménagement concerté (ZAC) 'Carès Cantinolle', conformément à l'article L.322-3 2° du code de l'expropriation.
L'intimée affirme que la capacité des réseaux de viabilité situés dans le périmètre de cette zone était insuffisante, à la date de référence, pour desservir l'ensemble de la zone, ce qui a été confirmé par la société Enedis.
Sur ce,
12. Il faut tout d'abord rappeler que l'emprise litigieuse est d'une contenance de 17 m² ; qu'il est constant en droit que l'appréciation de la qualité du terrain litigieux ne doit pas être faite en considération des seules caractéristiques de l'emprise mais de la totalité de la parcelle, laquelle était en l'espèce d'une surface de 1988 m² avant détachement de l'emprise.
Il est acquis que la parcelle expropriée est en zone constructible.
Toutefois, à la date de référence, les réseaux annoncés -sans précision de date- dans le certificat d'urbanisme évoqué par les appelants ne desservaient pas le terrain litigieux.
De plus, la société Enedis, par courrier en date du 5 février 2021 (daté par erreur 2020), donc postérieur d'un an à la date de référence, a fait connaître à la société La Fabrique de [Localité 8] Métropole que le réseau HTA situé à proximité de l'emprise de la zone litigieuse, disposait de la capacité en terme de puissance pour accueillir les besoins de la ZAC, étant précisé que le réseau HTA est constitué de lignes moyenne tension permettant le transport de l'électricité à l'échelle locale vers les petites industries, les PME et les commerces et qui font également le lien entre les clients et les postes de transformations et que ces lignes ont une tension comprise entre 15 kV et 30 kV.
La société Enedis précise cependant dans ce courrier : « En revanche, nous vous avons indiqué que les postes de distribution publique existants ne disposaient pas de la capacité suffisante pour pouvoir alimenter tous les lots. C'est la raison pour laquelle nous vous avons précisé qu'il était nécessaire de créer des extensions HTA ou BT [lignes basse tension permettant la distribution d'énergie électrique vers les ménages, d'une tension de 230V ou 400V] pour permettre l'amenée au droit de chaque lot et d'ajouter de nouveaux postes de distribution publique à l'intérieur de certains lots. Ces extensions consistent à construire de nouveaux réseaux entre le réseau existant et les lots qui sont à aménager pour la partie en domaine public d'une part et d'autre part de créer les réseaux situés dans l'emprise de chaque lot depuis le domaine public jusqu'au client final.
Vous nous avez demandé, à date, la création des amenées d'énergies pour permettre la viabilisation de lots associés à la tranche 1 à savoir les lots C6 et C7. La réalisation de ces extensions a nécessité la création de 330 mètres de câble BT et 180 mètres de réseaux HTA pour un montant total de 54.172,08 euros TTC (...)
Pour pouvoir viabiliser le reste de la ZAC, il reste à réaliser les extensions de réseau nécessaires à la future alimentation des lots nommés C1, C2, C3, C4 et C5.»
13. Ainsi, la parcelle expropriée, dont il est constant qu'elle se situe dans les lots à viabiliser de la ZAC, ne bénéficiait pas encore, un an après la date de référence, d'une desserte d'énergie électrique suffisante, de sorte qu'elle ne peut être qualifiée de terrain à bâtir au sens de l'article L.322-3 du code de l'expropriation.
C'est donc par des motifs détaillés et pertinents, qui ne sont pas utilement critiqués en cause d'appel et que la cour fait siens, que le juge de l'expropriation a retenu que le bien exproprié devait être évalué en fonction de son usage effectif à la date de référence, soit comme un terrain nu sans usage particulier bénéficiant cependant d'une situation privilégiée à proximité de grands axes routiers et dans une zone desservie par le tramway jusqu'à [Localité 8].
4. Sur les indemnités de dépossession
14. La méthode d'évaluation par comparaison, telle que retenue par le premier juge pour apprécier la valeur du bien litigieux, n'est pas discutée par les parties en son principe.
15. La société La Fabrique de [Localité 8] Métropole tend à la confirmation du jugement déféré qui a fixé l'indemnité principale de dépossession à la somme de 1.190 euros, soit 70 euros/m².
16. Les Consorts [L] discutent les termes de comparaison proposés par l'intimée en expliquant qu'il s'agit de quelques accords amiables que celle-ci a obtenus, ce qui ne saurait constituer un reflet fiable du marché puisque les mutations proposées ont été contraintes en raison précisément de l'opération d'aménagement projetée et non soumises à la concurrence.
Les appelants proposent des termes de comparaison tirés de trois décisions de la juridiction de l'expropriation de la Gironde et de la cour d'appel qui évaluent le prix du m² respectivement à 280 euros, 634 euros et 500 euros.
17. Toutefois, les deux premiers termes de comparaison se situent certes dans une commune voisine également desservie par le tramway mais dans des quartiers à dominante de pavillons et d'entreprises artisanales et concernent des terrains supportant des constructions ; le troisième terme de comparaison, plus éloigné puisqu'il est situé à [Localité 10], est en centre ville soit un secteur bâti dense et viabilisé.
Ces termes de comparaison ne sont donc pas pertinents puisque l'emprise litigieuse est un terrain en friche sans usage particulier et non viabilisé à la date de référence.
Le premier juge était dès lors fondé à retenir trois références portant sur des terrains nus d'une surface comprise entre 10 et 20 m² et issus de divisions de parcelles plus vastes, dont deux également situés [Adresse 11].
18. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à la somme de1.190 euros l'indemnité principale de dépossession et à celle de 238 euros l'indemnité de remploi, fixée selon l'usage au pourcentage de l'indemnité principale, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
Les Consorts [L], partie succombante en appel, seront condamnés à payer les dépens et à verser à la société la Fabrique de [Localité 8] Métropole une somme de 2.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable l'appel incident du commissaire du gouvernement.
Confirme le jugement prononcé le 14 avril 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] à payer in solidum à la société La Fabrique de [Localité 8] Métropole la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [K] [L], Monsieur [B] [L] et Monsieur [Z] [L] à payer in solidum les dépens de l'appel.
L'arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, président, et par François CHARTAUD, greffier, auquel a été remis la minute signée de la décision.
Le greffier, Le président,