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04/06/2024 | FRANCE | N°21/01752

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 04 juin 2024, 21/01752


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



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ARRÊT DU : 04 JUIN 2024







N° RG 21/01752 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MARV









[L] [I] [R] [T]



c/



[Y] [X]

























Nature de la décision : AU FOND





















22G



Grosse délivrée le :r>


aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 janvier 2021 par le Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (cabinet 09, RG n° 18/07024) suivant déclaration d'appel du 24 mars 2021





APPELANTE :



[L] [I] [R] [T]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]



Re...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 04 JUIN 2024

N° RG 21/01752 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MARV

[L] [I] [R] [T]

c/

[Y] [X]

Nature de la décision : AU FOND

22G

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 janvier 2021 par le Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (cabinet 09, RG n° 18/07024) suivant déclaration d'appel du 24 mars 2021

APPELANTE :

[L] [I] [R] [T]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Guillaume AMIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[Y] [X]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Alain GUERIN de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [X] et Mme [L] [T] ont vécu en concubinage durant plusieurs années, et acquis au cours de leur vie commune, en indivision à hauteur de moitié chacun, un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] (33).

Le couple s'est séparé en novembre 2009.

En l'absence d'accord quant à la liquidation de l'indivision, M. [X] a fait assigner Mme [T] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, aux fins de voir, notamment, ordonner l'ouverture des opérations de liquidation et partage de l'indivision, et désigner Maître [U], notaire, pour y procéder.

Par jugement en date du 12 janvier 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision, commis pour y procéder le président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation, fixé la date de jouissance divise à la date du partage, dit que le crédit immobilier a été réglé par les loyers, débouté M. [X] du surplus de ses demandes, et condamné celui-ci au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 20 février 2018, la cour ayant au surplus :

- débouté Mme [T] de sa demande de condamnation de M. [X] à la prise en charge exclusive des frais et taxes foncières afférents à l'immeuble indivis de 2009 à 2017,

- fixé la valeur de l'immeuble indivis à la somme de 318.000 euros,

- fixé l'indemnité d'occupation due par M. [X] àla somme mensuelle de 1.000 euros de novembre 2009 jusqu'à la liquidation effective de l'indivision,

- débouté Mme [T] de ses demandes de dommages-intérêts,

- condamné M. [X] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure, les dépens étant employés en frais privilégiés de partage.

Aucun accord n'ayant pu intervenir entre les parties quant à la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, Maître [S], notaire à [Localité 5], a dressé le 29 mars 2018 un procès-verbal de difficultés, qui a été transmis au tribunal le 19 juillet 2018.

Par jugement en date du 28 janvier 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit que les frais de gestion du compte joint sont à la charge de l'indivision, et que M. [X] dispose d'une créance à ce titre, dont le montant sera déterminé par le notaire dans le cadre de l'acte de partage, en considération des justificatifs qui lui seront produits,

- dit que seront intégrées à l'actif de l'indivision les sommes prélevées par M. [X] sur le compte bancaire indivis entre mars 2010 et novembre 2016 et s'élevant à la somme totale de 39 912,75 euros, sauf à justifier que les prélèvements dont s'agit correspondaient à un prêt indivis,

- dit que M. [X] dispose d'une créance à l'encontre de l'indivision, au titre du remboursement des emprunts indivis, dont le montant sera déterminé par le notaire au jour de l'établissement de l'acte de partage, en considération des justificatifs qui lui seront produits,

- dit que les intérêts et frais liés à la déchéance du terme des emprunts indivis sont à la charge de l'indivision,

- dit que devra être intégré au passif de l'indivision le solde des emprunts indivis, dont le montant sera calculé en considération des tableaux d'amortissement et documents bancaires produits,

- dit que devra être intégrée à l'actif de l'indivision la somme de 29.225 euros perçue par M. [X] au titre des loyers,

- dit que M. [X] détient une créance au titre de travaux de conservation et d'amélioration de l'immeuble indivis qu'il a financés, à hauteur de 28.403,38 euros, créance qui devra être prise en compte par le notaire dans le cadre des opérations de liquidation partage,

- dit que M. [X] est redevable d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1.000 euros à compter de novembre 2009 jusqu'à la liquidation effective de l'indivision, dont le montant sera actualisé à la date du partage effectif,

- dit que M. [X] détient une créance au titre des taxes foncières et primes d'assurances habitation dont il s'est acquitté, à compter de 2009, jusqu'au partage, créance dont le montant sera actualisé par le notaire à la date de signature de l'acte de partage,

- rejeté toutes autres demandes,

- renvoyé les parties devant Maître [O] [S], notaire à [Localité 5] (33), pour procéder eux opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision, sur la base du projet d'état liquidatif et des dispositions de la présente décision en ce qui concerne les désaccords persistants,

- commis le juge du cabinet 9 pour en surveiller le déroulement et dresser rapport en cas de difficultés,

- dit qu'en cas d'empêchement, le notaire et le juge commis pourront être remplacés par simple ordonnance rendue sur requête,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision

- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage, et supportés par les parties à proportion de leur part dans l'indivision.

Procédure d'appel :

Par déclaration au greffe en date du 24 mars 2021, Mme [T] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il a dit que M. [X] dispose de créances à l'encontre de l'indivision au titre des frais de gestion du compte joint, du remboursement des emprunts indivis, des travaux de conservation et d'amélioration de l'immeuble indivis et des taxes foncières et primes d'assurances habitation, dit que les intérêts et frais liés à la déchéance du terme des emprunts indivis sont à la charge de l'indivision, dit que la somme perçue par M. [X] au titre des loyers devra être intégrée à l'actif de l'indivision, rejeté toutes autres demandes et ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Selon dernières conclusions en date du 20 juin 2023, Mme [T] demande à la cour de :

- réformer le jugement du 28 janvier 2021 en limitant cette réformation aux chefs du jugement critiqués,

- fixer la valeur vénale de l'immeuble indivis à la somme de 318.000 euros,

- ordonner la rectification du projet d'état liquidatif établi par Me [S], sur les points suivants :

- ordonner qu'en application du jugement du 12 janvier 2017 et de l'arrêt de la cour d'appel du 20 février 2018, le notaire considèrera que l'ensemble des sommes venues au crédit du compte bancaire joint ouvert dans les livres de la caisse de [7] de [Localité 6] sont des loyers venant au crédit de l'indivision,

Y faisant droit,

- ordonner qu'en exécution du jugement du 12 janvier 2017 et de l'arrêt de la cour d'appel du 20 février 2018, le notaire considérera que les-dits loyers ont réglé les crédits immobiliers contractés par les copartageants et portant sur le bien indivis,

- ordonner qu'en exécution du jugement du 12 janvier 2017 et de l'arrêt du 20 février 2018, le Notaire n'a à procéder à aucune interprétation des sommes versées au crédit du compte de l'indivision et affectées au paiement des emprunts grevant le bien indivis,

- ordonner en conséquence que soit portées à la masse active les sommes apparaissant au crédit du compte indivis, soit des loyers venant au crédit de l'indivision,

- débouter M. [X] de toutes ses demandes fins et conclusions à ce titre,

- ordonner que soit portée à la masse passive de l'indivision, la somme de 152.373,55 euros au titre du solde des prêts immobiliers, à parfaire à la date du partage,

- ordonner que le Notaire retiendra, pour la détermination de la masse passive, le solde du crédit dû à la date du partage définitif, par référence au tableau d'amortissement des emprunts arrêtés et aux sommes payées à la date du partage définitif,

- ordonner que les intérêts conventionnels des crédits immobiliers pouvant être réclamés par le [7] au titre de la déchéance du terme des crédits immobiliers affectant le bien indivis, seront supportés par M. [X] seul,

- ordonner que les frais bancaires de 942,11 euros liés à des pénalités de retard ou de découvert seront supportés uniquement par M. [X],

- fixer l'actif net à partager à la somme de 165.626,45 euros : 2 = 82.813,22 euros à parfaire à la date du partage définitif,

- constater qu'il n'existe aucun accord des parties ou décision de justice ordonnant de voir régler le crédit immobilier du bien indivis par l'indemnité d'occupation due par M. [X],

- fixer en conséquence la soulte due par M. [X] à Mme [T] à la somme de 169.058,10 euros à parfaire lors du partage définitif,

- condamner au besoin M. [X] à verser à Mme [T] la somme de 169.058,10 euros à parfaire à la date du partage définitif, au titre de la soulte due dans le cadre de la liquidation de l'indivision,

- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [X] à supporter seul les taxes foncières de 2010 à 2018 et jusqu'au partage définitif, à titre d'indemnisation due à Mme [T] pour résistance abusive,

- constater que M. [X] a refusé de remettre à Mme [T] les clés de l'immeuble indivis, empêchant ainsi Mme [T] de pénétrer dans l'immeuble ou même de l'administrer,

- en conséquence, condamner M. [X] à assumer seul les taxes d'habitation et assurance habitation du bien indivis des années 2009 jusqu'au partage définitif,

- constater que M. [X] ne justifie pas avoir réalisé et/ou payé des travaux sur le bien indivis,

- constater que M. [X] ne justifie pas de travaux réalisés sur le bien indivis et devant être inscrits au passif de l'indivision,

- rejeter en conséquence les comptes d'administration de M. [X] comme étant insincères et injustifiés,

- y faisant droit, débouter M. [X] de ses demandes au titre de son compte d'administration,

- condamner M. [X] à verser à Mme [T] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêt pour résistance abusive,

- condamner M. [X] à verser à Mme [T] la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [X] à verser à Mme [T] la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyer le dossier au Notaire désigné Me [S], afin qu'il rectifie son acte en conformité avec les points jugés par le tribunal et qu'il dresse acte de liquidation conforme à la décision avec toutes conséquences de droit et qu'il procède aux formalités conformes afin de lui donner force de Loi, avec ou sans consentement de M. [X].

Selon dernières conclusions en date du 13 septembre 2021, M. [X] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- débouter Mme [T] de ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner au versement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 9 avril 2024 et mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'il n'y a pas lieu de donner suite aux demandes de "constater" dés lors que celles-ci, qui ne sont pas susceptibles, hormis les cas prévus par la loi, de conférer un droit à la partie qui les soutient, ne sont pas des prétentions.

Pour une bonne compréhension du litige, il convient d'indiquer qu'il s'évince des procédures passées, du projet de liquidation de l'indivision établi par Me [S] contenant un procès verbal de difficultés et des écritures actuelles des parties, que le litige porte sur le bien indivis, sis [Adresse 3] à [Localité 5], acquis le 4 mai 2007 par Mme [T] et M. [X] au prix de 265.000 euros, par moitié chacun.

Un certain nombre de désaccords ont été déjà tranchés par le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 12 janvier 2017 et par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 20 février 2018.

Il est constant que M. [X] s'est maintenu seul dans l'immeuble considéré, depuis le 1er novembre 2009, date à laquelle Mme [T] a quitté ce bien, la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 20 février 2018 ayant fixé à 1.000 euros par mois l'indemnité d'occupation due par M. [X] "de novembre 2009 à la liquidation effective de l'indivision".

Par ailleurs les points suivants ne font pas débat entre les parties :

- La date de jouissance divise est fixée à la date du partage ainsi qu'en a jugé le tribunal de grande instance de Bordeaux, le 12 Janvier 2017, et ce qu'a confirmé la Cour d'appel selon arrêt du 20 Février 2018.

- La valeur du bien indivis a été fixée à 318.000 € par arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 20 Février 2018.

Il s'agit donc de ne s'attarder que sur les créances revendiquées par l'une ou l'autre partie à titre personnel ou au nom de l'indivision sur la base des principes suivants :

Aux termes de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L'article 122 du code de procédure civile précise que la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et aux termes de l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal revêt l'autorité de la chose jugée dès son prononcé.

Aux termes de l'article 815-13 du code civil, les dépenses de conservation et d'amélioration réalisées par un indivisaire dans l'intérêt de l'indivision doivent lui être indemnisées. Il en est tenu compte lors du partage, eu égard à ce dont la valeur du bien a été augmentée au temps du partage ou de l'aliénation le cas échéant.

Il est constant que le paiement des échéances de l'emprunt ayant permis l'acquisition d'un bien indivis ou son amélioration sont des dépenses nécessaires soumises à l'article 815-13 du code civil mais que les travaux d'entretien qui ne sont ni des dépenses de conservation, ni des dépenses d'amélioration n'ouvrent pas droit à une indemnité au titre de l'article 815-13 du code civil.

- Sur le remboursement des crédits indivis.

Il résulte des pièces produites et du procès verbal de difficulté dressé par Maître [S] le 29 mars 2018, que trois prêts ont été souscrits pour l'achat du bien indivis :

- le premier d'un montant de 133 400 euros sur une durée de 25 ans,

- le deuxième d'un montant de 133 400 euros sur une durée de 15 ans,

- le troisième d'un montant de 13 200 euros sur une durée de huit ans qui d'après le tableau d'amortissement devrait être à ce jour complètement remboursé.

Le notaire a indiqué qu'au jour du procès verbal de difficultés, il restait due la somme de 199.035, 49 euros au titre des deux prêts non soldés.

Mme [T] indique que pour permettre le remboursement des crédits immobiliers, le couple avait convenu d'un commun accord qu'à leur séparation en novembre 2009, il serait procédé à la location de deux ou trois chambres composant la maison d'habitation, pour un loyer mensuel chacune de 450 euros, soit entre 900 et 1 350 euros de loyers mensuels, ce qu'a acté le notaire qui a précisé dans son projet qu'au vu des différentes copies de baux communiqués, la somme de 29.225 euros avait été perçue à ce titre.

Mme [T] a cependant fourni au notaire un tableau récapitulatif selon lequel aurait été versé sur le compte joint ouvert dans l'intérêt de l'indivision, la somme de 181.251 euros laquelle devrait être considérée comme correspondant au montant de loyers perçus.

Forte de cet élément, elle soutient en cause d'appel que c'est à tort que dans son jugement du 28 janvier 2021, le premier juge a dit que devra être intégrée à l'actif de l'indivision la seule somme de 29.225 euros, M. [X] disposant par suite d'une créance à l'égard de l'indivision pour le remboursement qu'il a pu effectuer lui même pour le surplus du montant des échéances du prêt alors qu'il résulte du jugement du 12 janvier 2017 et de l'arrêt du 20 février 2018 que les loyers provenant de la location des chambres dans le bien indivis sont venus régler les prêts en cours.

Elle demande donc la réformation du jugement entrepris souhaitant que la cour affirme qu'en exécution du jugement et de l'arrêt de la cour d'appel cités, le notaire considèrera que les loyers perçus ont réglé les crédits immobiliers contractés par les copartageants et portant sur le bien indivis.

Ce faisant l'appelante fait une lecture erronée de l'arrêt prononcé le 20 février 2018 par la cour d'appel de Bordeaux qui a en réalité uniquement affirmé que les loyers perçus, déposés au crédit du compte joint ouvert au nom de l'indivision, ont profité à celle-ci et doivent venir à son actif, et que ces loyers ont permis le règlement du crédit souscrit non pour la seule part de Mme [T], telle qu'elle le revendiquait, mais pour les deux indivisaires.

Par suite, la Cour n'a jamais affirmé que l'intégralité des échéances des prêts courants depuis le 5 novembre 2009, date de la jouissance divise, avait été couverte par la perception de loyers.

Elle n'aurait pu le faire en tout état de cause car ainsi que l'a souligné le notaire page 16 de son projet de liquidation, la somme de 181 251 euros avancée par l'appelante ne peut correspondre aux loyers perçus, car ceux ci se seraient élevés sur les huit années écoulées (novembre 2009 date du début des locations, mars 2018, date du projet de liquidation) selon la somme avancée par l'appelante, à une moyenne de 1.888,03 euros, bien supérieure au gains mensuels locatifs espérés qui, selon les loyers fixés, ne pouvaient dépasser 900 à 1 350 euros.

Au demeurant, Mme [T] reconnaît elle même que M. [X] qui devait gérer les locations n'a en réalité ni loué l'ensemble des chambres, ni effectué ces locations sur le long terme, s'étant maintenu dans les lieux, ce qu'avait relevé la Cour dans son arrêt du 20 février 2018. Ce fait est corroboré par plusieurs témoignages, dont celui de M. [W] [Z] et Mme [M] [E] (pièces 48 et 49 de l'intimé), voisins de l'immeuble, qui affirment que le bien a été loué ponctuellement et plus du tout à partir de l'année 2013.

Mme [T] n'apporte par ailleurs aucun élément permettant d'établir que la somme de 181.251 euros qu'elle évoque a été obtenue par la perception de loyers.

C'est donc dans ce contexte factuel, que le premier juge a, avec raison et sur la base des opérations de Me [S], affirmé que la somme de 29.225 euros devait être portée à l'actif de l'indivision pour correspondre aux loyers perçus at que par ailleurs M. [X] justifiait être créancier de l'indivision pour avoir réglé seul les loyers, pour un montant provisoirement chiffré à 152.373,55 euros par le notaire, mais qui sera déterminé au jour du partage en considération des justificatifs produits, aucune somme n'ayant été avancée ni revendiquée par celui-ci.

C'est également à bon droit qu'il a pu affirmer qu'il appartiendrait au Notaire d'intégrer au passif de l'indivision le solde des emprunts, dont le montant sera calculé en considération des tableaux d'amortissement et documents bancaires produits, le premier juge, ni même désormais la Cour, ne pouvant à ce stade calculer les sommes restant dues au titre de ces prêts faute d'avoir les éléments suffisants. Les parties ont donc été justement renvoyées devant le notaire.

Le jugement est confirmé.

- Sur les intérêts conventionnels des crédits

C'est par de justes motifs que les débats devant la cour n'ont pas remis en cause, que le premier juge, après avoir rappelé qu'une procédure était actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Bordeaux s'agissant des impayés des crédits immobiliers et des intérêts conventionnels y afférents, a, eu égard aux règles des emprunts solidaires, rejeté la demande de Mme [T] tendant à voir dire que les intérêts conventionnels des crédits immobiliers pouvant être réclamés par le [7] au titre de la déchéance du terme des crédits immobiliers affectant le bien indivis, devaient être supportés par M. [X] seul, faute pour lui de refuser de procéder à la liquidation de l'indivision et à la vente amiable du bien.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit que les intérêts et frais liés à la déchéance du terme des emprunts indivis seront intégrés au passif de l'indivision.

- Sur la créance invoquée par M. [X] au titre des frais bancaires

M. [X] demande que les frais bancaires d'un montant de 942,11 euros dont il s'est acquitté, soient intégrés à son compte d'administration.

L'appelante s'y oppose au motif que ces frais seraient dus à la seule mauvaise gestion de son ex compagnon.

Mais c'est avec justesse que le premier juge a considéré que d'une part aucun élément de preuve n'est fourni par Mme [T], laquelle échoue également dans cette preuve en cause d'appel, et que d'autre part elle ne justifie ni de sa désolidarisation, ou demande de désolidarisation, du compte, ni de l'absence d'accès à celui-ci et que par suite les frais de gestion du compte sont à la charge de l'indivision, et que M. [X] qui s'en est acquitté, dispose d'une créance à ce titre, dont le montant sera déterminé par le notaire dans le cadre de l'acte de partage, en considération des justificatifs qui lui seront produits.

Le jugement est donc confirmé.

- Sur la créance revendiquée par M. [X] au titre de la réalisation de travaux d'entretien

En application des dispositions de l'article 815-13 du Code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation.

Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des dits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Il n'en va pas de même de simples travaux d'entretien qui n'ouvrent pas droit à indemnité, sauf à établir qu'elle est nécessaire pour la conservation du bien, pas plus que des dépenses somptuaires, c'est à dire celles qui ne sont ni utiles à l'amélioration d'un bien indivis ni nécessaires à sa conservation.

Le calcul du montant de l'indemnité diffère selon la nature de la dépense.

Dans son projet de liquidation, Me [S] indique que M. [X] revendique une créance au titre de travaux qu'il aurait effectués sur le bien indivis depuis le départ de Mme [T] mais que faute pour lui d'avoir justifié du règlement des factures qu'il a fournies, celles-ci ne pouvaient être retenues.

Le premier juge indique que M. [X] verse aux débats des factures de diverses entreprises relatives à des travaux de toiture, plomberie, pose de fenêtre et réparation de volets, détermitage, pour un montant total de 25 636,01 euros, deux factures d'achat de matériel (unité extérieure et unité intérieure) chez Leroy Merlin pour un montant total de 2 638,43 euros dont 436,13 euros de frais de pose, et trois factures relatives à la chaudière pour un montant total de 345,46 euros et qu'il communique également des relevés de comptes pour justifier du paiement de ces factures.

Il considère que ces pièces démontrent qu'il a assumé des travaux nécessaires à la conservation et à l'amélioration du bien, travaux à la charge de l'indivision, dont sont toutefois exclus les frais de contrat d'entretien de la chaudière d'un montant total de 216,52 euros et fixe donc sa créance à la somme de 28.403,38 euros.

En réplique, Mme [T] affirme que ces travaux sont fictifs et n'ont jamais été réalisés et entend voir rejeter l'ensemble des demandes de l'intimé de ce chef. Elle en veut pour preuve notamment le témoignage de Mme [A] (pièce n° 45 de l'appelante), ex compagne de M. [X] entre 2013 et 2016, qui affirme que celui-ci lui aurait dit qu'il ne voulait pas faire de travaux dans l'immeuble afin de ne pas lui faire prendre de la valeur. Elle en veut également pour preuve l'imprécision du lieu de chantier sur certaines factures fournies.

Toutefois il résulte d'une part du rapport d'expertise effectué en 2017 par M. [F] sollicité par Mme [T] elle même pour avoir une estimation du bien, que l'immeuble dont s'agit est apparu en bon état, avec des éléments neufs (fenêtre de toit, Jacuzzi, climatisation etc...), que d'autre part les factures produites, notamment celles de la société "la boîte à renov", indiquent que le chantier est bien celui de l'immeuble considéré, et enfin que l'intimé verse aux débats plusieurs témoignages de proches (cf pièces 27 et 28 de l'appelant) qui affirment que celui-ci a effectué des travaux réguliers sur le bien après le départ de Mme [T].

Il convient donc de confirmer le jugement qui au vu des pièces produites a fixé à hauteur de 28 403,38 euros, la créance de M. [X] à l'égard de l'indivision qui devra être prise en compte par le Notaire dans le cadre des opérations de liquidation.

- Sur la créance des taxes foncières et assurance habitation

Mme [T] fait grief au jugement entrepris d'avoir affirmé que M. [X] détient une créance au titre des taxes foncières et primes d'assurances habitation dont il s'est acquitté, à compter de 2009, jusqu'au partage, créance dont le montant sera actualisé par le Notaire à la date de signature de l'acte de partage. Elle soutient qu'en raison de la résistance de l'intimé à voir liquider l'indivision il doit assumer seul ces montants. Elle ajoute en outre qu'il doit assumer seul les taxes d'habitation qui ne seront pas réintégrés dans la masse passive de l'indivision.

Mais c'est par de justes motifs que le premier juge a débouté les demandes de Mme [T] en rappelant qu'il se déduit des articles 815-10 et 815 -13 du Code civil, que la taxe foncière est une charge incombant à titre définitif à l'indivision jusqu'au jour du partage et ce en dépit de l'occupation privative, en ce qu'elle constitue une dépense conservatoire et qu'au surplus Mme [T] a été déboutée par la Cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 20 février 2018 de sa demande de condamnation de M. [X] à la prise en charge exclusive des "frais et taxes foncières" afférents à l'immeuble indivis de 2009 à 2017".

Il en sera de même pour les taxes d'habitation.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris.

Il le sera également en ce qu'il a affirmé qu'il est constant que l'assurance habitation incombe à l'indivision à titre définitif, et ce en dépit de l'occupation privative et que par suite le montant des mensualités d'assurance habitation assumées par M. [X] sera dès lors intégré au passif de l'indivision, et il disposera dès lors d'une créance à ce titre, dont le montant sera actualisé et déterminé par le Notaire en considération des justificatifs produits.

- Sur la demande de fixation de l'actif et du passif de l'indivision et demande de soultes

Le jugement est confirmé en ce qu'il a à bon droit affirmé qu'il n'est pas de la compétence du juge aux affaires familiales, et par suite de la cour, saisi pour trancher les désaccords entre les parties à l'issue du procès-verbal de difficultés, de statuer sur le montant des soultes, les calculs de liquidation étant de la compétence du notaire, lequel suivra l'arrêt pour le nouveau calcul de celles-ci, le montant des soultes étant à parfaire au jour où le notaire arrêtera les comptes, ce jour devant être le plus proche possible de la date du partage. La cour n'a pas davantage la possibilité à ce stade de fixer l'actif et le passif de l'indivision, l'intimée l'admettant elle même puisqu'elle indique que les sommes qu'elle vise sont à parfaire. Les parties doivent être renvoyées devant le notaire pour cela.

La décision est donc confirmée.

- Sur la demande en dommages et intérêts de Mme [T]

Mme [T] estime qu'elle a subi un préjudice moral lié à sa santé précaire qui s'aggrave du fait du refus de M. [X] de sortir de l'indivision, étant au surplus dans l'impossibilité de souscrire un emprunt, étant inscrite au fichier national des incidents de remboursement des crédits et en sollicite la réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Celle-ci a été déboutée de ce chef par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 20 février 2018 et n'est donc pas recevable à présenter à nouveau cette demande et c'est à bon droit que le jugement entrepris a rejeté cette demande faute pour l'appelante de démontrer un comportement fautif de son ancien compagnon en précisant que la circonstance qu'il ait exercé des voies de recours étant insuffisante à caractériser une faute au sens de l'article 1240 du Code civil, pouvant ouvrir droit à dommages-intérêts.

Le jugement est donc confirmé.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Si c'est avec justesse que la premier juge avait dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage et supportés à proportion de la part des parties dans l'indivision, échouant dans son recours, Mme [T] sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à M. [X] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [T] aux dépens exposés en cause d'appel ;

La condamne à verser à M. [Y] [X] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 21/01752
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;21.01752 ?
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