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04/06/2024 | FRANCE | N°21/05827

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 04 juin 2024, 21/05827


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



--------------------------







ARRÊT DU : 04 JUIN 2024







N° RG 21/05827 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MMBL









[G] [J] épouse [U]



c/



[P] [Y] [K] [Z]

























Nature de la décision : AU FOND





















22G



Grosse déli

vrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 septembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (RG n° 19/10902) suivant déclaration d'appel du 22 octobre 2021





APPELANTE :



[G] [J] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 04 JUIN 2024

N° RG 21/05827 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MMBL

[G] [J] épouse [U]

c/

[P] [Y] [K] [Z]

Nature de la décision : AU FOND

22G

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 septembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (RG n° 19/10902) suivant déclaration d'appel du 22 octobre 2021

APPELANTE :

[G] [J] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Pierre FONROUGE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[P] [Y] [K] [Z]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 13]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 6]

Représenté par Me Aurélia POTOT-NICOL, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Fabienne L'HERMINIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [J] et M. [P] [Z] ont vécu pendant plusieurs années en concubinage et ont donné naissance à trois enfants, [L], [T] et [I].

Par acte authentique reçu le 25 mai 2000 par Maitre [F] [S], notaire à [Localité 9] (33), les concubins ont acquis à concurrence de la moitié indivise chacun un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 3] à [Localité 8] (33), au prix de 600.000 francs (91.469,41 euros).

Ils se sont séparés en mai 2002.

M. [P] [Z] a quitté le domicile familial et Mme [G] [J] s'y est maintenue avec leurs enfants.

Complétant l'apport personnel de 27.000 francs (4.421,02 euros) réalisé par Mme [G] [J] pour servir de dépôt de garantie, le prix d'achat a été acquitté au moyen de deux prêts souscrits solidairement auprès de [12] pour un montant global de 571.000 francs décomposé ainsi :

- PEL sous le n° [XXXXXXXXXX04] d'un montant de 1.000 francs (152,45 euros) remboursable en 24 mensualités de 44,39 francs, la 1ère échéance en date du 15 juin 2000 et le terme fixé au 15 mai 2002,

- Prêt habitat modulable d'un montant de 570.000 francs (86.895,94 euros) remboursable en 240 mensualités (20 ans) de 4001,88 francs, la 1ère échéance en date du 15 juin 2000 et le terme fixé au 15 mai 2020.

Par ordonnance de référé en date du 5 novembre 2004, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a notamment fixé la pension alimentaire due par M. [P] [Z] à Mme [G] [J] pour l'entretien des trois enfants à la somme mensuelle de 80 euros par enfant soit 240 euros par mois, outre la jouissance gratuite de l'immeuble indivis, en complément de la contribution alimentaire du père pour les enfants.

Statuant en référé par ordonnance en date du 13 mars 2006, le président du tribunal a désigné en qualité d'expert M. [B] [C] avec pour mission d'évaluer l'immeuble en indivision, lequel a rendu son rapport d'expertise le 15 décembre 2006, aux termes duquel la valeur vénale arrondie de l'immeuble était évaluée à la somme de 140.000 euros (918 339,80 francs).

Par compromis de vente en date du 17 juillet 2018 réitéré en la forme authentique le 9 novembre 2018 par devant Maître [D] [X], notaire à [Localité 10], l'immeuble a été vendu au prix de 425.000 euros. Le prix de vente, après déduction faite du solde des emprunts contractés pour son financement, la provision sur frais de mainlevée, les impôts fonciers et la taxe d'habitation, a été séquestré en l'étude dans l'attente de la liquidation de l'indivision, pour un solde de 387.879,30 euros.

Les démarches entreprises depuis 2003 en vue de sortir de l'indivision étant demeurées vaines, par acte d'huissier délivré le 29 novembre 2019, Mme [J] a assigné M. [Z] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en liquidation-partage de l'indivision sur le fondement des article 815 et suivants du code civil.

Par jugement réputé contradictoire en date du 9 septembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [G] [J] et M. [P] [Z],

- désigné M. le président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation, afin d'y procéder, sous la surveillance d'un juge commis,

- commis le juge aux affaires familiales en charge du cabinet 9 près le tribunal judiciaire de Bordeaux pour s'assurer du bon déroulement et dans les délais impartis des opérations, statuer en tant que besoin sur les difficultés venant à se présenter et faire rapport au tribunal des désaccords persistants entre les parties,

- dit qu'en cas d'empêchement légitime du notaire désigné ou du juge commis, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,

- dit que le notaire désigné devra avoir achevé ses opérations et en dresser acte dans un délai d'un an suivant sa désignation, sauf suspension ou délai supplémentaire accordé, dresser un état liquidatif qui établira les comptes entre indivisaires, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

- dit que, dans le cadre de ces opérations, il lui sera loisible de constater l'accord des parties,

- rappelé la mission du notaire désigné, conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code civil,

- dit que, à l'effet d'établir les comptes d'indivision, actif et passif, le notaire désigné se déterminera au vu des pièces produites et débattues contradictoirement par les parties, en tenant compte des éléments suivants :

* du paiement par M.[Z] jusqu'au 15 janvier 2003 au titre du remboursement de l'emprunt prêt habitat modulable, de la somme de 10.417,82 euros correspondant à sa quote-part,

* des sommes versées en janvier 2006, d'août à décembre 2007, de 2008 à 2014 et pour les mois de janvier, février et avril 2015 par M. [Z], déduction faite des 240 euros dus au titre de son obligation alimentaire, pour un montant de 36.560 euros,

* du règlement par Mme [J] du prêt PEL pour un montant de 163,26 euros,

* de l'acquittement par Mme [J] des taxes foncières et d'habitation ainsi que des primes d'assurance habitation ayant trait à l'immeuble indivis et relevant des charges récupérables,

* des travaux effectués par Mme [J] pour un montant de 35.707,73 euros au titre des dépenses de conservation,

* de la formule à employer pour le calcul de la valeur dont s'est trouvé augmenté le bien au temps de son aliénation, soit : (dépense de conservation / prix de revente du bien) x prix d'acquisition du bien, étant précisé que la somme obtenue (8.325 euros) ajoutée au montant des travaux effectués (35.707,73 euros) constitue la créance de Mme [J] à l'égard de l'indivision soit au total 44.033,25 euros,

- dit qu'il y a lieu de se déclarer incompétent pour statuer sur la demande d'avance sur liquidation de Mme [J],

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Procédure d'appel :

Par déclaration d'appel en date du 22 octobre 2021, Mme [J] a formé appel du jugement de première instance en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Par ordonnance en date du 31 janvier 2023, le président de la chambre de la famille de la cour d'appel de Bordeaux a notamment enjoint aux parties de rencontrer un médiateur et désigné pour y procéder l'association [14]

Il n'a pas été donné suite à l'injonction.

Selon dernières conclusions en date du 20 mars 2024, Mme [J] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Mme [G] [J] et M. [P] [Z],

* désigné M. le président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation, afin d'y procéder, sous la surveillance d'un juge commis, à l'exclusion de Maître [D] [X], notaire à [Localité 10] (33), aux dites opérations et d'en dresser acte,

* commis le juge aux affaires familiales en charge du cabinet 9 près le tribunal judiciaire de Bordeaux,

* rappelé la mission du notaire commis, conformément aux dispositions de l'article 1364 du code de procédure civile,

* dit que, à l'effet d'établir les comptes d'indivision, actif et passif, le notaire désigné se déterminera au vu des pièces produites et débattues contradictoirement par les parties, en tenant compte des éléments suivants :

** du règlement par Mme [J] du prêt PEL pour un montant de 163,26 euros,

** de l'acquittement par Mme [J] des taxes foncières et d'habitation ainsi que des primes d'assurance habitation ayant trait à l'immeuble indivis et relevant des charges récupérables,

** de l'existence d'une créance détenue par Mme [G] [J] à l'égard de l'indivision pour un montant de 44 033,25 euros au titre des travaux réalisés sur l'immeuble,

- Réformer le jugement en ce qu'il a dit que, à l'effet d'établir les comptes d'indivision, actif et passif, le notaire désigné tiendra compte des éléments suivants :

* du paiement par M. [P] [Z] jusqu'au 15 janvier 2003 au titre du remboursement de l'emprunt prêt habitat modulable la somme de 10.417,82 euros correspondant à sa quote-part,

* des sommes versées en janvier 2006, d'août à décembre 2007, de 2008 à 2014 et pour les mois de janvier, février et avril 2015 par M. [P] [Z], déduction faite des 240 euros dus au titre de son obligation alimentaire pour un montant de 36.560 euros,

Statuant à nouveau, vu les dispositions de l'article 815-13 du code civil,

- dire et juger que M. [P] [Z] a cessé tout remboursement de l'emprunt immobilier à compter du mois de mai 2004,

- condamner l'indivision au paiement à Mme [J] des sommes de :

* 332.351 euros au titre du règlement du capital de l'emprunt immobilier après réévaluation,

* 37.411 euros au titre des intérêts d'emprunt et assurance emprunteur,

* 19.837,44 euros au titre des sommes exposées en règlement des taxes foncières et d'habitation, et assurance habitation,

- débouter M. [P] [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [P] [Z] au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance d'appel.

Selon dernières conclusions en date du 22 mars 2024, M. [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

- débouter Mme [J] de ses demandes,

- ordonner les opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision [Z] / [J],

- nommer tel notaire qu'il plaira au tribunal à l'exception de Me [X], notaire de Mme [J], pour faire les comptes, procéder au partage et à la liquidation des droits respectifs des parties, pour mettre fin à l'indivision ayant existé entre M. [P] [Z] et Mme [G] [J] et désigner un juge pour statuer en cas de difficultés,

- dire qu'en cas d'empêchement des juges et notaire commis, qu'il sera procédé à leur remplacement par ordonnance rendue sur simple requête,

- constater que Mme [G] [J] reconnaît que M. [P] [Z] a payé au titre du remboursement de l'emprunt :

* remboursement du prêt jusqu'au 15 janvier 2003 supporté par M. [P] [Z], soit la somme de 10.417,82 euros,

* M. [P] [Z] a ensuite remboursé 13 mensualités de 633,25 euros en 2003 et 2004, soit la somme de 8.232,25 euros,

- constater que M. [Z] a payé au titre de l'emprunt de janvier 2006 à avril 2015, la somme de 36.560 euros,

- constater que le solde du prêt d'un montant de 9.765,54 euros a été réglé au moment de la vente de la maison en novembre 2018 grâce au prix de vente,

- donner acte à M. [Z] qu'il reconnaît que Mme [J] a payé seule le prêt épargne logement pour 163,26 euros,

- ordonner au notaire d'écarter les sommes déclarées par Mme [J] au titre des travaux et frais sans justificatif et les factures qui relèvent de l'entretien courant de la maison, qui sont à la charge de l'occupant,

- ordonner au notaire de prendre en considération dans les créances de chacun le paiement des échéances des emprunts au nominal et non en fonction du prix de vente de la maison, soit au montant des sommes versées,

- condamner Mme [J] à payer à M.[Z] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] en tous les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 9 avril 2024 et mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de rappeler que la cour n'a pas à statuer sur les demandes de "constat" et de "donner acte" figurant au dispositif des conclusions des parties, en ce qu'elles ne constituent pas des prétentions.

Sur la désignation du notaire commis :

Aux termes de l'article 1364 du code de procédure civile, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations.

Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal.

En l'espèce, M. [Z] demande l'exclusion de Maître [D] [X], notaire de Mme [J].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a désigné M. le président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation, afin d'y procéder, à l'exclusion de Maître [D] [X], notaire à [Localité 10].

Demeurent soumis à la cour les points de désaccord suivants, relativement aux comptes d'indivision à prendre en compte par le notaire commis :

Sur le remboursement des emprunts immobiliers :

Aux termes de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation.

Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens encore qu'elles ne les aient point améliorés. Inversement l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.

Le remboursement de l'emprunt contracté lors de l'acquisition d'un bien indivis par un indivisaire de ses deniers propres constitue une dépense nécessaire à la conservation de l'immeuble indivis et donne lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13 précité.

En l'espèce, il est acquis aux débats que les concubins ont souscrit deux emprunts auprès de [11] pour un total de 571.000 francs pour financer l'acquisition de l'immeuble indivis.

Ils s'accordent en outre, malgré la demande contradictoire de réformation contenue dans le dispositif des dernières écritures de l'appelante,sur les conclusions de l'expert, s'agissant du prêt Habitat modulable :

- du 15 juin 2000 au 15 janvier 2003, les échéances de 633,25 €, pour un total de 20 835,63 €, ont été acquittées par le compte joint, soit à hauteur de 10 417,82 € chacun ;

Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef, en précisant que ces règlements n'ouvrent droit à aucune créance de l'indivision envers l'un ou l'autre des ex-concubins, dès lors qu'ils s'en sont acquittés à parts égales,

- du 15 février 2003 au 15 avril 2004, 5 échéances ont été réglées par Mme [J], 13 par M. [Z], à partir du compte joint, alimenté exclusivement par ce dernier ; il convient dès lors d'ajouter au jugement pour que ces règlements, effectués par l'un ou l'autre des co-emprunteurs dans leur intégralité, soit mentionnés dans les comptes de l'indivision.

Restent contestées les échéances réglées à partir du 15 mai 2004 jusqu'au 15 mai 2010, puis du 15 juin 2010 jusqu'au 15 novembre 2018, date de la vente du bien, les échéances de l'emprunt ainsi que les intérêts et frais d'assurance y afférents.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il n'est pas contesté par M. [Z] qu'à compter du 15 mai 2004, les prélèvements des échéances de remboursement du prêt Habitat ont été effectués exclusivement sur le compte bancaire de Mme [J], à hauteur de 633,25 € par échéance mensuelle.

Au vu du tableau d'amortissement produit, entre le 15 mai 2004 et le 15 mai 2010, soixante-douze prélèvements de 633,25 euros et, entre le 15 juin 2010 et le 15 novembre 2018, cent-trois prélèvements du même montant ont été réglés pour un montant total de 110.818,75 euros, comprenant, pour chaque échéance, le capital amorti, les intérêts et l'assurance emprunteur.

Pour prétendre s'être acquitté du remboursement partiel de ces échéances, M. [Z] fait état et justifie de l'envoi de nombreux chèques à Mme [J], à compter de janvier 2006, qu'il affirme avoir été destinés, pour partie et à hauteur de 240 euros au règlement de la pension alimentaire en faveur des enfants, fixée à ce montant par le juge en 2004, le surplus correspondant au règlement du crédit immobilier. Ainsi, il justifie avoir émis :

- à partir du 4 janvier 2006 jusqu'au 9 janvier 2012, cinquante-trois chèques, et un mandat d'un montant de 600 euros,

- à partir du 16 février 2012 jusqu'au 18 avril 2015, trente-six chèques d'un montant 700euros.

Il n'a en revanche pas étayé par des éléments probants les deux chèques allégués n° 1501011 et n° 1501023 de 700 euros, les pièces qu'il produit à ce titre étant tronquées.

L'appelanteprétend que ces chèques étaient uniquement dédiés au règlement de sa part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants.

Pour en justifier, elle produit (sa pièce n° 16) un courrier, non contesté par M. [Z] comme émanant de celui-ci, dans lequel il écrit à Mme [J] :

"[G],

J'ai écrit aux enfants. Mon silence et ma lâcheté me pèse tous les jours un peu plus. J'ai réussi à regarder la réalité en face et je ne suis pas fier de moi quand je me regarde dans une glace.

J'aurai envie de m'occuper des enfants si ils le veulent. Mais je ne les oblige à rien. Je comprend tout à fait la souffrance qu'ils ont vécu. J'ai réussi à trouver un emploi. A partir de janvier je te ferai parvenir 600 € par mois".

Il ne peut être déduit de ce seul courrier que partie du montant des chèques adressés à Mme [J] à compter de janvier 2006 était affectée au règlement du prêt immobilier, dont les mensualités s'élevaient à 633,25 euros, dès lors que :

- la lettre ne fait référence qu'aux seules obligations de M. [Z] à l'égard de ses enfants et justifie les versements auxquels il s'engage par l'emploi qu'il vient de trouver,elle ne fait nullement référence au règlement des échéances de l'emprunt, prélevées depuis mai 2004 sur le compte de Mme [J],

- le différentiel prétendument affecté au règlement de l'emprunt, soit 600 € - 240 € = 360 €, ne correspondait pas à la moitié des échéances,

- si des incidents de paiements de la pension alimentaire ont été poursuivis contre M. [Z], c'est à la suite du non paiement de celle-ci entre le 1er novembre 2015 et le 30 juin 2016, soit postérieurement au dernier chèque justifié pour avril 2015.

Dès lors, M. [Z] échoue à démontrer la réalité des règlements de l'emprunt immobilier au cours de cette période.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré à ce titre, de débouter M. [Z] de sa demande et de dire que le notaire tiendra compte des seuls règlements réalisés par Mme [J] pour un total de 110.818,75 euros.

S'agissant de dépenses nécessaires à la conservation du bien mais qui n'en ont pas augmenté la valeur de l'immeuble, il convient de se référer à la seule valeur nominale des dépenses réalisées.

Sur les travaux réalisés sur l'immeuble par Mme [J]:

Le jugement déféré a dit que, à l'effet d'établir les comptes d'indivision, actif et passif, le notaire désigné devra tenir compte des travaux effectués par l'appelante pour un montant de 35.707,73 euros au titre des dépenses de conservation et a rappelé la méthode de calcul de la valeur dont s'est trouvé augmenté, du fait de ces travaux, le bien à la date de sa vente.

Mme [J] demande la confirmation de la décision à ce titre.

M. [Z], dans le dispositif de ses dernières écritures, demande "d'ordonner au notaire d'écarter les sommes déclarées par l'appelante au titre des travaux et frais sans justificatif et les factures qui relèvent de l'entretien courant de la maison".

En l'absence de prétention précise et chiffrée de nature à remettre en cause le jugement de ce chef, la cour ne peut que confirmer la décision attaquée à ce titre.

Sur les taxes foncières, taxes d'habitation et frais d'assurance habitation :

L'appelante expose, au visa de ses pièces 19, 20 et 21, qu'elle aurait réglé seule la somme totale de 19.837,44 euros, pour les années 2003 à 2018, au titre des taxes foncières, d'habitation et frais d'assurance habitation afférents au bien indivis.

Toutefois, seules les taxes foncières des années 2003 à 2006, pour un total de 3 282 euros, figurent comme des dépenses faites par Mme [J] dans le rapport d'expertise, le surplus de ces taxes et frais étant mentionnées sur des tableaux rédigés par l'appelante elle-même, comme tels dénués de toute valeur probante.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le notaire désigné devra tenir compte de l'acquittement par l'appelante des taxes foncières et d'habitation ainsi que des primes d'assurance habitation ayant trait à l'immeuble indivis et relevant des charges récupérables.

Il convient en revanche de ne faire droit à la demande chiffrée de l'appelante qu'à hauteur de 3 282 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'appelante, qui succombe, supportera la charge des dépens.

L'équité commande en outre de condamner l'appelante à verser à l'intimé la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a désigné M. le président de la chambre des notaires de la Gironde, avec faculté de délégation, afin d'y procéder ;

Y ajoutant,

EXCLUT la désignation de Maître [D] [X], notaire à [Localité 10], en qualité de notaire commis ;

CONFIRME le jugement pour le surplus, à l'exception des sommes suivantes dont le notaire devra tenir compte pour établir les comptes d'indivision entre les parties :

- au titre du remboursement du prêt Habitat modulable :

* du 15 juin 2000 au 15 janvier 2003, les échéances de 633,25 €, pour un total de 20 835,63 €, ont été acquittées par le compte joint, soit, à parts égales, à hauteur de 10 417,82 € par chacun des concubins ;

* du 15 février 2003 au 15 avril 2004, 5 échéances de 633,25 € ont été réglées en intégralité par Mme [J], 13 échéances de 633,25 € l'ont été en intégralité par M. [Z] ;

* INFIRME la décision déférée en ce qu'elle a fixé le montant des sommes versées entre janvier 2006 et avril 2015 par M. [Z] à un total de 36.560 euros ;

Statuant de nouveau de ce chef,

* DIT que M. [Z] ne dispose d'aucune créance sur l'indivision au cours de cette période et à ce titre ;

* DIT que Mme [J] s'est acquittée de l'intégralité des échéances à compter de mai 2004, pour un total de 110.818,75 euros ;

- au titre des taxes foncières, taxes d'habitation ainsi que des primes d'assurance habitation ayant trait à l'immeuble indivis : FIXE la créance de Mme [J] sur l'indivision à la somme de 3 282 euros ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [G] [J] aux dépens ;

CONDAMNE Mme [G] [J] à verser à M. [P] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 21/05827
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;21.05827 ?
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