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04/06/2024 | FRANCE | N°22/03464

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 04 juin 2024, 22/03464


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



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ARRÊT DU : 04 JUIN 2024







N° RG 22/03464 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZRN









[H] [Z] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008793 du 07/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

















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Nature de la décision : AU FOND





















10A



Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 mai 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bordeaux (RG n° 19/04226) suivant...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 04 JUIN 2024

N° RG 22/03464 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZRN

[H] [Z] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008793 du 07/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

10A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 mai 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Bordeaux (RG n° 19/04226) suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2022

APPELANTE :

[H] [Z] [I]

née le 15 Janvier 2001 à [Localité 3] (CAMEROUN)

de nationalité Camerounaise

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Emilie HAAS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

demeurant [Adresse 5]

Représenté par Pauline DUBARRY, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 avril 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [E] [I], se disant née le 15 janvier 2001 à [Localité 3] (Cameroun), a souscrit une déclaration de nationalité française auprès du tribunal d'instance de Bordeaux, en sa qualité de mineure confiée à l'Aide Sociale à l'Enfance, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil.

Par décision en date du 25 octobre 2018, la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal d'instance de Bordeaux a refusé l'enregistrement de cette déclaration au motif de l'absence de force probante de l'acte de naissance produit au sens de l'article 47 du code civil.

Contestant cette décision, Mme [E] [I] a, par acte d'huissier en date du 23 avril 2019, assigné le ministère public devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins, pour l'essentiel, de voir dire et juger qu'elle est de nationalité française et ordonner l'enregistrement de cette nationalité par les services de l'état civil.

Par jugement en date du 30 mars 2021, le tribunal de première instance de Douala a :

- déclaré la requête recevable en ce qu'il est sollicité l'annulation de l'acte de naissance n° 79/2001 dressé le 2 février 2001 et l'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance, conformément aux dispositions de la loi camerounaise n° 2006/015 du 29 décembre 2006 modifiée et complétée le 14 décembre 2011 et du décret camerounais n° 69/DF/544 du 19 décembre 1969,

- ordonné l'annulation de l'acte de naissance n° 79/2001 dressé par l'officier d'état civil de [Localité 4] à [Localité 3], l'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance pour la nommée [E] [I] [H], née le 15 janvier 2001 à [Localité 3], issue des 'uvres de [I] [F] [V] né le 27 février 1973 à [Localité 3] et de [L] [M] [N] née le 26 mai 1971 à [Localité 3] ainsi que les transcriptions légales d'usage à la Mairie de [Localité 2].

Par jugement en date du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- constaté la délivrance du récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile,

- débouté Mme [E] [I] de l'intégralité de ses demandes,

- dit que Mme [E] [I] n'est pas de nationalité française,

- ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil,

- condamné Mme [E] [I] aux entiers dépens de l'instance.

Procédure d'appel :

Par déclaration d'appel en date du 18 juillet 2022, Mme [E] [I] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, dit qu'elle n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et l'a condamnée aux dépens.

Selon dernières conclusions en date du 11 octobre 2022, Mme [E] [I] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 12 mai 2022 par la deuxième chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

* débouté Mme [E] [I] de l'intégralité de ses demandes,

* dit que Mme [E] [I] n'est pas de nationalité française,

* condamné Mme [E] [I] aux entiers dépens de l'instance,

- constater que l'état civil de Mme [E] [I] est certain au sens de l'article 47 du code civil,

- dire et juger que Mme [E] [I] a acquis la nationalité française par déclaration souscrite sur le fondement de l'article 21-12 du code civil,

- ordonner et faire procéder à l'enregistrement de cette nationalité par les services de l'Etat civil,

- condamner l'Etat représenté par le ministère Public à payer à Maître Emilie Haas la somme de 2.000 euros sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour Maître Haas de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée,

- laisser les dépens à la charge du Trésor Public.

Selon dernières conclusions en date du 10 janvier 2023, le ministère public demande à la cour de :

- constater que le récépissé prévu par les dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- confirmer le jugement déféré,

- débouter Mme [E] [I], se disant née le 15 janvier 2001 à [Localité 3] (Cameroun), de ses demandes,

- dire que Mme [E] [I] n'est pas française,

- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 9 avril 2024 et mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile

Il n'est pas discuté que, suite à l'appel interjeté par Mme [E] [I] par déclaration du 18 juillet 2022, la formalité de l'article 1043 du code de procédure civile a été accomplie et le récépissé a été délivré le 12 avril 2022.

- Sur la déclaration de nationalité française

Mme [E] [I] fait valoir qu'un jugement supplétif rendu par le tribunal de première instance de Douala le 30 mars 2021 a retranscrit son acte de naissance et qu'il a, conformément à l'article 34 de l'accord de coopération judiciaire entre la France et le Cameroun, force exécutoire en France. Elle prétend que rien ne fait obstacle à ce que la régularisation des actes d'état civil intervienne postérieurement à la déclaration de nationalité puisque le jugement supplétif est réputé, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l'enfant à compter de sa date de naissance.

Le ministère public expose que Mme [E] [I] a menti en produisant un acte apocryphe pour se voir reconnaître la nationalité française et en obtenant un jugement supplétif sur la base de ce faux, que les conditions posées par l'article 21-12 du code civil doivent être réunies au jour de la souscription de la déclaration et que le jugement supplétif ne saurait en conséquent être de nature à régulariser sa déclaration.

En application de l'article 30 alinéa premier du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.

Aux termes de l'article 21-12 du code civil, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

L'article 47 alinéa premier du code civil précise que tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Les conditions posées par l'article 21-12 du code civil (le recueil d'au moins trois années par les services d'aide sociale à l'enfance et la résidence en France à l'époque de la déclaration) sont remplies, ce point n'étant pas contesté.

En revanche, la discussion porte sur le caractère probant des actes d'état civil produits aux débats par l'appelante et sur leur régularisation par un jugement supplétif étranger.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contesté par Mme [E] [I] que la copie de l'acte d'état civil qu'elle a produit à l'appui de sa déclaration de nationalité est apocryphe. Celle-ci a en effet sollicité de la juridiction camerounaise un jugement supplétif en application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981, aux termes duquel il y a lieu à reconstitution en cas de perte, de destruction des registres ou lorsque la déclaration n'a pu être effectuée dans les délais légaux.

En vertu de l'article 34 de l'accord de coopération en matière de justice du 21 février 1974, les décisions contentieuses ou gracieuses rendues en matière civile, sociale ou commerciale, par une juridiction siégeant en France ou au Cameroun, sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat, si elles réunissent diverses conditions, notamment celle de ne rien contenir de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou au principe de droit public applicables dans cet Etat.

Dès lors, la cour d'appel doit tenir pour valable un jugement qui ne contient aucune disposition contraire à l'ordre public français et qui a été rendu selon les formes exigées pour sa validité.

Relativement à l'ordre public international de procédure, la décision camerounaise mentionne que le contradicteur du demandeur est "qui de droit", sans faire état de l'intervention du ministère public à la procédure. Il en résulte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté.

En outre, la décision étrangère litigieuse se contente de constater au soutien de sa motivation que "l'acte de naissance authentique la concernant n'a jamais été dressé par un officier d'état civil" et qu'il "n'a pas été régulièrement établi et lui cause un préjudice qui mérite à ce jour d'être réparé", sans établir ni étayer la perte, destruction des registres ou impossibilité d'effectuer la déclaration dans les délais légaux, qui auraient justifié la rectification de l'acte conformément à l'article 22 de l'ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981.

La décision litigieuse n'étant pas conforme à la convention franco-camerounaise, elle ne saurait dès lors être reconnue comme produisant ses effets en France.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

- Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [H] [E] [I], qui succombe, supportera la charge des dépens.

Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes en remboursement des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement rendu le 12 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux dans les limites de l'appel,

Dit que Mme [H] [E] [I], se disant née le 15 janvier 2001 à [Localité 3] (Cameroun), n'est pas de nationalité française,

Ordonne les mentions et publications légales sur les actes d'Etat civil,

Condamne Mme [H] [E] [I] aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 22/03464
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-04;22.03464 ?
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