ARRET RENDU PAR LA
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
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Le : 06 Juin 2024
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
N° de rôle : N° RG 23/01506 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NF7J
S.C.I. TANDONNET BRASCASSAT
c/
EPA [Localité 9] EURATLANTIQUE
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Le 06 Juin2024
Par Jean-Pierre FRANCO, Président
La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS, a, dans l'affaire opposant :
S.C.I. TANDONNET BRASCASSAT
[Adresse 4]
représentée par Maître Julien FOUCHET, avocat au barreau de BORDEAUX
Appelante d'un jugement rendu le 02 mars 2023 par le juge de l'expropriation du département de la Gironde suivant déclaration d'appel en date du 27 mars 2023,
à :
EPA [Localité 9] EURATLANTIQUE
[Adresse 3]
représenté par Maître Mélissa RIVIERE, substituée par Maître Damien DELLA-LIBERA, avocats au barreau de BORDEAUX
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
Direction Régionale des Finances Publiques - Pôle d'évaluation domaniale [Adresse 1]
Comparant en la personne de Monsieur [N] [K], inspecteur divisionnaire des finances publiques.
Intimés,
Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 10 avril 2024 devant :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseillère, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseillère,
Greffier lors des débats : François CHARTAUD
en présence de Monsieur [N] [K], inspecteur divisionnaire, entendu en ses conclusions,
et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du siège ci-dessus désignés.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société civile immobilière Tandonnet Brascassat était propriétaire de parcelles cadastrées section BY n°[Cadastre 2], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], situées [Adresse 7].
Ces parcelles, d'une superficie totale de 1.482,66 m², sont comprises dans la zone d'aménagement concerté dénommée '[Adresse 10]' créée par arrêté préfectoral du 29 janvier 2013, sous la maîtrise d'ouvrage de l'établissement public d'aménagement [Localité 9] Euratlantique (ci-après EPA [Localité 9] Euratlantique)
Un arrêté préfectoral du 31 mars 2014 a déclaré d'utilité publique les travaux de réalisation de cette ZAC et a autorisé l'EPA [Localité 9] Euratlantique à acquérir par voie
d'expropriation les parcelles et immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération dans un délai de cinq années, qui a été prolongé d'une nouvelle durée de cinq années par arrêté du 13 février 2019.
Une ordonnance d'expropriation des parcelles litigieuses a été rendue le 19 juin 2020.
Par courrier du 17 février 2021, l'EPA [Localité 9] Euratlantique a notifié à la société Tandonnet Brascassat une offre d'indemnisation pour la dépossession du bien pour un montant total de 954.700 euros, qui a été signifié par acte de maître [J], huissier de justice, le 4 mars suivant en raison d'un défaut d'adressage et a fait l'objet d'un avis de réception signé le 9 mars 2021.
Faute de réponse de la société Tandonnet Brascassat, l'EPA [Localité 9]-Euratlantique a saisi la juridiction de l'expropriation de la Gironde le 17 mai 2021 aux fins de fixation des indemnités de dépossession.
Par ordonnance du 10 novembre 2021, le juge de l'expropriation a organisé le transport sur les lieux, fixé à la date du 10 janvier 2022.
Puis, par jugement prononcé le 2 mars 2023, le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Bordeaux a statué ainsi qu'il suit :
- fixe les indemnités revenant à la société civile immobilière Tandonnet Brascassat pour l'expropriation des parcelles cadastrées section BY n°[Cadastre 2], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], situées [Adresse 7] aux sommes suivantes :
-indemnité principale : 1.542.000 euros,
-indemnité de remploi : 155.200 euros ;
- condamne l'Etablissement public d'aménagement [Localité 9] Euratlantique à verser la somme totale de 2.000 euros à la société civile immobilière Tandonnet Brascassat au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute les parties pour le surplus de leurs demandes ;
- condamne l'Etablissement public d'aménagement [Localité 9] Euratlantique aux dépens.
La société Tandonnet Brascassat a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 27 mars 2023.
L'EPA [Localité 9] Euratlantique a constitué avocat le lendemain.
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L'appelante a déposé son mémoire d'appel le 23 juin 2023. Il a été notifié le 11 juillet 2023 au Conseil de l'EPA [Localité 9] Euratlantique et au commissaire du gouvernement qui l'ont reçu le 17 juillet suivant.
La société Tandonnet Brascassat y demande à la cour de :
A titre liminaire,
- juger recevable et bien fondée la société Tandonnet Brascassat ;
Au fond,
- infirmer totalement le jugement RG n°23/00004 entrepris par le juge de l'expropriation le 2 mars 2023 ;
Statuant à nouveau,
- débouter l'EPA [Localité 9] Euratlantique de sa prétention de voir fixer l'indemnité d'expropriation totale à 954.700 euros, et plus généralement de toutes ses prétentions, fins et conclusions ;
- fixer l'indemnité principale du bien exproprié à une somme qui ne saurait être inférieure à 2 176 134 euros à parfaire ;
- fixer l'indemnité accessoire du bien exproprié à une somme qui ne saurait être inférieure à 335 217,40 euros à parfaire, laquelle est décomposée comme suit :
-indemnité de remploi : 218 613,40 euros, à parfaire,
-indemnité accessoire pour perte de revenus locatifs : 61 000 euros,
-indemnité accessoire pour frais de déménagement : 55 604 euros à parfaire ;
- condamner l'EPA [Localité 9] Euratlantique à payer à la société Tandonnet Brascassat la somme de 10 296 euros, à parfaire, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
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L'intimé a déposé son mémoire le 25 septembre 2023. Il a été notifié au Conseil de la société Tandonnet Brascassat et au commissaire du gouvernement le 26 septembre suivant, lesquels l'ont reçu le 28 septembre 2023.
L'EPA [Localité 9] Euratlantique y demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 321-1, L. 322-1, L. 322-2, et R. 311-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
Vu les dispositions des articles L. 213-4 et L. 213-6 du code de l'urbanisme,
- déclarer recevable l'EPA [Localité 9] Euratlantique dans l'ensemble de ses demandes ;
- réformer le jugement de la juridiction de l'expropriation de la Gironde en date du 2 mars 2023 en ce qu'il :
« Fixe les indemnités revenant à la Société civile immobilière TANDONNET BRASCASSAT, pour l'expropriation des parcelle cadastrées sections [Cadastre 2], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] situées [Adresse 7], aux sommes suivantes :
- indemnité principale : 1.542.000 euros
- indemnité de remploi : 155.200 euros.
Condamne l'Établissement public d'aménagement [Localité 9] Euratlantique à verser la somme totale de 2000 euros à SCI TANDONNET BRASCASSAT, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
(')
Condamne l'Établissement public d'aménagement [Localité 9] Euratlantique aux dépens ».
Dès lors,
Statuant de nouveau,
- débouter la SCI Tandonnet Brascassat de l'ensemble de ses prétentions et demandes,
- fixer les indemnités totales de dépossession des biens immobiliers situés [Adresse 7]), sur les parcelles cadastrées section BY n os [Cadastre 2], [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], dues à la SCI Tandonnet Brascassat, représentée par son gérant, Monsieur [U] [R], comme suit :
-indemnité principale : 1.283.592 euros
-indemnités accessoires :
*Indemnité de remploi : 129.359,20 euros
(20% sur 0 à 5.000 euros : 1.000,00 euros)
(15% de 5.001 à 15.000 euros : 1.500,00 euros)
(10% au-delà de 15.001 euros : 126.859,20 euros)
*Indemnité pour perte de revenus locatifs : 58.400 euros
Soit une indemnité totale de dépossession de 1.471.351,20 euros ;
En tout état de cause,
- débouter la société Tandonnet Brascassat du surplus de ses demandes formulées à l'encontre de l'EPA [Localité 9] Euratlantique,
- condamner la société Tandonnet Brascassat à payer à l'EPA [Localité 9] Euratlantique la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
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Le commissaire du Gouvernement a déposé son mémoire le 17 octobre 2023. Il a été notifié le 13 novembre suivant par le greffe aux Conseils respectifs de l'appelante et de l'intimé, lesquels l'ont reçu respectivement le 14 et le 15 novembre 2023.
Le commissaire du Gouvernement y propose à la cour de porter l'indemnisation principale à la somme de 1.584.440 euros, l'indemnité de remploi à celle de 159.444 euros et d'allouer à l'expropriée une somme de 58.400 euros en indemnisation de la perte des revenus locatifs.
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L'appelante a déposé un deuxième mémoire le 21 décembre 2023, accompagné de deux nouvelles pièces puis un troisième mémoire le 26 mars 2024 accompagné de trois nouvelles pièces.
Le deuxième mémoire a été notifié le 3 janvier 2024 au Conseil de l'intimé et au commissaire du gouvernement, qui l'ont reçu le 8 janvier suivant.
Le troisième mémoire a été notifié le 27 mars 2024 au Conseil de l'intimé et au commissaire du gouvernement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la date de référence
1. L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose :
« Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.»
Il résulte des dispositions combinées des articles L.322-1 et L.322-2 du même code que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété. Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.
Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 du code de l'expropriation ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L. 121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand [Localité 14], au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.
Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.
Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.
2. Il est constant en droit que la date de référence doit elle-même s'apprécier à la date de la décision de première instance, soit en l'espèce le 2 mars 2023.
Il est également de principe qu'une modification du plan local d'urbanisme qui n'affecte pas les caractéristiques de la zone litigieuse, telle que la hauteur des immeubles, ne peut être retenue pour fixer la date de référence au sens de l'article L. 213-4 a du code de l'urbanisme, même si le périmètre de la zone dans laquelle est située la parcelle expropriée est lui-même modifié.
3. En l'espèce, il doit être relevé que le bien exproprié est situé dans une Zone d'aménagement différé, ce qui modifie les critères de détermination de la date de référence.
En effet, en vertu de l'article L.213-4 du code de l'urbanisme, la date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour les biens compris dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé est :
i) la date de publication de l'acte délimitant le périmètre provisoire de la zone d'aménagement différé lorsque le bien est situé dans un tel périmètre ou lorsque l'acte créant la zone est publié dans le délai de validité d'un périmètre provisoire ;
ii) la date de publication de l'acte créant la zone d'aménagement différé si un périmètre provisoire de zone d'aménagement différé n'a pas été délimité ;
iii) dans tous les cas, la date du dernier renouvellement de l'acte créant la zone d'aménagement différé.
4. Il est établi que la zone d'aménagement différée considérée a été renouvelée par arrêté préfectoral du 26 mai 2016, qui doit en conséquence être retenue comme date de référence au sens de l'article L.322-2 du code de l'expropriation, ainsi que l'a justement déterminé le premier juge.
2. Sur la consistance du bien et son usage effectif
5. Les biens en cause comprennent des logements situés [Adresse 7] et des boxes et garages auxquels on accède par le n°[Adresse 4].
Le juge de l'expropriation, qui s'est transporté sur les lieux, décrit ainsi le bien :
« La maison bâtie sur la parcelle [Cadastre 2] de 206 m² au n°[Adresse 6] présente une surface habitable de 92 m² comprenant un séjour, 3 chambres, une cuisine équipée, un dégagement, un WC, le tout avec un sol en parquet et des murs peints, ainsi qu'une salle de bain carrelée et une mezzanine sur les deux tiers du séjour. A l'extérieur à l'arrière se trouvent une terrasse en bois et un jardin.
L'immeuble sis [Adresse 8] [Cadastre 11] est composé de 3 appartements.
Le logement type 2 de 42 m² est carrelé au sol et comprend un séjour avec cuisine et cheminée, une chambre et une salle de douche avec WC, avec une petite cour à l'extérieur donnant accès au jardin à l'arrière.
Le logement type 2 de 68 m² comporte une entrée carrelée avec un grand placard et une buanderie avec un mur fissuré, un dégagement avec sol carrelé et parquet stratifié et une baie vitrée, un séjour avec coin cuisine équipée et sol stratifié, un salon avec sol stratifié et murs peints et avec porte-fenêtre donnant sur le jardin, une chambre avec les mêmes sol et murs, sans chauffage, une salle de bain avec baignoire, douche et bidet, sol stratifié, et un WC avec placard.
Le studio de 21 m² est carrelé et comporte une entrée, un séjour avec cuisine équipée, et une salle de douche avec WC. A l'extérieur se trouvent une terrasse et un jardin communicant avec le T2 précédent.
La parcelle [Cadastre 12] compte 29 boxes à usage de garages individuels avec sol en béton, toits en fibrociment, portes basculantes et électricité. Ils sont accessibles par une allée bétonnée fermée par un portail électrique.
La parcelle [Cadastre 13] supporte un atelier de 66 m² ouvert sur l'allée, au sol carrelé.»
6. Il doit être ajouté que ces biens étaient occupés à la date de l'ordonnance d'expropriation.
7. La société Tandonnet indique la description du premier juge est affectée d'une erreur en ce que la parcelle BY[Cadastre 2] au n°[Cadastre 5] [Adresse 15] présenterait en réalité une surface de 260 m². Toutefois, le relevé cadastral annexé à l'ordonnance d'expropriation du 19 juin 2020 mentionne une surface de 206 m².
3. Sur l'indemnité principale
8. Pour fixer l'indemnité principale de dépossession, le juge de l'expropriation a utilisé la méthode par comparaison, qui est également employée par les parties dans leurs conclusions respectives.
9. La société Tandonnet fait grief au jugement déféré d'avoir sous-estimé la valeur de la parcelle expropriée en ce qui concerne la partie sur laquelle sont implantés des immeubles d'habitation (domicile personnel et immeuble de rapport) et présente à ce titre huit éléments de comparaison portant sur des ventes réalisées de novembre 2019 à janvier 2021, dont il résulte que la valeur moyenne du mètre carré peut être arrêtée à 4.670 euros m², soit une différence de 670 euros le m² avec le prix retenu par le premier juge.
L'appelante produit également le rapport d'estimation amiable établi le 22 juillet 2021 par Madame [L], expert judiciaire, qui propose de déterminer la valeur du bien litigieux par la moyenne des valeurs obtenues d'une part par la méthode par comparaison, d'autre part par la méthode dite de récupération foncière et conclut ainsi à un prix de 1.550.000 euros.
En cause d'appel, la société Tandonnet produit six autres termes de comparaison portant sur des ventes réalisées entre février 2020 et octobre 2021, dont il résulte que la moyenne du prix au m² s'établit à 4.000 euros, ce qui correspond à la valeur retenue par le juge de l'expropriation.
10. L'EPA [Localité 9] Euratlantique reproche de son côté au premier juge d'avoir surévalué le montant de l'indemnité principale de dépossession et excipe de la moyenne des prix au m² résultant de la réalisation de six ventes entre janvier 2020 et juillet 2023, qui s'établit à 3.590,41 euros le m².
11. Le commissaire du gouvernement reprend les termes de comparaison qu'il a déjà proposés en première instance et les complète avec cinq autres termes de comparaison reposant sur des ventes réalisées entre octobre 2020 et novembre 2022, dont il résulte que le prix moyen au m² est de 3.487 euros.
12. Il doit être observé que les éléments de comparaison présentés par l'appelante mais également par son expert amiable ne sont pas étayés par les actes qui y sont relatifs, de sorte que la consistance des biens concernés ne peut être vérifiée.
Par ailleurs, dans la mesure où les constructions implantées sur la parcelle expropriée sont en bon état, la méthode de la récupération foncière n'est pas ici applicable.
13. En considération de ces éléments, il apparaît que c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le juge de l'expropriation a fixé à 4.000 euros le prix du mètre carré de la parcelle comprenant les logements.
14. S'agissant de l'atelier, d'une surface de 66 m², le seul terme de comparaison pertinent a été présenté par le commissaire du gouvernement en première instance ; ni l'exproprié ni l'expropriant n'en proposent en cause d'appel -les deux termes mentionnés par l'intimé se rapportant à des boxes à seul usage de garage d'une superficie de 11 m² et 15 m²- , étant précisé que la société Tandonnet réclame que cet atelier soit considéré comme un garage et soit intégré à la superficie totale des 29 autres boxes dont le prix doit être porté à 2.500 euros le m².
15. Toutefois, en ce qui concerne les garages, la société Tandonnet ne peut sérieusement soutenir une demande à hauteur de 2.500 euros le m² alors que sa demande en première instance, fixée à 1.600 euros le m², a été satisfaite par le jugement qu'elle critique.
16. Dès lors, tant en ce qui concerne les boxes que l'atelier, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu les sommes de 19.200 euros par box de 12 m² et 90.000 euros pour l'atelier.
17. En conséquence, il y a lieu de confirmer ce jugement en ses chefs de dispositif relatifs à la fixation de l'indemnité principale arrondie à hauteur de 1.542.000 euros et, par suite, l'indemnité de remploi à la somme de 155.200 euros.
4. Sur les indemnités accessoires
18. A.] La société Tandonnet présente, pour la première fois en appel, une demande en indemnisation de la perte de revenus locatifs à hauteur de 63.336 euros.
19. L'intimé maintient la proposition présentée en première instance à concurrence de 58.400 euros, hors charges et hors taxes.
20. Il apparaît à cet égard que l'appelante ne produit aucun élément probant au soutien de la somme réclamée, à l'exception d'un tableau des locataires des garages et de factures établis par elle-même. En particulier, elle ne produit ni les contrats de location ni la preuve de ses encaissements.
Il doit cependant être tenu compte des éléments recueillis par l'administration fiscale à l'occasion d'une vérification de comptabilité réalisée au cours de l'année 2021 et portant sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020, ainsi que de l'offre de l'expropriant.
21. Dès lors, il y a lieu, infirmant le jugement déféré de ce chef, de fixer l'indemnisation de la perte de revenus locatifs à la somme de 58.400 euros.
22. B.] La société Tandonnet fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande en indemnisation des frais de déménagement.
23. L'examen des pièces produites à cet égard par l'appelante met en évidence le fait que les frais dont il s'agit seront exposés par les locataires et occupants à titre gratuit des immeubles dont la société civile immobilière Tandonnet est propriétaire.
Or ces locataires et occupants à titre gratuit ne sont pas en la cause ; une telle indemnisation ne peut être réclamée par l'expropriée pour le compte de ces tiers.
24. Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.
L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles en appel.
La société Tandonnet, partie succombante, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Infirme le jugement prononcé le 2 mars 2023 par le juge de l'expropriation de la Gironde en ce qu'il a débouté la société Tandonnet de sa demande au titre de la perte de revenus locatifs.
Statuant à nouveau de ce chef,
Fixe à la somme de 58.400 euros l'indemnité revenant à la société civile immobilière Tandonnet au titre de la perte de revenus locatifs.
Confirme pour le surplus le jugement prononcé le 2 mars 2023 par le juge de l'expropriation de la Gironde.
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société civile immobilière Tandonnet à payer les dépens de l'appel.
L'arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, Président et par François CHARTAUD, Greffier, auquel a été remis la minute signée de la décision.
Le greffier Le président