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02/07/2024 | FRANCE | N°21/01846

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 02 juillet 2024, 21/01846


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



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ARRÊT DU : 02 JUILLET 2024







N° RG 21/01846 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAZH









[C] [K]



c/



[E] [K]

























Nature de la décision : AU FOND





















28A



Grosse délivrée le :
>

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 18/11040) suivant déclaration d'appel du 29 mars 2021





APPELANTE :



[C] [K]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]



Représentée par Me ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 02 JUILLET 2024

N° RG 21/01846 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAZH

[C] [K]

c/

[E] [K]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 18/11040) suivant déclaration d'appel du 29 mars 2021

APPELANTE :

[C] [K]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 7]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Cécile BOULE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[E] [K]

né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 9]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Pascale ANDOLFATTO, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [K], veuf non remarié, est décédé le [Date décès 3] 2016 et a laissé pour lui succéder ses deux enfants, M. [E] [K] et Mme [C] [K].

M. [T] [K] avait établi de son vivant deux testaments olographes déposés le 7 décembre 2016 au rang des minutes de Maître [M], notaire à [Localité 8] (33) :

- un testament du 14 novembre 1997 et un codicille du 14 janvier 2001 par lequel il a déclaré avoir révoqué la donation entre époux établie le 10 décembre 1987 et laissait à ses enfants la totalité des biens composants sa succession,

- un testament de 2016 aux termes duquel il a déclaré léguer à M. [E] [K] la totalité des biens et notamment les liquidités et comptes courants, comptes titres et espèce, PEA et autres, détenus auprès de la [10].

Le projet d'état liquidatif de la succession établi par Maître [M] a été refusé par Mme [C] [K] qui conteste la validité du testament olographe de 2016 en ce que le testateur n'aurait pas été en possession de ses facultés lorsqu'il l'a établi, ce qui a conduit le notaire à dresser un procès-verbal de difficultés le 18 octobre 2018.

Par acte d'huissier en date du 28 novembre 2018, M. [E] [K] a assigné Mme [C] [K] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin de voir appliquer le testament qu'il date du 6 mai 2016 et ordonner les opérations de liquidation et partage de la succession de M. [T] [K].

Par ordonnance en date du 9 septembre 2019, le juge de la mise en état a rejeté la demande d'expertise médicale destinée à évaluer les facultés intellectuelles de M. [T] [K] formulée par Mme [C] [K], la jugeant prématurée et a invité au préalable les parties à s'expliquer sur la question de la validité formelle du testament critiqué.

Par jugement en date du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté Mme [C] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- validé le testament de 2016 établi par M. [T] [K] et en ordonne l'exécution par le notaire en charge des opérations de succession soit Maître [M] notaire à [Localité 8],

- condamné Mme [C] [K] à payer à M. [E] [K] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [C] [K] aux entiers dépens.

Procédure d'appel :

Par déclaration d'appel en date du 29 mars 2021, Mme [C] [K] a formé appel du jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Selon dernières conclusions en date du 23 juin 2022, Mme [C] [K] demande à la cour de déclarer l'appel de Mme [C] [K] recevable et bien fondé et d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a :

* débouté Mme [C] [K] de l'ensemble de ses demandes,

* validé le testament de 2016 établi par M. [T] [K] et en a ordonné l'exécution par le notaire en charge des opérations de succession soit Maître [M], notaire à [Localité 8],

* condamné Mme [C] [K] à payer à M. [E] [K] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme [C] [K] aux entiers dépens,

En conséquence et statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer nul le testament olographe établi par M. [T] [K] pour défaut de respect des conditions de formes établies par l'article 970 du code civil, ledit testament n'étant pas daté,

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité du testament olographe pour insanité d'esprit de M. [T] [K] et sur le fondement de l'article 901 du code civil,

En tout état de cause,

- condamner M. [E] [K] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon dernières conclusions en date du 19 juin 2023, M. [E] [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire et juger que le testament de M. [T] [K] est valable et en ordonner l'exécution par tel notaire, en l'occurrence Maître [M], notaire à [Localité 8],

- débouter Mme [C] [K] de ses demandes,

- condamner Mme [C] [K] à verser au concluant la somme de 4.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 code de procédure civile pour obligation de plaider,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 14 mai 2024, mise en délibéré au 25 juin 2024 et prorogé au 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du testament olographe :

Aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; il n'est assujetti à aucune autre forme.

Il est constant qu'en dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible.

La cour relève à titre préliminaire que Mme [C] [K] ne conteste pas l'authenticité de l'écriture du testament, mais son absence de date certaine au sens de l'article 970 susvisé puisqu'il ne mentionne que la seule année 2016.

Elle critique en particulier que le premier juge ait retenu le lieu de rédaction du testament, soit [Localité 6], en guise d'élément intrinsèque propre à reconstituer la date, faisant valoir que rien n'indique que M. [T] [K] n'a pas quitté son domicile au cours de l'année 2016, avant son décès.

Elle se contente toutefois de l'affirmer, sans le démontrer.

Il est au demeurant établi par les pièces qu'elle verse aux débats que M. [T] [K] n'a, cette année-là, été hospitalisé qu'entre le 24 août et le 2 septembre 2016.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le jugement entrepris a pu déduire des éléments précités que la période de rédaction du testament olographe est fixée entre le 1er janvier 2016 au 23 août 2016 ou entre le 3 septembre 2016 et le 29 septembre 2016.

Elle soutient en outre que le premier juge ne pouvait corroborer ces éléments avec le courrier recommandé avec accusé de réception adressé au notaire et déposé au bureau de poste d'[Localité 6] en guise d'élément extrinsèque, dès lors que les avis de dépôt et de réception ont rédigés par son frère intimé et qu'il en était l'expéditeur.

Ces arguments demeurent sans incidence sur la période de datation du testament.

Ainsi, comme l'a justement relevé le jugement entrepris, le testament a été enregistré par le notaire le 6 mai 2016, de sorte que la période au cours de laquelle le testament a été rédigé est nécessairement comprise entre le 1er janvier 2016 et 6 mai 2016.

Ceci est corroboré par le modèle de testament authentique dont les termes sont identiques au testament olographe critiqué, et qui mentionne la date du 29 avril 2016 et porte la signature du testateur.

Il en ressort que, en dépit de son absence de date certaine au sens de l'article 970 susvisé, le testament olographe de 2016 n'encourt pas la nullité de chef.

Mme [C] [K] soutient enfin apporter des éléments de preuve démontrant que le défunt était affecté de problèmes médicaux le plaçant dans l'incapacité de tester. Elle produit à ce titre :

- un compte-rendu d'hospitalisation du 13 février 2012, qui indique que M. [T] [K], admis en raison d'un AVC, est "actuellement autonome dans ses actes de la vie quotidienne sans nécessité d'aide technique".

- un compte-rendu d'intervention médicale du 29 avril 2014, qui indique que M. [T] [K] a fait l'objet d'une ablation d'une partie de son côlon.

- un compte-rendu d'hospitalisation du 5 août 2014, qui indique que M. [T] [K] a été admis au service réanimation de l'hôpital pour détresse respiratoire consécutive à un malaise en vélo et qui relève, au sujet de son examen neurologique, que "ce jour, le patient est conscient, cohérent".

- un compte-rendu d'hospitalisation pour examen du 11 septembre 2014, qui indique, au sujet de l'examen neurologique de M. [T] [K], "nl [normal] en dehors de quelques troubles de la marche et de l'équilibre avec risque de chute du fait de l'alitement prolongé en réa+perte d'autonomie sans déficit sensitivo-moteur" et que "le reste de l'ex clinique est sans particularité", avec une évolution "favorable sur le plan général".

- un compte-rendu d'hospitalisation du 20 octobre 2014, qui indique que M. [T] [K] a été admis en unité d'hospitalisation de très courte durée pour un 'dème aigu du poumon.

- un compte-rendu d'hospitalisation du 1er juin 2015 qui indique que M. [T] [K] a été admis en urgence le 29 mai 2015 pour fracture de la tête humérale gauche et qui relève, au sujet de son autonomie cognitive, qu'il parvient à être cohérent, à s'orienter et à communiquer à distance.

Les comptes-rendus d'hospitalisation des 24 août 2016 et 2 septembre 2016 sont quant à eux impropres à caractériser l'insanité d'esprit alléguée de M. [T] [K] dès lors qu'ils sont postérieurs à la période de rédaction du testament litigieux.

Mme [C] [K] met également en avant les effets secondaires de différents médicaments que prenait M. [T] [K]. Or, de telles allégations basées sur des considérations générales en lien avec des effets secondaires possibles sont toutefois insuffisantes dès lors qu'il s'agit d'apprécier l'état de conscience de M. [T] [K] au moment où il a établi le testament.

En outre, les attestations qu'elle invoque sont remises en cause tant par les éléments médicaux précités que par les attestations versées aux débats par l'intimé. Elles ne sauraient donc caractériser une éventuelle insanité d'esprit à l'époque de la rédaction du testament.

La cour relève enfin que l'appétence de M. [T] [K] pour l'ésotérisme et l'occultisme ne saurait en elle-même être de nature à démontrer son insanité d'esprit.

C'est donc à bon droit que le jugement entrepris a retenu que Mme [C] [K] ne rapporte pas la preuve de la prétendue insanité d'esprit de M. [T] [K] au cours de la période retenue.

C'est en conséquence vainement que Mme [C] [K] invoque, à titre subsidiaire, la nullité du testament pour insanité d'esprit de M. [T] [K].

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [C] [K], qui succombe, supportera la charge des dépens exposés en cause d'appel.

L'équité commande en outre de condamner Mme [C] [K] à verser à M. [E] [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [C] [K] aux dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE Mme [C] [K] à verser à M. [E] [K] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 21/01846
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.01846 ?
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