COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
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ARRÊT DU : 02 JUILLET 2024
N° RG 21/02677 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDFO
[M] [A]
[R] [PF] épouse [A]
c/
[S] [W] épouse [A]
[J] [W]
[N] [W]
[E] [W] épouse [H]
[F] [L]
[AO] [L]
[U] [L]
Nature de la décision : AVANT-DIRE DROIT - EXPERTISE
RENVOI mise en état 04/12/2024
29A
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 18/11043) suivant déclaration d'appel du 07 mai 2021
APPELANTS :
[M] [A]
né le [Date naissance 12] 1976 à [Localité 30]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 9] - [Localité 20]
[R] [PF] épouse [A]
née le [Date naissance 15] 1969 à [Localité 36]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 9] - [Localité 20]
Représentés par Me Christian DUBARRY, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Jennifer SALLES
INTIMÉS :
[S] [W] épouse [A]
née le [Date naissance 17] 1958 à [Localité 31]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] - [Localité 18]
Représentée par Me Carol FERRE-DARRICAU de la SELARL FERRE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
[J] [W]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 26] - [Localité 19]
Non représentée (DA signifiée le 17/06/2021, conclusions signifiées les 07/10/2021, 22/10/2021, 22/12/2021, 06/01/2022 et 17/03/2022)
[N] [W]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5] - [Localité 22]
Non représentée (DA signifiée le 17/06/2021, conclusions signifiées les 08/10/2021, 26/10/2021, 22/12/2021, 11/01/2022 et 18/03/2022)
[E] [W] épouse [H]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 31]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 33] - [Localité 13]
[F] [L]
né le [Date naissance 10] 1962 à [Localité 30]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 6] - [Localité 23]
[AO] [L]
né le [Date naissance 14] 1939 à [Localité 34]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 16] - [Localité 21]
[U] [L]
né le [Date naissance 7] 1934 à [Localité 34]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 25] - [Localité 18]
Représentés par Me Elodie VITAL-MAREILLE, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Alexia SAUTET
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Présidente : Hélène MORNET
Conseillère : Danièle PUYDEBAT
Conseillère : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
M. [C] [L], veuf de Mme [G] [K], prédécédée le [Date décès 11] 2012, est issu d'une fratrie composée de cinq enfants, à savoir M. [AO] [L], Mme [D] [L] épouse [W] (décédée), M. [P] [L] (décédé), M. [U] [L] (décédé) et Mme [S] [W] épouse [A].
M. [C] [L] est décédé le [Date décès 3] 2016, à l'âge de 87 ans, laissant pour lui succéder son frère M. [AO] [L] ainsi que ses neveux et nièces, à savoir :
- S'agissant des héritiers de Mme [D] [L] épouse [W], prédécédée :
* Ses filles, Mme [E] [W] épouse [H] et Mme [S] [W] épouse [A].
* Ses petites filles Mme [J] [W] et Mme [N] [W] (intimées) qui viennent en représentation de leur père M. [Y] [W] prédécédé.
- S'agissant de l'héritier de M. [P] [L], prédécédé :
* M. [F] [L].
- S'agissant de l'héritière de M. [U] [L], décédé :
* Mme [T] [L]
M. [M] [A], époux de Mme [R] [PF] (tous deux appelants à la présente instance) est quant à lui le fils de Mme [S] [W] épouse [A].
M. [C] [L] avait, le 24 août 2014, modifié la clause bénéficiaire de son contrat d'assurance vie auprès de la [35] au profit de M. [M] [A] et de Mme [R] [PF] à hauteur de 50 % chacun, à défaut, la part leur revenant étant versée à l'autre et à défaut aux héritiers du souscripteur.
Il avait également établi le 30 septembre 2014 un testament olographe les instituant comme légataires universels à parts égales entre eux.
Sur requête de M. [M] [A], le juge des tutelles de Bordeaux avait placé M. [C] [L] sous tutelle par jugement 30 octobre 2015 désignant M. [M] [A] tuteur à la personne et co-tuteur aux biens avec Mme [Z] mandataire judiciaire.
Par actes d'huissier distincts en date du 4 décembre 2018, M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H], ont alors assigné devant la présente juridiction M. [M] [A], Mme [R] [PF] épouse [A], Mme [S] [A], Mme [J] [W] et Mme [N] [W] aux fins de voir annuler le testament du 30 septembre 2014 et la clause bénéficiaire de l'assurance vie du 24 août 2014, ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [C] [L] et condamner Mme [S] [A] pour recel successoral de biens.
Par jugement réputé contradictoire en date du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'expertise graphologique sollicitée par M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H],
- débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande en nullité de la modification le 24 août 2014 de la clause bénéficiaire de l'assurance vie [35] souscrite le 31 décembre 1990 par M. [C] [L],
- débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande aux fins de requalification de la modification de la clause bénéficiaire de l'assurance vie le 24 août 2014 en donation déguisée,
- débouté en conséquence M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande tendant à voir M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] tenus de restituer les sommes perçues au titre du contrat d'assurance vie [35] souscrit le 31 décembre 1990 par M. [C] [L],
- prononcé la nullité du testament olographe du 30 septembre 2014,
- débouté néanmoins M. [F] [L], M, [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [C] [L], faute d'indivision du fait du testament authentique du 3 décembre 2012 instaurant Mme [S] [W] épouse [A] légataire universelle,
- dit que la restitution des sommes perçues par M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] en exécution du testament olographe du 30 septembre 2014 ne peut être réalisée en l'état qu'au profit de la légataire universelle instituée par le testament authentique du 3 décembre 2012,
- débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande envers Mme [S] [W] épouse [A] au titre du recel successoral,
- débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de M. [M] [A], Mme [R] [PF] épouse [A] et Mme [S] [W] épouse [A],
- débouté M. [M] [A], Mme [R] [PF] épouse [A] de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H],
- condamné M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] à payer à Mme [S] [W] épouse [A] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y a voir lieu à faire droit aux autres demandes des parties au titre des frais irrépétibles,
- fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] et par moitié par M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A],
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Procédure d'appel :
Par déclaration d'appel en date du 7 mai 2021, M. [M] [A] et Mme [R] [PF] (les époux [A]) ont formé appel du jugement de première instance en ce qu'il a prononcé la nullité testament olographe, prononcé la restitution des sommes perçues par M. [M] [A] et Mme [R] [PF] en exécution du dit testament au profit de la légataire universelle instituée par le précédent testament et en ce qu'il a débouté M. [M] [A] et Mme [R] [PF] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'à des sommes au titre des frais irrépétibles.
Selon dernières conclusions en date du 3 janvier 2022, les époux [A] demandent à la cour de :
- les accueillir en leurs demandes, fins et prétentions,
- réformer le jugement déféré en ses dispositions relatives au testament olographe du 30 septembre 2014 et aux demandes indemnitaires de M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A],
Statuant de nouveau,
- juger parfaitement valable le testament olographe du 30 septembre 2014.
- condamner solidairement M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] à payer à M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] une somme de 10.000 euros chacun soit 20.000 euros au total en réparation de leur préjudice moral et pour procédure particulièrement abusive,
- débouter les consorts [F] [L], [AO] [L], [U] [L], [E] [W] épouse [H] de leur appel incident et confirmer le jugement pour le surplus.
- condamner solidairement M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L], Mme [E] [W] épouse [H] et Mme [S] [W] épouse [A] à payer à M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions en date du 22 avril 2024, M. [F] [L], M. [AO] [L], Mme [E] [W] épouse [H] et Mme [T] [L] (les consorts [L]- [W]) demandent à la cour de :
- déclarer l'appel de M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] recevable mais mal fondé,
- débouter M. [M] [A], Mme [R] [PF] épouse [A] et Mme [S] [W] épouse [A] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement du 23 mars 2021 en ce qu'il a prononcé la nullité du testament olographe du 30 septembre 2014,
Au titre de l'appel incident des concluants,
- infirmer le jugement du 23 mars 2021 en ce qu'il a :
* débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande en nullité de la modification le 24 août 2014 de la clause bénéficiaire de l'assurance vie [35] souscrite le 31 décembre 1990 par M. [C] [L],
* débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande aux fins de requalification de la modification de la clause bénéficiaire de l'assurance vie le 24 août 2014 en donation déguisée,
* débouté en conséquence M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande tendant à voir M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] tenus de restituer les sommes perçues au titre du contrat d'assurance vie [35] souscrite le 31 décembre 1990 par M. [C] [L],
* débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de M. [M] [A], Mme [R] [PF] épouse [A] et Mme [S] [W] épouse [A],
- infirmer le jugement du 23 mai 2021 en ce qu'il a débouté M. [F] [L], M. [AO] [L], M. [U] [L] et Mme [E] [W] épouse [H] de leur demande aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [C] [L], faute d'indivision du fait du testament authentique du décembre 2012 instaurant Mme [S] [W] épouse [A] légataire universelle,
En conséquence,
- prononcer la nullité de la clause bénéficiaire de l'assurance vie du 24 août 2014 pour absence de consentement de M. [C] [L],
- condamner solidairement M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] à restituer l'héritage et l'assurance vie, obtenus illégalement,
A titre subsidiaire,
- requalifier la modification de la clause bénéficiaire de l'assurance vie du 24 août 2014 en donation déguisée,
En conséquence,
- ordonner qu'il soit procédé aux opérations de compte liquidation et partage entre les parties à la suite du décès de M. [C] [L], né le [Date naissance 4] 1929 et décédé le [Date décès 3] 2016,
- commettre pour y procéder tel notaire qu'il plaira ou, à défaut, M. le président de la chambre des notaires avec facultés de délégation,
- dire que le notaire pourra :
* interroger le FICOBA, le FICOVIE et le fichier de l'[28],
* recenser tous contrats d'assurance-vie, en déterminer les bénéficiaires, et se faire remettre l'historique de tous les mouvements de capitaux (versements, rachats) de chacun de ces contrats en identifiant le patrimoine donnant ou recevant les fonds,
* procéder à l'établissement des actes de notoriété, sauf à y réserver ce qui est contesté en justice,
* procéder à l'ouverture de tout coffre bancaire, en faire l'inventaire, rapatrier les liquidités dans la comptabilité de son étude, placer les titres sur un compte ouvert au nom de l'indivision,
* dire que les parties devront remettre au notaire toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
* dire que le notaire devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de la licitation, et le transmettre au juge chargé de surveiller ces opérations,
* dire que le notaire financera son travail sur les fonds existants, avec l'accord des parties, et qu'à défaut elles lui verseront les provisions et les émoluments dus pour son travail,
* les condamner au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel et moral subi,
- condamner solidairement M. [M] [A], Mme [R] [PF] épouse [A] et Mme [S] [W] épouse [A] au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions en date du 5 octobre 2021, Mme [S] [W] épouse [A] demande à la cour de :
- débouter M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] de leurs demandes fins et prétentions,
- prononcer la nullité de l'avis technique de Mme [EF] [V], expert graphologie près de la cour d'appel de Bordeaux réalisé le 24 avril 2021, en ce qu'il ne respecte pas le principe du contradictoire,
- confirmer le jugement rendu en première instance le 23 mars 2021 par la 1e chambre civile du tribunal judiciaire de Bordeaux, dans toutes ses dispositions y compris en ce qu'il annule le testament olographe du 30 septembre 2014,
- condamner M. [M] [A] et Mme [R] [PF] épouse [A] à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 21 mai 2024 et mise en délibéré au 2 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.
L'article 464 du même code dispose que les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.
Enfin, aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe est nul s'il n'est pas écrit en entier, daté et signé de la main du testateur.
Il est constant que le juge a un pouvoir d'appréciation souverain pour déterminer la date ou la période à laquelle le testament a été rédigé et en interpréter son contenu.
En l'espèce, le litige dont est saisi la cour porte sur la validité de la modification le 24 août 2014 de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie souscrit par M. [C] [L] et du testament établi le 30 septembre 2024 par M. [C] [L].
- Sur la nullité du testament olographe du 30 septembre 2014
Le jugement entrepris a considéré que le testament olographe du 30 septembre 2014 n'a pas été intégralement écrit et signé de la main de M. [C] [L] et a par suite prononcé sa nullité en application de l'article 970 du code civil, en affirmant qu'il n'y avait pas lieu à expertise et en précisant qu'il n'était pas nécessaire de statuer sur la nullité de cet acte par référence aux articles 901 et 464 du code civil.
Les époux [A] prétendent que le testament est valide en faisant valoir que son auteur avait légitimement entendu les gratifier compte tenu du temps qu'ils ont consacré à s'occuper de lui de son vivant, alors que les autres membres de la famille s'en seraient désintéressé et souhaitaient le placer en EHPAD contre sa volonté.
Ils contestent l'argument du défaut d'authenticité, affirmant qu'il était bien l'auteur du testament attaqué s'appuyant pour cela sur un avis technique rédigé par un expert en écriture agréé par la cour d'appel qui atteste que leur oncle était bien l'auteur et le signataire du testament.
Ils avancent enfin qu'un médecin certifie que leur oncle avait conservé son autonomie mentale.
Mme [S] [W] épouse [A] expose que l'avis technique réalisé par l'expert judiciaire doit être écarté des débats puisqu'il ne respecte pas le principe du contradictoire, les parties n'ayant pas été informées de sa réalisation et n'ayant pu formuler des remarques ou observations.
Elle conteste aussi ses conditions de réalisation dès lors qu'elle s'appuie sur des pièces postérieures à 2014, lorsque M. [C] [L] vivait au domicile des époux [A] et était assisté par ces derniers dans la rédaction de ses actes et que l'expert saisi par les appelants n'a pas été interrogé sur la signature hésitante et raturée présente sur le testament et sur sa différence avec la signature de M. [C] [L], caractérisée par son inclinaison, un arrondi du G majuscule et par le trait la soulignant.
Les consorts [L]-[W] font leurs les motifs de la décision sur l'absence d'authenticité du testament, mais concluent tout autant à l'absence de consentement libre et éclairé de leur oncle au moment de la supposée rédaction du testament litigieux. Ils contestent le reproche du désintérêt qu'ils auraient manifesté pour leur oncle et expliquent notamment qu'ils souhaitaient le placer en EHPAD pour soulager Mme [D] [W] qui était dans l'incapacité de s'en occuper. Ils soulignent qu'ils ont été écartés des décisions le concernant par les époux [A], en particulier son placement sous tutelle ainsi que son placement en EHPAD, qui a été choisi à proximité du domicile de ces derniers. Ils relèvent en outre qu'il était convenu qu'ils viennent le visiter mais que les contacts ont été rompus par les époux [A] lorsqu'ils l'ont installé à leur domicile, isolant un peu plus le vieil homme pour l'amener à réaliser les actes en litige.
Dans leur jugement, les premiers juges ont affirmé que : "il convient de relever que la signature figurant sur le testament, très hésitante et raturée, comme celle du texte par lequel le testateur exprime ses volontés, ne correspond pas à la signature habituelle et non contestée de M. [C] [L] sur les pièces de comparaison... notamment celle réalisée la veille devant notaire lors de l'acte d'acquisition de la maison d'[Localité 29], le 29 septembre 2014, tandis qu'il n'est pas démontré et il est au contraire contredit par les signatures réalisées par M. [C] [L] après le testament litigieux qu'a compter du 30 septembre 2014 il ne parvenait plus à réaliser correctement sa signature".
"La signature et les mentions manuscrites de la même main sur 1er testament olographe, ne peuvent donc être attribuées à M. [C] [L], et ce sans qu'il soit nécessaire pour parvenir à cette conclusion d'ordonner une expertise graphologique".
Les époux [A] ont cependant entendu solliciter l'avis d'une graphologue en la personne de [EF] [V], qui fut expert en graphologie prés la Cour d'Appel de Bordeaux.
Celle-ci, aux termes de son attestation en date du 24 avril 2021, affirme : "Monsieur [C] [L] est l'auteur (c'est-a-dire Ie rédacteur de l'intégralité du texte du testament et Ie signataire) du testament olographe en date du 30 septembre 2014, pièce soumise a I'examen'.
Elle précise : "l'écriture et la signature du testament olographe en date du 30 septembre 2014 s'identifient en tous points aux habitudes graphiques de M. [L] [C], assorties des mêmes variantes de forme observées au sein des écrits de comparaison. II est toutefois à noter que l'écriture de ce testament de question montre un graphisme désorganisée, c'est-a-dire naturellement perturbé par l'état de santé du scripteur. De telles concordances graphiques ne peuvent néanmoins ni être fortuites ni être le fruit d'une imitation. Au contraire, elle établissent avec certitude l'identité de main en raison de leur nombre et de leur qualité".
Cette affirmation, de la part d'une professionnelle reconnue, qui vient en totale contradiction avec l'appréciation faite par les premiers juges, obligent la cour à ordonner une expertise avant dire droit, qui elle sera contradictoire, pour vérifier l'authenticité de l'écriture de feu M. [C] [L] sur le testament en question et ce d'autant que la comparaison qui peut être faite entre les différents pièces communiquées ne parvient pas à convaincre du caractère authentique ou non des écrits et signatures soumis à justice.
Il convient donc de surseoir à statuer de ce chef et d'ordonner une vérification d'écriture dont les frais seront assumés par les parties constituées à l'instance.
- Sur la validité du changement de bénéficiaire du contrat d'assurance vie souscrit par [C] [L]
Il convient là encore de surseoir à statuer de ce chef et d'ordonner une vérification d'écritures également pour cet écrit dont la proximité de date d'établissement avec le testament olographe à l'authenticité remise en cause, en fait un élément pertinent de comparaison mais également d'appréciation de fond sur l'exacte volonté du défunt qui est remise en cause par les intimés.
Dans ce contexte, les frais et dépens sont réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Avant dire droit ordonne une expertise en écritures et désigne pour y procéder Mme [X] [B] [I] (1982), experte inscrit auprès de la Cour d'Appel de Poitiers, demeurant [Adresse 24] [Localité 27], Port. : [XXXXXXXX01], [Courriel 32], avec pour mission de :
- Prendre connaissance des pièces de question :
La copie d'une assurance-vie désignant comme bénéficiaires M. [A] [M] et Mme [PF] [R], rédigée et signée sous le nom de M. [L] [C] à la date du 24 août 2014, pièce 27 des appelants)
La copie d'un testament olographe en date du 30 septembre 2014, rédigé et signé sous le nom de M. [L] [C], (pièce 28 des appelants)
Dit que si cela est possible, les parties devront remettre ces pièces en original à l'expert,
- Prendre connaissance des pièces de comparaison :
Un certificat sur l'honneur en date du 28/09/2011 avec mention "lu et approuvé" et signature, (pièce 31 des appelants)
Un courrier de résiliation de contrat dactylographié en date du 01 juin 2014 (pièce 32 des appelants)
Une révocation de procuration en date du 04/06/2014, avec signature de M. [L] (pièce 33 des appelants)
La copie des conditions suspensives liées à l'obtention d'un crédit en date du 25 juin 2014, acte notarié de chez Maitre [VV] (pièces 36 des appelants)
Un courrier dactylographié adressé à |'étude [O]-[VV] le 30 septembre 2014 demandant l'enregistrement et la conservation du testament (pièce 34 des appelants)
La copie d'un mandat de dernières volontés en date du 13 mars 2015 (pièce 35 des appelants)
La copie d'une décharge de mandat du 09 mars 2012 (signature), acte notarié de chez Maitre [VV] (pièce 37 des appelants)
L'acte de vente du 29 septembre 2014 par lequel M. [L] a acquis un bien à [Localité 29] (pièce 5 de Mme [S] [W] veuve [A])
Dit que si cela est possible, les parties devront remettre ces pièces en original à l'expert,
- Après examen comparatif de l'ensemble des pièces transmises à I'examen,
1°) Dire si l'assurance-vie rédigée et signée sous le nom de M. [L] [C] à la date du 24 août 2014 est en tout ou partie, rédigée et signée de sa main,
2°) Dire si le testament olographe du 30 septembre 2014 rédigé et signé sous le nom de M. [L] [C] est, en tout ou partie, rédigé et signé de sa main ;
Dit que l'expert devra dresser rapport de ses opérations et le déposer en deux exemplaires au secrétariat-greffe de la cour avant le 30 octobre 2024 et en adresser un exemplaire à chacune des parties ou à son conseil ;
Dit que M. [M] [A] et Mme [R] [PF], M. [F] [L], M. [AO] [L], Mme [E] [W] épouse [H] et Mme [T] [L] et Mme [S] [W] épouse [A], chacun d'entre eux, devront consigner par un chèque établi à l'ordre du Régisseur d'Avances et de Recettes de la Cour, une provision de trois cents euros chacun (300 € X 7), à valoir sur les frais et honoraires de l'expert avant le 30 juillet 2024, sans autre avis du greffe ;
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert deviendra caduque de plein droit, sauf pour la partie défaillante à obtenir d'être relevée de cette sanction sur justification d'un empêchement légitime, ou à la partie la plus diligente de consigner la totalité des fonds ;
Dit que l'expert qui ne peut accepter sa mission en informera le service des expertises dans le 15 jours suivant la notification de la décision et il sera pourvu à son remplacement sur simple ordonnance du juge ;
Dit que le juge mandant reste chargé du contrôle des expertises, pour suivre le déroulement de la présente mesure d'instruction.
Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 4 décembre 2024 ;
Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes ;
Réserve les frais et dépens.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,