COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
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ARRÊT DU : 02 JUILLET 2024
N° RG 21/02873 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDWM
[P] [I]
c/
[X] [J] [N]
[W] [G] [I]
[C] [I] épouse [R]
Nature de la décision : AU FOND
28Z
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PERIGUEUX (RG n° 19/01518) suivant déclaration d'appel du 18 mai 2021
APPELANT :
[P] [I]
né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 33]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2] - [Localité 33]
Représenté par Me Bénédicte LAGARDE-COUDERT de la SELAS NUNEZ-LAGARDE COUDERT-MARTINS DA SILVA, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉES :
[X] [J] [N]
née le [Date naissance 10] 1945 à [Localité 34]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 16]
Représentée par Me Nadège TRION de la SELARL SELARL TRION AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
[W] [G] [I]
née le [Date naissance 9] 1952 à [Localité 28]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
[C] [I] épouse [R]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 33]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]
Représentées par Me Stéphanie BOURDEIX de la SCP CABINET MALEVILLE, avocat au barreau de PERIGUEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Présidente : Hélène MORNET
Conseillère : Danièle PUYDEBAT
Conseillère : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Mme [L] [U] veuve [I] est décédée le [Date décès 4] 2016 à [Localité 33] (24), laissant pour lui succéder ses quatre enfants, à savoir :
- Mme [X] [N], issue d'une première union,
- Mme [W] [I], Mme [C] [I] épouse [R] et M. [P] [I] issus d'une seconde union avec M. [E] [I] prédécédé le [Date décès 5] 2000.
Il dépend de la succession les éléments suivants :
' Un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 33], occupé par M. [P] [I],
' Des parcelles de bois situées sur les Communes D'[Localité 25] et de [Localité 35],
' Deux parcelles de terrain constructibles sur la Commune de [Localité 28], au lieu dit [Adresse 31], section AD [Cadastre 23] et [Cadastre 24],
' Deux parcelles de terrain sur la Commune de [Localité 28], lieu dit [Adresse 29], section AR [Cadastre 17] et [Cadastre 19],
' deux parcelles de terrain sur la Commune de [Localité 28], lieu dit [Adresse 32], section AR [Cadastre 18] et [Cadastre 20], donnée le 29 novembre 1983 à Mme [R] par sa mère.
Selon jugement en date du 11 avril 2017, le tribunal de grande instance de Périgueux a, pour l'essentiel, ordonné l'ouverture des opérations de liquidation-partage de la succession de Mme [L] [U] veuve [I], ordonné l'attribution préférentielle de l'immeuble indivis situé sur la commune de [Localité 33], [Adresse 2], à M. [P] [I] puis ordonné au préalable une expertise et commis pour y procéder M. [B] [Z], à l'effet de :
* procéder à l'évaluation des immeubles dépendant de la succession de Mme [L] [U] veuve [I] à l'exception de ceux faisant l'objet de la procédure de délaissement pendante devant le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Périgueux,
* procéder à l'évaluation d'une indemnité d'occupation de l'immeuble situé à [Localité 33], [Adresse 2],
* proposer le montant de la mise à prix des biens indivis en vue d'une éventuelle licitation,
* plus généralement faire toutes remarques utiles.
Maître [O] [M], notaire à [Localité 33], a été désignée par le président de la [27] pour procéder aux opérations de partage.
M. [B] [Z], expert judiciaire a déposé son rapport le 2 novembre 2017.
Le 6 septembre 2019, Maître [M] a établi un procès-verbal de contestations reprenant les dires des parties sur le projet d'état liquidatif, conformément à l'article 1373 du code de procédure civile.
Ce procès-verbal a été transmis au juge commissaire qui a proposé aux parties une mesure de médiation et les a invitées à se présenter le 24 octobre 2019 en vue d'une tentative de conciliation.
Selon procès-verbal en date du 24 octobre 2019, le juge commissaire a constaté la non-conciliation des parties et l'absence de possibilité de médiation puis, par ordonnance en date du 4 novembre 2019, a renvoyé l'affaire devant le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Périgueux.
Par actes en date des 19 et 23 août 2016, M. [P] [I] et Mme [X] [N] ont assigné Mme [W] [I] et Mme [C] [I] devant le tribunal de grande instance de Périgueux en liquidation-partage de la succession de leur mère.
Par jugement en date du 6 avril 2021, le tribunal judiciaire de Périgueux a :
- débouté M. [P] [I] de sa demande tendant à se voir reconnaître une créance de soins à l'encontre de l'indivision post-successorale,
- débouté Mmes [W] [I], [C] [R] et [X] [N] de leur demande tendant au paiement par M. [P] [I] d'une indemnité d'occupation,
- débouté M. [P] [I] de sa demande tendant à constater qu'il bénéficie d'une créance de 750 euros à l'égard de l'indivision post successorale,
- débouté Mme [X] [N] de sa demande tendant à obtenir le remboursement par l'indivision post successorale de la somme de 150 euros,
- débouté M. [P] [I] de ses demandes tendant à constater que la valeur de l'immeuble ne sera confirmée qu'après réalisation d'un diagnostic termites et mérule dont les frais seront intégrés au passif successoral,
- constaté que Mme [C] [R] accepte l'attribution des parcelles AD [Cadastre 23] et AD [Cadastre 24] sise sur la commune de [Localité 28] lieudit "[Adresse 31]" pour la somme de 1.000 euros,
En conséquence,
- attribué à Mme [C] [R] les parcelles AD [Cadastre 23] et AD [Cadastre 24] sise sur la commune de [Localité 28] lieudit "[Adresse 31]" pour la somme de 1.000 euros,
- ordonné le rapport à la succession de la donation dont Mme [R] a bénéficié portant sur les parcelles sises à [Localité 28] lieudit [Adresse 31] cadastrées AD [Cadastre 21] et [Cadastre 22] à hauteur de la somme de 28.000 euros,
- autorisé la cession des parcelles sises sur la commune d'[Localité 25] cadastrées section C [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] et sur la commune de [Localité 35] cadastrée section D [Cadastre 3] à M. [A] [V] moyennant la somme de 14.000 euros et ce dans un délai de trois mois suivant la signification du jugement,
A défaut,
- dit que les parcelles sises sur la commune d'[Localité 25] cadastrées section C [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13],[Cadastre 14] et [Cadastre 15] et sur la commune de [Localité 35] cadastrée section D [Cadastre 3] seront attribuées à Mme [C] [R] moyennant la somme de 6.500 euros,
- débouté M. [P] [I] de sa demande tendant à voir ordonner un rééquilibrage des comptes entre les parties au regard de la fiscalité à laquelle est soumise la donation reçue par Mme [C] [R],
- débouté Mme [X] [N] de sa demande en paiement de dommages-intérêts,
- condamné M. [P] [I] à payer à Mme [W] [I], Mme [C] [R] et Mme [X] [N] la somme de 1.500 euros (MILLE CINQ CENTS) à chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'ensemble des parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
- condamné M. [P] [I] aux dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.
Procédure d'appel :
Par déclaration au greffe en date du 18 mai 2021, M. [P] [I] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de créances, autorisé la cession des parcelles d'[Localité 25] et de [Localité 35], dit à défaut que ces parcelles seront attribuées à Mme [C] [R], condamné M. [P] [I] aux dépens ainsi qu'aux frais irrépétibles et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Selon dernières conclusions en date du 21 juillet 2022, M. [P] [I] demande à la cour de :
- réformer la décision entreprise des chefs critiqués,
Statuant de nouveau,
- infirmer la décision entreprise et déclarer que M. [P] [I] est bien fondé à bénéficier d'une créance de soins à l'encontre des co-indivisaires qui ne saurait être inférieure à la somme de 162.000 euros,
- condamner l'indivision post-successorale au paiement de ladite indemnité de soin qui ne saurait être inférieure à la somme de 162.000 euros,
- infirmer la décision entreprise et déclarer que M. [P] [I] est bien fondé à bénéficier d'une créance de 750 euros à l'égard de l'indivision post successorale au titre du remboursement des frais exposés au titre de la valorisation de l'ensemble immobilier cédé à la société [36],
- condamner l'indivision post-successorale au paiement de ladite créance de 750 euros,
- infirmer la décision entreprise et déclarer que M. [P] [I] bénéficie d'une créance de 300 euros à l'égard de l'indivision post-successorale au titre du remboursement des frais exposés par lui pour permettre la vente des biens situés sur la commune d'[Localité 25] et de [Localité 35] à M. [Y],
- condamner l'indivision post-successorale au paiement de ladite créance de 300 euros,
- confirmer la décision entreprise et déclarer que M. [P] [I] bénéficie d'un bail à titre gratuit sur l'immeuble situé [Adresse 2] - [Localité 33],
- en conséquence, déclarer que M. [P] [I] ne saurait être redevable d'une quelconque indemnité d'occupation,
- débouter Mme [C] [R], Mme [W] [I] et Mme [X] [N] de toutes leurs demandes à ce titre et de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.
- infirmer la décision entreprise et déclarer que la valeur de l'immeuble situé [Adresse 2], [Localité 33] arrêtée à 91.000 euros ne sera confirmée qu'après réalisation d'un diagnostic termites et mérule concernant ledit bien, dont les frais seront intégrés au passif successoral,
- à défaut, pour le cas où la cour s'estimerait insuffisamment informée, ordonner une mesure d'expertise de l'immeuble dont s'agit pour obtenir une évaluation actualisée au jour le plus proche du partage, et ordonner que les frais afférents à ladite expertise soit affectés en frais privilégiés de partage,
- déclarer la vente des biens immobiliers situés commune de [Localité 35] et [Localité 25] au bénéfice de M. [Y] parfaite et ordonner l'intégration du prix de vente, soit la somme de 16.000 euros, à l'actif successoral,
- ordonner l'intégration des frais complémentaire de M. [P] [I] à hauteur de 300 euros au passif successoral,
- ordonner le rééquilibrage des comptes en tenant compte du caractère non rapportable de la donation, dont Mme [C] [R] a bénéficié, au plan fiscal.
- ordonner le rapport de la donation dont Mme [C] [R] a bénéficié à hauteur de la somme de 30.000 euros, comme acceptée.
- condamner Mme [C] [R], Mme [W] [I] et Mme [X] [N], solidairement, au paiement d'une somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Selon dernières conclusions en date du 3 janvier 2023, Mme [W] [I] et Mme [C] [I] demandent à la cour de :
- dire et juger recevable mais mal fondé l'appel formé par M. [P] [I],
en conséquence, confirmer la décision déférée,
- débouter M. [P] [I] de sa demande nouvelle au titre des 300 euros relative à la vente des parcelles de terrain de [Localité 35] et [Localité 25],
- dire et juger recevable et bien fondé l'appel incident formé par Mme [C] [R] et Mme [W] [I],
en conséquence, réformer la décision déférée,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que M. [P] [I] est bien redevable d'une indemnité d'occupation à l'indivision successorale depuis le décès de Mme [L] [U] veuve [I] le [Date décès 4] 2016 à hauteur de 500 euros par mois,
- condamner au besoin M. [P] [I] au paiement de cette somme,
- condamner M. [P] [I] à verser à Mme [C] [R] et Mme [W] [I] la somme de 15.000 euros titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi,
- condamner M. [P] [I] à verser à Mme [C] [R] et Mme [W] [I] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions en date du 29 mars 2024, Mme [X] [N] demande à la cour de :
- dire et juger irrecevable et mal fondé M. [P] [I] en son appel,
- en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes en appel,
- dire et juger recevable et bien fondée Mme [X] [N] en ses observations et son appel incident,
- en conséquence, réformer le jugement de première instance,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que M. [P] [I] est redevable d'une indemnité d'occupation à l'indivision successorale depuis le [Date décès 4] 2016 et jusqu'au règlement de la succession à hauteur de 500 euros par mois,
- condamner M. [P] [I] au paiement de cette somme,
- porter la somme de 16.000 euros correspondant à la vente des parcelles cadastrées C[Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et D[Cadastre 3] à [Localité 35] et [Localité 25] à l'actif de la succession,
- condamner l'indivision successorale à rembourser Mme [X] [N] de 150 euros pour le coût de l'évaluation du bien immobilier faite par agence,
- condamner M. [P] [I] à verser à Mme [X] [N] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner M. [P] [I] à verser à Mme [X] [N] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 21 mai 2024 et mise en délibéré au 2 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande de M. [I] au titre d'une créance de soins à hauteur de 162 000 euros
Sur la base de l'article 1303 du code civil, M. [P] [I] prétend que par son dévouement à l'égard de sa mère à compter de 2000, suite au décès de son époux M. [E] [I], il justifie d'une créance chiffrée à 162.000 euros.
Ce dévouement aurait pris la forme suivante :
- L'abandon de son activité professionnelle florissante en Asie,
- La renonciation à toute vie personnelle,
- La prise en charge quotidienne de sa mère, afin d'éviter un placement en maison de retraite,
- La compensation de l'abandon affectif de ses soeurs à l'égard de leur mère, celles-ci ayant totalement délaissé leur mère.
Ainsi que l'a rappelé à bon droit le jugement, la jurisprudence admet sur le fondement de l'enrichissement sans cause la possibilité d'indemniser le dévouement exceptionnel d'un enfant envers ses parents jusqu'à leur décès. Encore faut il qu'il y ait eu un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents, et que l'appauvrissement pour l'enfant dépasse les exigences de la piété filiale.
Mme [W] [I] et Mme [C] [I] s'opposent à cette demande de créance en faisant valoir que leur frère n'a pas démontré que son comportement auprès de leur mère aurait excédé la piété filiale, et ce alors même qu'il a bénéficié d'un logement à titre gratuit lorsqu'il était hébergé par celle-ci et qu'il était exonéré des charges courantes.
Mme [X] [N] s'oppose également à cette créance de soins au motif que son frère ne démontre qu'il se serait appauvri corrélativement à l'enrichissement alléguée de leur mère.
C'est par des motifs particulièrement développés que les débats en cause d'appel ne sont pas venus remettre en cause, que les premiers juges ont rejeté cette demande en relevant justement que :
- Si M. [I] a indiqué avoir été contraint de mettre fin à son activité professionnelle de kinésithérapeute en pleine ascension pour s'occuper de sa mère à compter du décès de leur père en 2000, il est cependant établi, par un extrait du registre des sociétés, qu'il a cessé son activité le 31 décembre 1996, soit quatre années avant le décès de son père et qu'il ne justifie aucunement avoir exercé une autre activité postérieurement à cette date, que ce soit en France ou en Asie.
Si en cause d'appel il soutient qu'il aurait mis fin à son activité afin de suivre une formation nécessaire au développement de son activité en Asie, notamment en Thaïlande, il ne justifie pas de démarches effectives et efficientes en ce sens. Ainsi que l'a souligné le jugement, le seul témoignage figurant au dossier, concernant ses séjours en Asie, émane de M. [S] [K] qui affirme que lors de ses voyages dans le Sud Est asiatique, M. [P] [I] prodiguait des soins au gré de ses rencontres. Il ne témoigne pour autant pas d'une implantation pérenne en un lieu donné, ni d'une ascension professionnelle brusquement interrompue par le décès de son père et son installation subséquente à [Localité 33].
- M. [I] échoue à démontrer avoir sacrifié sa vie personnelle pour pouvoir assister sa mère au quotidien. Le supposé lien avec une dame [D] dont il produit un mail dans lequel elle s'interroge sur la sincérité des sentiments de M. [I] à son égard et sur son projet de vie, ne donne aucune indication sur le sérieux de cette relation ni surtout les raisons de la fin de celle-ci.
- La production d'un article dans le journal local, La Dordogne Libre, établit que loin d'être constamment auprès de sa mère, M. [I] a multiplié les voyages en Asie durant les années 2000. Il se présente dans le reportage comme un praticien de la médecine douce en Asie, sans établir la réalité de cette activité professionnelle, mais révélant par contre une vie faite d'allers retours entre la Dordogne et l'Asie du sud est qui tranche avec l'affirmation d'un quotidien fait de soins constants apportés à sa mère.
- Son installation au domicile de sa mère ne date pas du décès de son père car en réalité il vivait déjà au domicile parental depuis toujours et y avait même installé son activité professionnelle de 1983 à 1996.
- Il échoue par ailleurs à démontrer les soins "constants" apportés, ce d'autant qu'il ressort d'un document du conseil que Mme [L] [U] veuve [I], dont il est constant qu'elle souffrait d'un déficit visuel depuis de très nombreuses années, n'a bénéficié d'une prise en charge par l'APA qu'à partir de septembre 2015 soit six mois seulement mois avant son décès, à hauteur de 8 heures par semaine, témoignant par suite qu'elle jouissait d'une relative autonomie dans les actes de la vie courante.
- Il échoue également à démontrer un appauvrissement de sa personne alors qu'il n'est pas contesté que depuis 1983, celui-ci vivait gratuitement au domicile de ses parents et y avait même installé son cabinet de kinésithérapie, que cet hébergement gratuit a perduré après le décès d'[E] [I] et jusqu'au propre décès de Mme [L] [U] veuve [I] en [Date décès 4] 2016 ; qu'il n'a jamais contribué au paiement de la moindre facture d'[30] / de gaz / de chauffage / impôts locaux / assurance, preuve étant d'un échange de mails entre les parties où M. [I] est catastrophé que ses s'urs aient fait couper les abonnements notamment téléphonique expliquant que la ligne est à son nom mais que le prélèvement se fait sur le compte de sa mère (Pièce 12 des intimées).
Par suite c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'aide apportée par M. [I] à sa mère n'a pas excédé la piété filiale puisqu'il a bénéficié durant toute cette période d'un logement gratuit, se targuant d'ailleurs d'avoir bénéficié d'un bail à titre gratuit pour faire obstacle à tout paiement d'une indemnité d'occupation, et qu'il a été exonéré de toutes les charges courantes de fonctionnement. Il ne justifie d'autre part ni de ses revenus ni de ses dépenses effectuées durant la période considérée de sorte qu'il est impossible d'établir son appauvrissement au bénéfice du confort de sa mère qu'il aurait assuré.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la décision querellée sera confirmée de ce chef.
- Sur l'indemnité d'occupation réclamée à M. [P] [I]
Mme [X] [N] soutient que M. [P] [I] est redevable d'une indemnité d'occupation pour être occupant du bien sis [Adresse 2] à [Localité 33], contestant que celui-ci puisse faire valoir le bail à titre gratuit que lui aurait accordé sa mère dont il revendique le bénéfice.
Elle doute par ailleurs du consentement éclairé de leur mère sur la nature gratuite du bail. Elle expose enfin que les contrats gratuits sont conclus intuitu personae, que l'article 1122 du code civil fait exception à la continuation du contrat après le contractant en présence d'une clause spéciale ou compte-tenu de la nature de la convention et qu'il n'est pas démontré que le contrat comportait une telle clause.
Mme [W] [I] et Mme [C] [I] réclament la même condamnation sur les mêmes fondements.
M. [P] [I] conteste être redevable d'une indemnité d'occupation en faisant valoir qu'il bénéficiait d'un bail d'habitation à titre gratuit sur le logement ainsi qu'un droit d'exploitation professionnelle sur le local en contrepartie de sa conservation et de sa gestion dans l'intérêt de l'indivision post successorale. Il prétend en outre qu'il n'est pas démontré que ce bail ait été résilié du vivant de Mme [L] [U] veuve [I] ou par ses ayant droits ni qu'il s'agissait d'un faux.
Aux termes de l'article 815-9 alinéa 2 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d'une indemnité à l'indivision.
Il est constant que la jouissance privative du bien indivis, si elle n'exige pas l'occupation effective et régulière de l'immeuble, implique l'impossibilité, de droit ou de fait, d'user du bien pour les autres indivisaires, du fait de l'indivisaire qui jouit de l'immeuble.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des intimées en paiement d'une indemnité d'occupation par leur frère dès lors qu'il a relevé avec justesse que :
- celui-ci a produit aux débats deux documents, l'un dactylographié, signé de Mme [T] [I] en date du 9 septembre 1983 par lequel elle déclare que son fils est bien locataire à titre gratuit d'un logement d'habitation dans sa maison sise au [Adresse 2] à [Localité 33] ; le second manuscrit signé également de Mme [T] [I] en date du 12 décembre 1983 par lequel elle autorise son fils à exercer son activité commerciale dans un immeuble lui appartenant sis au [Adresse 2] à [Localité 33], le local étant mis gratuitement à la disposition de celui-ci et comportant deux pièces au rez-de-chaussee d'une surface totale de 36 m².
- aucun élément probant ne permet d'établir que ces documents constitueraient des faux.
- l'absence d'enregistrement de ces baux ou d'actes signés ne permet pas de remettre en cause la validité d'un bail qui n'est soumise à aucune formalité substantielle, et ce dans un contexte où l'existence de ce bail vient dénier à l'appelant toute demande au titre d'une créance de soins.
- par ailleurs preuve n'est pas apportée que ce bail a été dénoncé et par suite nul ne peut contester le maintien de l'appelant dans les lieux.
Par suite le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mmes [N], [I] et [R] de leur demande en fixation d'une indemnité d'occupation.
- Sur la valeur de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 33]
M. [P] [I] soutient que l'estimation de la valeur du bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 33] doit être subordonnée à la réalisation d'un diagnostic termites et mérules dont les frais devront être intégrés au passif successoral puisque cette présence de nuisibles, qui affirme-t-il est établie par constat d'huissier, est de nature à rendre le bien insalubre et diminuer sa valeur.
Il soutient à titre subsidiaire qu'une nouvelle expertise immobilière doit être réalisée afin de valoriser le bien au jour le plus proche du partage.
Mme [W] [I] et Mme [C] [I] s'opposent à cette demande au motif que l'appelant n'avait pas relevé l'état insalubre du bien qu'il allègue au moment de la première expertise, ni formulé une quelconque demande à ce titre.
Mme [X] [N] relève pour sa part qu'il peut être fait grief à M. [P] [I] d'un défaut d'entretien du bien dont il est comptable.
Aux termes de l'article 829 du code civil, en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage, sauf si la Cour estime que l'intérêt des copartageants et la réalisation de l'égalité entre eux exigent de fixer une date antérieure.
Il ressort des éléments du dossier que ce bien a été attribué à M. [I] qui l'occupe depuis des années et ce bien avant l'expertise déposée par M. [H] qui l'a réalisée en tenant compte de l'état du bien, et a fixé une valeur sans qu'à l'époque M. [I] ne la conteste.
Il justifie sa demande au motif qu'il convient de s'assurer que le bien ne nécessite pas de travaux en raison de la présence de nuisibles. Mais le constat qu'il produit ne fait pas état d'une attaque parasitaire mais seulement d'infiltration.
Par ailleurs il s'évince de l'article 815-2 du Code civil qu'un indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation d'un bien indivis et obliger ses indivisaires à faire, avec lui, les dépenses nécessaires. Or, ainsi que l'a souligné le jugement, M. [I] ne fait pas état de dépenses conservatoires qui auraient été rendues nécessaires par l'état du bien.
Dans ce contexte, sans qu'il ne soit justifié de recourir à une mesure d'expertise qui ne ferait que palier à la carence de l'appelant dans l'administration de la preuve des allégations soutenues, il convient de confirmer la décision entreprise qui a rejeté cette demande.
- Sur la demande d'intégration des frais exposés au titre de la sommation interpellative
M. [P] [I] fait valoir que les frais exposés pour délivrer une sommation interpellative à la société [36] afin qu'elle acquiert les biens immobiliers qui dépendent de l'indivision successorale, biens qu'elle occupait sans droit ni titre, doivent être intégrés à l'actif successoral puisqu'il s'agit d'une mesure de gestion et d'administration obtenue avec l'aval de l'ensemble des cohéritiers, qui a permis d'éviter une procédure d'expulsion, de valoriser l'actif successoral et qu'elle relève des frais privilégiés de partage.
Mme [W] [I], Mme [C] [I] et Mme [X] [N] s'opposent à cette demande au motif qu'il n'a pas recueilli leur accord pour procéder à cette sommation interpellative.
Tout comme en première instance, M. [I] produit une facture de la Selarl [26], huissiers de justice à [Localité 33], acquittée le 12 septembre 2016, ainsi qu'une sommation interpellative en date du 8 septembre 2016 adressée à la société [36]. Cependant, c'est par des justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont affirmé que n'étant pas en mesure d'apprécier si ces frais ont été utiles à la solution d'un litige sur lequel aucun élément n'est produit, la créance est dépourvue de fondement.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
- Sur la créance de 150 euros réclamée par Mme [N] pour le coût de l'évaluation des parcelles AD n° [Cadastre 23] et [Cadastre 24] à [Localité 28]
Mme [N] a fait estimer par une agence immobilière, en novembre 2016, les terrains ayant pour référence cadastrale AD [Cadastre 24] et [Cadastre 23] à [Localité 28].
Faute pour Mme [N] de démontrer que cette estimation effectuée a été utile à la solution du litige et à l'évaluation des biens alors même qu'une expertise judiciaire avait été demandée par elle même et M. [I] dans l'assignation initiale délivrée dès les 23 et 29 août 2016 à leurs soeurs [W] et [C] [I], que cette mesure d'investigation a été diligentée, il convient de confirmer le jugement qui a rejeté cette demande.
- Sur les parcelles cadastrées C [Cadastre 11] / [Cadastre 12] / [Cadastre 13] / [Cadastre 14] et [Cadastre 15] et D[Cadastre 3] à [Localité 35] et [Localité 25]
Dans le cadre des opérations de partage, Mme [R] a fait connaître dès le départ sa volonté de conserver ces parcelles de terre.
M. [Z] les a évaluées à la somme de 6 200 euros.
Dans le cadre du partage, Mme [R] a fait une proposition à hauteur de 6 500 euros, proposition qui avait été acceptée par les parties, faisant que cette attribution figurait dans le partage et qui a été acté par le jugement entrepris.
Il s'établit cependant que l'ensemble des parcelles ont été vendues à M. [Y] le 02 juin 2022 pour une somme de 16 000 euros.
La décision déférée sera donc réformée en ce qu'il n'y a plus lieu d'attribuer ce bien à Mme [R], et la somme de 16 000 euros sera portée à l'actif de la succession ainsi que le réclament les intimées.
M. [I] réclame la somme de 300 euros au titre d'une créance pour les frais qu'il a exposés pour parvenir à cette vente qui profite à l'actif de la succession. Il produit au soutien de cette demande une facture émanant de son conseil sans qu'on ne puisse cependant relier la prestation effectuée par celui-ci à une quelconque diligence dans la vente évoquée.
Par suite il sera débouté de sa demande.
- Sur le rééquilibrage des comptes entre les parties
M. [I] vient réclamer un rééquilibrage des comptes eu égard à la fiscalité de la donation dont a bénéficié Mme [R] en novembre 1983.
Mme [W] [I] et Mme [C] [I] exposent que la donation dont Mme [C] [R] a bénéficié a déjà été assujettie à l'impôt et qu'elle ne peut subir une seconde imposition au moment du partage.
C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont rejeté la demande de l'appelant en indiquant qu'à l'occasion de la consultation du CRIDON effectuée par Maître [M], au mois de mars 2019, il a été répondu à M. [I], qui l'interrogeait sur le caractère taxable de la donation, que 'Mme [R] ayant déjà été taxée à l'époque de la donation, elle ne supportait pas de seconde taxation à l'occasion des opérations de partage successoral et qu'à tout le moins, M. [I] ne rapporte pas que la fiscalité à laquelle se trouve soumise cette donation crée un déséquilibre illégitime dans les droits des parties".
L'appelant échoue tout autant en cause d'appel à démontrer ce déséquilibre qu'il ne chiffre d'ailleurs pas.
Le jugement est confirmé.
- Sur le rapport de la donation faite à Mme [R]
Mme [R] n'a jamais contesté qu'elle devait rapporter à la succession la donation dont elle avait bénéficié.
Ce rapport a été calculé par M. [Z], Expert Judiciaire à hauteur de 28 000 euros.
M. [I] demande à voir fixer la valeur de ce rapport à 30.000 euros au motif que Mme [R] aurait en réalité accepté de fixer à 30 000 euros la valeur de la donation rapportable.
Mais c'est avec justesse que les premiers juges ont affirmé que dès lors que la proposition qui avait été faite par Mme [R] d'évaluer à 30 000€ le bien rapportable tenait compte d'un potentiel accord global entre les indivisaires portant sur différentes dispositions, que cet accord n'a pu être concrétisé, en l'absence d'évaluation contraire produite aux débats, il convient de retenir l'évaluation de l'expert judiciaire et d'ordonner le rapport de la donation à hauteur de la somme de 28.000 euros.
La décision querellée sera confirmée sur ce point.
- Sur les demandes de Mme [C] [R], Mme [W] [I] et Mme [N] en dommages et intérêts contre M. [P] [I] pour résistance abusive, préjudice moral et financier
C'est par des motifs pertinents que les débats en cause d'appel ne sont pas venus remettre en cause et que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive dans le cadre d'un litige successoral ou chacune des parties a pu voir une partie de ses prétentions admises et d'autres rejetées.
Il convient donc de confirmer la décision de ce chef.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de M. [P] [I] les dépens exposés en première instance et l'a condamné à payer à chacune des intimées la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Echouant pour l'essentiel en cause d'appel, M. [P] [I] sera condamné aux dépens et à verser à chacune des intimées la somme de 3 000 euros en remboursement des frais irrépétibles qu'elles ont dû engager.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 4 novembre 2019 par le tribunal judiciaire de Périgueux sauf en ce qu'il dit que les parcelles sises sur la commune d'[Localité 25] cadastrées section C [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] et sur la commune de [Localité 35] cadastrée section D [Cadastre 3] seront attribuées à Mme [C] [R] née [I], moyennant la somme de 6.500 euros ;
Statuant à nouveau,
Dit qu'il n'y a plus lieu d'attribuer à Mme [R] les parcelles sises sur la commune d'[Localité 25] cadastrées section C [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] et sur la commune de [Localité 35] cadastrée section D [Cadastre 3] ;
Dit que la somme de 16.000 euros correspondant à la vente des parcelles cadastrées C [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] et D[Cadastre 3] à [Localité 35] et [Localité 25] sera portée à l'actif de la succession ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne M. [P] [I] aux dépens exposés en cause d'appel ;
Condamne M. [P] [I] et à verser à chacune des intimées la somme de 3 000 euros en remboursement des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,