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09/07/2024 | FRANCE | N°24/02348

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 09 juillet 2024, 24/02348


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



--------------------------







ARRÊT DU : 09 JUILLET 2024







N° RG 24/02348 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYZF









[T] [W] [E]



c/



[A] [J] [X] [YX] [W] [E]

























Nature de la décision : AU FOND





















29A



Grosse d

élivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 avril 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 21/05332) suivant déclaration d'appel du 17 mai 2024



APPELANT :



[T] [W] [E]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 22]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 11]


...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 JUILLET 2024

N° RG 24/02348 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYZF

[T] [W] [E]

c/

[A] [J] [X] [YX] [W] [E]

Nature de la décision : AU FOND

29A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 avril 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 21/05332) suivant déclaration d'appel du 17 mai 2024

APPELANT :

[T] [W] [E]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 22]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 11]

Représenté par Me Alexandre BIENVENU de la SELARL RAMURE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

[A] [J] [X] [YX] [W] [E]

né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 16]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 10]

Représenté par Me Valérie JANOUEIX de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Doris SIEURIN, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du cpc, l'affaire a été débattue le 11 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Danièle PUYDEBAT et Isabelle DELAQUYS, conseillères, chargées du rapport

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Présidente : Hélène MORNET

Conseillère : Danièle PUYDEBAT

Conseillère : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Véronique DUPHIL

Greffière lors du prononcé : Florence CHANVRIT

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] [W] [E] et M.[O] [Z] se sont mariés le [Date mariage 12] 1964 et n'ont pas eu d'enfant.

L'époux est décédé le [Date décès 9] 2016.

Un testament daté du 3 juin 2018 au nom de Mme [W] [E] a été déposé le 28 juillet 2018 chez Me [D] [U], notaire à [Localité 24] (35), instituant son frère, M. [T] [W] [E], légataire universel et révoquant toute disposition antérieure.

Mme [N] [W] [E] est décédée le [Date décès 3] 2020.

Contestant la validité du testament, M. [A] [W] [E], neveu de la défunte a, par acte d'huissier en date du 9 juin 2021, assigné son oncle [T] [W] [E] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, qui a ordonné avant dire droit une expertise le 20 octobre 2022.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 16 novembre 2023.

Par jugement en date du 18 avril 2024, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté M. [A] [W] [E] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [A] [W] [E] à verser à M. [T] [W] [E] la somme de 36.865 euros au titre du préjudice subi du fait de l'application de pénalités fiscales liées au blocage du règlement de la succession et la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral éprouvé,

- condamné M. [A] [W] [E] à verser à M. [T] [W] [E] la somme 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [A] [W] [E] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.

Procédure d'appel :

Par déclaration d'appel en date du 23 avril 2024, M. [A] [W] [E] a formé appel du jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Par ordonnance en date du 15 mai 2024, la présidente de la troisième chambre civile de la cour, saisie par requête de M. [T] [W] [E], l'a autorisé à assigner à jour fixe M. [A] [W] [E] pour l'audience du 11 juin 2019.

Selon dernières conclusions en date du 27 mai 2024, M. [A] [W] [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement des chefs déférés,

Statuant à nouveau,

Avant dire droit,

- ordonner une nouvelle expertise et nommer tel expert qu'il plaira ayant pour mission de :

* prendre connaissance des documents en la cause,

* se faire remettre ou consulter au greffe de la juridiction de céans, l'original dudit testament, dans les conditions prévues par l'article 292 du code de procédure civile,

* convoquer les parties en présence de l'original du testament,

* recueillir les explications des parties, s'entourer de tous renseignements ou se faire remettre tous documents, éléments ou pièces de comparaison utiles,

* procéder à une expertise en écriture du contenu du testament et de la signature et dire si selon lui ce testament a été écrit de la main de la défunte [Z] ou si cela émane d'une tierce personne,

* fournir au tribunal tout élément lui ayant permis de se prononcer,

* communiquer aux parties un pré rapport en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de dires respectifs auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,

- ordonner la communication des pièces médicales suivantes par l'héritier, ou à défaut autoriser M. [A] [W] [E] à se faire remettre les pièces suivantes :

*Dossier médical du Pr [M] de la clinique mutualiste à [Localité 23],

*Dossier médical de l'anesthésie de cette même clinique,

*Dossier médical de la maison de retraite des [19] à [Localité 17],

*Dossier médical des soins de suite [21] à [Localité 27],

*Dossier médical du CHU de [Localité 15],

*Dossier médical de la clinique [13] en service gériatrie,

*Dossier médical du Dr [ZT],

*Dossier médical du service des soins infirmiers à domicile de janvier 2016 jusqu'au décès,

- ordonner La comparution personnelle des personnes ayant attesté dans le dossier, à savoir :

*Mme [R], [X], [YK] [ZE] née le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 26],

*Mme [X], [I] [S] [YZ] née le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 18],

*Mme [C] [V] [L] née le [Date naissance 7] 1957 à [Localité 25],

*M. [F] [X] [B] [K] [W] [E] né le [Date naissance 8] 1967 à [Localité 24],

*M. [H] [X] [T] [W] [E] né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 20],

Sur le fond,

A titre principal,

- juger que le testament de juin 2018 est un faux en écriture privé et est dénué de toute force probante et annuler les opérations de succession, legs et envoi en possession réalisées par Maître [U],

A titre subsidiaire,

- juger que Mme [X] [Z] n'était pas saine d'esprit et/ou qu'elle a agi sous contrainte, au moment de l'établissement et de la signature de son testament prétendu établi le 3 juin 2018,

En tout état de cause,

- annuler le testament de juin 2018,

- juger que la succession de Mme [X] [Z] sera répartie par souches, conformément à ses dernières volontés, et renvoyer les parties devant le notaire de leur choix pour procéder aux opérations de succession et de partage,

- débouter M. [T] [W] [E] de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de 85.000 euros au titre de la dépréciation du bien,

- condamner M. [T] [W] [E] à verser à M. [A] [W] [E] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [T] [W] [E] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Selon dernières conclusions en date du 30 mai 2024, M. [T] [W] [E] demande à la cour de :

- débouter M. [A] [W] [E] de toutes ses demandes, fins moyens et conclusions,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [A] [W] [E] de sa demande en nullité de testament et au paiement de la somme de 36.865 euros au titre de la pénalité fiscale mise à la charge du concluant,

- réformer le jugement en ce qui concerne l'indemnisation de la dépréciation de la propriété de [Localité 27] et du préjudice moral du concluant,

- condamner M. [A] [W] à payer à M. [T] [W] [E] :

* 85.000 euros au titre des frais de conservation et de dépréciation de la propriété de [Localité 27],

* 50.000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner M. [A] [W] [E] à payer à M. [T] [W] [E] une indemnité de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [A] [W] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'affaire a été plaidée à l'audience collégiale du 11 juin 2024 et mise en délibéré au 9 juillet 2024.

DISCUSSION :

- Sur la régularité du testament,

L'article 901 du code civil dispose que pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence. La preuve de l'insanité d'esprit du testateur, de l'erreur, du dol ou de la violence, incombe à celui qui agit en annulation du testament.

L'article 970 prévoit quant à lui que le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.

L'article 302 du code de procédure civile précise que si le défendeur entend se servir de l'écrit sous seing privé argué de faux, il est procédé à la vérification d'écriture et c'est pourquoi une expertise graphologique a été ordonnée par jugement avant dire droit.

L'appelant ne précise pas sur quel texte de loi il fonde sa demande, mais il persiste à soutenir, à titre principal, que le testament établi par sa tante serait un faux en écriture privé et, à titre subsidiaire, qu'il aurait été rédigé alors qu'elle n'était pas saine d'esprit ou sous la contrainte.

Des pièces régulièrement communiquées par les parties et de leurs écritures il convient de retenir que le couple de [G]/[W] [E] n'a pas eu d'enfant et que le mari, décédé le premier, a laissé son épouse donataire en pleine propriété d'immeubles, notamment à [Localité 27] (33).

[A] [W] [E] a pu espèrer hériter de la propriété de [Localité 27] appartenant à ses oncle et tante, dès lors que son oncle, mari de la défunte, avait établi un écrit le 3 septembre 2011 par lequel il avait indiqué que s'il survivait à son épouse, il lui léguait ledit immeuble.

Mais M.[Z] est décédé avant son épouse le [Date décès 9] 2016, sans testament, et dès le 2 juillet 2008, Mme [W] [E] avait établi un premier testament prenant des dispositions en faveur de son frère [T] et le désignant comme légataire universel.

Il est établi par ailleurs que le testament litigieux, rédigé le 3 juin 2018, a été remis par [T] [W] [E] au notaire Me [U] le 24 juillet 2018, jour où Mme [W] [E] a subi un second AVC.

Mais cependant, aucune pièce de l'appelant ne permet de remettre en doute les écritures de l'intimé aux termes desquels il avait déposé le testament en l'étude du notaire en début d'après-midi et qu'il n'a été averti de l'hospitalisation de sa soeur que le soir vers 21 heures 30, se rendant à son chevet le lendemain, lui-même vivant à [Localité 24] et sa soeur à [Localité 27].

En l'absence d'héritier réservataire de la défunte, rappelant que [A] [W] [E] n'est qu'un de ses très nombreux neveux, lesquels autres neveux ne se sont pas joints à la procédure qu'il a engagée, la succession a été vite réglée et aucun reproche sérieux ne peut être fait à l'encontre du notaire, dont au surplus l'appelant ne recherche pas la responsabilité.

Mais elle a été indéniablement bloquée, notamment au niveau fiscal, par le positionnement de [A] [W] [E].

Ainsi, et à sa demande, une expertise judiciaire a été ordonnée. L'experte judiciaire, Mme [P], a examiné l'original du testament chez le notaire, sans convoquer les parties, ce que se plaît à souligner l'appelant sans toutefois en tirer aucune conséquence juridique.

En tout état de cause, la méthode de l'expert ne souffre d'aucune critique et jamais l'annulation de son rapport n'a été sollicitée par [A] [W] [E]. Ainsi, il a pu répondre au pré-rapport de l'expert, lui communiquer l'ensemble des pièces qu'il estimait utiles aux débats et former tous les dires qu'il souhaitait.

L'expert conclut que "rien ne s'oppose à ce que Mme [W] [E] soit l'auteur (rédacteur et signataire) de l'intégralité du testament olographe rédigé et signé sous son nom à la date du 3 juin 2018".

[A] [W] [E] demande néanmoins que la cour diligente une nouvelle mesure d'expertise portant sur le testament au visa d'une expertise graphologique amiable qu'il a fait effectuer par Mme [Y], elle-même expert près la cour d'appel de Rennes, ainsi que d'un rapport d'une socité de graphologie, écrits dont il retire, selon lui, sans équivoque, que le testament n'a pas été rédigé par la défunte, sa tante, qu'il a été écrit et signé de deux mains différentes et qu'en conséquence de quoi, ce testament serait un "faux", ce qui lui a permis de porter plainte contre son oncle de ce chef.

Il convient toutefois de rappeler que Mme [Y] a réalisé une expertise non contradictoire, à la demande de [A] [W] [E], et n'a pas eu en main l'original du testament, se livrant à une comparaison avec deux cartes postales datées des 30 août 2008 et 28 novembre 2009 de la main de la défunte, ce qui ôte tout intérêt à son travail en ce que les documents ne sont pas contemporains du testament et qu'entre temps, Mme [W] [E] avait subi un AVC le 27 février 2017.

Quant à la seconde comparaison réalisée par la même avec une enveloppe contenant ledit testament, il est établi que cette enveloppe a été annotée par le notaire Me [U] alors même que Mme [Y] conclut que les dates "1926" dans le testament et sur l'enveloppe seraient "compatibles", ce qui n'est pas crédible sauf à retenir que les deux écrits émaneraient du notaire , ce qui n'est pas soutenu par l'appelant.

"L'agence [14]", elle-même désignée par [A] [W] [E], dans un rapport qui n'est pas contradictoire, a cependant pris la précaution d'affirmer que ses conclusions souffrent de ne pouvoir être confrontées avec des documents originaux, ce qui enlève toute crédibilité au rapport .

Il convient de rappeler que, bien qu'il disposât déjà de ces deux rapports, l'appelant a lui-même sollicité une expertise graphologique judiciaire et qu'il ne peut désormais conclure à la nécessité d'une nouvelle expertise du simple fait de la contradiction entre les rapports amiables et le rapport judiciaire.

Par ailleurs et pour répondre aux critiques de l'appelant portant sur le rapport judiciaire lui-même, il sera rappelé que l'expression "rien ne s'oppose" ne signifie pas que l'expert aurait eu des doutes ou que la cour devrait en avoir, le raisonnement de l'expert pour parvenir à ses conclusions ne présentant aucune faille ni aucune incohérence et l'appelant en tout état de cause, ne faisant état d'aucun élément nouveau et notamment des éléments de comparaison contemporains permettant de douter des conclusions expertales.

[A] [W] [E] se réfère en outre à des attestations (pièces 14, 15, 22, 23, 30, 31, 32 et 35) dont il retire que sa tante ne signait plus aucun document ni n'écrivait plus depuis 2013, qu'elle aurait subi de la contrainte et même de la violence de la part de son frère pour rédiger son testament et qu'elle était insane d'esprit.

Il convient cependant de constater qu'aucune demande de communication de pièces médicales et/ou d'expertise médicale concernant la défunte n'a été formée en cours de mise en état de première instance par [A] [W] [E] qui affirmait pourtant dès l'assignation l'insanité d'esprit de sa tante. Ainsi il ne peut sérieusement mettre en avant, pour en conclure que l'intimé veut dissimuler l'état de santé réelle de sa soeur, une sommation tardive qu'il a délivrée le 6 février 2024 alors qu'il avait reçu le 29 novembre 2023 injonction de conclure avant le 10 février.

Il doit être rappelé en tout état de cause que si Mme [W] [E] avait fait un premier AVC le 27 février 2017, soit avant la rédaction de son testament, elle n'avait pas conservé de séquelles intellectuelles mais uniquement physiques, lui permettant toutefois de demeurer à son domicile, assistée d'aides de vie, mais ayant certainement affecté sa capacité à écrire aisément.

Cependant, son médecin traitant a affirmé le 5 mars 2021 qu'elle ne présentait pas de démence malgré le handicap due à son hémiplégie alors même qu'elle avait eu un second AVC le 24 juillet 2018, soit postérieurement à la rédaction du testament querelé.

Il s'impose dans ces conditions de rejeter la demande de communication des pièces médicales telle que formée par l'appelant.

En second lieu, la cour rejetera la demande d'audition des attestants, fondée de manière tout à fait fantaisiste, sur le fait que [A] [W] [E] n'adhère pas à la lecture des attestations faite par le premier juge, la cour lui rappelant qu'elle procède elle-même à la lecture de toutes les pièces versées aux débats et qu'elle en tirera toutes conséquences sans qu'il lui soit utile d'entendre de vive voix les attestants.

Au fond, les attestations rédigées par Mme [ZE], nettement à charge contre M.et Mme [T] [W] [E], font certes état de contrainte, voire de violence, à l'encontre de la défunte par les premiers.

Elles ne sont toutefois confirmées par aucune pièce objective versée aux débats alors qu'au contraire, ses écrits sont éminemment subjectifs et font état en réalité du ressenti de Mme [ZE], qui lui est tout à fait personnel, de ses déductions et de ses interprétations de faits, ainsi que de ce qu'elle qualifie elle-même de sa "ferme conviction".

Or, il convient de rappeler que Mme [ZE] n'a été assistante de vie auprès de la défunte qu'à compter du mois d'avril 2017, embauchée par [T] [W] [E], jusqu'à sa démission, dont les raisons sont passées sous silence par l'appelant, fin juin 2018 mais semble-t-il effective à compter de la fin de l'année 2018 et que ses attestations, à vouloir trop prouver, se retournent in fine contre Mme [ZE] qui n'hésite pas à écrire "je termine en pensant que l'exemplaire du testament de M.de [G] en faveur de [A] est chez le notaire" alors qu'il n'y a jamais eu de testament déposé chez aucun notaire par ce défunt et qu'il lui est demandé d'attester de faits auxquels elle a personnellement assistés et non pas de "penser".

D'autre part, les attestations versées aux débats par l'appelant dont il retire que sa tante n'écrivait plus depuis 2013 et qu'elle était insane d'esprit cèdent devant la procuration qu'elle a signée à la banque postale le 5 juin 2015 et surtout celle accordée devant notaire le 12 septembre 2017, lequel n'aurait pas manqué de la refuser s'il avait constaté que Mme [W] [E] ne disposait pas de toutes ses capacités intellectuelles et/ou physique pour donner procuration à l'intimé.

Il est logique cependant que les difficultés de santé de la défunte, l'âge, l'évolution généralisée des moyens de communication, l'aient conduites à écrire moins, pour autant il n'est pas établi qu'elle était totalement incapable de le faire à la date de la rédaction du testament. De même que l'hypothèse qu'elle ait volontiers délégué à son époux la gestion financière du ménage, n'est pas une preuve de cette incapacité, compte tenu du milieu familial et de la date de naissance et de mariage des époux [Z]/[W] [E].

Enfin, outre que l'appelant échoue à démontrer le "comportement colérique" de son oncle, la cour constate qu'un tel comportement allégué n'implique pas ipso facto qu'il ait établi un faux testament ni qu'il ait contraint d'une manière ou d'une autre sa soeur à établir un testament en sa faveur.

Dès lors, il s'impose de confirmer la décision déférée et de rejeter les demandes d'expertise, de communication de pièces médicales, de comparution personnelle des personnes ayant attesté, de débouter l'appelant de sa demande de juger que le testament "est un faux en écriture privé" et que "Mme [W] [E] n'était pas saine d'esprit et/ou qu'elle aurait agi sous contrainte au moment de l'établissement et de la signature du testament prétendu établi le 3 juin 2018", ainsi que de sa demande d'annuler ledit testament et de juger que la succession de la défunte sera en conséquence répartie par souches.

- Sur le préjudice,

La décision déférée a retenu que le préjudice de [T] [W] [E] était constitué par le montant des pénalités réclamées par l'administration fiscale à hauteur de 36 865 € à l'époque et son préjudice moral évalué à 2 000 €, le premier en raison du lien direct avec le comportement de [A] [W] [E] qui n'avait pas permis la vente d'une partie de l'actif, le second en raison des accusations de faux, de contrainte exercée sur la défunte par son frère et de la plainte pénale suivie d'une audition de l'intimé au commissariat de police de [Localité 24] le 16 janvier 2023. Elle a rejeté en revanche la demande liée à la dépréciation de l'immeuble de [Localité 27].

Il est désormais établi que les droits de succession s'élèvent à 1 105 936 €, que [T] [W] [E] a réglé la somme de 368 645 € et qu'il reste dû celle de 737 291 €. L'administration fiscale refuse de différer le paiement desdits droits.

C'est à tort que l'appelant soutient que le juge aurait "inversé la charge de la preuve" au motif que son oncle ne démontrerait pas qu'il aurait cherché à vendre les actifs de succession pour régler les droits, qu'il serait responsable de son préjudice pour n'avoir pas respecté l'échéancier proposé par l'administration fiscale, enfin qu'il subirait un préjudice certain. Il ajoute qu'il ne justifierait d'aucun péril.

Il convient de rappeler cependant que la présidente de cette chambre a autorisé [T] [W] [E] à assigner à jour fixe et que l'appelant ne peut juridiquement le contester, le péril étant au surplus parfaitement justifié par la mise en demeure de l'administration fiscale de régler la somme de 775 000 euros environ et la saisie administrative diligentée en octobre 2023. La cour rappelle par ailleurs que, malgré les critiques de l'appelant de ce chef, le principe du contradictoire a été respecté, les deux parties ayant disposé du temps nécessaire pour conclure devant la cour.

Il n'est pas contestable en outre que, sans vendre une partie des actifs, l'intimé ne peut régler cette somme, que toute vente est bloquée par la procédure engagée par l'administration fiscale, qu'en l'absence de toute indivision entre les parties, l'intimé ne pouvait solliciter l'autorisation de vendre sur le fondement de l'article 815-5 du code civil, ainsi que l'affirme à tort l'appelant, et qu'il est pour le moins osé de soutenir que, pour régler lesdits droits, l'intimé aurait dû purement et simplement souscrire un prêt.

Il s'impose dans ces conditions de confirmer la décision déférée sur cette première condamnation.

Quant à la dépréciation de l'immeuble depuis le décès de Mme [W] [E], celle-ci ne résulte pas suffisamment des constatations en pièce 31, 32 et 33 de l'intimé, qui, certes, établissent que des squatteurs ont été temporairement présents dans l'immeuble de [Localité 27], mais qu'ils en ont été expulsés, et que l'immeuble n'a souffert, in fine, que de très légères dégradations.

Par ailleurs, [T] [W] [E] devenant propriétaire de l'immeuble de [Localité 27], il ne peut faire état, au titre de son préjudice matériel, de l'obligation de supporter la charge des assurances, taxes foncières et sur les logements vacants afférents, alors que, résidant lui-même à [Localité 24], il n'a pas exprimé l'intention d'habiter l'immeuble de [Localité 27].

La décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté ce second chef de préjudice.

Enfin, quant au préjudice moral, il est avéré par les termes et les allégations injurieux employés par l'appelant à l'égard de son oncle dans ses écritures, [A] [W] [E] procédant de manière répétée par affirmations non étayées. Il convient par ailleurs de retenir qu'il n'a pas hésité à porter une plainte pénale contre son oncle, qui, né en 1945, a été interrogé par la police, sa plainte ayant été classée sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée, ce qui, au vu en outre de l'expertise judiciaire, aurait dû le conduire à plus de prudence dans ses écritures.

La légitimité de [A] [W] [E] à agir en justice, qui n'est pas contestée, ne l'autorise pas à faire preuve d'une telle agressivité et le préjudice en résultant pour son oncle n'est pas suffisamment réparé par l'octroi d'une somme de 2 000 euros ; la décision sera infirmée de ce chef et la somme allouée fixée à 10 000 euros.

[A] [W] [E] sera en outre condamné aux dépens d'appel et à verser à [T] [W] [E] la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision étant confirmée en ce qu'elle a condamné [A] [W] [E] à verser une indemnité pour frais irrépétibles de 3 000 euros et aux dépens comprenant les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant après rapport fait à l'audience,

CONFIRME la décision déférée sauf en ce qui concerne le préjudice moral ;

Statuant de nouveau de ce chef,

CONDAMNE M.[A] [W] [E] à verser à M.[T] [W] [E] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M.[A] [W] [E] aux dépens d'appel et à verser à M.[T] [W] [E] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Florence CHANVRIT, Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffiére, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 24/02348
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;24.02348 ?
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