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25/07/2024 | FRANCE | N°22/01358

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre expropriations, 25 juillet 2024, 22/01358


ARRET RENDU PAR LA



COUR D'APPEL DE BORDEAUX



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Le : 25 Juillet 2024





CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS



N° de rôle : N° RG 22/01358 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTJC









INCITE BORDEAUX METROPOLE TERRITOIRES



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Madame [V] [O]

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT























Nature de la décision : AU FOND







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Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.



Le 25 Juillet 20...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 25 Juillet 2024

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

N° de rôle : N° RG 22/01358 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTJC

INCITE BORDEAUX METROPOLE TERRITOIRES

c/

Madame [V] [O]

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 25 Juillet 2024

Par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE DE L' EXPROPRIATION, a, dans l'affaire opposant :

INCITE BORDEAUX METROPOLE TERRITOIRES,

[Adresse 2]

représentée par Maître Isabelle CARTON DE GRAMMONT, avocat au barreau de BORDEAUX

Appelante d'un jugement rendu le 09 septembre 2021 par le juge de l'expropriation du département de la Gironde suivant déclaration d'appel en date du 16 mars 2022,

à :

Madame [V] [O], née le 26 Mai 1978 à [Localité 13]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Laurent SUSSAT substitué par Maître Marie RIGAL, avocats au barreau de BORDEAUX

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT,

Direction Régionale des Finances Publiques - Pôle d'évaluation domaniale [Adresse 1]

Comparant en la personne de Monsieur [W] [J], inspecteur divisionnaire des finances publiques.

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 22 mai 2024 devant :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseillère, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseillère,

Greffier lors des débats : François CHARTAUD

en présence de Monsieur [W] [J], inspecteur divisionnaire, entendu en ses conclusions,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du siège ci-dessus désignés.

FAITS ET PROCÉDURE

Par délibération du 2 juillet 2002, le conseil municipal de la ville de [Localité 12] a engagé une opération de requalification urbaine dans le centre historique de [Localité 12]. La société anonyme d'économie mixte InCité [Localité 12] La Cub, devenue InCité Bordeaux Métropole Territoires (ci-après InCité) a, par conventions du 25 juillet 2002 et du 22 mai 2014, été désignée attributaire de la concession d'aménagement de ce secteur.

Dans le cadre de cette opération, le préfet de la Gironde a, par arrêtés en date des 7 et 18 décembre 2018, déclaré d'utilité publique les travaux de restauration immobilière notamment de l'immeuble en copropriété édifié sur la parcelle cadastrée section DB [Cadastre 4], située [Adresse 8], et autorisé la société InCité à acquérir, soit à l'amiable, soit par voie d'expropriation, les lots de cet immeuble.

Par courrier en date du 13 mai 2019, la société InCité a notifié à Madame [V] [O], propriétaire du lot de copropriété n°4 constitué d'un appartement et des cent-quatre-vingt-dix-huitdix-millièmes des parties communes de cet immeuble, un programme de travaux obligatoires.

Madame [O], exerçant son droit de délaissement, a, par courriel du 3 juillet 2019 puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2019 reçue le 22 octobre suivant, mis en demeure la société InCité d'acquérir son bien en application des articles L. 241-1 et R. 241-1 du code de l'expropriation, puis, à défaut d'accord amiable, a saisi le juge de l'expropriation de la Gironde le 15 janvier 2021 aux fins de fixation des indemnités lui revenant pour la dépossession de son bien.

Par jugement prononcé le 9 septembre 2021, le juge de l'expropriation, qui s'était préalablement transporté sur les lieux le 3 mai 2021, a statué ainsi qu'il suit :

- prononce le transfert de propriété au profit de la société anonyme d'économie mixte InCité Bordeaux Métropole Territoires du lot n° 4 et des 198 dix millièmes des parties communes de l'immeuble situé section DB [Cadastre 4] située [Adresse 8] à [Localité 12] appartenant à Madame [V] [O] ;

- fixe en contrepartie le prix de cette parcelle à la somme de 156.830 euros ;

- condamne la société anonyme d'économie mixte InCité Bordeaux Métropole Territoires à payer à Madame [V] [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société anonyme d'économie mixte InCité Bordeaux Métropole Territoires aux dépens.

La société anonyme d'économie mixte InCité Bordeaux Métropole Territoires a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 16 mars 2022.

***

La société InCité a déposé son mémoire d'appelante, accompagné de 27 pièces, le 15 juin 2022.

Ils ont été notifiés le 5 septembre 2022 - et reçus le 7 septembre - au commissaire du gouvernement et au conseil de Mme [O], qui s'était constitué le 1er avril précédent.

L'appelante y demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 9 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a fixé à 141.644 euros le prix du bien et 15.166 euros l'indemnité de remploi dues par InCité à Madame [O] pour la dépossession du lot n° 4 et quatre-vingt-dix-huit millième des parties communes afférentes de l'immeuble soumis au régime de la copropriété [Adresse 8] ;

- de fixer le prix du lot n° 4 et des quatre cent quatre-vingt dix millième de parties communes afférentes de l'immeuble soumis au régime de la copropriété sis [Adresse 7] comme suit :

-indemnité principale : soit 37m² x 3 200 euros/m² = 118.400 euros soit 94.720 euros en valeur occupée ' 41.958 euros = 52.762euros ;

-indemnité de remploi :

20 % sur 5.000 euros : 1.000 euros ;

15 % entre 5.000 euros et 15.000 euros : 1.500 euros ;

10 % au-delà : 3.776 euros ;

total remploi : 6.276 euros

Soit un prix total de 59.038 euros (valeur occupée)

***

Madame [V] [O] a déposé ses conclusions d'intimée le 15 septembre 2022, qui ont été notifiées le 23 septembre suivant au commissaire du gouvernement et au conseil de la société InCité.

L'intimée y demande à la cour de :

Vu les articles L241-1 et suivants du code de l'expropriation,

- confirmer le jugement entrepris ;

En conséquence,

- fixer à 141.664 euros le prix de l'immeuble ;

- fixer à 15.166 euros l'indemnité de remploi ;

- condamner la société InCité au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

***

La société InCité a déposé un deuxième mémoire le 19 janvier 2023, accompagné de six nouvelles pièces.

Ils ont été notifiés le 20 janvier suivant au conseil de Mme [O] et au commissaire du gouvernement, lesquels l'ont reçu le 23 janvier 2023.

Monsieur le commissaire du gouvernement, qui avait reçu le 7 septembre 2022 un mémoire incomplet de l'appelante, a été destinataire le 23 janvier 2023 de la totalité du mémoire de la société InCité et a déposé un mémoire le 19 avril 2023, qui a été notifié le 24 avril suivant aux conseils respectifs de l'appelante et de l'intimée, lesquels l'ont reçu le lendemain.

Le commissaire du gouvernement y demande à la cour de confirmer le jugement déféré et propose donc d'allouer à Mme [O] une somme de 156.830 euros au titre de la dépossession de son bien.

La société InCité a déposé un troisième mémoire le 1er août 2023, accompagné de dix nouvelles pièces.

Ce mémoire et les pièces ont été notifiés le 29 août 2023 au commissaire du gouvernement et au conseil de Mme [O], qui les ont reçus le 4 septembre suivant.

Il y est rectifié, au dispositif des conclusions, une erreur portant sur la numérotation de l'immeuble concerné.

Mme [O] a déposé un deuxième mémoire le 7 mai 2024, qui a été notifié à l'expropriante et au commissaire du gouvernement le 27 mai suivant.

Elle y porte à la somme de 10.000 euros la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

A l'audience, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'éventuelle irrecevabilité des conclusions de Mme [O] et à communiquer les décisions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 8] antérieures au 9 septembre 2021, date du transfert de la propriété du bien litigieux.

La société InCité a communiqué une note en délibéré le 4 juin 2024, accompagnée d'une pièce n°44 ; ces documents ont été notifiés aux autres parties le lendemain.

Mme [O] a déposé une note en délibéré le 12 juin 2024, qui a été notifiée le même jour aux autres parties et à laquelle a répondu la société InCité le lendemain.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité des conclusions de Mme [O]

1. L'article R.311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose :

« A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction. (...)

Le commissaire du Gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.(...)»

2. Il résulte de ce texte que l'intimé doit déposer au greffe de la cour, ou lui adresser, non seulement ses conclusions mais également les documents qu'il entend produire, un bordereau de communication de pièces n'étant pas suffisant à cet égard faute de production des pièces qui y sont désignées.

3. En l'espèce, il doit être relevé que Mme [O] n'a pas déposé au greffe dans le délai de trois mois courant à compter de la réception du mémoire de l'appelante soit le 7 septembre 2022, ni par courrier ni par le RPVA, les pièces détaillées au bordereau annexé à ses conclusions.

4. Il y a donc lieu de déclarer ses conclusions irrecevables, ainsi que les pièces à l'appui, étant rappelé qu'il est constant en droit que, en vertu des dispositions de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile, l'intimé dont les conclusions sont déclarées irrecevables est réputé ne pas avoir conclu et s'être approprié les motifs du jugement attaqué.

2. Sur la date de référence

5. L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose :

« Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.»

Il résulte des dispositions combinées des articles L.322-1 et L.322-2 du même code que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété. Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 du code de l'expropriation ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L. 121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.

Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

6. Il est constant en droit que la date de référence doit elle-même s'apprécier à la date de la décision de première instance, soit en l'espèce le 9 septembre 2021.

Il est également de principe qu'une modification du plan local d'urbanisme qui n'affecte pas les caractéristiques de la zone litigieuse, ne peut être retenue pour fixer la date de référence au sens de l'article L. 213-4 a du code de l'urbanisme, même si le périmètre de la zone dans laquelle est située la parcelle expropriée est lui-même modifié.

7. En l'espèce, dans la mesure où la 9ème modification du Plan local d'urbanisme mentionnée par la société InCité, opposable aux tiers le 10 mars 2020 -soit antérieurement au jugement déféré-, n'a pas affecté les caractéristiques de la zone UP2 [Localité 12]/ville de pierre, au sein de laquelle se situe l'immeuble litigieux, la cour confirmera la décision du premier juge qui a fixé au 24 février 2017 la date de référence relative au bien litigieux, soit la date à laquelle a été rendue opposable aux tiers la révision du PLU de [Localité 12] Métropole approuvée le 16 décembre précédent.

3. Sur la consistance du bien et son usage effectif

8. Le juge de l'expropriation, qui s'est transporté sur les lieux, décrit ainsi le bien de Mme [O] :

« L'immeuble, qui comprend plusieurs bâtiments, est situé dans le quartier [Localité 16], secteur mixte recherché d'habitat et de petits commerces d'immeubles en pierre, desservi par le réseau de bus, à environ 600 mètres de [Adresse 14] et 1 kilomètre de la gare [15], dans une rue à sens unique avec piste cyclable.

Le bâtiment A sur rue, construit à la fin du XIXe siècle en R+l sur sous-sol partiel, présente une façade en pierre en bon état, un peu abîmée sur le bas à droite, avec une porte d'entrée en bois à double battant et imposte vitrée, une porte de cave en métal, une fenêtre au rez-de-chaussée et deux fenêtres à l'étage avec garde-corps métallique, toutes en menuiserie PVC avec volets en bois ; quelques fils électriques courent sur la façade. Le couloir au rez-de-chaussée présente un sol en carrelage, des murs en ciment et un plafond peints, avec traces d'humidité sur le côté gauche du mur, et des éclairages en plafond avec détecteur de mouvements. Un escalier en pierre comportant plusieurs marches abîmées, avec une rambarde en fer forgé et bois, mène à un palier carrelé, les murs de la cage d'escalier sont en crépit peint, plusieurs réseaux sont apparents.

Une cour au sol en béton abîmé et présentant en hauteur des tuyaux et des câbles apparents permet d'accéder aux bâtiments B et C à l'arrière.

Le lot n°4 de copropriété consiste en un appartement situé au premier étage du bâtiment A.

A l'entrée, avec interphone et tableau électrique, un mur présente une fissure ; la pièce principale, qui comporte un coin cuisine avec un évier en aluminium, une hotte et un cumulus électrique, est éclairée par deux fenêtres à deux vantaux et double vitrage sur la rue orientée au Sud, le sol est en parquet flottant, les plinthes en bois peint, les murs crépis et le plafond peint, un radiateur électrique est présent ; un puits de jour a été obturé. A l'entrée à droite, une porte avec imposte en verre cathédrale ouvre sur la salle de bain au sol carrelé avec WC, lavabo, baignoire et chauffage radiant, qui ne comporte pas de VMC ni d'ouverture ; des fils électriques non sécurisés sont apparents au plafond. L'ensemble est en état d'usage.»

4. Sur l'indemnisation de Mme [O]

9. La société InCité discute les éléments de comparaison retenus par le premier juge et lui fait grief de ne pas avoir appliqué un abattement pour occupation.

10. A.] L'appelante réclame, pour la première fois en appel, la déduction des coûts liés à l'opération de restauration immobilière qu'elle évalue à la somme de 41.958 euros.

A cet égard, elle a produit en annexe de sa note en délibéré du 4 juin 2024 divers documents relatifs à ses échanges avec plusieurs propriétaires de biens situés au [Adresse 8] ainsi qu'un 'acte décisionnel' en date du 19 juin 2019 par lequel une agence immobilière s'engage au nom du syndicat des copropriétaires du [Adresse 8] à réaliser des travaux.

11. Il n'est cependant pas versé un procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires portant sur l'adoption de travaux sur les parties communes qui engagerait Mme [O] antérieurement au 9 septembre 2021, date du transfert de la propriété du lot n°4 prononcé par le jugement déféré.

Dès lors, il n'y a pas lieu de prendre en considération les coûts liés à l'opération de restauration immobilière dans l'évaluation de l'indemnisation revenant à Mme [O].

12. B.] La société InCité demande à la cour d'appliquer un abattement de 20 % sur la valeur du bien litigieux, pourcentage qui serait habituellement retenu par les juridictions. Elle rappelle que l'expropriant est débiteur d'une obligation de relogement notamment dans le cadre d'une opération de restauration immobilière en vertu des articles L.314-1 et suivants du code de l'urbanisme.

13. Le commissaire du gouvernement considère que, en l'espèce, un abattement pour occupation n'est pas justifié, les conditions de départ du locataire de Mme [O] n'étant pas définies. Il ajoute que le fait qu'un immeuble destiné à la location soit loué ne constitue pas un élément de moins-value.

14. Sur ce point, la cour fait siennes les observations du commissaire du gouvernement et adopte les motifs du premier juge selon lesquels un immeuble acquis pour être affecté à un usage locatif ne peut subir une décote particulière de valeur parce qu'il est donné en location, aucun élément n'étant par ailleurs produit en ce qui concerne l'évolution prévisible de la location consentie par Mme [O].

C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le juge de l'expropriation n'a pas fait de distinction, dans l'examen des termes de comparaison proposés, entre les cessions de biens occupés et celles de bien libres d'occupation.

15. C.] Outre les termes de comparaison déjà proposés en première instance, la société InCité mentionne également deux termes supplémentaires situés respectivement [Adresse 11] et [Adresse 6], ayant fait l'objet de cessions en décembre 2017 et mars 2020.

16. Egalement, le commissaire du gouvernement présente trois nouveaux termes situés [Adresse 5], [Adresse 9] et [Adresse 10], qui ont fait l'objet de cessions en novembre 2020, septembre 2021 et décembre 2020.

17. La surface, l'état et la situation des termes de comparaison ainsi proposés permettent de retenir celui de la [Adresse 17] et les trois termes du commissaire du gouvernement.

Le prix moyen au mètre carré de ces quatre cessions est de 3766 euros/m².

18. Les termes retenus à juste titre par le premier juge comme présentant une surface et un état comparables au bien exproprié et se situant dans un secteur proche mettent en évidence un prix moyen de 3839 euros/m².

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnité principale revenant à Mme [O] à la somme de 3.800 euros/m², soit 141.664 euros pour un appartement de 37,28 m² et, en conséquence, l'indemnité de remploi à la somme arrondie de 15.166 euros.

La société InCité, succombante principale, sera condamnée au paiement des dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

Dans les limites de sa saisine,

Déclare irrecevables les conclusions et pièces de Madame [V] [O],

Confirme le jugement prononcé le 9 septembre 2021 par le juge de l'expropriation de la Gironde,

Y ajoutant,

Condamne la société anonyme d'économie mixte InCité Bordeaux Métropole Territoires à payer les dépens de l'appel.

L'arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, Président et par François CHARTAUD, Greffier, auquel a été remis la minute signée de la décision.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre expropriations
Numéro d'arrêt : 22/01358
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;22.01358 ?
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